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06/04/2023 | FRANCE | N°22BX02108

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 06 avril 2023, 22BX02108


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 10 mars 2022 par lequel la préfète de la Haute-Vienne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2200429 du 19 mai 2022, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 août 2022 et le 16 septembre 2022, Mme ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... B... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 10 mars 2022 par lequel la préfète de la Haute-Vienne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 2200429 du 19 mai 2022, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 août 2022 et le 16 septembre 2022, Mme B... A..., représentée par Me Roux, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 mai 2022 du tribunal administratif de Limoges ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 mars 2022 par lequel la préfète de la Haute-Vienne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", subsidiairement, de prendre une nouvelle décision dans un délai de 20 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 794 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle a nécessairement été abrogée implicitement en raison de la délivrance postérieure d'une attestation de demande d'asile valable du 18 mars 2022 au 17 septembre 2022 ;

- elle a été prise en méconnaissance de son droit à être entendue ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est privée de base légale du fait de l'abrogation implicite de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation au regard de sa situation.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 janvier 2023, la préfète de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Mme B... A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 juillet 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., ressortissante congolaise née en 1996, est entrée irrégulièrement en France selon ses dires le 5 juillet 2019. Sa demande d'asile a été définitivement rejetée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 12 février 2022. Par un arrêté du 10 mars 2022, la préfète de la Haute-Vienne a retiré l'attestation de demande d'asile dont elle bénéficiait, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler cet arrêté en tant qu'il valait obligation de quitter le territoire français et interdiction de retour. Elle fait appel du jugement du 19 mai 2022 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français ". Aux termes de l'article L. 541-2 du même code : " L'attestation délivrée en application de l'article L. 521-7, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la Cour nationale du droit d'asile statuent ". Les articles L. 542-1 et L. 542-2 du même code énumèrent les cas dans lesquels le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé. Enfin l'article L. 541-3 de ce code : " Sans préjudice des dispositions des articles L. 753-1 à L. 753-4 et L. 754-1 à L. 754-8, lorsque l'étranger sollicitant l'enregistrement d'une demande d'asile a fait l'objet, préalablement à la présentation de sa demande, d'une décision d'éloignement prise en application du livre VI, cette dernière ne peut être mise à exécution tant que l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français, dans les conditions prévues aux articles L. 542-1 et L. 542-2 ".

3. Si Mme B... A... fait valoir qu'elle s'est vu délivrer le 18 mars 2022 une attestation de demande d'asile en vue du traitement en procédure accélérée de sa demande de réexamen de sa demande d'asile enregistrée le même jour, cette circonstance, qui fait seulement obstacle à l'exécution de la décision contestée l'obligeant à quitter le territoire français, ne peut être regardée comme valant abrogation de cette décision. Par suite, ce moyen doit être écarté.

4. En deuxième lieu, dans le cas prévu au 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision portant obligation de quitter le territoire français fait suite au constat de ce que la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire ont été définitivement refusés à l'étranger ou de ce que celui-ci ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a été entendu dans le cadre du dépôt de sa demande d'asile à l'occasion de laquelle l'étranger est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit reconnue la qualité de réfugié et à produire tous les éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, laquelle doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir toute observation complémentaire, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que la requérante ait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux ni qu'elle ait été empêchée de présenter des observations avant que ne soit prise la décision contestée. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait intervenue en méconnaissance du droit d'être entendu garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

5. En troisième lieu, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B... A... aurait fait état de son état de santé, la motivation de l'arrêté attaqué qui mentionne les éléments propres à sa situation personnelle ne révèle pas un défaut d'examen particulier de sa situation. Par suite, le moyen, tiré du défaut d'examen dont serait entachée la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Il ressort des pièces du dossier que le séjour en France de Mme B... A... est récent, qu'elle est célibataire et sans enfant et ne fait état d'aucun lien sur le territoire national alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle serait dépourvue d'attaches dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-quatre ans. Si elle se prévaut de ses problèmes de santé, les certificats médicaux qu'elle produit ne sont pas de nature à établir qu'elle ne pourrait pas poursuivre les soins qui lui sont prodigués en République démocratique du Congo. En outre, si elle se prévaut d'un rendez-vous à la préfecture de Haute-Vienne le 12 avril 2022 afin de déposer une première demande de titre de séjour portant la mention " étranger malade ", cet élément postérieur à la décision contestée est sans incidence sur sa légalité. Dans ces conditions, l'arrêté en litige ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme B... A... au regard des buts poursuivis par la décision portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

8. En cinquième lieu, eu égard à ce qui a été indiqué précédemment, le moyen tiré, par voie de conséquence, de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français serait entachée d'un défaut de base légale en raison de l'abrogation implicite de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

9. En sixième lieu, Mme B... A... reprend en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance, et sans critiquer la réponse apportée par le tribunal administratif, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation dont serait entachée la décision portant interdiction de retour. Dès lors, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.

10. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour serait entachée d'une erreur d'appréciation doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 10 mars 2022. Par suite sa requête doit être rejetée y compris ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées par son conseil au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B... A... et au ministre de l'intérieur des outre-mer.

Copie en sera adressée à la préfète de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 16 mars 2023, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 avril 2023.

La rapporteure,

Christelle D...Le président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX02108


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02108
Date de la décision : 06/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Christelle BROUARD-LUCAS
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : ROUX

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-04-06;22bx02108 ?
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