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10/01/2023 | FRANCE | N°21BX01953

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 10 janvier 2023, 21BX01953


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... D... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014.

Par un jugement n° 2000283 du 11 mars 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 mai 2021, un mémoire complémentaire enregistré le 28 septembre 2022, et un mémoire non communiqué enregistré le 3

novembre 2022, M. et Mme D..., représentés par Me Guillaume, demandent à la cour :

1°) d'annule...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... D... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013 et 2014.

Par un jugement n° 2000283 du 11 mars 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 mai 2021, un mémoire complémentaire enregistré le 28 septembre 2022, et un mémoire non communiqué enregistré le 3 novembre 2022, M. et Mme D..., représentés par Me Guillaume, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 mars 2021 ;

2°) de prononcer la décharge totale de la cotisation d'impôt le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2013 et la décharge partielle de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent :

- que leur contestation dirigée contre l'imposition de l'année 2014 est recevable ;

- que les sommes que M. D... a été contraint de payer en application de ses engagements de caution pour sauver l'entreprise qu'il dirigeait sont déductibles des impositions de son foyer fiscal s'agissant des frais professionnels pour un montant de 217 802 euros au titre de l'année 2013 et de 127 314 euros au titre de l'année 2014 ; le prêt de 400 000 euros contracté le 11 octobre 2007 ne présente pas un caractère purement personnel car il avait pour but de poursuivre l'activité de la société SILC.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 19 novembre 2021 et le 11 octobre 2022, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il fait valoir qu'au titre de l'imposition des revenus de l'année 2014 la requête est irrecevable et que, pour le surplus, le moyen soulevé n'est pas fondé.

Par ordonnance du 11 octobre 2022, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 14 novembre 2022 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... A...,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique.

- et les observations de M. B... D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D... a exercé les fonctions de président de la société SILC, qui a pour activité principale l'organisation de séjours linguistiques à l'étranger. Alors que la société rencontrait des difficultés financières au cours de l'année 2005, M. D... a réalisé un apport en compte courant pour la société SILC d'un montant de 400 000 euros, qu'il a financé par un emprunt bancaire qui lui a été consenti par acte notarié du 31 janvier 2006. Ce prêt a été garanti par l'hypothèque d'un appartement appartenant aux requérants, situé à Ciboure. Alors que la société SILC rencontrait à nouveau des difficultés financières et n'était plus en mesure de rembourser les concours bancaires dont elle avait bénéficié, un protocole d'accord a été conclu, le 23 août 2007, entre M. et Mme D..., la société SILC, la société SILC Voyages et la caisse régionale de crédit agricole mutuel Charente-Périgord, aux termes duquel les requérants se sont portés cautions du remboursement d'un concours d'un montant initial d'un million d'euros accordé par cet établissement bancaire aux deux sociétés. Par un second acte notarié du 11 octobre 2007, le même établissement bancaire a consenti à M. D... un second prêt personnel de 400 000 euros, également garanti par une hypothèque sur l'appartement situé à Ciboure ainsi que sur la résidence principale des requérants. Cette somme destinée à assurer la trésorerie de la société SILC entre septembre et novembre 2007 a été comptabilisée sur le compte courant ouvert au nom de M. D.... Alors que les deux prêts souscrits le 31 janvier 2006 et le 11 octobre 2007 n'avaient pas été remboursés à leur échéance, un jugement d'adjudication du 18 octobre 2012 a ordonné la vente de l'appartement constituant la résidence secondaire des requérants situé à Ciboure, pour un montant de 441 000 euros. La distribution de ce prix est intervenue par procès-verbal du 24 octobre 2013. Alors que la vente forcée de leur résidence principale avait également été ordonnée pour obtenir le remboursement du solde impayé des prêts qui leur avaient été consentis et des sommes mises à leur charge au titre de leur engagement de caution solidaire, les requérants ont signé le 13 mai 2014 avec la caisse régionale de crédit agricole mutuel Charente-Périgord un protocole d'accord transactionnel homologué par un jugement du tribunal de grande instance d'Angoulême du 3 septembre 2014. En exécution de cet accord, M. D... a versé une somme de 372 000 euros le 2 juin 2014 et, en contrepartie, la banque a renoncé à la vente forcée de sa résidence principale. M. et Mme D... relèvent appel du jugement du 11 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande tendant à la décharge totale de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2013 et à la décharge partielle de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2014.

Sur l'imposition des revenus de l'année 2014 :

2. Aux termes de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : (...) b) du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement ; (...) ".

3. Le tribunal administratif de Poitiers a jugé que les réclamations présentées par les requérants le 7 juin 2018 et le 21 décembre 2018 étaient tardives, de sorte que leurs conclusions présentées au titre des impositions de l'année 2014 étaient irrecevables. Pour contester cette décision, les requérants soutiennent, d'une part, que des agents du service leur avaient indiqué oralement qu'ils auraient une approche bienveillante de leur dossier et d'autre part, qu'en vertu des dispositions de l'article R. 211-1 du livre des procédures fiscales, l'administration fiscale pouvait prononcer un dégrèvement d'office jusqu'au 31 décembre de la quatrième année suivant celle au cours de laquelle le délai de réclamation a pris fin. Toutefois, ces circonstances sont sans incidence sur le caractère tardif de leur contestation.

Sur l'imposition des revenus de l'année 2013 :

4. Aux termes des dispositions de l'article 13 du code général des impôts dans sa rédaction applicable au litige : " 1. Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l'excédent du produit brut, y compris la valeur des profits et avantages en nature, sur les dépenses effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu. / 2. Le revenu global net annuel servant de base à l'impôt sur le revenu est déterminé en totalisant les bénéfices ou revenus nets visés aux I à VII bis et au 1 du VII ter de la 1re sous-section de la présente section ainsi que les plus-values et créances mentionnées à l'article 167 bis, compte tenu, le cas échéant, du montant des déficits visés aux I et I bis de l'article 156, des charges énumérées au II dudit article et de l'abattement prévu à l'article 157 bis. / 3. Le bénéfice ou revenu net de chacune des catégories de revenus visées au 2 est déterminé distinctement suivant les règles propres à chacune d'elles. Le résultat d'ensemble de chaque catégorie de revenus est obtenu en totalisant, s'il y a lieu, le bénéfice ou revenu afférent à chacune des entreprises, exploitations ou professions ressortissant à cette catégorie et déterminé dans les conditions prévues pour cette dernière. (...) ".

5. Aux termes des dispositions de l'article 83 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, s'agissant de l' imposition des revenus dans la catégorie des traitements et salaires : " Le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés : (...) 3° Les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi lorsqu'ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales (...) ".

6. En vertu de ces dispositions, les sommes qu'un salarié qui, s'étant rendu caution d'une obligation souscrite par la société dont il est le dirigeant de droit ou de fait, a dû payer au créancier de cette dernière, sont déductibles de son revenu imposable de l'année au cours de laquelle le paiement a été effectué, à condition que son engagement comme caution se rattache directement à sa qualité de dirigeant, qu'il ait été pris en vue de servir les intérêts de l'entreprise et qu'il n'ait pas été hors de proportion avec les rémunérations allouées à l'intéressé ou qu'il pouvait escompter au moment où il l'a contracté. Dans le cas de versements effectués en exécution d'engagements multiples souscrits sur plusieurs années, le caractère déductible des sommes payées doit être apprécié par référence au montant total des engagements ainsi souscrits et est subordonné à la condition que l'engagement au titre duquel les versements ont été effectués n'ait pas eu pour effet, à la date à laquelle il a été pris, de porter le total cumulé des cautions données par le contribuable à un montant hors de proportion avec la rémunération annuelle que ce dernier percevait ou pouvait escompter au titre de l'année en cause. Lorsque l'engagement souscrit ne respecte pas cette condition, les sommes versées à ce titre sont néanmoins déductibles dans la limite du plafond ainsi fixé, diminué de la différence entre le total des engagements souscrits antérieurement à l'année en cause et les remboursements effectués jusqu'au terme de cette même année.

7. En revanche, les charges de remboursement supportées par un dirigeant associé à raison d'emprunts qu'il a souscrits personnellement et dont il a versé les fonds sur son compte courant pour assurer la solvabilité de la société, ne sont pas déductibles du revenu imposable de l'intéressé en application des dispositions précitées compte tenu du caractère spontané de son engagement.

8. Les requérants demandent la prise en compte des pertes subies du fait de leur engagement de caution à hauteur de la somme de 217 802 euros correspondant à la fraction du prix d'adjudication, intervenu le 18 octobre 2012, de 441 000 euros de leur résidence secondaire de Ciboure affectée au remboursement du prêt de 400 000 euros que M. D... avait contracté, le 11 octobre 2007, pour permettre la poursuite de l'activité de la société SILC. Ils font valoir que le prêt effectué en 2007 finance un apport en compte courant d'associé d'égal montant au bénéfice de la société SILC, de sorte qu'il se rattache directement à la qualité de dirigeant de M. D..., a été pris en vue de servir uniquement les intérêts de l'entreprise en lui évitant un dépôt de bilan et n'est pas hors de proportion avec les rémunérations d'un montant de 125 575 euros qui ont été allouées à M. D... pour l'année 2007. Les requérants précisent enfin que les termes du protocole d'accord transactionnel du 23 août 2007 en vertu duquel la banque de la société SILC a accepté de débloquer un concours bancaire de plus d'un million d'euros alors que le redressement de la société n'était pas assuré, en exigeant une caution personnelle de M. D..., révèlent que M. D... a contracté ce prêt de 400 000 euros sous la pression de la banque créancière de la société SILC et qu'il ne peut donc être regardé comme un engagement volontaire.

9. Toutefois, même s'il est établi que M. D... a entendu faire apport des fonds obtenus en 2007 sur le compte courant ouvert à son nom dans les écritures de la société SILC en vue d'assurer la solvabilité de cette dernière, les charges qu'il a supportées en 2013 pour rembourser les emprunts qu'il avait personnellement contractés, ne peuvent, en raison du caractère spontané de cet engagement qui visait d'ailleurs à protéger son patrimoine personnel d'un risque de faillite de l'entreprise qu'il dirigeait, être regardées comme des dépenses ou frais susceptibles de donner lieu à déduction en vertu des dispositions précitées du code général des impôts. Par suite, M. et Mme D... ne sont pas fondés à revendiquer la déduction de leurs traitements et salaires au titre de l'année 2013, d'une partie du prix de vente de l'appartement vendu aux enchères.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné au versement d'une somme d'argent au titre des frais de justice ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscale sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 16 décembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 janvier 2023.

La rapporteure,

Bénédicte A...La présidente,

Evelyne Balzamo Le greffier,

Christophe Pelletier La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX01953


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01953
Date de la décision : 10/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Bénédicte MARTIN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : GUILLAUME

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-01-10;21bx01953 ?
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