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13/12/2022 | FRANCE | N°20BX03099

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 13 décembre 2022, 20BX03099


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Axima concept a demandé au tribunal administratif de La Réunion de condamner la région Réunion à lui verser une somme de 68 118, 93 euros HT, au titre du solde du lot n° 16 " climatisation - ventilation - désenfumage " du marché de travaux ayant pour objet la restructuration et l'extension de l'Hôtel de région, et une somme de 756 900 euros HT, au titre des surcoûts occasionnés par le prolongement de la durée des travaux, lesdites sommes devant être assorties des intérêts moratoires au

taux de la BCE augmenté de 7 points en vertu de l'article 7.3 du cahier des clau...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Axima concept a demandé au tribunal administratif de La Réunion de condamner la région Réunion à lui verser une somme de 68 118, 93 euros HT, au titre du solde du lot n° 16 " climatisation - ventilation - désenfumage " du marché de travaux ayant pour objet la restructuration et l'extension de l'Hôtel de région, et une somme de 756 900 euros HT, au titre des surcoûts occasionnés par le prolongement de la durée des travaux, lesdites sommes devant être assorties des intérêts moratoires au taux de la BCE augmenté de 7 points en vertu de l'article 7.3 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP).

Par un jugement n° 1800215 du 16 juin 2020, le tribunal administratif de La Réunion a condamné la région Réunion à verser à la société Axima concept la somme de 68 118,93 euros HT au titre du solde du marché, assortie des intérêts moratoires au taux de la BCE augmenté de 7 points, et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 14 septembre 2020, la société Axima concept, représentée par Me Mouriesse, demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 3 du jugement du 16 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) de fixer le montant du décompte général à la somme totale de 825 019, 93 euros incluant le montant des préjudices subis à hauteur de 756 900 euros et le montant du solde du marché à hauteur de 68 119, 93 euros ;

3°) de condamner la région Réunion à lui verser, au titre des préjudices subis, une somme de 756 900 euros HT assortie des intérêts moratoires prévus à l'article 6.3 du CCAP d'un montant de 45 492, 13 euros, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard, et de la capitalisation de ces intérêts ;

4°) de mettre à la charge de la région Réunion une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité contractuelle de la région Réunion est engagée à son égard du fait de l'allongement du délai d'exécution du marché de 30 mois et 7 jours, cet allongement considérable trouvant son origine dans les fautes commises par ce maître d'ouvrage dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction ;

- les travaux supplémentaires qui ont consisté en un remplacement de pièces, des modifications sur la pyramide, des rajouts de pièces non prévues et un raccordement de la climatisation ont été rendus nécessaires par un défaut de conception imputable au maître d'ouvrage ;

- la conception défaillante du marché avait été relevée dans le cadre de réserves qu'elle avait faites avant le mois de janvier 2014 relativement au décalage du démarrage de ses travaux par rapport au planning contractuel ; les difficultés d'exécution ont été à de nombreuses reprises signalées entre 2012 et 2015 au maître d'œuvre qui n'a pas mis en œuvre ses pouvoirs de contrôle et de direction pour remédier à la désorganisation du chantier et à l'allongement de la durée des travaux en résultant ;

- en décidant de prononcer la réception des ouvrages à la date du 6 octobre 2016 alors que la réception aurait pu intervenir en juin 2016, la région Réunion a maintenu illégalement le lien contractuel, entravant ainsi l'initiation de la procédure de règlement du solde du marché ;

- le projet d'avenant n° 7 lui proposant de contractualiser la durée d'allongement du chantier, qui doit être apprécié à l'aune de la loi n° 2019-486 qui interdit la pratique consistant à ne pas rémunérer les travaux supplémentaires demandés, ne motive pas l'allongement du délai d'exécution par des fautes identifiées ou par des travaux supplémentaires détaillés ; il traduit l'admission de sa faute par le maître d'ouvrage ;

- conformément à ce qu'elle a indiqué dans son mémoire en réclamation, les surcoûts relatifs à la prolongation des délais s'élèvent à la somme de 72 000 euros HT, ceux relatifs à la perte de productivité s'élèvent à la somme de 195 750 euros HT, les surcoûts relatifs à la non couverture des frais généraux et à la perte de marge de trésorerie s'élèvent aux sommes de 417 725, 27 euros et de 52 780, 90 euros, les frais de stockage sont d'un montant total de 18 643, 90 euros.

Par un mémoire, enregistré le 13 juin 2022, la région Réunion, représentée par Me Zimmer, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 500 euros soit mise à la charge de la société Axima concept sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... A...,

- les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique,

- et les observations de Me Le Mercier représentant la société Axima concept et de Me Huck pour la région Réunion.

Considérant ce qui suit :

1. En 2011, la région Réunion a lancé un projet de restructuration et d'extension de l'Hôtel de région dans le cadre duquel elle a conclu un marché de travaux divisé en 19 lots. Le lot n° 16 " climatisation - ventilation - désenfumage " a été attribué à la société Icart, devenue Axima concept, par acte d'engagement du 5 août 2016. Le 28 février 2017, les travaux ont été réceptionnés avec effet au 6 octobre 2016, la zone ouest du bâtiment annexe ayant seule fait l'objet d'une réserve partielle. Le 11 avril 2017, la société Axima a sans succès adressé au maître d'ouvrage et au maître d'œuvre, en même temps que son projet de décompte final, un mémoire en réclamation tendant au paiement d'une somme de 68 118,93 euros HT au titre du solde du marché et d'une somme de 756 900 euros HT au titre des surcoûts occasionnés par le prolongement de la durée des travaux. Par un jugement du 16 juin 2020, le tribunal administratif de La Réunion a condamné la région Réunion à verser à la société Axima concept la somme de 68 118, 93 euros HT au titre du solde du marché, assortie comme demandé des intérêts moratoires au taux de la BCE augmenté de 7 points, et a rejeté le surplus de sa demande qui tendait, d'une part, à la fixation du montant du décompte général à la somme totale de 825 019, 93 euros incluant le montant des préjudices subis du fait de l'allongement de la durée d'exécution du chantier à hauteur de 756 900 euros et le montant du solde du marché à hauteur de 68 119, 93 euros et, d'autre part, à la condamnation de la région Réunion à lui verser ladite somme. La société Axima concept relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.

Sur la responsabilité contractuelle de la région Réunion :

2. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.

3. En premier lieu, la société Axima concept soutient que la région Réunion a commis une faute en lui demandant de réaliser des travaux supplémentaires, rendus nécessaires selon l'appelante par les défaillances de la collectivité maître d'ouvrage dans la conception du marché, sans pour autant allonger la durée d'exécution des travaux.

4. Il résulte de l'instruction que l'avenant n° 6 au marché, signé le 7 mars 2017 entre la société Axima concept et la région Réunion, a introduit sept modifications consistant au remplacement de trois moteurs et d'une platine, à des modifications de deux pyramides, à un rajout de cartouche coupe-feu, à un raccordement de climatisation existante, au rajout de deux cassettes et au déplacement de clapets coupe-feu. S'il ressort de cet avenant qu'il n'a pas eu d'incidence temporelle sur les délais du marché qui est alors resté fixé à la durée d'exécution de 26 mois initialement prévue, la société Axima concept, qui se plaint au contraire de l'allongement de la durée globale des travaux, n'apporte aucun élément de nature à établir qu'elle n'aurait pu réaliser les modifications mineures introduites par l'avenant n° 6 dans le délai imparti à cet effet. Dans ces conditions, et alors au surplus qu'elle n'établit pas davantage que le respect du délai d'exécution des travaux supplémentaires lui aurait causé un quelconque préjudice, aucune faute du maître d'ouvrage ne peut être retenue.

5. En deuxième lieu, la société Axima concept soutient que la région Réunion a commis une faute dans l'exercice de ses pouvoirs de direction et de contrôle du marché dès lors que le planning de travaux initialement arrêté a subi des modifications successives qui ont eu pour conséquence d'allonger de 30 mois et 7 jours la durée globale des travaux, ainsi portée à 56 mois et 7 jours, alors qu'elle avait initialement été fixée à 26 mois.

6. D'une part, il résulte de l'instruction que la société Axima concept a signé le 3 juin 2020 un avenant n° 7 au marché ayant pour objet de prolonger le délai d'exécution des travaux de 30 mois et 7 jours, portant ainsi la durée globale d'exécution des travaux à 56 mois et 7 jours " en raison des défaillances d'entreprises et de la réalisation de travaux supplémentaires ". Si la société Axima concept a accepté cette prolongation sans réserve et sans aucune contrepartie financière sur le montant du marché, elle ne saurait pour autant être regardée comme ayant renoncé à rechercher la responsabilité contractuelle de la région Réunion pour des fautes en lien avec l'allongement de la durée des travaux.

7. D'autre part, alors que la société Axima concept se borne à invoquer la désorganisation du chantier ayant selon elle engendré des surcoûts notamment liés au stockage du matériel et à la mobilisation des moyens humains, il ne résulte pas de l'instruction que cette situation aurait pour origine des fautes commises par le maître d'ouvrage dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché. La circonstance que la région n'aurait pas apporté de réponse aux courriers que la société Axima concept lui a adressés pour l'alerter des difficultés liées aux modifications successives des plannings d'intervention des différentes entreprises ne révèle pas l'existence d'une faute du maître d'ouvrage dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que la maîtrise d'œuvre chargée de la mission OPC (ordonnance, pilotage et coordination) n'aurait pas régulièrement établi des nouveaux plannings d'exécution.

8. En troisième lieu, la société Axima concept se plaint du caractère tardif de la réception des ouvrages fixée à la date du 6 octobre 2016. En se bornant à soutenir que la réception pouvait intervenir dès le mois de juin précédent, elle n'établit pas que la région Réunion aurait maintenu artificiellement le lien contractuel et ainsi commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

9. Il résulte de ce qui précède que, en l'absence de faute, c'est à bon droit que le tribunal administratif de La Réunion a jugé que la responsabilité contractuelle de la région Réunion n'était pas engagée à l'égard de la société Axima concept et a, en conséquence, rejeté la demande d'indemnisation des préjudices allégués.

Sur le solde du marché :

10. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents qu'il n'y a pas lieu d'inscrire au crédit de la société Axima concept, titulaire du lot n° 16 du marché litigieux, la somme supplémentaire demandée au titre des préjudices qu'elle aurait subis en raison de l'allongement de la durée d'exécution du chantier. Les conclusions de la société Axima concept tendant à l'établissement et à la fixation du décompte général et définitif à la somme totale de 825 019, 93 euros, incluant le montant des préjudices subis à hauteur de 756 900 euros, ont ainsi été à bon droit rejetées par les premiers juges.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la société Axima concept n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté le surplus de sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Axima concept, au titre de ces mêmes dispositions, le versement à la région Réunion d'une somme de 1 500 euros.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Axima concept est rejetée.

Article 2 : La société Axima concept versera une somme de 1 500 euros à la région Réunion au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Axima concept et à la région Réunion.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Florence Demurger, présidente,

Mme Karine Butéri, présidente-assesseure,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 décembre 2022.

La rapporteure,

Karine A...

La présidente,

Florence Demurger

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au préfet de La Réunion en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20BX03099


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX03099
Date de la décision : 13/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme DEMURGER
Rapporteur ?: Mme Karine BUTERI
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : SELARL SOLER-COUTEAUX / LLORENS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-12-13;20bx03099 ?
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