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23/02/2023 | FRANCE | N°22BX01974

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 23 février 2023, 22BX01974


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 30 mars 2021 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n°2100370 du 17 mai 2022, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé l'arrêté du 30 mars 2021 et enjoint au préfet de la Guadeloupe de réexaminer la situation de Mme A....

Procédure devant

la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2022, le préfet de la Guadeloupe dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 30 mars 2021 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n°2100370 du 17 mai 2022, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé l'arrêté du 30 mars 2021 et enjoint au préfet de la Guadeloupe de réexaminer la situation de Mme A....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2022, le préfet de la Guadeloupe demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 mai 2022 ;

2°) de rejeter la demande de Mme A....

Il soutient que :

- les pièces produites par l'intéressée ne permettaient pas de justifier de 10 ans de résidence habituelle et continue, par suite il n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour ;

- la décision attaquée n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation en l'absence d'intégration dans la société française en l'absence de maîtrise de la langue française et d'insertion professionnelle ;

- la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas établie.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 30 et le 31 août 2022, régularisés le 21 novembre 2022, Mme A..., représentée par Me Kouassigan, conclut au rejet de la requête et demande par la voie de l'appel incident qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de 15 jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre une somme de 2 000 euros à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle au taux de 25% par une décision du 29 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante haïtienne née le 31 mars 1957, déclare être entrée en France le 12 mai 2004. Par un arrêté du 18 novembre 2013 le préfet de la Guadeloupe lui a fait obligation de quitter le territoire français. Elle a déposé en 2015 une demande de titre de séjour qui a été implicitement rejetée. Une nouvelle demande déposée en 2017 a également fait l'objet d'un rejet implicite, qui a été annulé par le tribunal administratif de la Guadeloupe le 27 avril 2018 avec injonction de réexamen, et elle a déposé une demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile le 10 octobre 2019. Par un arrêté du 30 mars 2021, le préfet de la Guadeloupe lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 17 mai 2022, dont le préfet de la Guadeloupe relève appel, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet de procéder au réexamen de sa situation. Mme A... conclut au rejet de la requête et demande par la voie de l'appel incident qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ".

3. Il ressort des pièces du dossier que les documents produits par Mme A... au titre de l'année 2010, soit une ordonnance et la feuille de soins de la pharmacie respectivement datées du 31 mars et du 1er avril 2010, et au titre de l'année 2012, soit une ordonnance datée du 2 mars et des résultats d'examen du 30 octobre ainsi que la feuille de soins correspondante, sont insuffisamment variés et nombreux pour établir le caractère habituel de sa résidence sur le territoire national durant les années considérées. Par suite, dès lors qu'elle ne justifie pas de sa résidence habituelle sur le territoire depuis plus de dix ans à la date de la décision attaquée, le préfet n'était pas tenu de soumettre sa situation pour avis à la commission du titre de séjour. Ainsi, c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur ce motif pour annuler la décision du préfet de la Guadeloupe en date du 30 mars 2021.

4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... tant en première instance qu'en appel.

Sur les autres moyens invoqués par Mme A... :

5. Il ressort des pièces du dossier que les éléments produits par Mme A... permettent de justifier du caractère habituel de sa présence sur le territoire depuis 2013 et qu'elle exerce depuis juin 2018 une activité de commerçante ambulante pour laquelle elle a déclaré un bénéfice industriel et commercial de 12 000 euros au titre de l'année 2018, 4 000 euros au titre de l'année 2019, 48 750 euros au titre de l'année 2020 et 50 500 euros en 2021, ce qui démontre son insertion professionnelle. En outre, elle est séparée de son mari depuis 2010 et ses enfants vivant en Haïti sont majeurs. Eu égard à cet ensemble d'éléments caractérisant la situation personnelle de l'intéressée, le préfet de la Guadeloupe doit être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme ayant commis, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, une erreur manifeste quant à l'appréciation des conséquences de ce refus sur cette situation.

6. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Guadeloupe n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé l'arrêté du 30 mars 2021.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Eu égard au motif retenu, l'annulation de l'arrêté du préfet de la Guadeloupe implique nécessairement la délivrance d'un titre de séjour à l'intéressée. Par suite, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative et en l'absence de changement de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle, d'enjoindre au préfet de la Guadeloupe de délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " à Mme A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais de l'instance :

8. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle au taux de 25 % par une décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 22 novembre 2022. Elle n'allègue pas avoir engagé d'autres frais que ceux partiellement pris en charge à ce titre. D'autre part, l'avocat de Mme A... n'a pas demandé que lui soit versée par l'Etat la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à sa cliente si cette dernière n'avait bénéficié de l'aide juridictionnelle. Dans ces conditions, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat à rembourser à Mme A... la part des frais exposés par elle, non compris dans les dépens et laissés à sa charge par le bureau d'aide juridictionnelle.

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Guadeloupe est rejetée.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Guadeloupe de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme A... la part des frais exposés par elle, non compris dans les dépens et laissés à sa charge par la décision du 29 septembre 2022 du bureau d'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions d'appel incident de Mme A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., au préfet de la Guadeloupe et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 février 2023.

La rapporteure,

Christelle D...Le président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Stéphanie Larrue

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22BX01974 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01974
Date de la décision : 23/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Christelle BROUARD-LUCAS
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : SELARL RICOU ET KOUASSIGAN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-02-23;22bx01974 ?
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