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02/02/2023 | FRANCE | N°21BX03156

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 02 février 2023, 21BX03156


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler le titre exécutoire émis le 11 décembre 2018 pour un montant de 15 725 euros, correspondant à un trop-perçu de solde, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 4 mars 2019.

Par un jugement n° 1904541 du 31 mai 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 juillet 2021, M. C..., représenté par Me N

oray-Espeig, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Borde...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler le titre exécutoire émis le 11 décembre 2018 pour un montant de 15 725 euros, correspondant à un trop-perçu de solde, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 4 mars 2019.

Par un jugement n° 1904541 du 31 mai 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 juillet 2021, M. C..., représenté par Me Noray-Espeig, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 31 mai 2021 ;

2°) d'annuler le titre exécutoire émis le 11 décembre 2018 pour un montant de 15 725 euros, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le titre de perception en litige ne comporte pas la signature de l'ordonnateur, en méconnaissance de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- les sommes qui lui ont été versées avant le 1er avril 2013 étaient prescrites à la date à laquelle le courrier du 9 avril 2015 lui a été notifié ; par ailleurs, en raison de l'annulation contentieuse du titre exécutoire émis le 22 décembre 2015, seule cette lettre du 9 avril 2015 a eu un effet interruptif de la prescription biennale.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 octobre 2022, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de M. C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E... B...,

- et les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... qui était officier de l'armée de terre, a été radié des cadres d'office pour réforme définitive par un arrêté du 8 octobre 2013. Par un courrier du 9 avril 2015, le commandant du centre expert des ressources humaines et de la solde l'a informé de ce qu'il devait rembourser un montant de de 15 724, 87 euros correspondant à un trop-perçu de solde. Un titre exécutoire a été émis pour ce montant le 22 décembre 2015, qui a été annulé par le tribunal administratif de Bordeaux par un jugement du 26 février 2018 pour vice de forme. A la suite de ce jugement, un nouveau titre de perception a été émis le 11 décembre 2018 pour un montant de 15 725 euros. M. C... relève appel du jugement du 31 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce nouveau titre exécutoire.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ". Et aux termes du B du V de l'article 55 de la loi du 29 décembre 2010 de finances rectificatives pour 2010 : " Pour l'application de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration aux titres de perception délivrés par l'État en application de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales, afférents aux créances de l'État ou à celles qu'il est chargé de recouvrer pour le compte de tiers, la signature figure sur un état revêtu de la formule exécutoire, produit en cas de contestation ". Il résulte de ces dispositions, d'une part, que le titre de perception individuel délivré par l'État doit mentionner les nom, prénom et qualité de l'auteur de cette décision, et d'autre part, qu'il appartient à l'autorité administrative de justifier, en cas de contestation, que l'état revêtu de la formule exécutoire comporte la signature de cet auteur.

3. Le titre exécutoire émis le 11 décembre 2015 comporte le nom, le prénom et la qualité de son auteur, Mme D... A.... Par ailleurs, l'état récapitulatif des créances revêtu par de la formule exécutoire produit par le ministre en défense comporte la signature de l'ordonnateur, Mme D... A.... Par suite, alors qu'en vertu des dispositions citées ci-dessus, la signature de l'ordonnateur de la créance ne devait pas figurer sur le titre exécutoire en litige, mais seulement sur l'état récapitulatif des créances, le moyen tiré de l'irrégularité de ce titre en l'absence de signature de l'ordonnateur doit être écarté.

4. En second lieu, d'une part, l'annulation par une décision juridictionnelle d'un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme ou de l'incompétence de son auteur n'implique pas nécessairement que les sommes perçues par l'administration sur le fondement du titre ainsi dépourvu de base légale soient immédiatement restituées à l'intéressé, dès lors qu'il est loisible à l'administration, si elle s'y croit fondée et si, en particulier, aucune règle de prescription n'y fait obstacle, de reprendre régulièrement et dans le respect de l'autorité de la chose jugée, sous le contrôle du juge, une nouvelle décision. D'autre part, aux termes de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'une somme indûment versée par une personne publique à l'un de ses agents au titre de sa rémunération peut, en principe, être répétée dans un délai de deux ans à compter du premier jour du mois suivant celui de sa date de mise en paiement sans que puisse y faire obstacle la circonstance que la décision créatrice de droits qui en constitue le fondement ne peut plus être retirée. Sauf dispositions spéciales, les règles fixées par l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 sont applicables à l'ensemble des sommes indûment versées par des personnes publiques à leurs agents à titre de rémunération. En l'absence de toute autre disposition applicable, les causes d'interruption et de suspension de la prescription biennale instituée par les dispositions de cet article 37-1 sont régies par les principes dont s'inspirent les dispositions du titre XX du livre III du code civil.

5. Il résulte des principes dont s'inspirent les dispositions des articles 2241 et 2242 du code civil, tels qu'applicables aux rapports entre une personne publique et un de ses agents, qu'un recours juridictionnel, quel que soit l'auteur du recours, interrompt le délai de prescription et que l'interruption du délai de prescription par cette demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance.

6. D'une part, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, si le titre exécutoire émis le 11 décembre 2018 indique que les sommes réclamées correspondent à des trop-perçus de solde correspondant à la période allant du 1er octobre 2011 au 31 janvier 2015, il résulte de l'instruction que le montant des créances réclamées à M. C... se rapporte en réalité exclusivement à des trop-perçus de solde, d'indemnité pour charges militaires, de supplément familial de solde, d'indemnités de résidence en métropole et de cotisations sociales versés à compter du 1er avril 2013. Ainsi, le requérant ne peut utilement se prévaloir, pour demander l'annulation du titre de perception en litige, de ce que les sommes réclamées qui lui auraient été versées avant le 1er avril 2013 étaient prescrites.

7. D'autre part, le courrier du 9 avril 2015 par lequel le commandant du centre expert des ressources humaines et de la solde a informé M. C... de ce qu'il devait rembourser un montant total de 15 724,87 euros, qui a été notifié le 25 avril 2015 suivant, a interrompu la prescription biennale prévue par l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations pour les sommes se rapportant à la période allant du 1er avril 2013 au 31 janvier 2015. Par ailleurs, en vertu des principes rappelés au point 5, l'introduction par M. C... d'une requête le 20 mai 2016 devant le tribunal administratif de Bordeaux a de nouveau interrompu cette prescription, qui n'a recommencé à courir que le 27 février 2020, date à laquelle la cour administrative d'appel de Bordeaux s'est prononcée sur l'appel du jugement rendu par le tribunal administratif le 26 avril 2018. A cet égard, au regard de ces mêmes principes, M. C... ne peut utilement se prévaloir de l'article 2243 du code civil selon lequel " L'interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l'instance, ou si sa demande est définitivement rejetée ". En tout état de cause, sa demande tendant à l'annulation du titre de perception émis le 22 décembre 2015 n'a pas été rejetée, mais il y a au contraire été fait droit. Ainsi, la prescription des sommes réclamées au requérant n'était pas acquise le 11 décembre 2019, date à laquelle le titre exécutoire en litige a été émis. Par suite, ce moyen doit être écarté.

8. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre de perception émis le 11 décembre 2018. Sa requête doit ainsi être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... C... et au ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2023.

La rapporteure,

Charlotte B...La présidente,

Christelle Brouard-Lucas

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX03156 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03156
Date de la décision : 02/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROUARD-LUCAS
Rapporteur ?: Mme Charlotte ISOARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : CABINET NORAY - ESPEIG AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-02-02;21bx03156 ?
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