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25/04/2023 | FRANCE | N°22BX02326

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 25 avril 2023, 22BX02326


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 30 juin 2022 par lequel la préfète de la Gironde a décidé son transfert aux autorités maltaises pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2201724 du 27 juillet 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 août 2022, Mme D..., représentée par la SCP Breillat -

Dieumegard - Masson, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 30 juin 2022 par lequel la préfète de la Gironde a décidé son transfert aux autorités maltaises pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2201724 du 27 juillet 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 26 août 2022, Mme D..., représentée par la SCP Breillat - Dieumegard - Masson, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 27 juillet 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 juin 2022 de la préfète de la Gironde précité ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer un récépissé dans un délai de 48 heures à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, le cas échéant, à lui verser dans l'hypothèse où sa demande d'aide juridictionnelle serait rejetée.

Elle soutient que :

- l'arrêté a été pris par une autorité incompétente ;

- il est insuffisamment motivé et révèle un défaut d'examen approfondi de sa situation personnelle ;

- l'arrêté méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la préfète a commis une erreur d'appréciation en ne lui appliquant pas la clause dérogatoire prévue par l'article 17-1 du règlement (UE) n°604/2013 afin que sa demande d'asile soit examinée par les autorités françaises ;

- elle dispose d'un visa pour Malte périmé depuis plus de 6 mois, de sorte qu'elle ne sera pas reprise en charge par les autorités maltaises mais renvoyée directement en Arménie ;

- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense et des pièces, enregistrés le 18 janvier 2023 et le 21 février 2023 le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que le délai de transfert de la requérante a été prolongé de 18 mois, l'intéressée étant en fuite, et qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Mme D... bénéficie de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- les règlements (UE) n° 603/2013 et (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 du Parlement européen et du Conseil ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante arménienne née en novembre 1986, est entrée en France en novembre 2021 selon ses déclarations. Le 30 décembre 2021, elle a présenté une demande d'asile auprès de la préfecture de la Vienne. Un relevé de ses empreintes décadactylaires a révélé qu'elle bénéficiait d'un visa délivré par les autorités italiennes pour le compte des autorités maltaises, valable du 14 novembre 2021 au 10 décembre 2021. Après avoir obtenu un accord de réadmission des autorités maltaises le 22 février 2022, la préfète de la Gironde a décidé, par un arrêté du 30 juin 2022, de transférer l'intéressée aux autorités maltaises. Mme D... relève appel du jugement par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, au soutien des moyens tirés de ce que l'arrêté litigieux a été signé par une autorité incompétente et qu'il est insuffisamment motivé, la requérante ne critique pas utilement la réponse apportée par le tribunal et ne se prévaut en appel d'aucun élément de droit ou de fait nouveau. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, (...) ". Aux termes de l'article 3 de cette même convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ". La mise en œuvre par les autorités françaises de l'article 17 doit être assurée à la lumière des exigences définies par le second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution, aux termes duquel : " les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif ". La faculté laissée à chaque Etat membre, par le 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

4. Mme D... soutient qu'elle souffre d'un syndrome anxio-dépressif pour lequel elle est prise en charge en France et produit un certificat médical établi par le Dr F..., psychiatre, attestant que son état de santé nécessite une aide quotidienne assurée par sa sœur. La requérante n'établit toutefois pas que son transfert aux autorités maltaises chargées d'examiner sa demande d'asile entraînerait un risque réel et avéré d'une détérioration significative de son état de santé, ni qu'elle serait dans l'impossibilité de bénéficier dans ce pays d'un suivi adapté à sa pathologie. Par ailleurs, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que son transfert impliquerait son renvoi automatique en Arménie, alors qu'il n'a pas encore été définitivement statué sur sa demande d'asile et qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les autorités maltaises ne procéderont pas à un examen de sa situation et n'évalueront pas les risques qui naîtraient pour la requérante de son éventuel retour dans son pays d'origine. Par ailleurs, la décision contestée n'aura pas pour effet de séparer la requérante de ses trois enfants mineurs dès lors que les autorités maltaises ont accepté de les prendre en charge. Par suite, la préfète de la Gironde n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en décidant de ne pas faire application de la clause dérogatoire prévue à l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013, ni méconnu les dispositions des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 12 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) 2. Si le demandeur est titulaire d'un visa en cours de validité, l'État membre qui l'a délivré est responsable de l'examen de la demande de protection internationale, sauf si ce visa a été délivré au nom d'un autre État membre en vertu d'un accord de représentation prévu à l'article 8 du règlement (CE) n° 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas. Dans ce cas, l'État membre représenté est responsable de l'examen de la demande de protection internationale (...) 4. Si le demandeur est seulement titulaire d'un ou de plusieurs titres de séjour périmés depuis moins de deux ans ou d'un ou de plusieurs visas périmés depuis moins de six mois lui ayant effectivement permis d'entrer sur le territoire d'un État membre, les paragraphes 1, 2 et 3 sont applicables aussi longtemps que le demandeur n'a pas quitté le territoire des États membres. "

6. Il ressort des pièces du dossier que, lors du dépôt de sa demande d'asile le 30 décembre 2021, l'intéressée était, contrairement à ce qu'elle soutient, en possession d'un visa périmé depuis moins de six mois, délivré par les autorités italiennes pour le compte des autorités maltaises. Par suite, la requérante relevait de la procédure définie par le 4 de l'article 12 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 précité.

7. En dernier lieu, l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant stipule : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. (...) ".

8. L'arrêté contesté n'a pas pour effet de séparer les trois enfants de leur mère dès lors que les autorités maltaises ont explicitement accepté de les prendre en charge. Par suite et alors qu'il n'est pas démontré que les trois enfants ne pourraient s'adapter à la vie à Malte, où la cellule familiale pourra se reconstituer, la préfète de la Gironde n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 juin 2022. Sa requête doit, par suite, être rejetée y compris, par voie de conséquence, ses conclusions présentées à fin d'injonction, d'astreinte et de versement d'une somme en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D..., à la SCP Breillat - Dieumegard - Masson et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera délivrée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 3 avril 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Florence Demurger, présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 avril 2023.

La rapporteure,

Caroline C...

La présidente,

Florence DemurgerLa greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22BX02326


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02326
Date de la décision : 25/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DEMURGER
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : SCP BREILLAT DIEUMEGARD MASSON

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-04-25;22bx02326 ?
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