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16/12/2022 | FRANCE | N°22BX01766

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 16 décembre 2022, 22BX01766


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 décembre 2021 par lequel la préfète de la Charente a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2200329 du 31 mai 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3

0 juin 2022, M. A..., représenté par Me Coustenoble, demande à la cour :

1°) de lui accorder le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 décembre 2021 par lequel la préfète de la Charente a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2200329 du 31 mai 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 juin 2022, M. A..., représenté par Me Coustenoble, demande à la cour :

1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitier du 31 mai 2022 ;

3°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Charente du 28 décembre 2021 ;

4°) d'enjoindre à la préfète de la Charente, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, dans l'attente, de lui délivrer un récépissé autorisant le séjour et le travail ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 300 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur l'arrêté dans son ensemble :

- il est entaché d'un défaut de motivation ;

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

- sa situation personnelle n'a pas fait l'objet d'un examen approfondi ;

- elle a été prise au terme d'une procédure irrégulière, à défaut pour la préfète de la Charente de justifier de la régularité de la procédure suivie par le collège de médecins de l'OFII, conformément aux articles R. 425-11 à R. 425-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce qui concerne la présence du médecin rapporteur au sein de collège, l'authenticité des signatures de ses membres, les informations sur lesquelles il s'est fondé et le caractère complet de cet avis ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée à la préfète de la Charente qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par ordonnance du 28 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 17 novembre 2022 à 12h00.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... B..., a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant guinéen né le 16 avril 1989, déclare être entré en France le 1er août 2018. Il a présenté une demande d'asile le 4 septembre 2018, qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 28 juin 2019 et de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 16 septembre 2020. Il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale " en raison de son état de santé. Par un arrêté du 28 décembre 2021, la préfète de la Charente a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du 31 mai 2022 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Par une décision n° 2022/016917 du 8 décembre 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. A.... Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de statuer sur sa demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle

Sur la légalité de la décision attaquée :

3. En premier lieu, M. A... reprend en appel les moyens, déjà soulevés en première instance, tirés, pour l'arrêté pris dans son ensemble, du défaut de motivation et, pour la décision valant refus de séjour, du défaut d'examen de sa situation personnelle et de la méconnaissance des dispositions des articles R. 425-11 à R. 425-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé ".

5. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

6. Dans son avis du 7 juin 2021, le collège de médecins de l'OFII a estimé que si l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale, le défaut de celle-ci ne devrait pas avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Pour contredire cet avis, M. A... produit des résultats médicaux indiquant qu'il souffre d'une hépatite B et des prescriptions pour différents examens dans le cadre de son suivi médical en France. Il produit également une attestation d'un médecin du centre hospitalo-universitaire de Conakry en date du 18 janvier 2018 évoquant son état de santé et les difficultés à traiter cette pathologie en Guinée et une attestation d'une médecin infectiologue de l'hôpital d'Angoulême indiquant que la pathologie chronique dont il souffre nécessite un suivi médical continu. Toutefois, ces éléments, qui n'apportent pas de précisions sur les conséquences d'un défaut de prise en charge de l'état de santé de M. A..., ne permettent pas de contredire utilement l'avis du collège de médecins de l'OFII. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. M. A... fait valoir qu'il réside depuis plus de trois ans en France, où se situe désormais selon lui le centre de ses intérêts privés et familiaux. Toutefois, sa présence sur le territoire français demeure récente à la date de l'arrêté contesté. De plus, en se bornant à soutenir, sans le démontrer, qu'il vit en concubinage avec une femme qui est enceinte de leur enfant, il ne justifie pas d'une intégration particulière dans la société française malgré les efforts qu'il a fournis en ce sens, notamment en s'impliquant dans un club de football. Par ailleurs, M. A... n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales en Guinée, où résident ses deux enfants ainsi que leur mère, et où il a lui-même vécu jusqu'à l'âge de 29 ans. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du 28 décembre 2021 a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis au sens des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

10. Si M. A... soutient que son retour en Guinée l'exposerait personnellement au risque de subir des traitements inhumains et dégradants en raison de l'aide qu'il a apportée à un parti politique, il n'apporte aucun élément nouveau de nature à infirmer l'appréciation des premiers juges, qui ont relevé à juste titre que la demande d'asile de l'intéressé a été rejetée par une décision de l'OFPRA, confirmée par la CNDA, en raison de l'approximation de son récit et qu'il ne produisait pas d'éléments complémentaires susceptibles de justifier la réalité de ses affirmations. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 décembre 2021 de la préfète de la Charente. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de Mme D... tendant à son admission à l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie sera adressée à la préfète de la Charente.

Délibéré après l'audience du 6 décembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 décembre 2022.

La présidente-assesseure,

Bénédicte MartinLa présidente-rapporteure,

Evelyne B... La greffière,

Caroline Brunier La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX01766


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01766
Date de la décision : 16/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Evelyne BALZAMO
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : COUSTENOBLE ARNAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-12-16;22bx01766 ?
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