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02/03/2023 | FRANCE | N°21BX03265

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 02 mars 2023, 21BX03265


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E..., Mme D... E... et Mme C... E... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la délibération du 18 juillet 2019 par laquelle le conseil municipal de Lège-Cap-Ferret a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement n° 2000245 du 27 mai 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la délibération du 18 juillet 2019 et la décision implicite de rejet du recours gracieux en tant que

le plan local d'urbanisme comporte une contradiction entre le règlement écrit ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... E..., Mme D... E... et Mme C... E... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la délibération du 18 juillet 2019 par laquelle le conseil municipal de Lège-Cap-Ferret a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement n° 2000245 du 27 mai 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la délibération du 18 juillet 2019 et la décision implicite de rejet du recours gracieux en tant que le plan local d'urbanisme comporte une contradiction entre le règlement écrit et les documents graphiques relatifs au secteur UDn** et a rejeté le surplus de leurs conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 juillet 2021 et un mémoire enregistré le 9 septembre 2022, Mme B... E..., Mme D... E... et Mme C... E..., représentées par Me Ducourau, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 27 mai 2021 ;

2°) d'annuler la délibération du 18 juillet 2019 approuvant le plan local d'urbanisme de la commune de Lège-Cap-Ferret ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Lège-Cap-Ferret la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- la commune de Lège-Cap-Ferret était tenue par les termes de sa délibération du 20 septembre 2018 imposant la reprise de la procédure d'élaboration du plan au stade de la concertation et du débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durables (PADD) à la suite du retrait de la délibération du 12 juillet 2018 par laquelle le conseil municipal avait approuvé la version du plan local d'urbanisme (PLU) arrêté le 24 août 2017 ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré que les observations émises par le préfet dans son courrier du 26 juillet 2018 qui ont justifié le retrait de la délibération du 12 juillet 2018 n'étaient que la reprise de celles émises par son prédécesseur dans son avis du 20 novembre 2017 ; eu égard à l'ampleur et au caractère substantiellement différent des modifications demandées par le préfet dans son courrier du 26 juillet 2018, celui-ci doit être regardé comme un nouvel avis illégal émis postérieurement à l'enquête publique ;

- c'est donc de manière irrégulière que le tribunal a retenu que les modifications apportées au PLU approuvé par la délibération du 12 juillet 2018 procédaient de l'enquête publique et que le conseil municipal pouvait procéder à son retrait en tant qu'elle serait entachée d'illégalité au regard de l'avis du 26 juillet 2018 ;

- la suppression dans le PLU approuvé le 18 juillet 2019 de 8 nouveaux secteurs à vocation d'habitat à mixité sociale classés en zones 1AUlg1 à 1AUlfl6, 1AUp1, UDn** et 1AUp2 a pour effet de bouleverser l'économie générale du PLU approuvé le 12 juillet 2018 et impliquait donc conformément aux termes de la délibération du 20 septembre 2018, l'organisation de nouvelles concertations privées et publiques, ainsi que l'organisation d'une nouvelle enquête publique ;

- en appréciant l'impact de cette suppression au regard de leurs seules superficies rapportées à la superficie totale du territoire communal sans tenir compte du caractère essentiellement forestier du territoire communal et des obstacles à la densification et à l'ouverture de l'urbanisation, le tribunal a entaché son jugement d'irrégularité et commis une erreur manifeste dans la qualification juridique des faits ;

- la suppression de ces 8 zones, couvrant près de 42,38 hectares du territoire, destinées à accueillir 337 nouveaux logements dont 120 logements locatifs sociaux, génère une incohérence illégale entre l'orientation 3 de l'axe 2 du PADD et le document graphique du règlement du PLU approuvé le 18 juillet 2019 ; cette suppression met à mal la mise en œuvre de l'orientation générale " mixité sociale " issue du rapport de présentation et fixée par le PADD ;

- c'est à tort que le tribunal a retenu que le déclassement des secteurs 1AUlg2 à 1AUlg5 en zone 2AU n'avait pas pour effet de modifier la vocation de ces secteurs mais le seul calendrier de mise en œuvre de l'urbanisation future alors que ces secteurs de superficie réduite dont l'ouverture à l'urbanisation est conditionnée à une procédure de modification ou de révision du PLU sont insusceptibles de participer à la création de logements sociaux sur une période de quinze ans tandis que les zones 1AUlg1, 1AUlfl6, 1AUp1, UDn**, 1AUp sont transformées par le PLU révisé en zones naturelles " N " inconstructibles ;

- la suppression des Orientation d'Aménagement et de programmation (OAP) concrétisant l'emplacement et le potentiel de ces 8 zones confirment les incompatibilités illégales entre les documents du PLU révisé ;

- contrairement aux affirmations du tribunal, le fait que les 8 zones et tout particulièrement, l'enclave UDn** soient insérées dans des zones déjà urbanisées, révèlent leur qualité de " dents creuses " ;

- la menace du préfet de recourir à l'article L. 153-25 dans son avis du 26 juillet 2018 est constitutive d'un abus de pouvoir en la forme d'une mise sous tutelle illégale de la commune et d'une violation de l'article 72 de la Constitution ayant conduit la mairie à commettre un détournement de pouvoir et de procédure en adoptant la délibération du 18 juillet 2019 ;

- le classement de leur fonds LD n°100-101 en zone naturelle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le classement de leur parcelle en zone naturelle dans un dessein servant exclusivement la satisfaction de l'intérêt général, le tout à leurs seuls frais porte atteinte à leur droit de propriété garanti par l'article 1er du Protocole additionnel n°1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

- une telle décision est arbitraire et constitue un détournement de pouvoir ;

- l'ingérence communale sur l'affectation à l'intérêt général du fonds LD n° 100-101 crée une charge spéciale et exorbitante qui imposait de doubler le classement en zone N d'un emplacement réservé selon L. 151-41 point 3° du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 septembre 2022, la commune de Lège-Cap-Ferret, représentée par le cabinet HMS Atlantique Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge des requérantes en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par les requérantes ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution et la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son protocole additionnel ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... F...,

- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public,

- les observations de Me Ducoureau, représentant Mmes E... et de Me Cordier Amour, représentant la commune de Lège-Cap-Ferret.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 26 septembre 2013, le conseil municipal de Lège-Cap-Ferret a prescrit l'élaboration de son plan local d'urbanisme (PLU). Après un débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durables (PADD) le 19 octobre 2015 puis le 1er juillet 2016, le projet a été arrêté le 24 août 2017, puis soumis à enquête publique du 29 janvier 2018 au 2 mars 2018. Ce plan local d'urbanisme a été adopté par une délibération du 12 juillet 2018. Toutefois, pour tenir compte des observations formulées par le préfet, dans son courrier du 26 juillet 2018 décidant de la suspension de l'entrée en vigueur du plan local d'urbanisme sur le fondement de l'article L. 153-25 du code de l'urbanisme, le conseil municipal a décidé par une délibération du 20 septembre 2018, de procéder au retrait de la délibération du 12 juillet 2018. Après avoir procédé aux modifications demandées par le préfet, le conseil municipal de Lège-Cap-Ferret a approuvé son nouveau plan local d'urbanisme, par une délibération du 18 juillet 2019. Mme B... E..., Mme D... E... et Mme C... E..., propriétaires des parcelles cadastrées LD 100 et 101 au lieudit " Le Boque " à Lège-Cap-Ferret ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la délibération du 18 juillet 2019 par laquelle le conseil municipal de Lège-Cap-Ferret a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune ainsi que la décision implicite de rejet de leur recours gracieux. Elles relèvent appel du jugement du 27 mai 2021, par lequel le tribunal a annulé la délibération du 18 juillet 2019 et la décision implicite de rejet du recours gracieux en tant seulement que le plan local d'urbanisme comporte une contradiction entre le règlement écrit et les documents graphiques relatifs au secteur UDn** et a rejeté le surplus de leurs conclusions.

Sur la régularité du jugement :

2. Les requérantes font valoir que le jugement est irrégulier aux motifs que les premiers juges auraient estimé à tort que la commune n'était pas tenue de rependre la procédure d'élaboration du plan local d'urbanisme en conformité avec les termes de la délibération du 20 septembre 2018 suite à la modification des zonages et commis une erreur de fait et une erreur dans la qualification juridique des faits en concluant à l'absence de bouleversement de l'économie générale du plan initialement approuvé du fait de ces modifications. Par ailleurs, ils estiment qu'ils ont également entaché leur jugement d'une erreur de droit pour avoir écarté les incohérences et contradictions entre les documents du plan local d'urbanisme et d'une erreur manifeste d'appréciation en ne retenant pas l'obligation pour la commune de créer un emplacement réservé à la suite du déclassement de leurs parcelles. Toutefois, de telles critiques qui se rattachent au bien-fondé du jugement sont sans incidence sur sa régularité.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'élaboration du plan local d'urbanisme :

3. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Lège-Cap-Ferret a prescrit l'élaboration de son plan local d'urbanisme le 26 septembre 2013 et qu'après avoir débattu des orientations du PADD le 19 octobre 2015 puis le 1er juillet 2016, un projet de plan a été arrêté par la délibération du 24 août 2017, puis adopté par une délibération du 12 juillet 2018. Toutefois, à la suite des observations émises par le préfet de la Gironde le 26 juillet 2018, sur le fondement de l'article L.153-25 du code de l'urbanisme, justifiant sa décision de suspendre le caractère exécutoire du plan local d'urbanisme de Lège-Cap-Ferret approuvé le 12 juillet 2018, le conseil municipal a procédé au retrait de la délibération d'approbation du 12 juillet 2018. Il ressort des termes de la délibération du 20 septembre 2018 procédant à ce retrait que le conseil municipal, estimant alors que les modifications demandées par le préfet étaient de nature à remettre en cause l'économie générale du plan local d'urbanisme et certaines orientations du projet d'aménagement et de développement durables (PADD), a décidé de " retirer la délibération du 12 juillet 2018 approuvant le plan local d'urbanisme, afin de reprendre la procédure d'élaboration du plan au stade de la concertation et du débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durables ".

4. Une commune peut, si la délibération approuvant son plan local d'urbanisme est entachée d'illégalité, rapporter cette seule délibération et reprendre la procédure au point où elle avait été régulièrement menée avant l'intervention de la première délibération, sans que cela ait pour effet d'anéantir les actes de la procédure d'élaboration du plan qui subsistent dans l'ordonnancement juridique. En l'espèce, la délibération du 20 septembre 2018 du conseil municipal de Lège-Cap-Ferret procède au retrait exprès de la seule délibération d'approbation du plan local d'urbanisme du 12 juillet 2018. Si, eu égard aux termes employés dans la délibération du 20 septembre 2018, le conseil municipal a manifesté son intention de reprendre la procédure au stade de la concertation et du débat sur les orientations générales du PADD, ce seul élément, alors que cette délibération n'a pas pour objet exprès de retirer de l'ordonnancement juridique l'ensemble des délibérations ayant jalonné la procédure, ne saurait être regardé comme entraînant la disparition rétroactive de l'intégralité de la procédure d'élaboration du plan local d'urbanisme. Dès lors, et contrairement à ce qui est soutenu, la délibération du 20 septembre 2018, eu égard à son objet, n'a pas eu pour effet de placer la commune dans l'obligation de reprendre intégralement la procédure d'élaboration du plan.

En ce qui concerne la régularité des modifications postérieures à l'enquête publique :

5. Aux termes de l'article L. 153-25 du code de l'urbanisme : " Lorsque le plan local d'urbanisme porte sur un territoire qui n'est pas couvert par un schéma de cohérence territoriale approuvé, l'autorité administrative compétente de l'Etat notifie, dans le délai d'un mois prévu à l'article L. 153-24, par lettre motivée à l'établissement public de coopération intercommunale ou à la commune, les modifications qu'il estime nécessaire d'apporter au plan lorsque les dispositions de celui-ci : (...) / 2° Compromettent gravement les principes énoncés à l'article L. 101-2, sont contraires à un projet d'intérêt général, autorisent une consommation excessive de l'espace, notamment en ne prévoyant pas la densification des secteurs desservis par les transports ou les équipements collectifs, ou ne prennent pas suffisamment en compte les enjeux relatifs à la préservation ou à la remise en bon état des continuités écologiques ; (...) / Le plan local d'urbanisme ne devient exécutoire qu'après l'intervention, la publication et la transmission à l'autorité administrative compétente de l'Etat des modifications demandées ". Il résulte de ces dispositions que l'exécution d'un plan local d'urbanisme est différée tant que la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale qui en est l'auteur ne lui a pas apporté les modifications demandées par le préfet.

6. Il est constant que depuis l'annulation des délibérations du 24 juin 2013 et du 9 décembre 2013 portant approbation du schéma de cohérence territoriale du Bassin d'Arcachon et du Val de l'Eyre par le jugement du 18 juin 2015 du tribunal administratif de Bordeaux, confirmé par l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux n° 15BX02851 du 28 décembre 2017, la commune de Lège-Cap-Ferret n'est plus couverte par un schéma de cohérence territoriale. Par un courrier du 26 juillet 2018, le préfet de la Gironde a informé la commune de Lège-Cap-Ferret de la suspension du caractère exécutoire de la délibération du 12 juillet 2018 portant approbation du plan local d'urbanisme en application de l'article L. 153-25 du code de l'urbanisme aux motifs que les secteurs ouverts à l'urbanisation hormis le secteur destiné à l'installation d'un centre de secours ne sont pas en adéquation avec les besoins exprimés et génèrent une consommation excessive d'espaces naturels, agricoles et forestiers et que le PLU approuvé ne prend pas suffisamment en compte les risques naturels et la loi littoral. Par un autre courrier du 5 septembre 2018, le préfet a demandé à la commune dans le cadre de son contrôle de légalité du plan de procéder au retrait de la délibération du 12 juillet 2018 pour les mêmes motifs.

7. Il ressort des pièces du dossier que pour tenir compte des modifications demandées par le préfet sur le fondement de l'article L. 153-25 du code de l'urbanisme, les auteurs du PLU ont décidé postérieurement à l'enquête publique du reclassement en zone naturelle des secteurs initialement classés à vocation d'habitat 1AUP1, 1AUp2, 1AUIg1, 1AUIg6, UD et UDn** correspondant à une surface de 12,3 hectares et du classement en zone 2AU, d'urbanisation future, des autres secteurs classés initialement à vocation d'habitat 1AUIg3, 1AUIg4 et 1AUIg5, correspondant à une surface de 4,78 hectares. Par ailleurs, les auteurs du PLU ont également modifié, le zonage des parcelles cadastrées 1AUi d'une superficie de 23 hectares destinées à accueillir des activités économiques pour les classer en zone naturelle pour satisfaire à la demande du préfet.

8. D'une part, le pouvoir de suspendre le caractère exécutoire de la délibération approuvant un PLU prévu par les dispositions de l'article L. 153-25 du code de l'urbanisme ne relève pas de la procédure de modification du PLU mais vise dans un objectif d'intérêt général à assurer la compatibilité du plan avec les principes et documents d'urbanisme qu'elles mentionnent. D'autre part, la mise en œuvre du pouvoir que tient le préfet de ces dispositions intervient nécessairement après l'enquête publique et la transmission aux services de la préfecture de la délibération approuvant le PLU et pour des motifs déterminés par la loi. Par suite, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, les modifications du PLU résultant de la mise en œuvre par le préfet de ses pouvoirs n'impliquent pas la réalisation d'une nouvelle enquête publique préalablement à leur adoption alors même qu'elles porteraient atteinte à l'économie générale du plan.

En ce qui concerne les incohérences et contradictions entre les documents du plan local d'urbanisme :

9. En vertu de l'article L. 152-1 du code de l'urbanisme, " Le plan local d'urbanisme (...) comprend un rapport de présentation, un projet d'aménagement et de développement durables, des orientations d'aménagement et de programmation, un règlement et des annexes ". Aux termes de l'article L. 151-4 du même code : " Le rapport de présentation explique les choix retenus pour établir le projet d'aménagement et de développement durables, les orientations d'aménagement et de programmation et le règlement (...) ". L'article L. 151-5 du même code dispose que : " Le projet d'aménagement et de développement durables définit : / 1° Les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de paysage, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques ; / 2° Les orientations générales concernant l'habitat, les transports et les déplacements, les réseaux d'énergie, le développement des communications numériques, l'équipement commercial, le développement économique et les loisirs, retenues pour l'ensemble de l'établissement public de coopération intercommunale ou de la commune. Il fixe des objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain (...) ". Aux termes de l'article L. 151-8 du même code : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3 ".

10. Pour apprécier la cohérence exigée au sein du plan local d'urbanisme entre le règlement et le PADD, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le PADD, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du PLU à une orientation ou un objectif du PADD ne suffit pas nécessairement à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein du projet.

11. Il ressort des pièces du dossier que le PADD du plan local d'urbanisme de la commune de Lège-Cap-Ferret approuvé en 2019, comporte au titre de son axe stratégique n°2 tendant à " organiser le développement raisonné de la commune, en tenant compte de son écrin naturel et paysager ", une orientation n°3 visant à déterminer un objectif démographique raisonnable et soutenable, alliant besoins et capacités d'accueil de la commune avec une préoccupation majeure qui est de maintenir en particulier les jeunes et les familles sur le territoire par le renforcement d'une offre diversifiée de logement privilégiant l'habitat locatif et la primo accession. Si les requérantes font valoir que dans un contexte de raréfaction du foncier constructible, la suppression des zones 1AUlg1 à 1AUlfl6, 1AUp1, UDn**, 1AUp2, seules susceptibles de garantir la réalisation d'au moins 120 logements sociaux à court terme, compromet l'orientation générale de mixité sociale, le projet d'aménagement et de développement durables prévoit également au titre de cette même orientation n°3 une croissance plus modérée que celle de ces dernières années supposant un juste dimensionnement des zones constructibles, et si nécessaire, un étalement dans le temps à l'ouverture de l'urbanisation des différents secteurs. Il prévoit également une densification prioritaire des espaces au sein du bourg de Lège et une limitation du développement résidentiel sur la presqu'île. En outre, eu égard au potentiel de terrains densifiables et mutables existants sur le territoire communal, la seule suppression des zones concernées et de celles des orientations d'aménagement et de programmation correspondantes, représentant une surface de moins de 20 hectares à vocation d'habitation, correspondant à 0,20 % du territoire et dont seules les secteurs 1AUP1 et 1AUP2 avaient vocation à accueillir des logements sociaux, ne compromettent pas les objectifs de création de logements sociaux. Ainsi, les appelantes ne sont pas fondées à soutenir que la suppression de ces zones à vocation d'habitat et leur classement en zone N et 2AU ne seraient pas cohérents avec le PADD alors même que le déclassement des secteurs 1AUIg2 à 1AUIg5 en zone 2AU ne permettrait pas la réalisation de logement sociaux à court terme et que certaines de ces zones constitueraient des dents creuses. Pour les mêmes motifs, cette suppression ne révèle pas d'incompatibilité entre les orientations générales du rapport de présentation et du PADD sur l'objectif de mixité sociale et les prescriptions du règlement du PLU.

En ce qui concerne la décision du préfet de la Gironde du 26 juillet 2018 prise sur le fondement de l'article L. 153-25 du code de l'urbanisme :

12. Alors qu'il ne peut être déduit un quelconque abus de droit de la part du préfet du fait de la mise en œuvre des dispositions de l'article L. 153-25 du code de l'urbanisme visant à assurer dans un but d'intérêt général, la légalité du plan local d'urbanisme, les requérantes qui n'ont pas présenté une demande en ce sens par un mémoire distinct ainsi que l'exigent les dispositions de l'article 23-5 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 et de l'article R.771-3 du code de justice administrative, ne sauraient utilement contester la constitutionnalité de l'article L. 153-25 du code de l'urbanisme.

13. Par ailleurs, les modifications du plan local d'urbanisme effectuées par le conseil municipal en application de la décision du préfet prise sur le fondement de l'article L. 153-25 du code de l'urbanisme ne sauraient constituer un détournement de pouvoir.

En ce qui concerne le classement en zone N des parcelles appartenant aux requérantes :

14. Aux termes de l'article R. 151-24 du code de l'urbanisme : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison: / 1° Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique; / 2° Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; / 3° Soit de leur caractère d'espaces naturels; / 4° Soit de la nécessité de préserver ou restaurer les ressources naturelles; / 5° Soit de la nécessité de prévenir les risques notamment d'expansion des crues ".

15. Il appartient aux auteurs d'un plan d'occupation des sols de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

16. Il ressort des pièces du dossier que les parcelles du fonds E... sont situées au sein du quartier du Bocque entre le rivage et la forêt domaniale de Lège-et-Garonne et sont constituées essentiellement de vieilles futaies de pins maritimes arrière dunaire de plus de quarante ans. Si ces parcelles étaient classées en zone UDn** du plan initialement approuvé, leur déclassement en zone N s'inscrit dans le parti d'aménagement retenu par les auteurs du PLU tendant d'une part, à limiter strictement les possibilités d'extension urbaine y compris sous la forme de densification au sein des villages de la presqu'île en promouvant en contrepartie le développement du bourg de Lège, et d'autre part, à la valorisation et la conservation des espaces naturels intégrés au tissu urbain souvent qualifié de nature ordinaire afin de préserver et conforter la qualité du cadre de vie de la commune. Par ailleurs, ainsi que l'a jugé le tribunal, la seule circonstance que ces parcelles se situent au sein d'un secteur urbanisé ne saurait démontrer l'illégalité de son reclassement en zone naturelle dès lors que cette zone non bâtie ne constitue pas du fait de sa superficie une dent creuse au sens du plan local d'urbanisme. Enfin, l'arrêté du 12 avril 2018 du préfet de la Gironde refusant son ouverture à l'urbanisation, est fondé notamment sur le risque fort de feux de forêt affectant ce secteur touchant le massif boisé en périphérie du tissu urbain. Dans ces conditions, et alors au demeurant que par son arrêté du 12 avril 2018 le préfet de la Gironde a refusé son ouverture à l'urbanisation au motif du risque fort de feux de forêt, en les classant en zone naturelle N, les auteurs du plan local d'urbanisme n'ont commis aucune erreur manifeste d'appréciation.

17. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, le classement en litige n'apparaît pas, compte tenu de ses effets, comme apportant des limites à l'exercice du droit de propriété des requérantes qui seraient disproportionnées au regard du but d'intérêt général poursuivi par la délibération contestée. Il ne méconnaît donc pas les stipulations de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

18. En l'absence de présentation d'un mémoire distinct ainsi que l'exigent les dispositions de l'article 23-5 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 et de l'article R.771-3 du code de justice administrative, les requérantes ne sauraient utilement exciper de l'inconstitutionnalité des dispositions du code de l'urbanisme relatives au classement en zone naturelle des parcelles au regard des articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

19. Par ailleurs, ainsi qu'il a été dit, le reclassement de leurs parcelles en zones naturelles étant justifié par le parti d'aménagement retenu par le plan local d'urbanisme, il n'est pas établi qu'il serait justifié par des considérations autres qu'urbanistiques. Par suite, le moyen tiré du détournement de pouvoir doit être écarté.

20. Enfin, aux termes de l'article L. 151-41 du code de l'urbanisme : " Le règlement peut délimiter des terrains sur lesquels sont institués : (...) 3° Des emplacements réservés aux espaces verts à créer ou à modifier ou aux espaces nécessaires aux continuités écologiques ; (...) ".

21. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la commune aurait manifesté son intention de créer un aménagement spécial sur les parcelles appartenant aux requérantes. Par suite, alors qu'il n'appartient pas au juge administratif de contrôler l'opportunité de créer un emplacement réservé, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que la délibération attaquée serait entachée à ce titre d'une erreur manifeste d'appréciation.

22. Il résulte de tout ce qui précède que les requérantes ne sont pas fondées à se plaindre de que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Lège-Cap-Ferret, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que les requérantes demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens qu'elles ont exposés. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge des requérantes, le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la commune de Lège-Cap-Ferret.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... E..., Mme D... E... et Mme C... E... est rejetée.

Article 2 : Mme B... E..., Mme D... E... et Mme C... E... verseront à la commune de Lège-Cap-Ferret la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E..., Mme D... E..., Mme C... E... et à la commune de Lège-Cap-Ferret.

Délibéré après l'audience du 9 février 2023 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mars 2023.

La rapporteure,

Birsen F...Le président,

Jean-Claude PauzièsLa greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX03265


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03265
Date de la décision : 02/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01-01-01-01-05 URBANISME ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE. - PLANS D'AMÉNAGEMENT ET D'URBANISME. - PLANS D`OCCUPATION DES SOLS (POS) ET PLANS LOCAUX D’URBANISME (PLU). - LÉGALITÉ DES PLANS. - PROCÉDURE D'ÉLABORATION. - ENQUÊTE PUBLIQUE. - POSSIBILITÉ DE MODIFIER LE PLU APRÈS ENQUÊTE PUBLIQUE - MODIFICATION PROCÉDANT DE L'ENQUÊTE ET NE REMETTANT PAS EN CAUSE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE DU PLAN - CONDITIONS INAPPLICABLES AUX DEMANDES DU PRÉFET.

68-01-01-01-01-05 Le pouvoir donné au préfet par l'article L. 153-25 du code de l'urbanisme de suspendre le caractère exécutoire de la délibération approuvant un PLU, dans le cas où un territoire n'est pas couvert par un schéma de cohérence territoriale approuvé, ne relève pas de la procédure de modification du PLU mais vise dans un objectif d'intérêt général à assurer la compatibilité du plan avec les principes et documents d'urbanisme mentionnés par ces dispositions. ......La mise en œuvre du pouvoir que tient le préfet de ces dispositions intervient nécessairement après l'enquête publique et la transmission aux services de la préfecture de la délibération approuvant le PLU et pour des motifs déterminés par la loi. ......Par suite, les modifications du PLU résultant de la mise en œuvre par le préfet de ses pouvoirs n'impliquent pas la réalisation d'une nouvelle enquête publique préalablement à leur adoption, alors même qu'elles entraîneraient un bouleversement de l'économie générale du plan.


Références :

Décisions n° 21BX03224 Indivision G et autres et 21BX03265 Mme P et autres - 2 mars 2023 - 1ère chambre - C+...Comp : CE, 12 mars 2010, Lille Métropole Communauté Urbaine, n°312108, B - Rec. T. p. 1012.


Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Birsen SARAC-DELEIGNE
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : DUCOURAU

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-03-02;21bx03265 ?
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