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16/12/2022 | FRANCE | N°20BX00499

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 16 décembre 2022, 20BX00499


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Cotonnière de la Guyane a demandé au tribunal administratif de la Guyane de dire et juger que l'acte de vente du 14 et 17 mars 1988 conclu entre la commune de Matoury et la région de la Guyane est dépourvu d'objet et sans cause, ne peut constituer un titre au sens de l'article 2272 du code civil, et lui est inopposable, de dire et juger qu'elle est propriétaire de la parcelle cadastrée section AE n° 211 et est à ce titre fondée à y exercer une action en revendication, de dire et juger que cette re

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Cotonnière de la Guyane a demandé au tribunal administratif de la Guyane de dire et juger que l'acte de vente du 14 et 17 mars 1988 conclu entre la commune de Matoury et la région de la Guyane est dépourvu d'objet et sans cause, ne peut constituer un titre au sens de l'article 2272 du code civil, et lui est inopposable, de dire et juger qu'elle est propriétaire de la parcelle cadastrée section AE n° 211 et est à ce titre fondée à y exercer une action en revendication, de dire et juger que cette restitution n'est pas impossible et de dire et juger que l'effet principal de l'aboutissement de la revendication est l'obligation par le détenteur de restituer l'immeuble au propriétaire, et d'ordonner la restitution de cette parcelle sur le fondement des articles 526 et 711 du code civil.

Par un jugement n° 1800227 du 12 décembre 2019, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 12 février 2020 et le 9 mars 2021, la SAS Cotonnière de la Guyane, représentée par Me Cazin, demande à la cour :

1°) de surseoir à statuer " dans l'attente de l'action de l'inscription de faux dirigée contre l'acte notarié des 14 et 17 mars 1988 " ;

2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guyane du 12 décembre 2019 ;

3°) de faire droit à ses conclusions de restitution ;

4°) de mettre à la charge de la collectivité territoriale de la Guyane la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le mémoire en défense de la collectivité territoriale de la Guyane ne lui a pas été communiqué, en méconnaissance du principe du contradictoire ;

- la juridiction administrative n'est pas compétente en ce qui concerne les conclusions aux fins de revendication ;

- en vertu de l'autorité de la chose jugée s'attachant à l'arrêt de la cour d'appel de Cayenne du 9 novembre 2015, la commune de Matoury est réputée n'avoir jamais été la propriétaire de la parcelle cadastrée section AE n° 211 ; ainsi, la collectivité territoriale de la Guyane n'a pas pu l'acquérir auprès de la commune ;

- la parcelle cadastrée section AE n° 211 ayant été divisée en deux parcelles, elle pouvait obtenir la restitution de la parcelle d'une superficie de 270 951 mètres carrés libre de tout équipement ou ouvrage public ;

- il existe une contradiction entre l'article 2 et les motifs du jugement attaqué.

Par un mémoire enregistré le 29 mai 2020, la commune de Matoury, représentée par Me Desforges, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de la SAS Cotonnière de la Guyane la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens de la SAS Cotonnière de la Guyane ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 septembre 2020, la collectivité territoriale de la Guyane, représentée par Me Lingibé, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de la SAS Cotonnière de la Guyane la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'annulation de l'acte de vente conclu entre la commune de Matoury et la collectivité territoriale de la Guyane et la question de la propriété de la parcelle cadastrée section AE n° 211 ne relèvent pas de la compétence du juge administratif ;

- les moyens de la SAS Cotonnière de la Guyane ne sont pas fondés.

Par un courrier du 18 octobre 2022, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité de la demande de la SAS Cotonnière de la Guyane, qui ne tend ni à l'annulation d'une décision ni au paiement d'une somme d'argent en méconnaissance de l'article R. 421-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... A...,

- et les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public.

Une note en délibéré présentée par Me Cazin, pour la SAS Cotonnière de la Guyane a été enregistrée le 6 décembre 2022.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Cotonnière de la Guyane a demandé au tribunal administratif de la Guyane de prononcer la restitution de la parcelle cadastrée section AE n° 211 appartenant à la collectivité territoriale de la Guyane. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, il ressort des visas du jugement attaqué que le premier mémoire en défense de la collectivité territoriale de la Guyane a été enregistré par le greffe du tribunal administratif de la Guyane le 18 novembre 2019, soit postérieurement à la clôture de l'instruction intervenue trois jours francs avant la date de l'audience en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative. Si ce mémoire n'a pas été communiqué à la SAS Cotonnière de la Guyane, il résulte des motifs du jugement attaqué que le tribunal administratif de la Guyane ne s'est pas fondé sur les éléments contenus dans ce mémoire pour rejeter la demande de la SAS Cotonnière de la Guyane. Ainsi, le principe du contradictoire n'a pas été méconnu par les premiers juges. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait irrégulier pour ce motif doit être écarté.

3. En deuxième lieu, les premiers juges se sont bornés à répondre à l'argumentation de la société concernant les conséquences à tirer de l'arrêt de la cour d'appel de Cayenne du 9 novembre 2015 se prononçant sur la résolution de la vente conclue le 29 février 1988 entre la SAS Cotonnière de la Guyane et la commune de Matoury. Contrairement à ce que soutient la requérante, ils ne se sont pas prononcés sur l'issue à donner à l'action en revendication de la parcelle. Par suite, le jugement n'est pas irrégulier sur ce point.

4. Enfin, après avoir affirmé dans ses motifs qu'il n'y avait pas lieu de mettre à la charge de la SAS Cotonnière de la Guyane une somme de 1 200 euros à verser à la commune de Matoury au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal administratif de la Guyane a, dans le dispositif de son jugement, mis à la charge de la SAS Cotonnière de la Guyane une somme de 1 200 euros à verser à la commune de Matoury sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ainsi, ce jugement, en tant qu'il a statué sur les frais d'instance, comporte une contrariété entre ses motifs et son dispositif et doit, pour ce motif et dans cette mesure, être annulé.

5. Il y a lieu pour la cour administrative d'appel de se prononcer immédiatement sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par voie d'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions de la requête.

Sur la recevabilité de la demande de la SAS Cotonnière de la Guyane :

6. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa version applicable à la date de l'enregistrement de la demande de la SAS Cotonnière de la Guyane au greffe du tribunal administratif de la Guyane : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle ".

7. La demande de la SAS Cotonnière de la Guyane tend à ce que la restitution de la parcelle cadastrée section AE n° 211 soit prononcée. Cependant, elle ne verse au dossier aucune décision par laquelle la collectivité territoriale de la Guyane aurait refusé de lui restituer la parcelle ni aucune demande qu'elle lui aurait faite en sens, le courrier du 29 janvier 2018 adressé au président de cette collectivité n'ayant pas cet objet. Dans ces conditions, la demande présentée par la SAS Cotonnière de la Guyane, qui ne tend ni à l'annulation d'une décision, ni au paiement d'une somme d'argent, est, en application des dispositions de l'article R. 421-1 citées ci-dessus, irrecevable.

8. Il résulte de ce qui précède que la SAS Cotonnière n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions aux fins de restitution de la parcelle cadastrée section AE n° 211.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées en première instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la collectivité territoriale de la Guyane, qui n'est pas la partie perdante en première instance, la somme que demande la SAS Cotonnière de la Guyane sur le fondement de cet article. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la SAS Cotonnière de la Guyane la somme que demande la commune de Matoury au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la collectivité territoriale de la Guyane, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel du litige, la somme que la SAS Cotonnière de la Guyane demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SAS Cotonnière de la Guyane une somme 1 500 euros à verser à la collectivité territoriale de la Guyane, en application de ces mêmes dispositions. Enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SAS Cotonnière de la Guyane une somme à verser à la commune de Matoury sur le fondement de cet article.

DECIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de la Guyane est annulé.

Article 2 : La demande tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentée devant le tribunal administratif de la Guyane par la SAS de la Guyane et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : La demande tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentée par la commune de Matoury devant le tribunal administratif de la Guyane et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 4 : La SAS Cotonnière de la Guyane versera à la collectivité territoriale de la Guyane une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Cotonnière de la Guyane, à la collectivité territoriale de la Guyane et à la commune de Matoury.

Délibéré après l'audience du 1er décembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 décembre 2022.

La rapporteure,

Charlotte A...La présidente,

Marianne Hardy

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au préfet de la Guyane en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX00499 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00499
Date de la décision : 16/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Charlotte ISOARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : SARL CAZIN MARCEAU AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-12-16;20bx00499 ?
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