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18/04/2023 | FRANCE | N°22BX02956

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 18 avril 2023, 22BX02956


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler, d'une part, l'arrêté du 16 novembre 2022 par lequel le préfet des Hautes-Pyrénées lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et, d'autre part, l'arrêté du même jour par lequel la même autorité l'a assigné à résidence pour une durée de quaran

te-cinq jours.

Par un jugement n° 2202532 du 22 novembre 2022, le magistrat désigné p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler, d'une part, l'arrêté du 16 novembre 2022 par lequel le préfet des Hautes-Pyrénées lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et, d'autre part, l'arrêté du même jour par lequel la même autorité l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2202532 du 22 novembre 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Pau a, d'une part, renvoyé à la formation collégiale du tribunal les conclusions de M. A... tendant à l'annulation du refus de titre de séjour et celles aux fins d'injonction et, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 novembre 2022, M. A..., représenté par Me Pather, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 22 novembre 2022 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Hautes-Pyrénées du 16 novembre 2022 en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de renvoi et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, ainsi que l'arrêté du même jour portant assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours ;

3°) d'enjoindre au préfet des Hautes-Pyrénées de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour et de procéder sans délai à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil, en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il n'a pas répondu à la deuxième branche du relatif au défaut d'examen réel et sérieux de l'admission exceptionnelle au séjour de M. A... demandée sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, moyen soulevé à l'encontre de la décision portant refus de titre de séjour.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- la décision est illégale en ce qu'elle n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation de M. A..., notamment en ce que, d'une part, elle omet de se prononcer sur la demande d'un titre de séjour pluriannuel et, d'autre part elle comporte plusieurs erreurs de fait dès lors que le préfet a considéré que sa demande de titre de séjour était une première demande, alors qu'il s'agissait d'une demande de renouvellement d'un titre de séjour ;

- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour sur laquelle elle est fondée ; cette dernière, en premier lieu, est insuffisamment motivée et n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation de M. A..., en deuxième lieu, elle a méconnu les dispositions de l'article L. 433-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en troisième lieu, elle a méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du même code et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, emportant des conséquences manifestement disproportionnées, notamment au regard de sa situation personnelle et de son droit à la vie privée et familiale, en quatrième lieu, elle n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de l'admission exceptionnelle au séjour de M. A... demandée sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en cinquième lieu, elle a commis une erreur manifeste d'appréciation en écartant l'admission exceptionnelle au séjour de M. A... demandée sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

- elle est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la mesure d'éloignement ;

- elle méconnaît les articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que M. A... ne peut être regardé comme s'étant soustrait à une précédente mesure d'éloignement.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire :

- elle est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la mesure d'éloignement ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment en ce que le délai fixé est manifestement disproportionné ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la décision portant assignation à résidence :

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mars 2023, le préfet des Hautes-Pyrénées conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux du 12 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., ressortissant malien né le 4 décembre 2001 à Bamako (Mali), est entré irrégulièrement en France le 13 juin 2018. Il a déposé le 27 août 2019 une première demande de titre de séjour " salarié ou travailleur temporaire ", enregistrée le 18 décembre 2019 et rejetée implicitement le 29 juillet 2020. Il a également déposé le 18 décembre 2019 une demande de titre de séjour " admission exceptionnelle au séjour ou étudiant ". Par un arrêté du 14 décembre 2020, le préfet des Hautes-Pyrénées a rejeté sa demande, a fait obligation à M. A... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par jugement du 31 mars 2021, le tribunal administratif de Pau a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet des Hautes-Pyrénées de délivrer à l'intéressé un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". M. A... a déposé le 21 avril 2022 une demande de renouvellement de son titre de séjour, délivré le 26 mai 2021 en exécution de ce jugement. Toutefois, par arrêt du 14 juin 2022, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé ce jugement. Par arrêté du 16 novembre 2022, le préfet des Hautes-Pyrénées a rejeté la demande de titre de séjour présenté par M. A..., lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de renvoi, a prononcé à l'encontre de l'intéressé une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et l'a assigné à résidence. Par un jugement du 22 novembre 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Pau a renvoyé à la formation collégiale du tribunal les conclusions dirigées contre le premier arrêté en tant qu'il porte refus de titre de séjour ainsi que ses conclusions aux fins d'injonction et a rejeté le surplus de la demande. M. A... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. M. A... soutient que le tribunal n'a pas répondu à la deuxième branche du moyen relatif au défaut d'examen réel et sérieux de l'admission exceptionnelle au séjour de M. A... sollicitée sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment à son argument selon lequel il ne ressortait pas des termes de la décision attaquée que le préfet aurait apprécié la qualification, l'expérience et les diplômes de M. A..., ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule. Toutefois, d'une part, les premiers juges ne sont pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments invoqués par les parties. D'autre part, il ressort expressément du point 17 du jugement attaqué que le magistrat désigné a considéré que le préfet avait, pour se prononcer sur l'admission exceptionnelle au séjour prévue par l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, apprécié la situation de M. A... au regard des conditions relatives à sa vie professionnelle et qu'il avait procédé, pour ce faire, à l'examen de l'ensemble des pièces produites par M. A.... Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement est entaché d'une omission à statuer doit être écarté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, la décision portant refus de titre de séjour vise les dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier celles de l'article L. 423-23 et de l'article L. 435-1, au regard desquelles le préfet a examiné la situation de l'intéressé qui est par ailleurs exposée, de même que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et se fonde sur ces articles pour exposer les raisons de son refus. Dès lors, cette décision comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement et est ainsi régulièrement motivée.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment de la motivation de la décision contestée que le préfet des Hautes-Pyrénées s'est livré à un examen complet de la situation personnelle de l'intéressé. En outre, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait omis de se prononcer sur la demande d'un titre de séjour pluriannuel dès lors qu'il a expressément écarté sa demande de titre de séjour sur le fondement des articles L. 435-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, conditions préalables à l'obtention d'une carte de séjour pluriannuel. Par ailleurs, la circonstance que le préfet des Hautes-Pyrénées aurait qualifié, à tort, sa demande de renouvellement de titre de séjour en première demande, est sans incidence quant au caractère réel et sérieux de l'examen qu'il a entrepris sur la situation personnelle de M. A.... Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen sérieux de sa situation doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 433-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'étranger bénéficie, à sa demande, d'une carte de séjour pluriannuelle dès lors que (...) 2° Il continue de remplir les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire dont il était précédemment titulaire. La carte de séjour pluriannuelle porte la même mention que la carte de séjour temporaire dont il était précédemment titulaire. L'étranger bénéficie, à sa demande, du renouvellement de cette carte de séjour pluriannuelle s'il continue de remplir les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire dont il été précédemment titulaire ". Aux termes de l'article R. 433-4 de ce code : " L'étranger qui sollicite la carte de séjour pluriannuelle sur le même fondement que celui au titre duquel lui a été délivrée la carte de séjour temporaire dont il est titulaire présente à l'appui de sa demande les pièces prévues pour une première délivrance de cette carte de séjour temporaire et justifiant qu'il continue de satisfaire aux conditions requises pour celle-ci ainsi, le cas échéant, que les pièces particulières requises conformément à la liste fixée par arrêté annexé au présent code ".

6. Lorsque l'autorité administrative, en exécution d'un jugement d'annulation, prend une nouvelle décision qui n'est motivée que par le souci de se conformer à ce jugement d'annulation, la décision du juge d'appel statuant au fond a pour effet, si elle annule le jugement d'annulation, de rétablir la décision initiale dans l'ordonnancement juridique et entraîne, ce faisant, la sortie de vigueur de la décision qui n'avait été prise que pour l'exécution du jugement annulé.

7. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. A... a obtenu une carte de séjour temporaire le 17 mai 2021 en exécution du jugement du 31 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Pau a annulé le refus de titre de séjour qui lui avait été précédemment opposé par le préfet des Hautes-Pyrénées. La décision du juge d'appel ayant annulé ce jugement a eu pour effet de rétablir la décision de refus de titre de séjour initiale. Par conséquent, à la date à laquelle le préfet des Hautes-Pyrénées a rejeté la demande de renouvellement du titre de séjour présentée par M. A..., ce dernier ne présentait plus les conditions de délivrance du titre de séjour initial et ne pouvait, par suite, en solliciter le renouvellement sur le fondement des dispositions de l'article L. 433-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision lui refusant le renouvellement du titre de séjour a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article de L. 433-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a obtenu en 2020 son diplôme de certificat d'aptitude professionnelle dans la spécialité " monteur installations thermiques " avec une moyenne de 16,25 à la suite de sa scolarisation au lycée Sixte Vignon, poursuivie avec sérieux et engagement, qu'il a suivi des cours de perfectionnement de français et de mathématiques dispensés par l'association La Cimade, qu'il est titulaire d'un contrat à durée indéterminée depuis le 1er mars 2022 en qualité de plombier " monteur en installations thermiques ", qu'il est licencié dans une équipe de basket-ball, qu'il a obtenu le diplôme d'initiateur de basket-ball le 2 octobre 2020 afin de s'occuper des plus jeunes joueurs du club et qu'il produit des témoignages attestant de sa bonne intégration. Toutefois, M. A... est entré irrégulièrement sur le territoire français en juin 2018 et, ainsi que cela a été constaté par la cour dans son arrêt du 14 juin 2022, a produit pour justifier de son état civil un acte de naissance frauduleux. Il ne se prévaut d'aucune attache familiale en France alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où vivent notamment sa mère, son frère et sa sœur. Dans ces conditions, le préfet des Hautes-Pyrénées n'a pas, en prenant la décision en litige, méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de M. A....

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1.(...) ".

11. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de ces dispositions par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.

12. Pour considérer que la situation de M. A... ne répondait pas à des considérations humanitaires ou à des motifs exceptionnels justifiant son admission au séjour au titre de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet s'est fondé, après avoir relevé que M. A... produisait des pièces justifiant de son travail, de sa formation et de son investissement dans celle-ci et après avoir énuméré l'ensemble de ces pièces, sur le fait qu'il est présent en France depuis quatre ans et quatre mois et que ce temps de présence était majoritairement lié à son maintien irrégulier sur le territoire français ainsi qu'à sa demande de titre de séjour, qu'il est célibataire et sans enfant et qu'il ne justifie ni d'un talent exceptionnel ou de services rendus à la collectivité, ni de circonstances humanitaires particulières, ni d'une période d'activité exceptionnelle satisfaisante. Dans ces conditions, le préfet des Hautes-Pyrénées, qui a procédé à un examen sérieux de la demande de titre de séjour, n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en estimant que la situation de M. A... ne répondait pas à des considérations humanitaires ou à des motifs exceptionnels justifiant son admission au séjour au titre de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

13. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne les autres moyens :

14. En premier lieu, eu égard notamment à ce qui a été dit au point 3, la décision contestée comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Dès lors, elle est suffisamment motivée.

15. En deuxième lieu, M. A... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 433-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et soutenir que le préfet des Hautes-Pyrénées aurait omis de se prononcer sur la demande d'un titre de séjour pluriannuel à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français, dès lors que cette dernière n'a ni pour objet ni pour effet de lui refuser un titre de séjour.

Sur la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

16. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré par voie d'exception de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

17. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) ; 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) ".

18. Il ressort des termes de la décision en litige que, pour refuser à M. A... l'octroi d'un délai de départ volontaire, le préfet s'est fondé sur les circonstances que l'intéressé s'était soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. A... a fait l'objet d'une première mesure d'éloignement le 14 décembre 2020 qui a été annulée par un jugement du tribunal administratif de Pau le 31 mars 2021. La circonstance que ce jugement ait été annulé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux le 14 juin 2022 n'est pas de nature à caractériser une inexécution de la mesure d'éloignement rétablie dès lors que, à la date de cet arrêt, M. A... était titulaire d'un récépissé de renouvellement de titre de séjour, délivré le 12 mai 2022 par le préfet des Hautes-Pyrénées. Par suite, M. A... est ainsi fondé à soutenir que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le préfet des Hautes-Pyrénées a commis une erreur d'appréciation en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

19. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, la décision attaquée n'a pas été prise sur le fondement d'une décision illégale. Le moyen tiré d'une telle exception d'illégalité ne peut, dès lors, qu'être écarté.

Sur les décisions portant interdiction de retour sur le territoire français et assignation à résidence :

20. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 730-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, dans les conditions prévues au présent titre, assigner à résidence l'étranger faisant l'objet d'une décision d'éloignement sans délai de départ volontaire (...) ".

21. Il résulte de ce qui a été dit au point 18 que le préfet des Hautes-Pyrénées ne pouvait légalement refuser d'accorder un délai de départ volontaire à M. A.... Par suite, il ne pouvait pas davantage lui interdire le retour sur le territoire français sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni l'assigner à résidence sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 730-1 du même code.

22. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et assignation à résidence pendant quarante-cinq jours. Il y a lieu, dès lors, d'annuler ces décisions.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

23. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ".

24. L'exécution du présent arrêt en tant qu'il annule la décision portant interdiction de retour sur le territoire français implique nécessairement qu'il soit prescrit au préfet des Hautes-Pyrénées d'effacer sans délai les données concernant M. A... dans le système d'information Schengen. En revanche, l'annulation de la décision portant assignation à résidence, qui a été entièrement exécutée, n'implique aucune autre mesure particulière d'exécution.

Sur les frais liés au litige :

25. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux du 12 janvier 2023. Son avocat peut donc se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 200 euros à Me Pather, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 22 novembre 2022 est annulé en tant qu'il a rejeté les demandes de M. A... tendant à l'annulation des décisions du 16 novembre 2022 lui refusant un délai de départ volontaire, lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Article 2 : Les décisions du 16 novembre 2022 refusant à M. A... un délai de départ volontaire, portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an ainsi que l'arrêté du même jour l'assignant à résidence sont annulées.

Article 3 : Il est prescrit au préfet des Hautes-Pyrénées d'effacer les données concernant M. A... du système d'information Schengen.

Article 4 : L'Etat versera à Me Pather la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Me Pather et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie sera adressée au préfet des Hautes-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 20 mars 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Florence Demurger, présidente,

M. Fréderic Faïck, président-assesseur,

M. Anthony Duplan, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 avril 2023.

La présidente-rapporteure,

Florence B...

Le président-assesseur,

Fréderic Faïck

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22BX02956


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02956
Date de la décision : 18/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DEMURGER
Rapporteur ?: Mme Florence DEMURGER
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : SP AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-04-18;22bx02956 ?
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