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22/12/2022 | FRANCE | N°20BX03058

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 22 décembre 2022, 20BX03058


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Sainte-Livrade-sur-Lot a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 21 juin 2018 par lequel la préfète de Lot-et-Garonne a autorisé la SAS Roussille à exploiter une carrière de matériaux alluvionnaire (carrière de la Lande Basse) aux lieux-dits " Flaman ", " Lande Basse " et " Comarque " sur le territoire de la commune de Sainte-Livrade-sur-Lot.

Par un jugement n°1804556 du 9 juillet 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 9 septembre 2020, 7 février et 9 mars...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Sainte-Livrade-sur-Lot a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 21 juin 2018 par lequel la préfète de Lot-et-Garonne a autorisé la SAS Roussille à exploiter une carrière de matériaux alluvionnaire (carrière de la Lande Basse) aux lieux-dits " Flaman ", " Lande Basse " et " Comarque " sur le territoire de la commune de Sainte-Livrade-sur-Lot.

Par un jugement n°1804556 du 9 juillet 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 9 septembre 2020, 7 février et 9 mars 2022, la commune de Sainte-Livrade-sur-Lot, représentée par Me Delbrel, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 9 juillet 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 21 juin 2018 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal ne s'est pas prononcé sur la deuxième branche du moyen tendant à démontrer l'insuffisance de l'analyse des impacts du projet sur les espèces faunistiques et floristiques ;

- les installations composées de trois groupes mobiles d'une puissance totale de 480 kw ayant vocation à traiter 45 000 tonnes de matériaux inertes par an, auxquels s'ajoutent les tapis convoyeurs et les aires de stockage pour une emprise totale de 4 000 m², présentent un caractère fixe et auraient dû faire l'objet d'un permis de construire ; le défaut de justificatif du dépôt de permis de construire constitue un vice substantiel entrainant l'annulation de l'arrêté contesté ;

- l'étude d'impact est insuffisante en ce qui concerne la prise en compte de la faune et de la flore ; c'est à tort que le tribunal a retenu que le partenariat entre la société pétitionnaire et l'association Sepanso constituait une circonstance permettant de considérer que l'inventaire bien que datant de 2015, apparaissait suffisant ; le recensement d'un certain nombre d'espèces et de leurs habitats ne suffit pas à démontrer le caractère suffisant de l'étude de l'état initial ; trois journées d'observation dont une en hiver, menées par deux intervenants, pour couvrir a minima 17 ha ne peut caractériser une étude sérieuse du milieu ; la méthodologie utilisée pour les inventaires de terrains reste très générale et approximative ; l'inventaire faune et flore souffre d'un manque d'actualisation des données ; les travaux de nivellement du sol, le talutage, le passage de tombereaux, la création de zones de dépôts temporaires ou l'édification et la destructions des merlons n'ont pas été pris en compte dans l'analyse des effets de l'exploitation sur les espèces présentes sur le site ; l'insuffisance de l'inventaire des espèces et de l'analyse du projet sur la faune et la flore entraine l'insuffisance des mesures d'évitement, de réduction et de compensation ;

- dans la mesure où l'insuffisance des mesures ERC ne permet pas d'éviter la destruction de certains spécimens d'espèces protégées, le pétitionnaire aurait dû solliciter une dérogation au titre de la législation sur les espèces protégées ;

- l'étude d'impact est insuffisante quant aux effets du projet sur l'hydrogéologie et la qualité des eaux ; alors que trois points de prélèvements ont été répertoriés à proximité du site, l'étude d'impact est lacunaire s'agissant des impacts de la gravière sur les eaux souterraines et superficielles tant du point de vue quantitatif que qualitatif ;

- le dossier de demande n'indique pas le volume total de matériaux de remblayage nécessaire pour combler les zones en eau actuelles et les terrains de l'extension, ni la surface à remblayer ;

- l'étude d'impact est insuffisante en l'absence de description des solutions de substitution ;

- le projet n'est pas compatible avec le schéma départemental des carrières ; la création d'un nouveau plan d'eau ne s'intègre pas dans un schéma global d'aménagement écologique ou de loisir ;

- l'arrêté contesté est illégal en tant qu'il ne comporte pas de dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces animales non domestiques et de leurs habitats, prévue à l'article L. 411-2 du code de l'environnement.

Par un mémoire enregistré le 19 janvier 2022, la société Carrières et Matériaux du Grand-Ouest, venant aux droits, à la suite d'une fusion-absorption du 16 février 2021, de la société Gaïa, elle-même venue au droits de la société Roussille, représentée par Me Defradas, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce qu'il soit sursis à statuer pour une durée de six mois afin de permettre la régularisation de l'autorisation et à la mise à la charge de la commune de Sainte-Livrade-sur-Lot d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens développés par l'association appelante ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés le 7 février et 9 mars 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens développés par l'association appelante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... A... ;

- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public ;

- et les observations de Me Delbrel, représentant la commune de Sainte-Livrade-sur-Lot.

Considérant ce qui suit :

1. Le 29 août 2006, la société Biancato Granulats a sollicité la délivrance d'une autorisation afin d'exploiter une carrière à ciel ouvert de sables et graviers sur le territoire de la commune de Sainte-Livrade-sur-Lot aux lieux-dits " Lande Basse ", " Lande Haute ", " Flaman " et " Comarque ". Par un arrêté du 5 octobre 2007, le préfet de Lot-et-Garonne a délivré l'autorisation sollicitée. La société Roussille a été autorisée, par un arrêté du préfet de Lot-et-Garonne du 18 juillet 2012, à exploiter la carrière en lieu et place de la société Biancato Granulats. Le 18 janvier 2016, la société Roussille a déposé une demande de renouvellement et d'extension de l'exploitation de cette carrière. Par un arrêté du 21 juin 2018, la préfète de Lot-et-Garonne a délivré l'autorisation demandée. Le préfet de Lot-et-Garonne a autorisé le changement d'exploitant au profit de la société Gaïa puis de la société Carrières et Matériaux du Grand-Ouest respectivement par un arrêté du 18 octobre 2018 et un arrêté du 12 mars 2021. La commune de Sainte-Livrade-sur-Lot relève appel du jugement du 9 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 21 juin 2018.

Sur la régularité du jugement :

2. Si la commune soutient que le tribunal ne s'est pas prononcé sur la deuxième branche du moyen tendant à démontrer l'insuffisance de l'analyse des impacts du projet sur les espèces faunistiques et floristiques, il ressort des termes du point 7 du jugement attaqué, que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments développés par les parties, et qui ont estimé que les mesures de protection mises en œuvre face aux risques de destruction des espèces à enjeux identifiées apparaissaient suffisantes, ont suffisamment répondu au moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact.

Sur la légalité de l'arrêté du 21 juin 2018 :

En ce qui concerne le caractère complet du dossier de demande d'autorisation :

3. Aux termes de l'article R. 512-4 du même code applicable en vertu du 2°) de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 : " La demande d'autorisation est complétée dans les conditions suivantes : / 1° Lorsque l'implantation d'une installation nécessite l'obtention d'un permis de construire, la demande d'autorisation doit être accompagnée ou complétée dans les dix jours suivant sa présentation par la justification du dépôt de la demande de permis de construire. L'octroi du permis de construire ne vaut pas autorisation au sens des dispositions du présent titre (...) ". Aux termes de l'article R. 512-46-6 du code de l'environnement : " La demande d'enregistrement est complétée dans les conditions suivantes : / 1° Lorsque l'implantation d'une installation nécessite l'obtention d'un permis de construire, la demande d'enregistrement doit être accompagnée ou complétée dans les dix jours suivant sa présentation par la justification du dépôt de la demande de permis de construire. L'octroi du permis de construire ne vaut pas enregistrement au sens des dispositions de la présente section (...) ". Aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme : " Les constructions, même ne comportant pas de fondations, doivent être précédées de la délivrance d'un permis de construire (...) ". Aux termes de l'article R. 421-2 du même code : " Sont dispensées de toute formalité au titre du présent code, en raison de leur nature ou de leur très faible importance, (...) : / a) Les constructions nouvelles répondant aux critères cumulatifs suivants : / -une hauteur au-dessus du sol inférieure ou égale à douze mètres ; / -une emprise au sol inférieure ou égale à cinq mètres carrés ; / -une surface de plancher inférieure ou égale à cinq mètres carrés (...) ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Sont dispensées de toute formalité au titre du présent code, en raison de la faible durée de leur maintien en place ou de leur caractère temporaire compte tenu de l'usage auquel elles sont destinées, les constructions implantées pour une durée n'excédant pas trois mois (...) ".

4. D'une part, la commune de Sainte-Livrade-sur-Lot ne peut utilement se prévaloir du moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 512-46-6 du code de l'environnement qui est applicable aux installations soumises à enregistrement et non aux installations soumises à autorisation.

5. D'autre part, il résulte de l'instruction et notamment du dossier de demande que le traitement des matériaux inertes valorisables en granulats sera assuré par des installations de concassage-criblage qui seront présentes sur le site pendant deux campagnes annuelles d'une durée de l'ordre de deux mois chacune, ainsi que les tapis transporteurs. Si, en dehors de ces périodes de fonctionnement, les installations pourront se trouver sur le site, dans l'attente de leur transport sur une autre carrière, ces engins de chantiers sont mobiles et ne peuvent être regardées comme des constructions ou des ouvrages au sens de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme. En outre, il ne résulte pas de l'instruction que l'aire de stationnement de ces engins, ou la station de transit positionnée sur la partie est de la parcelle de l'extension cadastrée sous le n°79p sur les terrains remblayés de la carrière autorisée, qui ne sont ni closes, ni couvertes, reposeraient sur une dalle de béton ou auraient nécessité des travaux de gros-œuvre ou de superstructures. Ainsi, ces aires de stationnement et de stockage ne sont pas soumises à l'obtention d'un permis de construire. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que les tapis transporteurs seraient, par leurs caractéristiques, soumises à la délivrance d'un permis de construire. Par suite, le moyen tiré de ce que le dossier de demande aurait dû comporter la justification d'une demande de permis de construire conformément aux dispositions de l'article R. 512-46-6 du code de l'environnement doit être écarté.

En ce qui concerne le caractère suffisant de l'étude d'impact :

6. Aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement : " I. Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. / II. En application du 2° du II de l'article L. 122-3, l'étude d'impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d'incidences sur l'environnement qu'il est susceptible de produire : / 1° Un résumé non technique des informations prévues ci-dessous. Ce résumé peut faire l'objet d'un document indépendant ; / 2° Une description du projet (...) / 3° Une description des aspects pertinents de l'état actuel de l'environnement, dénommée "scénario de référence", et de leur évolution en cas de mise en œuvre du projet ainsi qu'un aperçu de l'évolution probable de l'environnement en l'absence de mise en œuvre du projet, dans la mesure où les changements naturels par rapport au scénario de référence peuvent être évalués moyennant un effort raisonnable sur la base des informations environnementales et des connaissances scientifiques disponibles ; / 4° Une description des facteurs mentionnés au III de l'article L. 122-1 susceptibles d'être affectés de manière notable par le projet : la population, la santé humaine, la biodiversité, les terres, le sol, l'eau, l'air, le climat, les biens matériels, le patrimoine culturel, y compris les aspects architecturaux et archéologiques, et le paysage ; / 5° Une description des incidences notables que le projet est susceptible d'avoir sur l'environnement résultant, entre autres : / a) De la construction et de l'existence du projet, y compris, le cas échéant, des travaux de démolition ; / b) De l'utilisation des ressources naturelles, en particulier les terres, le sol, l'eau et la biodiversité, en tenant compte, dans la mesure du possible, de la disponibilité durable de ces ressources ; / c) De l'émission de polluants, du bruit, de la vibration, de la lumière, la chaleur et la radiation, de la création de nuisances et de l'élimination et la valorisation des déchets ; / d) Des risques pour la santé humaine, pour le patrimoine culturel ou pour l'environnement (...) ; / f) Des incidences du projet sur le climat et de la vulnérabilité du projet au changement climatique ; / g) Des technologies et des substances utilisées (...) / 6° Une description des incidences négatives notables attendues du projet sur l'environnement qui résultent de la vulnérabilité du projet à des risques d'accidents ou de catastrophes majeurs en rapport avec le projet concerné. Cette description comprend le cas échéant les mesures envisagées pour éviter ou réduire les incidences négatives notables de ces événements sur l'environnement et le détail de la préparation et de la réponse envisagée à ces situations d'urgence ; / 7° Une description des solutions de substitution raisonnables qui ont été examinées par le maître d'ouvrage, en fonction du projet proposé et de ses caractéristiques spécifiques, et une indication des principales raisons du choix effectué, notamment une comparaison des incidences sur l'environnement et la santé humaine ; / 8° Les mesures prévues par le maître de l'ouvrage pour : /- éviter les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine et réduire les effets n'ayant pu être évités ; / - compenser, lorsque cela est possible, les effets négatifs notables du projet sur l'environnement ou la santé humaine qui n'ont pu être ni évités ni suffisamment réduits. S'il n'est pas possible de compenser ces effets, le maître d'ouvrage justifie cette impossibilité (...) / 9° Le cas échéant, les modalités de suivi des mesures d'évitement, de réduction et de compensation proposées (...) ".

7. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d'une étude d'impact ne sont susceptibles de vicier la procédure, et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette étude, que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative.

S'agissant des impacts du projet sur la faune et la flore :

8. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'afin de connaitre les sensibilités écologiques du site, diverses structures naturalistes et bases de données ont été consultées, l'ensemble des ouvrages et sites internet consulté ayant été listé en annexe de l'étude d'impact. En outre, trois campagnes de terrain naturalistes ont été effectuées sur l'ensemble de l'aire d'étude les 10 septembre 2014, 10 février 2015 et 6 mai 2015 qui ont permis d'identifier, au cours d'un cycle biologique représentatif, les différents habitats présentant des enjeux qualifiés de faibles et de recenser 150 espèces végétales et 119 espèces faunistiques, dont 71 espèces d'oiseaux, le statut de ces espèces étant mentionné dans une annexe jointe à l'étude d'impact. Si la commune fait valoir que de nombreuses espèces présentes au droit des terrains d'emprise du projet ont été ignorées, elle ne met en exergue que l'absence d'inventaire de la tulipe sauvage. Or, l'étude d'impact précise que si cette espèce n'a pas été observée sur les terrains du projet, la tulipe sauvage est potentiellement présente et considère que les enjeux sur cette espèce peuvent être qualifiés de forts. En outre, la commune soutient que la version de 2016 de la liste rouge des espèces menacées en France n'a pas été prise en compte, et que quatre espèces, le bruant des roseaux, le chevalier guignette, la fauvette pitchou et le moineau friquet, ont changé de statut de conservation passant de la catégorie " préoccupation mineure " à celle de " quasi menacée " ou " en danger ". Toutefois, l'étude d'impact précise que ces quatre espèces ne nichent pas sur les terrains d'emprise du projet, qualifie les enjeux régionaux et nationaux de ces espèces comme moyens à forts et considère les enjeux locaux comme " faibles à moyens " pour le bruant des roseaux et le moineau friquet et " moyens " pour le chevalier guignette et la fauvette pitchou. Par ailleurs, l'étude d'impact identifie ces quatre espèces comme présentant les enjeux avifaunistiques les plus importants. Il ne résulte pas de l'instruction que les mesures d'évitement et notamment la réalisation des travaux de décapage en période automnale ou hivernale exposées dans l'étude d'impact auraient été déterminées sans tenir compte de ces enjeux importants. Dès lors, l'absence d'actualisation de la liste rouge des espèces menacées n'a pas eu d'incidence sur le caractère suffisant de l'étude d'impact et n'a ainsi été de nature à nuire ni à l'information du public ni à celle de l'administration chargée d'instruire la demande. Alors même que les inventaires ont été réalisés en 2014 et 2015, il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que les données de l'étude d'impact auraient été incomplètes ou obsolètes. Par ailleurs, il ne résulte d'aucune disposition législative ou règlementaire que le pétitionnaire était tenu de préciser dans l'étude d'impact, les heures d'intervention et la localisation des stations d'échantillons. Enfin, contrairement à ce que soutient la commune, il résulte de l'instruction et notamment du guide méthodologique pour les inventaires faunistiques des espèces métropolitaines " terrestres " du Muséum national d'histoire naturelle, que la méthode des indices ponctuels d'abondance qui consiste en un échantillonnage par des sondages d'une durée de 20 minutes permet d'obtenir une bonne représentativité du cortège avifaunistique. Contrairement à ce que soutient la commune, l'étude d'impact qui précise les méthodologies suivies et mentionne au demeurant qu'elle a été réalisée selon le " Guide pour la prise en compte des milieux naturels dans les études d'impact " et la note sur " La biodiversité dans les études d'impact des projets et travaux d'aménagement / Réalisation du volet faune flore-habitat " réalisée par la DREAL Midi-Pyrénées (2009), contient une analyse suffisante de l'état initial du site du projet et de son environnement.

9. En deuxième lieu, l'aire d'étude comprend l'emprise de la carrière déjà autorisée par l'arrêté du 5 octobre 2007 d'une surface de 17 hectares ainsi que les terrains de l'extension du projet occupés principalement par des cultures représentant environ 3,7 hectares, les espaces directement concernés par le projet étant déjà très anthropisés. D'une part, l'étude d'impact différencie les impacts du projet sur les espèces faunistiques et floristiques en fonction de leur type et de leur durée (directs, indirects, permanents, temporaires) et les évalue selon leur importance. Elle précise que la destruction d'une espèce à enjeu par les engins de chantiers concerne surtout les espèces à mobilité lente comme le lézard des murailles ou les amphibiens, les oiseaux nicheurs, du fait de destructions du nid, et les plantes et conclut que les impacts potentiels, en l'absence de mesures de protection pourraient être faibles à moyens, voire moyens à forts pour les oiseaux. En outre, l'étude d'impact souligne que le changement d'occupation du sol sera néfaste pour le crapaud accoucheur, la grenouille agile, la grenouille rieuse et la grenouille verte qui ont été observés au niveau des plans d'eau résultant des extractions alors que, pour les autres espèces, les habitats alentours étant similaires à ceux des parcelles du projet, la faune s'y orientera afin d'y trouver des ressources et des refuges. Ainsi, contrairement à ce que soutient la commune, l'étude d'impact distingue les effets de l'exploitation en fonction des différentes espèces recensées sur le site. D'autre part, il résulte des mesures d'évitement prévues par l'étude d'impact que les travaux de décapage, d'aménagement et de remblaiement seront réalisés en période automnale ou hivernale (septembre-mars) pour limiter le dérangement de la faune présente et reproductrice sur le site et notamment sur les espèces à enjeu identifiées sur les terrains du projet. En outre, les travaux de remise en état et de remblaiement ne seront pas réalisés au droit des secteurs fréquentés par l'agrion mignon, le petit gravelot et chevalier guignette. Enfin, l'étude d'impact analyse les effets du projet sur les zones destinées à être remises en état, en indiquant notamment l'amélioration du potentiel d'accueil de la biodiversité du site par la création de plans d'eau et zones humides et l'offre d'habitats favorables à la nidification de certains oiseaux comme le petit gravelot et le bruant proyer par la création de zones ouvertes enherbées sur deux hectares aux abords du lac. Par suite, l'analyse des impacts du projet sur les espèces faunistiques et floristiques apparait suffisante et proportionnée au projet.

10. En troisième lieu, l'étude d'impact prévoit, pour limiter le dérangement de la faune présente et reproductrice sur le site, le respect d'un calendrier entre les mois de septembre et avril pour la réalisation des travaux de décapage, d'aménagement et de remblaiement. La seule circonstance que l'étude prévoit une possibilité de réaliser ces travaux en dehors de cette période ne suffit pas à caractériser l'insuffisance de cette mesure d'évitement dès lors qu'elle est conditionnée par la venue d'un écologue afin de préciser les enjeux des terrains concernés et la possibilité de réalisation des travaux. Au demeurant, le fait que des travaux de décapage auraient été réalisés en août 2020, après l'intervention de deux écologues préalablement aux travaux le 16 juillet 2020, en l'absence de porter à connaissance de l'inspection des installations classées, ne peut en tout état de cause traduire une insuffisance de l'étude d'impact. Si l'étude d'impact met en exergue le risque de destruction des espèces de reptiles ou amphibiens à mobilité lente, comme le lézard des murailles, et ne prévoit pas de mesures de compensation afin d'éviter la programmation de travaux lors de la période d'hibernation des reptiles, ces reptiles, dont les enjeux ont été qualifiés de faibles à moyens, ont été observés seulement en périphérie du site, au sein des zones plus mésophiles, seuls quelques lézards des murailles fréquentant les fronts en bordure du lac. Au vu de l'impact du réaménagement du site qui permettra la création d'habitats nécessaires au maintien des espèces protégées et le développement des espèces menacées en période d'exploitation, le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact en raison de l'absence de mesure de compensation doit être écarté.

S'agissant des impacts du projet sur l'hydrogéologie et la qualité des eaux :

11. En premier lieu, l'étude d'impact contient une partie relative à l'hydrogéologie et décrit les caractéristiques des eaux souterraines notamment la nappe libre des alluvions du Lot qui s'écoule du sud-est au nord-ouest et qui est drainée en aval par la rivière du Lot. Elle précise que les eaux souterraines se trouvent entre 2 et 6 m de profondeur, selon les secteurs et la saison, que la nappe présente une épaisseur de 2 à 3 m aux alentours du secteur et que la qualité des eaux de la nappe souterraine au niveau du secteur du projet est relativement bonne. Par ailleurs, l'étude d'impact prend en compte les impacts hydrogéologiques de la carrière, liés aux éventuels prélèvements et rejets dans la nappe, à la modification des conditions d'écoulement de la nappe dans l'emprise et aux abords des terrains et aux risques de diffusion de pollution accidentelle ou chronique. Si la commune fait valoir que l'étude hydrogéologique réalisée n'a pas été annexée à l'étude d'impact, les éléments de cette étude étaient repris dans l'étude d'impact. Il ne résulte pas de l'instruction que les éléments contenus dans l'étude d'impact relatifs à l'hydrogéologie, qui expliquent notamment que la création des plans d'eau, liée à l'extraction des sables et graviers, n'entrainera pas d'affaiblissement perceptible de la nappe en aval, seraient insuffisants afin d'apprécier les impacts du projet sur les eaux souterraines.

12. En deuxième lieu, l'étude d'impact comprend une partie intitulée " impacts des remblayages " qui expose les effets du remblayage des terrains extraits, constatés par la comparaison de la carte piézométrique du secteur représentative de la nappe des alluvions du Lot en septembre 2005 avec celle de 2015, notamment les modifications des conditions d'écoulement de la nappe. L'étude d'impact explique ces modifications d'une part, par le remblayage des terrains extraits qui a entraîné une diminution de la perméabilité du sous-sol traversé par la nappe, affaiblissant son écoulement, et d'autre part, par la présence du plan d'eau qui induit un phénomène de basculement de la surface libre du plan d'eau, perturbant localement le niveau de la nappe. L'étude d'impact détermine ensuite les matériaux qui serviront aux opérations de remblayage en fonction de leur perméabilité afin d'éviter la modification de la circulation des eaux souterraines. Elle prévoit ainsi le remblayage des secteurs en fond de fouille, avec des matériaux de découverte en mélange avec les matériaux inertes non valorisables composés de terres et cailloux, dont la perméabilité est de l'ordre de 10-4 m/s, dans la zone de circulation de la nappe, sur environ 3 m d'épaisseur et avec des particules fines résultant du lavage de sables et graviers en provenance du site de Lédat qui seront déposées en remblayage hors d'eau, c'est-à-dire au-dessus du niveau moyen des eaux souterraines, dont la perméabilité est de l'ordre de 10-6 m/s. Contrairement à ce que soutient la commune, l'étude d'impact a pris en compte les effets des matériaux de remblais afin de limiter les modifications des conditions d'alimentation de la nappe souterraine.

13. En troisième lieu, l'étude d'impact précise la provenance des déchets inertes utilisés pour les opérations de remblais, issus de chantiers de terrassement et de démolition du bâtiment et des travaux publics et prévoit une procédure d'admission et de contrôle des matériaux inertes, permettant d'identifier leur provenance précise renseignée dans les bordereaux de suivi établis par leur producteur. La localisation des terrains remblayés est précisée et il est prévu qu'un plan de gestion des déchets inertes et des terres non polluées, régulièrement actualisé, permettra de les localiser et d'en assurer la traçabilité. En outre, l'étude indique les volumes des matériaux inertes qui seront utilisés pour les opérations de remblais, de l'ordre de 20 000 t/an soit 13 000 m3 par an, pour un apport total de 155 000 m3, précise le code des matériaux utilisés en référence à la classification figurant en annexe II de l'article R. 541-8 du code de l'environnement, soit 17 05 04 pour les remblais, matériaux de découverte et terres et cailloux, et 20 02 02 pour les terres et pierres et rappelle qu'aucun déchet dangereux ou non inerte ne sera admis sur cette installation. Par suite, la commune n'est pas fondée à soutenir que l'étude d'impact serait insuffisante quant au contrôle du caractère dangereux des déchets admis en remblais.

14. En quatrième lieu, l'étude d'impact prend en compte la qualité des eaux et met en exergue les analyses effectuées en 2015 qui mesuraient le pH, la conductivité, la demande chimique en oxygène (DCO), les nitrates, les sulfates et les hydrocarbures totaux, et qui permettaient d'établir l'absence de pollution de la nappe. Alors même que les prélèvements dans les piézomètres sur les points n° 2 et n° 5 indiquaient de fortes valeurs, proches des valeurs maximales autorisées, concernant respectivement la conductivité et la DCO, il ne résulte pas de l'instruction que ces valeurs auraient été erronées ou obsolètes à la date du dépôt de la demande d'autorisation. Par ailleurs, la commune n'apporte pas d'éléments permettant d'estimer que l'exploitation de la carrière engendrerait une modification des paramètres fixés par l'arrêté du 17 décembre 2008 établissant les critères d'évaluation et les modalités de détermination de l'état des eaux souterraines et des tendances significatives et durables de dégradation de l'état chimique des eaux souterraines. En outre, l'étude d'impact souligne la présence de trois prises d'eau sur la rivière du Lot, deux ressources pour l'agroalimentaire, l'" exhaure rivière Lot ", localisée à 880 m de la limite nord-est de la carrière, le " pompage eau brute Lot " à 3,5 km au Sud-Ouest et une ressource pour la production d'eau de consommation, la " prise d'eau de Pinel " située à 1,9 km à l'ouest de la carrière. Ainsi que l'indique l'avis de l'agence régionale de santé du 25 mars 2016, aucun captage d'eau potable ne se trouve à proximité du projet et les prises d'eau destinées à la consommation humaine les plus proches sont à 1,5 km. Toutefois, l'étude d'impact prévoit des mesures afin de réduire les impacts du projet sur la qualité de l'eau, notamment les pollutions chronique et accidentelle des eaux superficielles et la pollution liée à la présence de déchets. Enfin, si la carrière se situe dans une zone sensible à l'eutrophisation, la commune n'apporte aucun élément permettant d'estimer que l'exploitation de la carrière aurait un effet sur la teneur des eaux en azote et en phosphore. Au demeurant, l'étude d'impact prend en compte le risque d'eutrophisation des eaux en prévoyant le réaménagement et l'entretien des abords du lac ainsi que l'absence de mise en place de boisements importants aux abords immédiats du lac. Par suite, il ne résulte pas de l'instruction que l'étude d'impact aurait été insuffisante quant à l'impact du projet sur la qualité des eaux.

S'agissant de la description des solutions de substitution :

15. L'étude d'impact expose les principales solutions de substitution examinées, d'une part, la recherche d'un nouveau site d'extraction alluviale, solution abandonnée en raison de contraintes abondantes générées par les exploitations de sables et graviers et de la localisation favorable de l'exploitation actuelle, et d'autre part, le remplacement d'une extraction alluvionnaire par une exploitation en roche massive, permettant la production de granulats qui ne peuvent être employés pour les mêmes utilisations que les matériaux alluvionnaires, de grande qualité qui sont indispensables pour la fabrication des bétons ainsi que pour certains usages routiers. Dans ces conditions, et eu égard à l'objet de l'arrêté contesté autorisant l'extension d'une carrière autorisée en 2007, la commune n'est pas fondée à soutenir que les solutions de substitution examinées dans l'étude d'impact seraient insuffisantes.

En ce qui concerne la remise en état du site :

16. Il résulte de l'instruction que la remise en état du site consiste en la conservation d'un plan d'eau de 5,5 ha, dont les berges seront modelées avec une pente faible et dont les abords, sur près de 3 ha, seront constitués d'espaces enherbés et de bosquets. Le plan de remise en état prévoit également la création d'une zone humide de 2 ha et la restitution de 7 ha pour des activités agricoles. Il ressort des termes de l'article 2.3.2 de l'arrêté contesté que le site sera remblayé sur 4,8 hectares avec 340 000 m3 de matériaux comprenant environ 75 000 m3 de matériaux de déchets inertes d'extraction interne au site, environ 265 000 m3 de matériaux de déchets inertes extérieurs non valorisables et des fines de lavage. Si la commune fait valoir que le dossier de demande d'autorisation prévoit des berges remblayées sur 3 ha et des terrains remblayés pouvant être affectés aux activités agricoles ou naturelles sur 7 ha, il résulte de l'instruction que le dossier de demande d'autorisation indique 7 ha de terrains " remblayés ou non exploités " qui seront restitués pour les activités agricoles et que toutes les surfaces qui seront affectées à l'arboretum n'auront pas à être remblayées. Par suite, les seuls éléments mis en exergue par la commune ne suffisent pas à traduire une erreur dans le volume et la surface mentionnés dans l'arrêté contesté. C'est à bon droit que le tribunal a écarté le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur d'appréciation quant aux conditions relatives à la remise en état du site et du volume des matériaux nécessaires au remblayage.

En ce qui concerne la compatibilité avec le schéma départemental des carrières :

17. Aux termes de l'orientation n° 10 du schéma départemental des carrières de Lot-et-Garonne approuvé par l'arrêté préfectoral du 29 juin 2006 : " C'est ainsi qu'en plaine alluviale, la remise en état des carrières de sables et graviers en eau consistera habituellement en : un talutage des berges, en forte pente ou en pente douce, / un reprofilage des berges, soit rectiligne, soit sinueux, / le régalage des terres végétales sur les berges, / l'arasement des îlots restant sur le fond de la fouille, / la revégétalisation des abords de la carrière et des berges, / des plantations, / l'alevinage des plans d'eau. / Un comblement, total ou partiel, avec des matériaux inertes peut également être envisagé. / Par ailleurs, lorsqu'ils ne s'intègrent pas dans un schéma global d'aménagement écologique ou de loisir, la création de nouveaux plans d'eau est à éviter ".

18. Il résulte de l'étude d'impact que le plan d'eau conservé de 5,5 ha sera destiné à des usages d'agrément, de loisirs, d'observation de la nature, ou de création d'habitats nécessaires au développement de la biodiversité et que l'aménagement de zones de hauts-fonds sera favorable au développement d'une végétation rivulaire de type typhaie, propice à servir d'abri et de zone de reproduction pour la faune observée du secteur. Le dossier de demande prévoit également la plantation d'arbres et d'arbustes et la création d'un arboretum. Ainsi, le réaménagement qui a une vocation d'agrément et renforcera l'intérêt écologique du site, est compatible avec les orientations du schéma départemental des carrières de Lot-et-Garonne.

En ce qui concerne la dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées :

19. Aux termes de l'article 12 de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, dite directive " Habitats " : " 1. Les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour instaurer un système de protection stricte des espèces animales figurant à l'annexe IV point a), dans leur aire de répartition naturelle, interdisant : / a) toute forme de capture ou de mise à mort intentionnelle de spécimens de ces espèces dans la nature ; / b) la perturbation intentionnelle de ces espèces notamment durant la période de reproduction, de dépendance, d'hibernation et de migration ; / c) la destruction ou le ramassage intentionnels des œufs dans la nature ; / d) la détérioration ou la destruction des sites de reproduction ou des aires de repos ". Aux termes de l'article 16 de la même directive : " 1. A condition qu'il n'existe pas une autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle, les Etats membres peuvent déroger aux dispositions des articles 12, 13, 14 et de l'article 15 points a) et b) : / a) dans l'intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ; / b) pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l'élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d'autres formes de propriété ; / c) dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques, ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ; / d) à des fins de recherche et d'éducation, de repeuplement et de réintroduction de ces espèces et pour des opérations de reproduction nécessaires à ces fins, y compris la propagation artificielle des plantes; / e) pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées, d'une manière sélective et dans une mesure limitée, la prise ou la détention d'un nombre limité et spécifié par les autorités nationales compétentes de certains spécimens des espèces figurant à l'annexe IV (...) ". Aux termes de l'article 5 de la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages : " Sans préjudice des articles 7 et 9, les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour instaurer un régime général de protection de toutes les espèces d'oiseaux visées à l'article 1er et comportant notamment l'interdiction : /a) de les tuer ou de les capturer intentionnellement, quelle que soit la méthode employée ; (...) / d) de les perturber intentionnellement, notamment durant la période de reproduction et de dépendance, pour autant que la perturbation ait un effet significatif eu égard aux objectifs de la présente directive ".

20. Aux termes de l'article L. 181-2 du code de l'environnement : " I. L'autorisation environnementale tient lieu, y compris pour l'application des autres législations, des autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments suivants, lorsque le projet d'activités, installations, ouvrages et travaux relevant de l'article L. 181-1 y est soumis ou les nécessite : (...) / 5° Dérogation aux interdictions édictées pour la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats en application du 4° du I de l'article L. 411-2 (...) ". Aux termes de l'article L. 411-1 du même code : " I. Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits: / 1° La destruction ou l'enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces ou, qu'ils soient vivants ou morts, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur détention, leur mise en vente, leur vente ou leur achat ; (...) / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces (...) ". Aux termes de l'article L. 411-2 du même code: " I. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : (...) / 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante, pouvant être évaluée par une tierce expertise menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle, aux frais du pétitionnaire, et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : a) Dans l'intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels ; / b) Pour prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l'élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d'autres formes de propriété ; / c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ; / d) A des fins de recherche et d'éducation, de repeuplement et de réintroduction de ces espèces et pour des opérations de reproduction nécessaires à ces fins, y compris la propagation artificielle des plantes ; / e) Pour permettre, dans des conditions strictement contrôlées, d'une manière sélective et dans une mesure limitée, la prise ou la détention d'un nombre limité et spécifié de certains spécimens (...) ".

21. Il résulte de ces dispositions que la destruction ou la perturbation des espèces animales concernées, ainsi que la destruction ou la dégradation de leurs habitats, sont interdites. Toutefois, l'autorité administrative peut déroger à ces interdictions dès lors que sont remplies trois conditions distinctes et cumulatives tenant d'une part, à l'absence de solution alternative satisfaisante, d'autre part, à la condition de ne pas nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et, enfin, à la justification de la dérogation par l'un des cinq motifs limitativement énumérés et parmi lesquels figure le fait que le projet réponde, par sa nature et compte tenu des intérêts économiques et sociaux en jeu, à une raison impérative d'intérêt public majeur.

22. Le système de protection des espèces résultant des dispositions citées ci-dessus, qui concerne les espèces de mammifères terrestres et d'oiseaux figurant sur les listes fixées par les arrêtés du 23 avril 2007 et du 29 octobre 2009, impose d'examiner si l'obtention d'une dérogation est nécessaire dès lors que des spécimens de l'espèce concernée sont présents dans la zone du projet, sans que l'applicabilité du régime de protection dépende, à ce stade, ni du nombre de ces spécimens, ni de l'état de conservation des espèces protégées présentes.

23. Le pétitionnaire doit obtenir une dérogation " espèces protégées " si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d'évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces protégées proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte. Dans l'hypothèse où les mesures d'évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation " espèces protégées ".

24. Il résulte en l'espèce de l'instruction et notamment de l'étude d'impact que, d'une part, un risque de destruction d'espèces à enjeu par les engins de chantiers concerne notamment les espèces à mobilité lente telles que le lézard des murailles ou les amphibiens et les oiseaux nicheurs, dont les nids peuvent être détruits, et que, d'autre part, le changement d'occupation du sol sera néfaste pour certaines espèces notamment pour le crapaud accoucheur, la grenouille agile, la grenouille rieuse et la grenouille verte qui ont été observées au niveau des plans d'eau résultant des extractions. Si l'étude d'impact prévoit que les travaux de décapage, d'aménagement et de remblaiement seront réalisés en période automnale ou hivernale (septembre-mars) pour limiter le dérangement de la faune présente et reproductrice sur le site et notamment sur les espèces à enjeu identifiées sur les terrains du projet, cette seule mesure ne permet pas de diminuer le risque pour les espèces, et notamment pendant la période d'hibernation des reptiles, au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé. Dans ces conditions, le projet doit être regardé comme étant susceptible d'affecter la conservation d'espèces animales protégées et de leurs habitats. Par suite, le pétitionnaire était tenu de présenter, pour la réalisation de son projet de parc éolien, un dossier de demande de dérogation aux interdictions de destruction d'espèces protégées prévues à l'article L. 411-1 du code de l'environnement.

Sur la mise en œuvre de l'article L. 181-18 du code de l'environnement :

25. Aux termes de l'article L. 181-18 du code de l'environnement : " I.- Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : 1° Qu'un vice n'affecte qu'une phase de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale, ou une partie de cette autorisation, peut limiter à cette phase ou à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et demander à l'autorité administrative compétente de reprendre l'instruction à la phase ou sur la partie qui a été entachée d'irrégularité (...) II.- En cas d'annulation ou de sursis à statuer affectant une partie seulement de l'autorisation environnementale, le juge détermine s'il y a lieu de suspendre l'exécution des parties de l'autorisation non viciées ".

26. En application de ces dispositions et compte tenu de ce qui a été dit au point 24, l'autorisation en litige doit être annulée en tant qu'elle ne comporte pas la dérogation requise en vertu des articles L. 411-1 et L. 411-2 du code de l'environnement, laquelle est divisible du reste de l'autorisation. Il y a lieu par ailleurs, compte tenu des risques que le projet est susceptible d'entraîner pour les espèces à mobilité lente, les oiseaux nicheurs, le crapaud accoucheur, la grenouille agile, la grenouille rieuse et la grenouille verte, de suspendre l'autorisation en litige jusqu'à la délivrance éventuelle d'une dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées.

27. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Sainte-Livrade-sur-Lot est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande en annulation de l'arrêté du 21 juin 2018 en tant qu'il ne comporte pas la dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées prévue à l'article L. 411-2 du code de l'environnement.

Sur les frais liés au litige :

28. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Sainte-Livrade-sur-Lot, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la société Carrières et Matériaux du Grand-Ouest, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser la commune de Sainte-Livrade-sur-Lot au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens et de rejeter le surplus des conclusions présentées par l'appelante sur ce fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté du 21 juin 2018 est annulé en tant qu'il ne comporte pas la dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées prévue à l'article L. 411-2 du code de l'environnement.

Article 2 : L'exécution de l'arrêté du 21 juin 2018 est suspendue jusqu'à la délivrance éventuelle de la dérogation prévue à l'article L. 411-2 du code de l'environnement.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 9 juillet 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à la commune de Sainte-Livrade-sur-Lot une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune de Sainte-Livrade-sur-Lot est rejeté.

Article 6 : Les conclusions présentées par la société Carrières et Matériaux du Grand-Ouest tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Sainte-Livrade-sur-Lot, à la société Carrières et Matériaux du Grand-Ouest et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Une copie en sera adressée pour information au préfet de Lot-et-Garonne.

Délibéré après l'audience du 13 décembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Claire Chauvet, présidente assesseure,

Mme Nathalie Gay, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2022.

La rapporteure,

Nathalie A...La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX03058 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX03058
Date de la décision : 22/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : DEFRADAS

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-12-22;20bx03058 ?
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