La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/05/2023 | FRANCE | N°21BX04708

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 02 mai 2023, 21BX04708


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 23 décembre 2019 par laquelle le maire de la commune de Lacanau a refusé de lui délivrer une autorisation d'enseignement de la pratique du surf.

Par un jugement n° 2000188 du 28 octobre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du 23 décembre 2019 par laquelle le maire de Lacanau lui a refusé la délivrance d'une autorisation d'enseignement de la pratique du surf et rejeté ses conclusions

tendant à ce qu'il soit enjoint au maire de lui délivrer l'autorisation sollicit...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 23 décembre 2019 par laquelle le maire de la commune de Lacanau a refusé de lui délivrer une autorisation d'enseignement de la pratique du surf.

Par un jugement n° 2000188 du 28 octobre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du 23 décembre 2019 par laquelle le maire de Lacanau lui a refusé la délivrance d'une autorisation d'enseignement de la pratique du surf et rejeté ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au maire de lui délivrer l'autorisation sollicitée.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 décembre 2021, la commune de Lacanau, représentée par la SELAS Cazamajour et UrbanLaw, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 28 octobre 2021 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Bordeaux ;

3°) de mettre à la charge de M. B... de la somme 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que sa décision était entachée d'un défaut de base légale ; la procédure de sélection des entreprises exerçant l'activité d'enseignement de la pratique du surf sur ses plages est justifiée par des considérations en lien avec la sécurité des surfeurs, compte tenu du nombre croissant d'interventions de secourisme liées à cette activité depuis 2019 ; cette procédure de sélection a pour objectif de limiter les accidents et conflits d'usages dans le secteur le plus fréquenté de la plage en saison touristique ; cette procédure a été mise en œuvre au titre des pouvoirs de police spéciale du maire en matière de baignades et d'activités nautiques, sur le fondement des dispositions des articles L. 2212-3 et L. 2212-23 du code général des collectivités territoriales, et de l'article L. 321-9 du code de l'environnement ; ces pouvoirs de police sont rappelés par le guide régional du surf élaboré avec le concours des services de l'Etat et des collectivités locales, qui porte diverses préconisations de régulation de cette activité et de promotion touristique ;

- cette procédure de sélection est adaptée et proportionnée à l'objectif de sécurité des personnes ; la circonstance qu'elle poursuivait d'autres objectifs est sans incidence sur sa légalité ; de surcroit, la qualité de l'activité participe également à l'objectif de sécurité en garantissant aux usagers la présence d'un personnel d'encadrement compétent et qualifié et l'usage d'un matériel adapté ;

- subsidiairement, les autres moyens soulevés par M. B... en première instance ne sont pas fondés ; en effet, le signataire de la décision contestée, M. E..., adjoint au maire, était compétent, par délégation, pour signer tous documents relatifs au littoral et aux activités nautiques ; la décision en litige est suffisamment motivée en droit et en fait ; elle a été prise à l'issue d'une procédure régulière ; le régime d'autorisations d'enseignement de la pratique du surf ne méconnaît pas les dispositions des article 9 et 12 de la directive " services " du 12 décembre 2006 ; ce moyen est inopérant car la directive invoquée n'a pas d'effet direct en droit interne ; les principes de transparence et d'égalité de traitement ont en tout état de cause été respectés ; l'avis d'appel à candidatures a fait l'objet d'une publicité suffisante et aucune école de surf n'a été lésée dès lors que l'ensemble des vingt-deux écoles opérant sur le territoire communal ont pu candidater dans les délais, dont le requérant lui-même ; les critères de sélection n'étaient pas irréguliers ; la grille de notation était connue des candidats qui ont participé à son élaboration ; cette méthode d'évaluation a été appliquée à l'ensemble des candidats et il n'y a pas eu d'atteinte à l'égalité de traitement ; il n'est pas démontré que les notes attribuées et le classement retenu seraient erronés ; la décision en litige ne revient pas à réglementer l'utilisation du domaine public maritime en méconnaissance des articles L. 2122-1-1 et L. 21211-4 du code général de la propriété des personnes publiques ; les dispositions de l'article L. 321-9 du code de l'environnement n'ont pas été méconnues dès lors que la procédure de sélection est justifiée par des raisons de sécurité des usagers, motif qui pouvait légalement justifier des limitations au droit d'accès aux plages ; la procédure de sélection a été impartiale, et son déroulement ne révèle pas une rupture d'égalité entre les candidats ; la décision n'est pas davantage entachée de détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 février 2022, M. B..., représenté par Me Laveissière, conclut au rejet de la requête de la commune de Lacanau, à ce qu'il soit enjoint au maire de Lacanau de lui délivrer une autorisation d'enseignement de la pratique du surf sur les plages océanes du domaine public maritime de la commune, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, à défaut, à ce qu'il soit enjoint à la même autorité de réexaminer sa candidature dans les mêmes conditions de délais, et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Lacanau la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la requête d'appel est irrecevable, dès lors qu'elle se borne à reproduire l'argumentation développée en première instance sans critique du jugement attaqué ;

- la décision en litige est dépourvue de base légale, la consultation étant organisée au visa de l'article L. 2213-23 du code général des collectivités territoriales, dispositions qui n'autorisent et ne peuvent servir de fondement légal à la mise en œuvre d'une procédure préalable de sélection des écoles de surf, aboutissant à l'instauration d'un régime d'autorisation préalable des écoles du surf pratiquant dans les zones réglementées ; cette sélection n'est pas justifiée par motifs liés à la sécurité des personnes ; la commune persiste à se prévaloir d'une attestation de la communauté de communes dépourvue de précision, et sans que la notion de " conflits d'usage " soit précisée ; si elle s'appuie sur un guide du surf du GIP Littoral réalisé avec le concours de la direction de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale, ce guide est dépourvu de valeur juridique ;

- subsidiairement, les autres moyens qu'il avait soulevés en première instance, tirés de l'illégalité externe et interne de la décision en litige, sont fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A... C...,

- les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique,

- et les observations de Me Maginot, représentant la commune de Lacanau, et de Me Duhamelet, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. D... B..., pompier professionnel, enseigne à titre accessoire, depuis 2009, la pratique du surf sur le territoire de la commune de Lacanau, dans le cadre d'une micro entreprise qu'il exploite sous l'enseigne " Surfing Perfect ". Durant l'année 2019, cette commune a décidé d'organiser une consultation portant sur " l'attribution d'autorisations d'enseignement de la pratique du surf sur les plages océanes appartenant au domaine public maritime de la commune ". Ainsi, le 9 septembre 2019, elle a publié un avis d'appel à candidatures pour l'attribution de 18 autorisations d'enseignement du surf, consenties pour une durée de cinq ans, dans la limite d'un maximum de 60 moniteurs présents simultanément sur un espace de 4,5 km compris entre la limite nord de la zone réglementée de la plage nord et la limite sud de la zone réglementée de la plage super-sud, en dehors duquel l'exercice de cette activité d'enseignement demeure libre. Les 22 écoles de surf présentes à Lacanau ont répondu à cette consultation. La candidature présentée par M. B... a été classée 6ème dans la catégorie des " écoles de surf n'employant qu'un moniteur ", pour laquelle la commune avait décidé de ne délivrer que cinq autorisations. Par une décision du 23 décembre 2019, notifiée le 30 décembre 2019, le maire de Lacanau a refusé de lui délivrer une autorisation d'enseignement de la pratique du surf.

.

2. Par une ordonnance du 3 février 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a suspendu l'exécution de cette décision du 23 décembre 2019. Par un jugement du 28 octobre 2021, dont la commune de Lacanau relève appel, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cette décision du 23 décembre 2019.

Sur la légalité de la décision du maire de Lacanau du 23 décembre 2019 :

3. D'une part, en vertu de l'article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales, le maire est chargé de la police municipale qui, selon l'article L. 2212-2 de ce code, " (...) a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques (...) ". Aux termes de l'article L. 2212-3 du même code : " La police municipale des communes riveraines de la mer s'exerce sur le rivage de la mer jusqu'à la limite des eaux ". Aux termes de son article L. 2213-23 : " Le maire exerce la police des baignades et des activités nautiques pratiquées à partir du rivage avec des engins de plage et des engins non immatriculés. Cette police s'exerce en mer jusqu'à une limite fixée à 300 mètres à compter de la limite des eaux. Le maire réglemente l'utilisation des aménagements réalisés pour la pratique de ces activités. Il pourvoit d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours. / Le maire délimite une ou plusieurs zones surveillées dans les parties du littoral présentant une garantie suffisante pour la sécurité des baignades et des activités mentionnées ci-dessus. Il détermine des périodes de surveillance. Hors des zones et des périodes ainsi définies, les baignades et activités nautiques sont pratiquées aux risques et périls des intéressés. Le maire est tenu d'informer le public par une publicité appropriée, en mairie et sur les lieux où elles se pratiquent, des conditions dans lesquelles les baignades et les activités nautiques sont réglementées. ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 321-9 du code de l'environnement : " L'accès des piétons aux plages est libre sauf si des motifs justifiés par des raisons de sécurité, de défense nationale ou de protection de l 'environnement nécessitent des dispositions particulières. ".

5. En vertu des articles L. 2212-2 et L. 2213-23 du code général des collectivités territoriales, il incombe au maire d'une commune riveraine de la mer de prendre les mesures de police nécessaires pour assurer, notamment, la sécurité des lieux de baignade qui, sans avoir été aménagés à cet effet, font l'objet d'une fréquentation régulière, notamment pour la pratique de sports nautiques tel que le surf, en assurant la sécurité des baigneurs et des pratiquants d'activités nautiques ou en délimitant les zones surveillées, et pour assurer le sauvetage des baigneurs et des pratiquants de ces sports en cas d'accident. Toutefois, le maire de Lacanau ne tenait ni des dispositions précitées ni d'aucune autre disposition législative le pouvoir de soumettre l'exercice de l'enseignement de la pratique du surf à une autorisation préalable et ce, nonobstant la circonstance que le champ d'application de ce régime d'autorisation d'exercice serait circonscrit à une portion de plage de 4,5 km sur les 15 km que compte la commune de Lacanau et limité à la seule période d'ouverture des postes de secours.

6. Par ailleurs, la commune de Lacanau ne peut utilement soutenir que la procédure de sélection mise en place en vue de la délivrance d'autorisations d'enseignement de la pratique du surf sur ses plages trouverait un fondement juridique dans les préconisations du guide du surf du groupement d'intérêt public (GIP) Littoral Aquitaine, élaboré avec le concours des services de l'Etat, ce guide étant dépourvu de toute portée normative.

7. Enfin, si le maire tient des dispositions précitées de l'article L. 321-9 le pouvoir d'apporter des limitations au droit d'accès aux plages pour des motifs de sécurité des piétons, ces dispositions ne l'autorisent pas davantage à soumettre l'exercice d'une activité d'enseignement de la pratique du surf à un régime d'autorisation préalable.

8. Il s'ensuit que, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, le maire de Lacanau ne pouvait légalement soumettre à autorisation l'exercice de l'enseignement de la pratique du surf sur ses plages, de sorte que la décision en litige est entachée d'une erreur de droit.

9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que la commune de Lacanau n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du maire de Lacanau 23 décembre 2019.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Au égard au motif d'annulation de la décision en litige, l'exécution du présent arrêt n'implique pour le maire de Lacanau ni de délivrer à M. B... une autorisation d'enseignement du surf sur ses plages, ni de statuer à nouveau sur sa demande de délivrance d'une autorisation. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par M. B... ne peuvent être accueillies.

Sur les frais d'instance :

11. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune de Lacanau au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Lacanau la somme de 1 500 euros à verser à M. B... sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Lacanau et le surplus des conclusions présentées par M. B... sont rejetés.

Article 2 : La commune de Lacanau versera à M. B... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Lacanau et à M. D... B....

Délibéré après l'audience du 4 avril 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,

Mme Agnès Bourjol, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 mai 2023.

La rapporteure,

Agnès C...La présidente,

Marie-Pierre BEUVE DUPUYLa greffière,

Sylvie HAYET

La République mande et ordonne à la préfète de la Gironde en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

4

2

N° 21BX04708


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX04708
Date de la décision : 02/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BEUVE-DUPUY
Rapporteur ?: Mme Agnès BOURJOL
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : LAVEISSIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-05-02;21bx04708 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award