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07/03/2023 | FRANCE | N°21BX00424

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 07 mars 2023, 21BX00424


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... A... épouse C... et M. E... C... ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler les arrêtés des 20 juin 2019 et 20 août 2020 par lesquels le maire de Lannemezan a accordé à M. D... un permis de construire pour l'édification d'un bâtiment comportant six garages puis un permis de construire modificatif visant à compléter le dossier de demande du permis de construire initial.

Par une ordonnance n° 2002174 du 27 novembre 2020, la présidente du tribunal administratif de Pau a rejet

comme manifestement irrecevable leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... A... épouse C... et M. E... C... ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler les arrêtés des 20 juin 2019 et 20 août 2020 par lesquels le maire de Lannemezan a accordé à M. D... un permis de construire pour l'édification d'un bâtiment comportant six garages puis un permis de construire modificatif visant à compléter le dossier de demande du permis de construire initial.

Par une ordonnance n° 2002174 du 27 novembre 2020, la présidente du tribunal administratif de Pau a rejeté comme manifestement irrecevable leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 août 2020 et par un jugement n° 1902029 du 2 décembre 2020, le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 juin 2019.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête n° 2100425 et des mémoires complémentaires enregistrés les 3, 28 février, 16 mai, 14 juillet, 20 juillet 2021 et 27 avril 2022, M. et Mme C..., représentés par Me Burtin, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 2 décembre 2020 du tribunal administratif de Pau ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 juin 2019 par lequel le maire de Lannemezan a accordé un permis de construire à M. D... pour l'édification d'un bâtiment comportant six garages ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Lannemezan et de M. D... la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) le cas échéant d'ordonner une médiation judiciaire.

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé : la simple référence aux pièces jointes au permis de construire modificatif n'est pas suffisante pour justifier de la régularisation du permis de construire initial ;

- le jugement est irrégulier dès lors que le permis de construire modificatif leur a été communiqué tardivement, ce qui porte atteinte aux droits de la défense et au principe du contradictoire ;

- le tribunal a considéré à tort que le permis modificatif délivré le 20 août 2020 régularisait l'arrêté attaqué ;

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, la construction projetée doit être qualifiée d'opération commerciale et entre ainsi dans le champ d'application des dispositions de l'article UB2 du plan local d'urbanisme (PLU) de Lannemezan ;

- contrairement à ce qu'a considéré le tribunal, l'accès au projet méconnaît les dispositions de l'article UB3 du PLU de Lannemezan ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions des articles R. 431-8 et R. 431-10 du code de l'urbanisme dès lors que le dossier de demande était incomplet et ne comportait pas les plans et photographies exigées par ces dispositions ;

- le service instructeur n'a pu valablement prendre en compte dans son examen les plans de coupe et de masse déposés en mairie et visés par le maire le jour même de l'octroi du permis de construire attaqué ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article UB2 du règlement de la zone UB du PLU de Lannemezan dès lors que la construction projetée n'est pas compatible avec le caractère de la zone environnante et source de nuisances pour l'environnement immédiat, elle obstrue la vue qu'ils ont depuis leur maison d'habitation et diminue le potentiel locatif de leurs appartements ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article UB3 du règlement de la zone UB du PLU de Lannemezan dès lors que les caractéristiques de la voie d'accès ne permettent pas de répondre à l'importance du projet ;

- le permis de construire modificatif délivré le 20 août 2020, qui est lui-même illégal, ne permet de régulariser aucune de ces illégalités ;

- comme indiqué dans la délibération n° 2021/027 du 9 mars 2021 du conseil municipal de Lannemezan, le projet, même modifié, méconnaît les règles d'implantation en limite séparative ;

- le permis de construire initial et le permis de construire modificatif sont entachés d'un détournement de pouvoir dès lors que la commune de Lannemezan et M. D... les ont, par cette notification tardive, sciemment trompés et que le projet n'était toujours pas conforme au regard de son implantation par rapport aux limites séparatives, ce que le maire ne pouvait ignorer, ayant lui-même permis la régularisation de cette situation lors de la délibération n° 2021/027 ;

- ces illégalités leur ont causé un dommage dont ils demandent réparation.

Par des mémoires en défense enregistrés les 15 avril et 15 octobre 2021, M. D..., représenté par Me Courrech, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des époux C... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense enregistrés les 14 juin 2021, 17 janvier et 17 mai 2022, la commune de Lannemezan, représentés par Me Sire, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des époux C... la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors qu'elle est insuffisamment motivée ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 28 avril 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 31 mai 2022.

Par courrier du 10 janvier 2023, les parties ont été informées qu'en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, la cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce que les conclusions présentées par les appelants en réparation du préjudice qu'ils estiment avoir subi sont irrecevables car nouvelles en appel.

Un mémoire a été enregistré le 13 janvier 2023 pour la commune de Lannemezan en réponse au courrier du 10 janvier 2023.

Un mémoire a été enregistré le 16 janvier 2023 pour Mme F... A... épouse C... et M. E... C... en réponse au courrier du 10 janvier 2023.

II. Par une requête n° 2100424 et des mémoires complémentaires enregistrés les 3, 26 février, 16 mai, 14, 20 juillet 2021 et 27 avril 2022, M. et Mme C..., représentés par Me Burtin, demandent à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 27 novembre 2020 de la présidente du tribunal administratif de Pau ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 août 2020 par lequel le maire de Lannemezan a accordé un permis de construire modificatif à M. D... ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Lannemezan la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) le cas échéant d'ordonner une médiation judiciaire.

Ils soutiennent que :

- l'ordonnance est irrégulière dès lors qu'elle est insuffisamment motivée ;

- l'ordonnance est illégale dès lors que le caractère contradictoire de l'instruction de l'instance visant le permis de construire initial a été méconnu et qu'ils n'ont pas disposé d'un délai suffisant pour contester le permis de construire modificatif dans le cadre de cette instance ;

- le permis de construire modificatif leur a été communiqué tardivement, ce qui porte atteinte aux droits de la défense et au principe du contradictoire ;

- la demande de permis de construire était incomplète en méconnaissance des dispositions des articles R. 431-8 et R. 431-10 du code de l'urbanisme ;

- les pièces jointes à la demande de permis de construire modificatif comportent des inexactitudes et incohérences de nature à entacher l'arrêté attaqué d'illégalité ;

- le projet modifié méconnaît les dispositions de l'article UB2 du règlement de la zone UB du PLU de Lannemezan dès lors que la construction projetée, qui obstrue la vue depuis leur parcelle et a pour conséquence de diminuer le potentiel locatif de leurs appartements, n'est pas compatible avec les lieux avoisinants ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article UB3 du règlement de la zone UB du PLU de Lannemezan dès lors que les caractéristiques de l'accès ne sont pas conformes ;

- la demande de permis de construire modificatif n'a pu être valablement examinée au regard des dispositions du PLU dès lors que le maire n'a visé les pièces jointes à la demande que le 16 juillet 2020 ;

- le permis de construire initial et le permis de construire modificatif sont entachés d'un détournement de pouvoir dès lors que la commune de Lannemezan et M. D... les ont, par cette notification tardive, sciemment trompés et que le projet n'était toujours pas conforme au regard de son implantation par rapport aux limites séparatives, ce que le maire ne pouvait ignorer, ayant lui-même permis la régularisation de cette situation lors de la délibération n° 2021/027 ;

- ces illégalités leur ont causé un dommage dont ils demandent réparation.

Par des mémoires en défense enregistrés les 15 avril et 15 octobre 2021, M. D..., représenté par Me Courrech, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des époux C... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense enregistrés les 14 juin 2021, 17 janvier et 17 mai 2022, la commune de Lannemezan, représentés par Me Sire, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des époux C... la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 28 avril 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 31 mai 2022.

Par courrier du 10 janvier 2023, les parties ont été informées qu'en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, la cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce que les conclusions présentées par les appelants en réparation du préjudice qu'ils estiment avoir subi sont irrecevables car nouvelles en appel.

Un mémoire a été enregistré le 13 janvier 2023 pour la commune de Lannemezan en réponse au courrier du 10 janvier 2023.

Un mémoire a été enregistré le 16 janvier 2023 pour Mme F... A... épouse C... et M. E... C... en réponse au courrier du 10 janvier 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G...,

- les conclusions de M. Gueguein, rapporteur public,

- les observations de Me Laporte, représentant M. B... D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D... a déposé le 17 mai 2019 une demande de permis de construire pour l'édification d'un bâtiment comportant six garages sur une parcelle cadastrée section BR n° 231, située 159 rue des Ecoles à Lannemezan. Par arrêté du 20 juin 2019, le maire de Lannemezan a accordé l'autorisation sollicitée. Par ordonnance du 11 octobre 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Pau a, sur la demande de Mme A..., épouse C..., et de M. C..., voisins immédiats du terrain d'assiette du projet, suspendu l'exécution de cet arrêté. Par arrêté du 20 août 2020, le maire de Lannemezan a accordé à M. D... un permis de construire modificatif aux fins de compléter le dossier de demande de permis de construire initial. Les époux C... ont demandé au tribunal administratif de Pau l'annulation des arrêtés du 20 juin 2019 et du 20 août 2020. Par la requête n° 2100425, ils relèvent appel du jugement du 2 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 juin 2019 et par la requête n° 2100424 ils relèvent appel de l'ordonnance du 27 novembre 2020 par laquelle la présidente du tribunal administratif de Pau a rejeté, en application des dispositions de l'article L. 600-5-2 du code de l'urbanisme, leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 août 2020. Ces requêtes présentent à juger les des questions communes et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité de l'ordonnance du 27 novembre 2020 :

2. Il ressort des motifs de l'ordonnance contestée, prise sur le fondement de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, que la présidente du tribunal administratif de Pau a précisé les éléments de droit et de fait sur lesquels elle s'est fondée pour rejeter, comme étant présentées en dehors de l'instance dirigée contre le permis de construire initial et par suite manifestement irrecevables en application de l'article L. 600-5-2 du code de l'urbanisme, les conclusions des époux C... contre l'arrêté du 20 août 2020. Dès lors, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que l'ordonnance serait entachée d'un défaut de motivation.

Sur le bien-fondé de l'ordonnance du 27 novembre 2020 :

3. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les (...) présidents de tribunal administratif (...) peuvent, par ordonnance : (...) ; 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; 5° Statuer sur les requêtes qui ne présentent plus à juger de questions autres que la condamnation prévue à l'article L.761-1 ou la charge des dépens ; (...). ". Aux termes de l'article L. 600-5-2 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'un permis modificatif, une décision modificative ou une mesure de régularisation intervient au cours d'une instance portant sur un recours dirigé contre le permis de construire, de démolir ou d'aménager initialement délivré ou contre la décision de non-opposition à déclaration préalable initialement obtenue et que ce permis modificatif, cette décision modificative ou cette mesure de régularisation ont été communiqués aux parties à cette instance, la légalité de cet acte ne peut être contestée par les parties que dans le cadre de cette même instance. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme C... ont demandé, par requête du 13 septembre 2019 enregistrée sous le numéro n° 1902029 au tribunal administratif de Pau, l'annulation de l'arrêté du 20 juin 2019 par lequel le maire de Lannemezan a accordé un permis de construire à M. D... pour l'édification d'un bâtiment comportant six garages. Dans le cadre de cette instance, la commune de Lannemezan a communiqué le 21 août 2020 un mémoire auquel était joint l'arrêté du 20 août 2020 par lequel le maire de Lannemezan a accordé à M. D... un permis de construire modificatif. Ce mémoire, ainsi que ses pièces jointes, ont été transmis par le greffe du tribunal administratif de Pau aux époux C... le 24 août 2020, et réceptionnés par ces derniers le même jour, comme l'atteste l'accusé de réception issu de l'application Télérecours, ce que ne contestent d'ailleurs pas les appelants. Par ailleurs, la magistrate du tribunal administratif de Pau a fixé, par ordonnance du 24 août 2020, la clôture d'instruction de cette instance au 15 septembre 2020, laissant un temps suffisant aux époux C... pour faire valoir leurs observations. Ainsi, et contrairement à ce que soutiennent les appelants, il ne ressort pas des pièces du dossier que le caractère contradictoire de l'instruction ait été méconnu dans l'instance n° 1902029 dès lors qu'ils ont disposé d'un délai de trois semaines pour contester, dans le cadre de cette instance, la légalité de l'arrêté du 20 août 2020 par lequel le maire de Lannemezan a délivré à M. D... un permis de construire modificatif. Dans ces conditions, c'est à juste titre que la présidente du tribunal administratif de Pau a estimé que les conditions d'application de l'article L. 600-5-2 du code de l'urbanisme étaient réunies et que la requête présentée par les époux C... le 3 novembre 2020, enregistrée sous le n° 2002174, tendant à l'annulation d'un permis de construire modificatif qui leur avait été communiqué dans l'instance initiale, était manifestement irrecevable.

5. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la présidente du tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande comme étant manifestement irrecevable. Par suite, la requête n° 21BX00424 des époux C... doit être rejetée, et ce sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par les époux C..., tous relatifs à la légalité du permis de construire modificatif du 20 août 2020.

Sur la régularité du jugement du 2 décembre 2020 :

6. En premier lieu, en indiquant que les insuffisances du dossier de demande du permis de construire initial ne permettaient pas d'apprécier l'insertion du projet dans son environnement, ni le respect des dispositions applicables, puis en précisant que " le permis modificatif, accordé au pétitionnaire le 20 août 2020, a été délivré au vu d'un dossier de demande, élaboré par un architecte, comportant une notice descriptive comprenant un exposé des partis retenus pour assurer l'insertion de la construction dans les lieux avoisinants " et " qu'ont été fournis à l'appui de la demande de permis de construire modificatif, deux plans de situation (PC 1), un plan de masse (PC 2), un plan en coupe (PC 3), des plans des façades nord, sud, est et ouest (PC 5 a et b), des photographies de l'existant et des photomontages de l'existant avec le projet (PC 6) ainsi que des photographies de l'environnement proche et lointain (PC 7 et 8) ", pour en conclure que le permis modificatif avait régularisé les illégalités qui entachaient le permis initial, le tribunal administratif de Pau a suffisamment motivé, en droit et en fait, l'appréciation par laquelle il a abouti à cette solution. Par suite, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier car insuffisamment motivé.

7. En deuxième lieu, pour les motifs indiqués au point 4, M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que le permis de construire modificatif leur aurait été communiqué de manière tardive et que le jugement attaqué serait irrégulier du fait de la méconnaissance du caractère contradictoire de l'instruction. Par suite, ce moyen doit être écarté.

Sur la légalité des arrêtés du 20 juin 2019 et du 20 août 2020 :

8. Lorsqu'un permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif dès lors que celui-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial.

9. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 4 et 5 du présent arrêt que M. et Mme C... n'ont pas contesté, dans l'instance n° 1902029, la légalité de l'arrêté du 20 août 2020, dans les deux mois à compter de la notification de cet arrêté le 24 août 2020. Par suite, l'arrêté du 20 août 2020 est devenu définitif. Ainsi, les moyens des époux C... développés à l'encontre des vices propres de cet arrêté et tirés des inexactitudes et incohérences des pièces jointes à la demande de permis de construire modificatif et du visa tardif par le maire de ces pièces doivent être écartés comme étant inopérants.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend une notice précisant : / 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; / 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : / a) L'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; / b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; / c) Le traitement des constructions, clôtures, végétations ou aménagements situés en limite de terrain ; / d) Les matériaux et les couleurs des constructions ; / e) Le traitement des espaces libres, notamment les plantations à conserver ou à créer ; / f) L'organisation et l'aménagement des accès au terrain, aux constructions et aux aires de stationnement. ". Aux termes de l'article R* 431-9 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu. (...) ". Aux termes de l'article R* 431-10 du même code : " Le projet architectural comprend également : / (...) b) Un plan en coupe précisant l'implantation de la construction par rapport au profil du terrain ; lorsque les travaux ont pour effet de modifier le profil du terrain, ce plan fait apparaître l'état initial et l'état futur ; / c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; / d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse. (...) ".

11. Il ressort des pièces du dossier que le dossier de demande de permis de construire modificatif déposé le 16 juillet 2020 par M. D... comporte une notice descriptive qui précise l'état initial du terrain et de ses abords ainsi que les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement. Elle est complétée d'un plan de masse répondant aux exigences posées par l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme, ainsi que d'un plan de coupe de l'existant et de la construction projetée, de deux photographies permettant de situer le terrain dans son environnement proche et lointain et enfin d'un document graphique permettant d'apprécier l'insertion en trois dimensions du projet par rapport aux constructions avoisinantes. Dans ces conditions, le service instructeur disposait de l'ensemble des pièces permettant d'apprécier l'insertion du projet dans son environnement et la conformité de ce dernier aux réglementations applicables. Par suite, le permis de construire modificatif a régularisé le permis de construire initial et les appelants ne peuvent utilement se prévaloir du moyen tiré de l'incomplétude du dossier de demande de permis de construire initial, en ce compris l'argument selon lequel les services instructeurs n'auraient pu apprécier le projet au regard des normes applicables dès lors que le maire a visé les plans joints au permis de construire initial le jour même de sa délivrance.

12. En troisième lieu, en vertu de l'article UB2 du règlement de la zone UB du PLU de Lannemezan relatif aux occupations ou utilisations du sol soumises à des conditions particulières, constituent une telle occupation ou utilisation : " (...) L'aménagement et l'extension des constructions existantes, à usage d'activités artisanales, industrielles, commerciales et services/tertiaires, et leurs dépôts, sous réserve qu'elles soient compatibles avec le caractère de la zone et des lieux avoisinants et qu'elles ne soient pas source de nuisances supplémentaires pour l'environnement immédiat. ".

13. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de la notice descriptive et du plan de masse joints au dossier de demande de permis de construire modificatif, que le projet en litige consiste en la construction d'un bâtiment comportant 6 garages, sur un terrain qui accueille un autre bâtiment comportant également plusieurs garages. La construction projetée s'implante dans le prolongement du bâtiment existant mais ne s'accole pas à ce dernier. Ainsi, le projet litigieux, qui porte sur une construction nouvelle, n'entre pas dans le champ des dispositions précitées de l'article UB2 du règlement de la zone UB du PLU de Lannemezan qui vise l'aménagement et l'extension des constructions existantes. Par suite, M. et Mme C... ne peuvent utilement se prévaloir de ces dispositions et le moyen tiré de leur méconnaissance doit être écarté comme étant inopérant.

14. En quatrième lieu, aux termes de l'article UB3 du règlement de la zone UB du PLU de Lannemezan relatif aux accès et voirie : " Les caractéristiques des voies doivent permettre de satisfaire aux règles minimales de desserte, de retournement des véhicules (...) et de répondre à l'importance et à la destination de la construction. Toute voie desservant au moins 3 constructions, doit avoir une largeur d'emprise d'au moins 4 mètres. (...) ".

15. Le terrain d'assiette du projet, situé à l'angle des rues du Bie de Bagnères et de la rue des Ecoles, est desservi depuis cette dernière voie par une servitude de passage située sur la parcelle voisine cadastrée section BR n° 230, qui contrairement à ce que soutiennent M. et Mme C..., ne dessert que deux constructions, le bâtiment existant et le bâtiment projeté. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que les caractéristiques de la rue des Ecoles, d'une largeur classique et qui permet également la desserte de l'école primaire Paul Baratgin, ainsi que celles de la servitude de passage, dont la conformité n'est au demeurant pas conditionnée à une largeur d'emprise minimale de 4 mètres, ne permettraient pas de satisfaire aux règles minimales de desserte telles que fixées par les dispositions précitées de l'article UB3 du règlement du PLU de Lannemezan. Par suite, le moyen doit être écarté.

16. En cinquième lieu, aux termes de l'article UB6 du règlement de la zone UB du PLU de Lannemezan relatif à l'implantation des constructions par rapport aux voies et emprises publiques : " Toute construction doit être implantée à l'alignement des voies et emprises publiques existantes, modifiées ou à créer, soit avec un recul minimum de 4 mètres par rapport à cet alignement (...) ". Aux termes de l'article UB7 du règlement de la zone UB du PLU de Lannemezan relatif à l'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives : " A moins que la construction ne jouxte les limites séparatives de propriété, elle respectera des marges d'isolement telles que la distance (L), mesurée horizontalement, de tout point de la construction à la limite de propriété, soit au moins égale à sa hauteur (H) avec un minimum de 3,00m. Soit L = H )= 3m. (...) ".

17. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le bâtiment projeté qui s'implante à l'alignement de la rue du Bie de Bagnères et jouxte les limites séparatives de la parcelle de M. et Mme C... et de la parcelle cadastrée section BR n°230 dans sa façade Est, ne respecte pas, dans sa longueur, la prescription posée par l'article UB7 dès lors qu'il est implanté, pour partie, à moins de trois mètres de la parcelle BR 230. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le plan de masse joint au dossier de demande de permis de construire modificatif intègre l'acquisition par le pétitionnaire de la parcelle BR n°230p d'une superficie de 6 m2, cédée par la commune par délibération du conseil municipal de Lannemezan du 9 mars 2021. Par suite, et quand bien même la cession de cette parcelle est intervenue postérieurement à la délivrance du permis de construire modificatif contesté, il ressort des pièces du dossier que M. D... a attesté avoir qualité pour demander l'autorisation modificative et il ne ressort d'aucune pièce du dossier que cette attestation aurait été frauduleuse, le principe de cette cession ayant été acté par le maire de Lannemezan dans un courrier du 15 juillet 2020. Par suite, et dès lors que le permis contesté a été délivré sous réserve du droit des tiers, le projet, ainsi régularisé, apparait conforme aux dispositions précitées des articles UB6 et UB7 du PLU de Lannemezan.

18. D'autre part, s'il ressort des pièces du dossier que le principe de cette cession avait été acté par le maire de Lannemezan dans un courrier du 15 juillet 2020, et que ce dernier avait autorisé M. D... à inclure cette future cession dans son projet modificatif, cette circonstance ne traduit pas, par elle-même, un détournement de pouvoir. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir, en relevant que la délibération du 9 mars 2021 indiquait que la cession permettait de " régulariser " l'implantation du projet par rapport aux limites séparatives, que le permis modifié était entaché d'un détournement de pouvoir, le maire ayant sciemment délivré un permis illégal.

19. Enfin, pour les motifs indiqués au point 4, M. et Mme C... ne sont pas non plus fondés à soutenir que les circonstances dans lesquelles le permis de construire modificatif leur a été communiqué dans l'instance n°1902029 était constitutif d'un détournement de pouvoir.

20. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, leur requête enregistrée sous le n° 2100425 doit être rejetée, y compris leurs conclusions à fin de médiation qui n'ont pas recueilli l'accord des autres parties.

Sur les conclusions indemnitaires :

21. En soutenant que les illégalités des permis de construire initial et modificatif leur ont causé un dommage dont ils demandent réparation, les époux C... doivent être entendus comme présentant des conclusions indemnitaires tendant à la condamnation de la commune de Lannemezan à leur verser des dommages et intérêts. Ces conclusions sont présentées pour la première fois en appel. Par suite, elles sont irrecevables.

Sur les frais au litige :

22. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes n° 21BX00424 et n° 21BX00425 sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Lannemezan et par M. D... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... A... épouse C... et à M. E... C..., à M. B... D... et à la commune de Lannemezan.

Délibéré après l'audience du 7 février 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Nathalie Gay, première conseillère,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mars 2023.

La rapporteure,

Héloïse G...

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Atlantiques en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°21BX00424, 21BX00425


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00424
Date de la décision : 07/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Héloïse PRUCHE-MAURIN
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : SCP BERRANGER et BURTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-03-07;21bx00424 ?
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