La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/02/2023 | FRANCE | N°22BX02812

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 15 février 2023, 22BX02812


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler les arrêtés du 27 janvier 2022 D... lesquels le préfet de la Guadeloupe lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français assortie d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen et l'a assignée à résidence.

D... un jugement n° 2200158 du 11 octobre 2022, le tribunal administra

tif de la Guadeloupe a annulé les décisions portant obligation de quitter le terri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler les arrêtés du 27 janvier 2022 D... lesquels le préfet de la Guadeloupe lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français assortie d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen et l'a assignée à résidence.

D... un jugement n° 2200158 du 11 octobre 2022, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire le territoire français sans délai et fixant le pays de renvoi, a enjoint au préfet de la Guadeloupe de réexaminer la situation de Mme A... dans un délai d'un mois en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour et a rejeté le surplus des conclusions.

Procédure devant la cour :

D... une requête enregistrée le 4 novembre 2022, le préfet de la Guadeloupe demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 11 octobre 2022.

Il soutient que :

- le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'état de santé de Mme A... était irrecevable ; en outre, ce moyen n'est pas opérant à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire ; enfin, l'arrêté attaqué n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'état de santé de Mme A... ;

- l'arrêté attaqué ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

D... un mémoire en défense enregistré le 5 janvier 2023, Mme A... demande à la cour :

1°) de rejeter la requête du préfet de la Guadeloupe et de confirmer le jugement attaqué ;

2°) d'annuler les arrêtés attaqués et d'enjoindre au préfet de la Guadeloupe de lui délivrer une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sous astreinte de 150 euros D... jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard notamment de la vie privée et familiale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... A..., ressortissante haïtienne né le 2 octobre 1963 à Léogane (Haïti), est entrée irrégulièrement en France en mai 2004, selon ses déclarations. Elle a sollicité l'admission au séjour, sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en qualité d'" étranger malade " et s'est vu délivrer plusieurs autorisations provisoires de séjour successives au cours de la période du 12 juin 2013 au 21 octobre 2016. Le 16 mars 2017, Mme A... a demandé le renouvellement de son titre de séjour. D... une décision du 31 octobre 2018, le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Mme A..., qui s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire a été interpelée, le 27 janvier 2022, D... les services de la police aux frontières pour vérification du droit de circulation ou de séjour. D... un arrêté du même jour, le préfet de la Guadeloupe lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français et a fixé le pays de renvoi. Le préfet de la Guadeloupe relève appel du jugement du 11 octobre 2022 D... lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois.

Sur le moyen d'annulation retenu D... les premiers juges :

2. Pour prononcer l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire le territoire français sans délai et fixant le pays de renvoi, le tribunal administratif de la Guadeloupe s'est fondé sur le moyen tiré de ce que le préfet avait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de ces décisions sur la situation personnelle de Mme A....

3. Il ressort des pièces du dossier, notamment d'un certificat médical du 1er février 2022, que Mme A... souffre d'hypertension artérielle sévère, d'hypercholestérolémie, d'un glaucome et de polyarthralgie, qu'elle bénéficie d'un traitement médicamenteux quotidien composé de Loxen et de Lipanthyl et qu'une prise en charge et de soins continus et réguliers est nécessaire. Toutefois, et alors même que Mme A... aurait bénéficié de 2013 à 2016 de plusieurs autorisations provisoires de séjour en raison de son état de santé, cet unique certificat médical ne vient pas utilement contredire les conclusions de l'avis émis le 12 décembre 2017 D... le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui a estimé que, si l'état de santé de Mme A... nécessitait une prise en charge dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressée pouvait effectivement bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement approprié. En outre, il ressort du procès-verbal d'audition de Mme A... D... les services de police en date du 27 janvier 2022 que l'intéressée a déclaré " être en bonne santé " et " en pleine forme " même si elle faisait " un peu de tension ". D... ailleurs, si la requérante soutient vivre en concubinage avec un compatriote titulaire d'une carte de résident, l'attestation rédigée le 28 janvier 2022 D... ce dernier n'est pas de nature à justifier l'ancienneté, la stabilité et l'intensité des liens que les intéressés entretiendraient. Dans ces conditions, en faisant obligation à Mme A... de quitter le territoire français sans délai et en fixant le pays de renvoi, le préfet de la Guadeloupe n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de ces décisions sur la situation personnelle de l'intéressée.

4. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Guadeloupe est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler l'arrêté du 27 janvier 2022, le tribunal administratif de la Guadeloupe a estimé que celui-ci était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme A....

5. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige D... l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés D... Mme A... tant en première instance qu'en appel.

Sur les autres moyens :

6. En premier lieu, les décisions contestées visent les textes dont il est fait application, notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les articles pertinents du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et mentionnent avec suffisamment de précision les éléments de fait sur lesquels le préfet s'est fondé. Ainsi, l'arrêté attaqué, qui comporte l'énoncé des circonstances de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, est suffisamment motivé. D... suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation doit être écarté.

7. En second lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue D... la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée en France en 2004, à l'âge de 41 ans, y a séjourné irrégulièrement jusqu'en 2013, puis sous couvert d'autorisations provisoires de séjour en qualité d'" étranger malade " de 2013 à 2016. Le 31 octobre 2018, elle a fait l'objet d'un refus de titre de séjour et d'une obligation de quitter le territoire français qu'elle n'a pas exécutée. L'intéressée ne peut se prévaloir d'aucune insertion professionnelle ou sociale particulière en France. En outre, ainsi qu'il a été dit au point 3, Mme A... ne justifie pas de l'ancienneté, de la stabilité et de l'intensité des liens qu'elle entretiendrait avec un compatriote titulaire d'une carte de résident. Enfin, elle ne peut utilement se prévaloir de la présence en France de sa fille, qui est âgée de 30 ans et se maintient irrégulièrement sur le territoire français. Compte tenu de ces circonstances, les décisions contestées n'ont pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée D... rapport aux buts en vue desquels elles ont été prises. D... suite, les moyens tirés de l'erreur de droit et de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Guadeloupe est fondé à soutenir que c'est à tort que, D... le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire le territoire français sans délai et fixant le pays de renvoi.

Sur les frais d'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à Mme A... d'une somme quelconque au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2200158 du tribunal administratif de la Guadeloupe du 11 octobre 2022 est annulé.

Article 2 : La demande présentée D... Mme A... devant le tribunal administratif de la Guadeloupe et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme C... A....

Copie en sera adressée au préfet de la Guadeloupe.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Florence Demurger, présidente,

Mme Karine Butéri, présidente-assesseure,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère.

Rendu public D... mise à disposition au greffe, le 15 février 2023.

La présidente-rapporteure,

Florence B...

La présidente-assesseure,

Karine Butéri

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22BX02812

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02812
Date de la décision : 15/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DEMURGER
Rapporteur ?: Mme Florence DEMURGER
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : ARMAND LIONEL

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-02-15;22bx02812 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award