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11/04/2023 | FRANCE | N°22BX02008

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 11 avril 2023, 22BX02008


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 12 juillet 2021 par lequel la préfète de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné.

Par un jugement n° 2200382 du 12 avril 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par un

e requête, enregistrée le 28 juillet 2022, M. A..., représenté par Me Jouteau, demande à la cour :...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 12 juillet 2021 par lequel la préfète de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné.

Par un jugement n° 2200382 du 12 avril 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2022, M. A..., représenté par Me Jouteau, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2200382 du tribunal administratif de Bordeaux du 12 avril 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 12 juillet 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté est entaché d'un défaut d'examen complet de sa situation personnelle et d'erreur de fait dès lors que l'autorité préfectorale mentionne un emploi qu'il avait quitté à la date de la décision et qu'elle ne prend pas en considération le contrat à durée indéterminée à temps complet qu'il occupait à cette date ;

- au regard des preuves de présence qu'il produit, l'ancienneté de son séjour en France depuis l'année 2014 doit être considérée comme acquise ;

- eu égard à sa situation professionnelle, familiale et personnelle, l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 décembre 2022, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus à l'audience publique :

- le rapport de M. D... E...,

- et les observations de Me Jouteau, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant tunisien né le 27 décembre 1988, est entré en France, selon ses affirmations, au cours de l'année 2014 et s'est vu délivrer un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française, valable du 28 janvier 2019 au 28 janvier 2020. M. A... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour le 15 novembre 2019 et s'est vu délivrer des récépissés de demande de titre de séjour valant autorisations de travail valables jusqu'au 21 juillet 2021. Par un arrêté du 21 juillet 2021, la préfète de la Gironde a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine. M. A... relève appel du jugement du 12 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, M. A... n'établit pas avoir porté à la connaissance de la préfète de la Gironde, préalablement à l'intervention de l'arrêté contesté du 12 juillet 2021, les éléments relatifs à l'évolution récente de sa situation professionnelle tenant à la conclusion, le 31 mai 2021, d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet en qualité de maçon coffreur, ni avoir été empêché d'y procéder. En toute hypothèse, il ne ressort pas de l'examen des pièces du dossier que cet élément aurait été de nature à lui ouvrir un droit au séjour. Par suite, les moyens tirés de ce que, faute de faire état de cette nouvelle situation professionnelle, l'arrêté litigieux serait entaché d'un défaut d'examen complet de sa situation personnelle et d'erreur de fait doivent être écartés.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger marié avec un ressortissant français, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies : / 1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ; / (...). ". Aux termes de l'article L. 423-2 du même code : " L'étranger, entré régulièrement et marié en France avec un ressortissant français avec lequel il justifie d'une vie commune et effective de six mois en France, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. ". Aux termes de l'article L. 423-3 du même code : " (...) / Le renouvellement de la carte est subordonné au maintien du lien conjugal et de la communauté de vie avec le conjoint qui doit avoir conservé la nationalité française. ". Enfin, aux termes de l'article 10 de l'accord franco-tunisien modifié du 17 mars 1988 : " 1. Un titre de séjour d'une durée de dix ans, ouvrant droit à l'exercice d'une activité professionnelle, est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français : / a) Au conjoint tunisien d'un ressortissant français, marié depuis au moins un an, à condition que la communauté de vie entre époux n'ait pas cessé, que le conjoint ait conservé sa nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état-civil français ; (...) ".

4. Il résulte de l'ensemble de ces stipulations et dispositions que, dès lors que la délivrance d'un titre de séjour d'une durée de dix ans à un ressortissant tunisien en qualité de conjoint de français est prévue au a) du 1 de l'article 10 de l'accord franco-tunisien modifié du 17 mars 1988, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas applicable à l'appui d'une telle demande d'admission au séjour, s'agissant d'un point déjà traité par cet accord. En revanche, la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " en cette qualité, d'une durée de validité d'un an, en ce qu'elle n'est pas prévue à cet accord, intervient dans les conditions prévues par les dispositions des articles L. 423-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est marié le 6 octobre 2018 avec Mme B..., ressortissante de nationalité française. Il résulte des termes du procès-verbal de son audition effectuée le 18 février 2021 par les services de police à l'occasion d'une enquête de communauté de vie que, depuis le 1er septembre 2020, M. A..., qui habite à Bordeaux, ne réside plus avec son épouse qui, depuis cette date, demeure chez ses parents, dans le département des Pyrénées-Atlantiques. Si le requérant soutient que cette situation de rupture de la communauté de vie résulte de difficultés financières rencontrées par le couple, ce dernier n'étant plus en mesure d'assumer un loyer commun, il n'apporte aucun élément de nature à établir que, malgré cette séparation géographique, M. A... et Mme B... auraient conservé un quelconque lien à la date de la décision contestée. A cet égard, l'intéressé ne peut utilement se prévaloir, à l'occasion d'un recours pour excès de pouvoir, de ce que cette situation résulterait du délai d'instruction anormalement long de sa demande de renouvellement de titre de séjour par les services préfectoraux. Par suite, en l'absence de maintien du lien conjugal et de communauté de vie, la préfète de la Gironde a pu, sans entacher sa décision d'erreur de droit, rejeter la demande de titre de séjour présentée par M. A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations du a) du 1 de l'article 10 de l'accord franco-tunisien modifié du 17 mars 1988.

6. En dernier lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France, en dernier lieu, le 4 février 2019. Le requérant soutient qu'antérieurement à cette date, il résidait sur le territoire depuis la fin de l'année 2014. Toutefois, au titre de la période du 1er janvier 2016 au 1er décembre 2018, l'intéressé produit des preuves de présence, constituées essentiellement de pièces administratives ou médicales, pour les mois d'avril, septembre et novembre 2016, février, avril et mai 2017 ainsi que mai et juin 2018 qui, si elles sont de nature à attester de présences ponctuelles de M. A... sur le territoire, ne sont pas suffisantes pour justifier de la continuité de son séjour en France au cours de cette période. Par ailleurs, si, depuis le mois de février 2019, le requérant a connu quelques périodes d'activité exercées, à temps partiel, en qualité de maçon, l'insertion professionnelle stable de l'intéressé, titulaire, depuis le 31 mai 2021, d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet en qualité de maçon coffreur, était très récente à la date de l'arrêté litigieux. Enfin, M. A..., qui est séparé de sa conjointe et sans charge de famille, n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident ses parents et sa fratrie et ne justifie pas du développement d'un réseau dense de relations sociales en France. Par suite, compte tenu de la durée et des conditions du séjour du requérant sur le territoire, la préfète de la Gironde n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels l'arrêté contesté a été pris et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cet arrêté n'est pas davantage entaché d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Les conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2023.

Le rapporteur,

Michaël E... La présidente,

Evelyne Balzamo

Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 22BX020082


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02008
Date de la décision : 11/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Michaël KAUFFMANN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : JOUTEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-04-11;22bx02008 ?
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