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06/04/2023 | FRANCE | N°22BX00817

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 06 avril 2023, 22BX00817


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2021 par lequel la préfète de la Haute-Vienne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2101783 du 22 décembre 2021, le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure dev

ant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 mars 2022, M. B... C..., représenté par Me...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2021 par lequel la préfète de la Haute-Vienne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2101783 du 22 décembre 2021, le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 10 mars 2022, M. B... C..., représenté par Me Roux, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du président du tribunal administratif de Limoges du 22 décembre 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2021 de la préfète de la Haute-Vienne ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour et, à défaut, de prendre une nouvelle décision dans un délai d'un mois suivant notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme totale de 3588 euros à verser à son conseil en application des dispositions des articles 35 et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve de renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté a été pris par une autorité incompétente car le signataire ne justifie pas d'une délégation de signature du préfet ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît son droit d'être entendu tel que garanti par le droit de l'Union européenne ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; il a fixé le centre de ses intérêts en France, où il réside depuis 22 mois ; il n'a plus de lien avec sa famille restée dans son pays d'origine ; photographe de profession, il a mis son talent au service de plusieurs associations locales et collectivités comme bénévole, investissement qui atteste de sa volonté d'intégration dans la société française ;

- la mesure d'éloignement prise à son encontre est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;

- la décision prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an est entachée d'incompétence de son auteur ;

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- cette mesure est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2022, la préfète de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête de M. C....

Elle fait valoir que les moyens invoqués par M. C... ne sont pas fondés.

M. C... été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme A... D... a été entendu au cours de l'audience publique :

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant guinéen né le 5 août 1995, est entré en France le 18 janvier 2020. Le 21 janvier 2020, il a formulé une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 22 janvier 2021, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 22 septembre 2021. A la suite de ce rejet, la préfète de la Haute-Vienne, par un arrêté du 19 octobre 2021, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. M. C... relève appel du jugement du 22 décembre 2021 par lequel le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, à l'appui des moyens tirés de ce que l'arrêté litigieux serait entaché du vice d'incompétence de son signataire, que la préfète n'aurait pas procédé à un examen de sa situation personnelle et n'aurait pas respecté son droit d' être entendu avant l'édiction de la mesure d'éloignement prise à son encontre, l'appelant ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas utilement la réponse apportée par le premier juge. Par suite, il y a lieu de rejeter ces moyens par adoption des motifs pertinemment retenus par le premier juge.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

4. M. C... soutient qu'il réside en France depuis plus de vingt-deux mois à la date de la décision contestée, qu'il y a fixé durablement le centre de ses intérêts et qu'il n'a plus de contact avec sa famille restée en Guinée, pays qu'il a quitté en 2013. Il ressort des pièces du dossier que M. C... est entré irrégulièrement en France en janvier 2020, après avoir séjourné en Italie, en Allemagne et au Sénégal, selon ses déclarations. Toutefois, il n'a été admis à séjourner en France qu'à titre temporaire dans l'attente de l'examen de sa demande d'asile et il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine. Hormis son investissement bénévole en tant que photographe dans le cadre de plusieurs projets culturels locaux, le requérant n'apporte aucune précision quant à la stabilité et l'intensité des liens personnels qu'il aurait noués sur le territoire français. Il est constant qu'il n'a aucune attache familiale en France. Si l'appelant produit une pétition de soutien et des témoignages de collectivités et d'associations locales faisant état de son implication et de son investissement dans des projets culturels et/ou artistiques, ces éléments sont postérieurs à l'arrêté contesté. Enfin, s'il se prévaut de la lettre de soutien et de recommandation datée du 27 février 2021 de la direction régionale des affaires culturelles de Nouvelle-Aquitaine, cette attestation n'est pas suffisante pour établir qu'il encourrait des risques en cas de retour en Guinée du fait de son métier de photographe et réalisateur, craintes que la Cour nationale du droit d'asile n'a au demeurant pas regardées comme fondées dans sa décision du 22 septembre 2021 rejetant définitivement la demande d'asile de l'intéressé. Dans ces conditions, et en dépit des efforts d'insertion déployés par le requérant, en prenant à l'encontre de M. C... une décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, la préfète n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

5. Enfin, M. C... reprend en appel les moyens, déjà soulevés en première instance, tirés du caractère insuffisamment motivé de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et de l'erreur manifeste d'appréciation dont cette décision serait entachée. Il ne se prévaut toutefois devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et de l'Outre-mer. Une copie en sera adressée à la préfète de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,

Mme Agnès Bourjol, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 avril 2023.

La rapporteure,

Agnès D...La présidente,

Marie Pierre BEUVE DUPUY

La greffière,

Sylvie HAYET

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et de l'Outre-mer, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX00817


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00817
Date de la décision : 06/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BEUVE-DUPUY
Rapporteur ?: Mme Agnès BOURJOL
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : ROUX

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-04-06;22bx00817 ?
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