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21/02/2023 | FRANCE | N°21BX01905

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 21 février 2023, 21BX01905


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la délibération du 28 février 2019 par laquelle le conseil municipal de Saint-André a approuvé le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune en tant qu'il classe sa parcelle cadastrée section AS n°1450 en zone agricole et l'arrêté du 19 décembre 2019 par lequel le maire de Saint-André a rejeté sa demande de permis de construire en vue de la construction sur cette parcelle d'une maison d'habitation. <

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Par un jugement n° 2000105 du 9 mars 2021, le tribunal administratif de La Réuni...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la délibération du 28 février 2019 par laquelle le conseil municipal de Saint-André a approuvé le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune en tant qu'il classe sa parcelle cadastrée section AS n°1450 en zone agricole et l'arrêté du 19 décembre 2019 par lequel le maire de Saint-André a rejeté sa demande de permis de construire en vue de la construction sur cette parcelle d'une maison d'habitation.

Par un jugement n° 2000105 du 9 mars 2021, le tribunal administratif de La Réunion a annulé l'arrêté du 19 décembre 2019 et la délibération du 28 février 2019 en tant qu'elle classe la parcelle cadastrée section AS n°1450 en zone agricole.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 10, 19 mai 2021 et 21 septembre 2022, la commune de Saint-André, représentée par Me Ramdenie, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2000105 du 9 mars 2021 du tribunal administratif de La Réunion ;

2°) de rejeter la demande de M. A... ;

3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le classement de la parcelle cadastrée section AS n°1450 en zone agricole n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'un tel classement n'est pas conditionné par l'exploitation effective de la parcelle, que la parcelle est intégrée dans une zone rurale et agricole et présente une valeur agronomique et qu'elle était classée comme telle par le précédent document d'urbanisme (POS) ;

- ce classement est justifié par le projet d'aménagement et de développement durables (PADD) et le rapport de présentation qui fixent des objectifs pour la commune de reconquête des terres agricoles et de lutte contre le mitage en zone agricole.

Par des mémoires en défense enregistrés les 29 novembre 2021 et 20 octobre 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. A..., représenté par Me Gautier, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'appelante la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les caractéristiques de sa parcelle s'opposent à son classement en zone agricole : elle est l'assiette d'une maison d'habitation autorisée par l'obtention d'un permis tacite, elle n'a aucun potentiel agronomique, biologique ou économique, elle est située en plein cœur d'un quartier résidentiel et est desservie et viabilisée ;

- le PADD et le rapport de présentation du PLU ne permettent pas de justifier du classement opéré ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 27 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 21 octobre 2022.

Par courrier daté du 12 décembre 2022, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de ce que le tribunal administratif ne pouvait fonder l'annulation de la délibération du 28 février 2019 sur l'erreur manifeste d'appréciation du classement de sa parcelle cadastrée section AS n°1450, moyen inopérant à l'encontre de cette décision.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Gueguein, rapporteur public,

- les observations de Me Mariage représentant la commune de Saint-André et de Me Rourret représentant M. A... B....

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 18 septembre 2014, le conseil municipal de Saint-André (La Réunion) a prescrit la révision du plan d'occupation des sols de la commune et sa transformation en plan local d'urbanisme et a fixé les modalités d'organisation de la concertation. Le conseil municipal a débattu sur le projet d'aménagement et de développement durables le 8 octobre 2015 et a arrêté le projet de plan local d'urbanisme le 6 juillet 2016. Par un arrêté du 7 octobre 2016, le maire de Saint-André a prescrit l'ouverture d'une enquête publique qui s'est déroulée du 15 novembre au 16 décembre 2016. Par une délibération du 23 février 2017, le conseil municipal de Saint-André a approuvé le projet de plan local d'urbanisme de la commune. Par des jugements avant dire droit n° 1700788, 1700657 et 1700386, le tribunal administratif de La Réunion a estimé que la délibération du 23 février 2017 par laquelle le conseil municipal de Saint-André a approuvé la révision du plan d'occupation des sols (POS) et sa transformation en plan local d'urbanisme (PLU) était entachée d'un vice de procédure relatif à la méconnaissance des dispositions de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales, au motif que la note explicative de synthèse, transmise aux membres du conseil municipal avec le projet de délibération, était insuffisante et a sursis à statuer le temps de la régularisation par la commune de ce vice. Par délibération du 28 février 2019, le conseil municipal de Saint-André a " approuvé la démarche de régularisation liée à l'insuffisance de la note de synthèse transmise aux conseillers municipaux préalablement à la délibération du 23 février 2017 " et, d'autre part, " approuvé, en conséquence et de nouveau, le PLU tel qu'il est annexé à la présente délibération et ce, après avoir dûment pris connaissance de la note de synthèse et de l'ensemble des documents qui ont été joints et présentés en séance ". M. A..., propriétaire de la parcelle cadastrée section AS n°1450, classée en zone agricole par le PLU, a sollicité le 23 octobre 2019 un permis de construire pour la construction d'une maison d'habitation sur ladite parcelle. Par arrêté du 19 décembre 2019, le maire de Saint-André a refusé l'autorisation sollicitée. Le 4 février 2020, M. A... a demandé l'annulation de cet arrêté ainsi que de la délibération du 28 février 2019 en tant qu'elle classe sa parcelle cadastrée section AS n°1450 en zone agricole. Par jugement du 9 mars 2021, le tribunal administratif de La Réunion a annulé l'arrêté du 19 décembre 2019 et la délibération du 28 février 2019 en tant qu'elle classe sa parcelle cadastrée section AS n°1450 en zone agricole. La commune de Saint-André relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé des moyens d'annulation retenus par le tribunal administratif :

2. Pour annuler la délibération du 28 février 2019 en tant qu'elle classe la parcelle cadastrée section AS n°1450 en zone agricole, le tribunal administratif de La Réunion s'est fondé sur l'erreur manifeste d'appréciation commise par les auteurs du PLU et a annulé, par voie de conséquence, le refus de permis de construire du 19 décembre 2019 pris sur le fondement de ce classement.

3. Toutefois, la délibération du 28 février 2019, prise à la suite des jugements avant dire droit n° 1700788, 1700657 et 1700386 du tribunal administratif de la Réunion n'a pu avoir pour objet que la régularisation, dans la limite définie par le tribunal, rappelée au point 1, de la délibération du 23 février 2017 portant approbation du plan local d'urbanisme de Saint-André. Si elle revêt un caractère réglementaire et produit des effets juridiques susceptibles de faire grief, M. A... ne peut ainsi, à l'appui de la contestation de cet acte de régularisation, invoquer que des vices affectant sa légalité externe et soutenir qu'il n'a pas pour effet de régulariser le vice que le juge a constaté dans sa décision avant-dire droit. Il ne peut soulever aucun autre moyen, à l'exception de ceux qui seraient fondés sur des éléments révélés par la procédure de régularisation.

4. Ainsi, eu égard à l'objet de la mesure contestée, M. A... ne pouvait utilement invoquer, à l'encontre de la délibération du 28 février 2019, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation du classement de sa parcelle cadastrée section AS n°1450. Par suite, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a retenu ce moyen, qui est inopérant, pour fonder l'annulation de la délibération du 28 février 2019 en tant qu'elle opère ce classement, et en a déduit, par voie de conséquence, l'illégalité du refus de permis de construire du 19 décembre 2019.

5. Il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance et en appel par M. A... à l'encontre des décisions contestées.

Sur les autres moyens :

En ce qui concerne la légalité de la délibération du 28 février 2019 :

6. Dans les circonstances exposées aux points 3 et 4, l'ensemble des moyens soulevés par M. A... à l'encontre de la légalité de la délibération du 28 février 2019 et tirés de ce que les caractéristiques de sa parcelle s'opposent à son classement en zone agricole et de ce que le PADD et le rapport de présentation du PLU ne permettent pas de justifier du classement opéré doivent être écartés comme étant inopérants.

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 19 décembre 2019 :

7. Par les moyens qu'il invoque, M. A... doit être regardé comme excipant, à l'encontre de la légalité de l'arrêté de refus de permis de construire du 19 décembre 2019, de l'illégalité de la délibération du 23 février 2017 approuvant le PLU de la commune de Saint-André et classant sa parcelle en zone agricole.

8. Aux termes de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3. ". Aux termes de l'article L. 151-9 de ce code : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. Il peut préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées et également prévoir l'interdiction de construire. Il peut définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées. ". Aux termes de l'article R. 151-22 du même code : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. ". Il résulte de ces dispositions qu'une zone agricole, dite " zone A ", du plan local d'urbanisme a vocation à couvrir, en cohérence avec les orientations générales et les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables, un secteur, équipé ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles.

9. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme, qui ne sont pas liés par les modalités existantes d'utilisation du sol, de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

10. La commune de Saint-André s'est assigné lors de l'adoption de son PLU plusieurs objectifs qu'elle a déclinés dans son projet d'aménagement et de développement durables (PADD) en quatre orientations générales tendant à la valorisation des atouts du territoire pour développer les richesses économiques et renforcer l'attractivité de la commune, à la structuration et l'organisation de son territoire, à la préservation des ressources et du patrimoine et à la modération de la consommation de l'espace en luttant contre l'étalement urbain. Le PADD indique que pour atteindre l'objectif visant à développer l'activité économique, qui constitue pour elle une priorité, la commune souhaite développer cinq pôles d'activité économique dont le pôle agricole, l'agriculture constituant une activité économique majeure du territoire. Le document précise ainsi qu'afin de " permettre la reconquête et le renforcement de la filière agricole ", il convient notamment de " lutter contre le mitage agricole en identifiant clairement les zones rurales constructibles et en densifiant les zones urbanisées ". Dans ce cadre, le PLU prévoit une augmentation des surfaces destinées à l'activité agricole à hauteur de 800 hectares de plus. Le rapport de présentation précise que pour déterminer les zones agricoles à préserver, les auteurs du PLU se sont notamment appuyés sur la base d'occupation des sols (BOS) de la direction de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt de La Réunion qui recense les terres présentant une valeur agronomique et les terrains exploités ou non.

11. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle de M. A... cadastrée section AS n°1450, d'une superficie de 3467 m2, située chemin de Rio à Saint-André, s'intègre dans un vaste compartiment déjà classé en zone agricole du plan d'occupation des sols, composé pour la majorité de parcelles conservées à l'état naturel dont plusieurs sont cultivées. Si elle accueille la maison d'habitation du demandeur, elle s'ouvre à l'est, au nord et à l'ouest sur ce vaste espace à caractère rural dans lequel s'implante d'ailleurs une exploitation agricole et dont certaines des parcelles sont répertoriées par la BOS comme présentant une valeur agronomique certaine. Bien que non cultivée, elle s'insère ainsi, de manière cohérente, dans un vaste secteur présentant, sans aucun doute, les caractéristiques d'une zone agricole. Dans ces conditions, et sans que les projets personnels de construction de M. A... sur cette dernière, ni l'obtention d'un permis tacite pour la construction existante ou la constructibilité de parcelles situées à proximité n'aient d'influence, les auteurs du PLU, qui ne sont pas liés par les modalités existantes d'utilisation du sol et qui ont justifié dans le rapport de présentation les choix opérés en matière d'urbanisation du territoire communal et de préservation des secteurs agricoles, n'ont pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en classant la parcelle AS n°1450 en zone agricole.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Saint-André est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a annulé la délibération du 28 février 2019 en tant qu'elle classe la parcelle AS n°1450 en zone agricole et l'arrêté de refus de permis de construire du 19 décembre 2019.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-André, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. A... une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Saint-André au même titre.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2000105 du 9 mars 2021 du tribunal administratif de La Réunion est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de La Réunion et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : M. A... versera à la commune de Saint-André la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-André et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Nathalie Gay, première conseillère,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 février 2023.

La rapporteure,

Héloïse C...

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au préfet de La Réunion en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°21BX01905


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01905
Date de la décision : 21/02/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Héloïse PRUCHE-MAURIN
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : GMR AVOCATS GRANGE-MARTIN-RAMDENIE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-02-21;21bx01905 ?
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