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11/04/2023 | FRANCE | N°22BX02098

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 11 avril 2023, 22BX02098


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 1er février 2022 par lequel la préfète de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2200958 du 6 mai 2022, le magistrat désigné pa

r la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 1er février 2022 par lequel la préfète de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2200958 du 6 mai 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 août 2022, M. A..., représenté par Me Massou dit C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2200958 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux du 6 mai 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er février 2022 de la préfète de la Gironde ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'erreur de droit dès lors qu'aucun refus de demande d'asile ne lui a été notifié le 19 juillet 2021 ;

- eu égard à sa situation personnelle et familiale, elle porte une atteinte manifestement excessive au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de la circulaire du 28 novembre 2012 dès lors qu'il justifie de motifs exceptionnels justifiant l'octroi d'un titre de séjour ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle porte atteinte au principe général du droit de l'Union européenne selon lequel toute personne a le droit d'être entendue préalablement à l'adoption d'une décision qui lui est défavorable ;

- eu égard à sa situation personnelle et familiale, elle porte une atteinte manifestement excessive au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle porte atteinte au principe général du droit de l'Union européenne selon lequel toute personne a le droit d'être entendue préalablement à l'adoption d'une décision qui lui est défavorable ;

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation ;

- eu égard à sa situation personnelle et familiale, elle porte une atteinte manifestement excessive au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2022, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 30 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant arménien né le 19 mai 1987, est entré sur le territoire français au cours du mois de novembre 2009 et a vu sa demande d'asile rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 21 juin 2010, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 27 septembre 2011. Le 16 décembre 2011, l'OFPRA a rejeté la demande de réexamen présentée par l'intéressé. Par des décisions du 15 juin 2016 et du 10 février 2017, confirmées par des décisions des 5 janvier et 30 mai 2017, l'OFPRA et la CNDA ont de nouveau rejeté des demandes d'asile et de réexamen présentées par M. A.... Ce dernier à une nouvelle fois sollicité le bénéfice de l'asile le 24 septembre 2020 à laquelle l'OFPRA, le 14 décembre 2020, a opposé une décision d'irrecevabilité. Par une décision du 15 juillet 2021, l'OFPRA, statuant en procédure accélérée, a clôturé une nouvelle demande d'asile, présentée le même jour par l'intéressé. Par un arrêté du 1er février 2022, la préfète de la Gironde lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. M. A... relève appel du jugement du 6 mai 2022 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er février 2022.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

En ce qui concerne refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. En premier lieu, l'arrêté contesté, après avoir visé notamment l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, mentionne que M. A... a fait l'objet, le 15 juillet 2021, d'une décision de l'OFPRA portant clôture de sa demande d'asile présentée le même jour et qu'ainsi, il n'est plus autorisé à demeurer sur le territoire français. Contrairement à ce qui est soutenu, la préfète de la Gironde n'était pas tenue de mentionner l'ensemble des étapes du parcours administratif du requérant en France, notamment la mesure d'éloignement dont il a fait l'objet le 30 septembre 2014, les décisions des 5 janvier et 30 mai 2017 de l'OFPRA et la CNDA qui ont rejeté les demandes d'asile et de réexamen présentées par M. A... ou la décision de transfert aux autorités italiennes édictée le 12 septembre 2017 par le préfet des Pyrénées-Atlantiques. Dans ces conditions, la décision susvisée comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui la fonde et le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. / Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci. ". Aux termes de l'article L. 542-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : / 1° Dès que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris les décisions suivantes : / (...) / e) une décision de clôture prise en application des articles L. 531-37 ou L. 531-38 (...) ". Aux termes de l'article L. 531-37 du même code : " Par dérogation à l'article L. 531-1, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides prend une décision de clôture lorsque l'étranger, sans motif légitime, n'a pas introduit sa demande auprès de lui. ". Enfin, aux termes de l'article R. 531-19 du même code : " La date de notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides qui figure dans le système d'information de l'office, et qui est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques, fait foi jusqu'à preuve du contraire. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 15 juillet 2021, versée au dossier de première instance par la préfète de la Gironde, l'OFPRA a clôturé la demande d'asile présentée par M. A..., sur le fondement des dispositions de l'article L. 531-37 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le relevé des informations de la base de données " TelemOfpra ", établi le 24 mars 2022 et qui fait foi jusqu'à preuve du contraire, indique que cette décision a été notifiée le 19 juillet 2021 à l'intéressé, qui ne produit, y compris en cause d'appel, aucun élément de nature à établir qu'une telle notification n'aurait pas eu lieu. Il s'ensuit, en tout état de cause, qu'à la date de l'arrêté attaqué, le requérant ne bénéficiait plus du droit de se maintenir en France. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la préfète de la Gironde aurait entaché sa décision d'une erreur de droit.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

6. M. A... soutient qu'il réside en France de manière habituelle depuis le 3 décembre 2016 après avoir été renvoyé dans son pays d'origine le 14 novembre 2014. Toutefois, il ne produit aucune pièce de nature à établir la continuité de son séjour en France depuis cette date. Par ailleurs, s'il fait état de ce qu'il ne dispose pas d'attaches familiales ailleurs qu'en France et produit notamment, à l'appui de ses allégations, une copie des attestations d'hébergement rédigées par son père et sa mère, ces pièces sont insuffisantes, en l'absence d'autres éléments, pour établir l'existence de liens personnels, anciens et stables dont il disposerait avec ces derniers ainsi qu'avec son frère, qui résideraient régulièrement sur le territoire. En outre, il n'apporte aucun élément établissant son insertion professionnelle dans la société française, se bornant à affirmer qu'il occupe un emploi et à fournir un avis d'imposition établi en 2021, faisant état de salaires déclarés d'un montant de 960 euros au titre de l'année 2020. Enfin, M. A..., célibataire et sans charge de famille, ne justifie pas davantage de l'absence d'attaches personnelles dans son pays d'origine ni du développement d'un réseau dense de relations sociales sur le territoire. Par suite, compte tenu des conditions et de la durée du séjour en France du requérant, la préfète de la Gironde n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision lui refusant le séjour a été prise et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions précitées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, elle n'a pas plus entaché cette décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

7. En dernier lieu, M. A... ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir des énonciations de la circulaire du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elles ne constituent que des orientations générales adressées aux préfets pour la mise en œuvre de leur pouvoir de régularisation, sans les priver de leur pouvoir d'appréciation.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2 (...) ".

9. En premier lieu, la décision susvisée comporte la référence aux dispositions qui la fondent, citées au point précédent. La préfète de la Gironde y fait également mention de ce que le requérant, qui a fait l'objet, le 15 juillet 2021, d'une décision de l'OFPRA portant clôture de sa demande d'asile présentée le même jour, n'est ainsi plus autorisé à demeurer sur le territoire français et peut faire l'objet d'une mesure d'éloignement. L'arrêté mentionne enfin que le requérant ne justifie pas se trouver dans l'un des cas dans lesquels un étranger ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français tel que précisés à l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et qu'il n'entre dans aucun autre cas d'attribution d'un titre de séjour de plein droit, en application du même code. Si la préfète n'a pas fait état, de manière exhaustive, de l'ensemble des étapes du parcours administratif du requérant en France, l'absence de ces mentions n'entache pas, en l'espèce, la décision portant obligation de quitter le territoire français d'un défaut de motivation, l'administration n'étant pas tenue d'exposer tous les éléments que comporte le dossier de l'intéressé. Par suite, cette décision comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fonde et est, dès lors, suffisamment motivée.

10. En deuxième lieu, si les dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne sont pas en elles-mêmes invocables par un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement telle qu'une obligation de quitter le territoire français, celui-ci peut néanmoins utilement faire valoir que le principe général du droit de l'Union, relatif au respect des droits de la défense, imposait qu'il soit préalablement entendu et mis à même de présenter toute observation utile sur la mesure d'éloignement envisagée. Toutefois, dans le cas prévu au 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise après que la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou lorsque ce dernier ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2 du même code, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du défaut de reconnaissance de cette qualité ou de ce bénéfice. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français dès lors qu'il a pu être entendu à l'occasion de l'examen de sa demande d'asile. Lorsqu'il sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, l'intéressé ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le rejet de la demande d'asile, n'impose pas à l'autorité administrative de le mettre à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français.

11. M. A..., qui a présenté des demandes d'asile notamment en juin 2016 et février 2017 puis en septembre 2020, n'établit ni même n'allègue, qu'il n'aurait pas été entendu devant l'OFPRA. En outre, il lui appartenait, ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, de fournir spontanément à l'administration, au cours de l'instruction de ses demandes d'asile par l'OFPRA ou à la suite du rejet de ses demandes d'asile, tous éléments utiles relatifs à sa situation. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé aurait été empêché de faire état de nouveaux éléments auprès de l'autorité préfectorale entre le rejet de ses demandes d'asile et l'édiction de l'arrêté litigieux. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige aurait été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu.

12. En troisième lieu, M. A... reprend en appel les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations des articles 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge.

13. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la mesure d'éloignement contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni qu'elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

14. En premier lieu, ainsi qu'il été précédemment exposé, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Dès lors, le moyen invoqué par la voie de l'exception, par M. A..., de son illégalité ne peut qu'être écarté.

15. En second lieu, aux termes de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative fixe, par une décision distincte de la décision d'éloignement, le pays à destination duquel l'étranger peut être renvoyé en cas d'exécution d'office d'une décision portant obligation de quitter le territoire français (...) ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

16. D'une part, l'arrêté contesté vise les dispositions de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et indique que M. A... n'établit pas être exposé à des peines ou traitement contraires à ces stipulations en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, la décision susvisée, fixant le pays de destination, qui comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée.

17. D'autre part, si le requérant soutient qu'il craint les traitements discriminants, inhumains et dégradants dont il ferait l'objet en cas de retour dans son pays d'origine, il ne produit aucun élément permettant de tenir pour établis la réalité et le caractère personnel des risques allégués, dont l'OFPRA n'a, au demeurant, pas reconnu l'existence, en cas de retour en Arménie. Par suite, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que la préfète de la Gironde a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans :

18. Aux termes de l'article L. 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) les décisions d'interdiction de retour et de prolongation d'interdiction de retour prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et L. 612-11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées. ". Aux termes de l'article L. 612-8 du même code : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".

19. Il ressort des termes de l'arrêté contesté que, pour prononcer une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, la préfète de la Gironde s'est fondée, d'une part, sur l'absence de justification de la nature et de l'ancienneté des liens de M. A... avec la France, d'autre part, sur la circonstance que ce dernier a fait l'objet de deux précédentes mesures d'éloignement, le 24 octobre 2011 et le 9 septembre 2013. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a fait l'objet d'une mesure d'éloignement plus récente, le 30 septembre 2014, prononcée par le préfet des Pyrénées-Atlantiques, à laquelle il soutient, sans être contesté, avoir déféré en retournant dans son pays d'origine le 14 novembre 2014, avant de revenir sur le territoire français deux ans plus tard, le 3 décembre 2016. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à compter de cette date, M. A... aurait fait l'objet d'une nouvelle obligation de quitter le territoire français. Dans ces conditions, la prise en compte de mesures d'éloignement plus anciennes n'est pas pertinente pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, la seule circonstance que le requérant, dont les parents résident en France, n'a pas justifié de l'ancienneté de ses liens avec la France ne suffit pas, en l'espèce, à justifier une interdiction de retour d'une durée de deux ans, soit la durée maximale prévue par les dispositions précitées de l'article L. 612-8. Dès lors, le requérant est fondé à soutenir qu'en prononçant à son encontre une telle interdiction, la préfète de la Gironde a entaché sa décision d'erreur d'appréciation.

20. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande en ce qu'elle tendait à l'annulation de la décision du 1er février 2022 lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans et à demander, dans cette mesure, la réformation de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

21. Le présent arrêt, qui se borne à annuler la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, n'implique aucune des mesures d'exécution sollicitées. Par suite, il y a lieu de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par M. A...

Sur les frais liés à l'instance :

22. L'Etat n'étant pas pour l'essentiel la partie perdante dans la présente instance, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

DECIDE :

Article 1er : La décision du 1er février 2022 de la préfète de la Gironde faisant interdiction à M. A... de retourner sur le territoire français pendant une durée de deux ans est annulée.

Article 2 : Le jugement n° 2200958 du 6 mai 2022 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2023.

Le rapporteur,

Michaël B... La présidente,

Evelyne Balzamo

Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 22BX020982


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02098
Date de la décision : 11/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Michaël KAUFFMANN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : MASSOU DIT LABAQUERE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-04-11;22bx02098 ?
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