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22/12/2022 | FRANCE | N°21BX03810

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 22 décembre 2022, 21BX03810


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 10 juillet 2019 par lequel le maire de Denguin a fait opposition à sa déclaration préalable en vue de la création de deux lots à bâtir sur une parcelle cadastrée section AD n°218 située Côte de la Paloumère, lieu-dit " Higues " sur le territoire de la commune de Denguin, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé contre cette décision, ainsi que l'arrêté du 4 octobre 2019 par lequel cette même au

torité a retiré sa décision tacite de non-opposition à cette déclaration préalable...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 10 juillet 2019 par lequel le maire de Denguin a fait opposition à sa déclaration préalable en vue de la création de deux lots à bâtir sur une parcelle cadastrée section AD n°218 située Côte de la Paloumère, lieu-dit " Higues " sur le territoire de la commune de Denguin, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé contre cette décision, ainsi que l'arrêté du 4 octobre 2019 par lequel cette même autorité a retiré sa décision tacite de non-opposition à cette déclaration préalable.

Par un jugement n° 1902448 du 29 juin 2021, le tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté du 10 juillet 2019, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux, a enjoint le maire de Denguin au réexamen de sa demande et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 septembre 2021, Mme B..., représentée par Me Colliou, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du 29 juin 2021 du tribunal administratif de Pau en ses points 9 à 19 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 4 octobre 2019 par lequel le maire a retiré sa décision de non opposition à déclaration préalable ;

3°) d'enjoindre au maire de Denguin de procéder au réexamen de sa demande, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, et de lui délivrer à l'issue une décision de non opposition à déclaration préalable ;

4°) de mettre à la charge de la commune la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il ne précise pas dans ses visas et motifs les dispositions législatives et règlementaires dont il a fait application en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;

- l'arrêté du 4 octobre 2019 est illégal dès lors que :

- il emporte le retrait de l'arrêté du 10 juillet 2019 sans que la procédure préalable de retrait ne mentionne cette décision ;

- elle a été privée de la garantie de pouvoir présenter ses observations ;

- le retrait a été pris tardivement ;

- l'article NB5 du règlement du POS n'était pas opposable au projet.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 avril 2022, la commune de Denguin, représentée par Me Caliot, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme B... la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de procédure civile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Gueguein, rapporteur public,

- les observations de Me Lopes, représentant la commune de Denguin.

Considérant ce qui suit :

1. Le 7 juin 2019, Mme B... a déposé un dossier de déclaration préalable de travaux pour la création de deux lots à bâtir, d'une superficie respective de 1100 m2 et 1300 m2, sur une parcelle cadastrée section AD n°218 située Côte de la Paloumère, lieu-dit " Higues " sur le territoire de la commune de Denguin (Pyrénées-Atlantiques). Par arrêté du 10 juillet 2019, le maire de Denguin s'est opposé à cette déclaration préalable de travaux. Par courrier du 30 juillet 2019, Mme B... a formé un recours gracieux à l'encontre de cette décision en invoquant le bénéfice d'une décision tacite de non-opposition née du silence gardé par le maire. Par arrêté du 4 octobre 2019, le maire de Denguin a retiré cette décision de non-opposition tacite. Mme B... relève appel partiel du jugement du 29 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté du 10 juillet 2019 et rejeté le surplus de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 octobre 2019.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) ".

3. Il résulte du jugement attaqué que celui-ci comporte dans ses visas et motifs, la mention des dispositions législatives ou réglementaires dont il fait application. Dès lors, ce jugement n'est pas entaché de l'irrégularité alléguée.

Sur la légalité de l'arrêté du 4 octobre 2019 :

4. Mme B... demande la réformation du jugement attaqué en tant seulement qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 octobre 2019 par lequel le maire de Denguin a retiré la décision de non-opposition à déclaration préalable de travaux tacitement accordée.

5. En premier lieu, aux termes de l'article R. 424-1 du code de l'urbanisme : " A défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction déterminé comme il est dit à la section IV du chapitre III ci-dessus, le silence gardé par l'autorité compétente vaut, selon les cas : a) Décision de non-opposition à la déclaration préalable ; (...) ". Aux termes de l'article R. 423-19 du même code : " Le délai d'instruction court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet. ". Aux termes de l'article R. 423-22 du même code : " Pour l'application de la présente section, le dossier est réputé complet si l'autorité compétente n'a pas, dans le délai d'un mois à compter du dépôt du dossier en mairie, notifié au demandeur ou au déclarant la liste des pièces manquantes dans les conditions prévues par les articles R. 423-38 et R. 423-41. ". Aux termes de l'article R. 423-23 du même code : " Le délai d'instruction de droit commun est de : a) Un mois pour les déclarations préalables ; (...) ".

6. Si Mme B... se prévaut d'une décision tacite de non-opposition à sa demande née le 7 juillet 2019, il ressort du formulaire CERFA de demande ainsi que des mentions de l'arrêté du 10 juillet 2019 que son dossier de déclaration préalable a été réceptionné en mairie de Denguin le 11 juin 2019. Ces mentions font foi jusqu'à preuve contraire qui n'est pas apportée en l'espèce par Mme B... qui produit la copie écran du suivi postal d'une lettre envoyée en recommandée avec accusé de réception et un bordereau illisible de cet accusé de réception, sans y joindre aucune preuve du contenu de cet envoi. Par suite, comme l'a estimé à juste titre le tribunal, en application des dispositions précitées du code de l'urbanisme, Mme B... a donc été bénéficiaire à la date du 11 juillet 2019 d'une décision tacite de non-opposition à sa déclaration préalable. Si par arrêté du 10 juillet 2019, réceptionnée par la pétitionnaire le 13 juillet 2019, le maire de Denguin a pris une décision expresse d'opposition à sa demande, l'arrêté de retrait du 4 octobre 2019 qui vise " la décision tacite en date du 11/07/2019 " doit être regardé comme ayant pour objet le retrait de cette dernière, et non comme le soutient la commune de Denguin, de l'arrêté du 10 juillet 2019. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 4 octobre 2019 porterait retrait de l'arrêté du 10 juillet 2019 sans que la procédure préalable de retrait ne mentionne cette décision doit être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme : " La décision de non-opposition à une déclaration préalable ou le permis de construire ou d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peuvent être retirés que s'ils sont illégaux et dans le délai de trois mois suivant la date de ces décisions. (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'autorité compétente ne peut rapporter une décision de non-opposition à une déclaration préalable que si la décision de retrait est notifiée au bénéficiaire de cette déclaration avant l'expiration du délai de trois mois suivant la date de cette décision de non-opposition.

8. Il ressort des pièces du dossier, et alors que le code de l'urbanisme ne prévoit pas les formes dans lesquelles un arrêté de retrait d'une décision de non opposition à déclaration préalable doit être notifié, que le maire de Denguin a signifié par voie d'huissier à Mme B... l'arrêté du 4 octobre 2019 le même jour, et qu'en l'absence de cette dernière à son domicile, l'huissier a laissé un avis de passage daté l'avertissant de la remise de la copie de l'acte. Ainsi, et même si Mme B... soutient, sans d'ailleurs l'établir, qu'elle n'a pris connaissance de cet avis de passage que le 14 octobre 2019, l'arrêté de retrait en litige doit être regardé comme ayant été notifié à Mme B... le 4 octobre 2019, soit avant le 11 octobre 2019, date d'expiration du délai de trois mois prévu par les dispositions précitées de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté de retrait serait tardif doit être écarté.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) / 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits (...) ". L'article L. 121-1 du même code énonce que : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". Selon l'article L. 122-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...) ".

10. Le respect du caractère contradictoire de la procédure prévue par les dispositions citées au point 9 constitue une garantie pour le titulaire de l'autorisation d'urbanisme que l'autorité administrative entend rapporter. Eu égard à la nature et aux effets d'un tel retrait, le délai de trois mois prévu par l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme oblige l'autorité administrative à mettre en œuvre cette décision de manière à éviter que le bénéficiaire du permis ne soit privé de cette garantie.

11. Il ressort des pièces du dossier que le courrier du maire daté du 16 septembre 2019 invitant Mme B... à présenter ses observations dans un délai de quinze jours dans le cadre de la procédure contradictoire préalable de retrait, a été signifié par huissier le 18 septembre 2019. Cette dernière indique n'avoir réellement pris connaissance de la procédure de retrait que lors du retrait de la copie de l'acte signifié à l'étude le 27 septembre 2019, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par la commune. Il est par ailleurs constant que par courrier daté du 2 octobre 2019, reçu en mairie le 7 octobre 2019, Mme B... a présenté ses observations. Ainsi, à la date d'édiction de l'arrêté attaqué, le 4 octobre 2019, le maire n'avait pas pris connaissance des observations présentées par Mme B... et le délai de quinze jours que le maire lui avait imparti pour les présenter, qui a débuté le 27 septembre 2019, n'était pas échu. Par suite, la commune a méconnu le principe du contradictoire de la procédure de retrait, privant ainsi Mme B... d'une garantie.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 4 octobre 2019 par lequel le maire de Denguin a retiré la décision de non-opposition à déclaration préalable de travaux tacitement accordée. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens invoqués n'est susceptible, en l'état du dossier, de fonder cette annulation. Par suite, Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, dans cette mesure, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

13. Le présent arrêt, qui annule l'arrêté de retrait du 4 octobre 2019 et rétablit la décision tacite de non-opposition tacite à sa déclaration préalable née le 11 juillet 2019, n'implique aucune mesure d'exécution. Dès lors, les conclusions à fin d'injonction de Mme B... doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune de Denguin au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la commune de Denguin la somme demandée par Mme B... au même titre.

DECIDE :

Article 1er : L'article 4 du jugement du 29 juin 2021 du tribunal administratif de Pau est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 4 octobre 2019 est annulé.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Denguin et à Mme A... B....

Délibéré après l'audience du 13 décembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Claire Chauvet, présidente-assesseure,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2022.

La rapporteure,

Héloïse C...

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Atlantiques en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°21BX03810


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03810
Date de la décision : 22/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Héloïse PRUCHE-MAURIN
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : SELARL ENARD-BAZIRE COLLIOU

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-12-22;21bx03810 ?
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