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25/04/2023 | FRANCE | N°22BX02774

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 25 avril 2023, 22BX02774


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 15 juillet 2022 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques a décidé de le maintenir en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, dans l'attente de l'examen de sa demande d'asile par l'office français de protection des réfugiés et apatrides.

Par un jugement n° 2201606 du 29 juillet 2022, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :


Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 octobre 2022 et 16 mars 2023, M. A..., rep...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 15 juillet 2022 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques a décidé de le maintenir en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, dans l'attente de l'examen de sa demande d'asile par l'office français de protection des réfugiés et apatrides.

Par un jugement n° 2201606 du 29 juillet 2022, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 octobre 2022 et 16 mars 2023, M. A..., représenté par Me Pather, demande, dans le dernier état de ses écritures, à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 juillet 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 juillet 2022 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il a procédé d'office à une substitution de base légale sans que les parties en soient informées ;

- le jugement est irrégulier en ce qu'il a procédé d'office à des substitutions de motifs ;

- l'arrêté du 15 juillet 2022 est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté litigieux n'a pas été procédé à un examen réel et sérieux de sa situation ;

- il est entaché d'une erreur de droit en ce qu'il se fonde sur l'article L. 754-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui n'était pas applicable au cas de l'espèce ; - il a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 754-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que M. A... n'a pas présenté sa demande d'asile dans le seul but de compromettre l'exécution de la mesure d'éloignement prise à son encontre ; ni le fait que la demande d'asile de M. A... ait été présentée après son placement en centre de rétention, ni le fait qu'il a justifié son maintien sur le territoire par un séjour de vacances à Anglet ne constituent des critères objectifs au sens de ces dispositions.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 7 et 20 mars 2023, le préfet des Pyrénées-Atlantiques conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux du 29 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant algérien né le 26 octobre 2002, déclare être entré en 2020 aux Pays-Bas, où il a présenté une demande d'asile le 2 janvier 2020, avant de rejoindre la France. Par un jugement du 6 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Toulon a, d'une part, condamné M. A... à une peine d'emprisonnement délictuel d'un an pour des faits de trafic de stupéfiants et, d'autre part, prononcé à son encontre une interdiction temporaire du territoire d'une durée de dix ans. Après sa sortie de prison, M. A... s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire. Interpellé le 31 mai 2022 à Bayonne, il a été placé le 1er juin 2022 en rétention administrative, mesure qui a été prolongée le 3 juin 2022. Le 9 juin 2022, les autorités néerlandaises, saisies d'une demande en ce sens, ont refusé de reprendre en charge M. A.... Par une décision du 10 juin 2022, prise en exécution de la peine d'interdiction judiciaire du territoire, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a fixé le pays de destination. Le placement en rétention de M. A..., modifié par une décision du 10 juin 2022, a été prolongé le 1er juillet 2022 par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bayonne, confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Pau du 4 juillet 2022. Retenu au centre de rétention administrative d'Hendaye, M. A... a déposé une demande d'asile le 15 juillet 2022. Par un arrêté du même jour, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a décidé de le maintenir en rétention, dans l'attente de l'examen de sa demande d'asile par l'office français de protection des réfugiés et apatrides. Par un jugement du 29 juillet 2022, le tribunal administratif de Pau a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de cet arrêté. M. A... relève appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, contrairement à ce que soutient M. A..., le jugement attaqué n'a pas procédé à une substitution de base légale mais a considéré que le préfet des Pyrénées-Atlantiques, qui a fondé son arrêté sur les dispositions de l'article L. 754-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, avait mentionné, en raison d'une erreur matérielle, l'article L. 754-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans le dispositif de son arrêté. Ainsi, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait irrégulièrement procédé à une substitution de base légale manque en fait et doit être écarté.

3. En deuxième lieu, il ressort de l'arrêté du 15 juillet 2022 que le préfet s'est notamment fondé sur le " maintien sur le territoire français [de M. A...] au mépris de l'interdiction judiciaire du territoire prononcé à son encontre ". Ainsi, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait irrégulièrement procédé à une substitution de motifs en retenant le " maintien irrégulier sur le territoire après sa sortie de détention " manque en fait et doit être écarté.

4. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient M. A..., le jugement attaqué, en relevant que M. A... ne s'était pas tenu informé des suites données à sa demande d'asile déposée aux Pays-Bas, n'a pas entendu procéder à une substitution du motif retenu par le préfet mais a répondu aux arguments des parties en appréciant souverainement les pièces du dossier et les écritures produites. Le moyen tiré de ce que le jugement aurait procédé d'office à une substitution de motifs ne peut qu'être écarté.

5. En dernier lieu, contrairement à ce que soutient M. A..., le jugement attaqué n'a pas indiqué que le délai écoulé entre son arrivée sur le territoire français et la date de dépôt de la demande d'asile motivait l'arrêté du préfet, mais a simplement relevé que " après la réponse opposée par les autorités néerlandaises le 9 juin 2022, M. A..., placé en rétention depuis le 1er juin 2022, n'a pu formaliser le dépôt d'une demande d'asile que le 15 juillet 2022 ". Par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal aurait irrégulièrement procédé à une substitution de motifs manque en fait et doit être écarté.

Sur la légalité de l'arrêté du 15 juillet 2022 :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". En vertu de l'article L. 754-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de maintien en rétention doit être écrite et motivée.

7. Il résulte de ces dispositions que la décision par laquelle l'autorité administrative maintient un étranger en rétention doit être motivée et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

8. L'arrêté du 15 juillet 2022 portant maintien en rétention vise les textes sur lesquels il se fonde et, notamment, les dispositions de l'article L. 754-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il mentionne les éléments essentiels de la situation personnelle de M. A... et expose les raisons de fait pour lesquelles le préfet a estimé que sa demande d'asile présentée après son placement en rétention devait être regardée comme ayant été introduite à titre dilatoire dans le seul but de se soustraire à la mesure d'éloignement. Dans ces conditions, le préfet a suffisamment motivé en droit et en fait sa décision de maintien en rétention.

9. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard notamment aux éléments figurant dans l'arrêté litigieux, que l'autorité préfectorale ne se serait pas livrée à un examen particulier de la situation de M. A....

10. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 754-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la France est l'État responsable de l'examen de la demande d'asile et si l'autorité administrative estime, sur le fondement de critères objectifs, que cette demande est présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la décision d'éloignement, elle peut prendre une décision de maintien en rétention de l'étranger pendant le temps strictement nécessaire à l'examen de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et, en cas de décision de rejet ou d'irrecevabilité de celle-ci, dans l'attente de son départ. / Cette décision de maintien en rétention n'affecte ni le contrôle ni la compétence du juge des libertés et de la détention exercée sur le placement et le maintien en rétention en application du chapitre III du titre IV. La décision de maintien en rétention est écrite et motivée. / A défaut d'une telle décision, il est immédiatement mis fin à la rétention et l'autorité administrative compétente délivre à l'intéressé l'attestation mentionnée à l'article L. 521-7. ". Il résulte de ces dispositions que l'administration peut maintenir l'intéressé en rétention, par une décision écrite et motivée, dans le cas où elle estime que sa demande d'asile a été présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la mesure d'éloignement prise à son encontre.

11. D'une part, il résulte des termes de l'arrêté du 15 juillet 2022 que le préfet a maintenu le placement en rétention de M. A... sur le fondement de l'article L. 754-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif que l'intéressé avait présenté sa demande d'asile dans le seul but de faire échec à l'exécution de la décision d'éloignement. Par suite, la circonstance que le dispositif de l'arrêté du 15 juillet 2022 mentionne, en raison d'une erreur matérielle, l'article L. 754-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est sans incidence sur la légalité de cet arrêté. Dès lors, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du 15 juillet 2022 serait entaché d'erreur de droit en ayant appliqué l'article L. 754-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

12. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que, par un jugement du 6 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Toulon a condamné M. A..., ressortissant algérien séjournant irrégulièrement en France depuis son entrée sur le territoire en 2020, à une peine d'emprisonnement délictuel d'un an pour des faits de trafic de stupéfiants et a prononcé à son encontre une interdiction temporaire du territoire d'une durée de dix ans. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier et notamment du procès-verbal établi le 31 mai 2022 que M. A..., sorti de prison en avril 2022, a été interpellé par les services de police de Bayonne le 31 mai 2022 alors qu'il faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et d'une assignation à résidence à Toulon de 45 jours depuis sa levée d'écrou, en conséquence de son interdiction du territoire. Le 1er juin 2022, le préfet des Pyrénées-Atlantiques l'a placé en rétention pour une durée de 48 heures, prolongée à deux reprises par le juge des libertés et de la détention pour une durée de vingt-huit jours puis de trente jours. Au cours de sa rétention administrative, M. A... a déposé une demande d'asile, le 15 juillet 2022, dont il n'est pas contesté qu'il s'agissait de sa première demande d'asile présentée sur le territoire français. Il ressort en outre des pièces du dossier que M. A..., qui n'a justifié, lors de son interpellation le 31 mai 2022, d'aucune adresse de résidence ni de document d'identité, a fait état de ce qu'il s'était rendu à Anglet pour passer des vacances, qu'il souhaitait s'y installer pour travailler en tant que livreur et qu'il ne voulait pas retourner en Algérie. Par suite, le préfet des Pyrénées-Atlantiques n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 754-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en décidant de maintenir M. A... en rétention au motif que sa demande d'asile déposée le 15 juillet 2022 avait été présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la décision d'éloignement prise à son encontre.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 juillet 2022 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques a décidé de le maintenir en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, dans l'attente de l'examen de sa demande d'asile par l'office français de protection des réfugiés et apatrides. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Atlantiques.

Délibéré après l'audience du 3 avril 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Florence Demurger, présidente,

M. Fréderic Faïck, président-assesseur,

M. Anthony Duplan, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 avril 2023.

La présidente-rapporteure,

Florence C...

Le président-assesseur,

Fréderic Faïck

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au ministre de de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22BX02774


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02774
Date de la décision : 25/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DEMURGER
Rapporteur ?: Mme Florence DEMURGER
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : SP AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-04-25;22bx02774 ?
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