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25/05/2023 | FRANCE | N°22BX02211

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 25 mai 2023, 22BX02211


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... E... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2021 par lequel le préfet de la Charente-Maritime lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire d'une durée d'un an et l'a assignée à résidence pour une durée de trois mois.

Par un jugement n° 2103269 du 13 juillet 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Proc

dure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 août 2022, Mme E..., représentée ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... E... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 7 décembre 2021 par lequel le préfet de la Charente-Maritime lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire d'une durée d'un an et l'a assignée à résidence pour une durée de trois mois.

Par un jugement n° 2103269 du 13 juillet 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 août 2022, Mme E..., représentée par la SCP Breillat, Dieumegard, Masson, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 13 juillet 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 7 décembre 2021 ;

3°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Charente-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, ou à défaut, d'enjoindre ai préfet de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991ou à elle-même dans le cas où le bénéfice de l'aide juridictionnelle ne lui serait pas accordé, en vertu des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

.

Elle soutient que :

- l'arrêt attaqué est entaché d'incompétence de son auteur dès lors que la délégation de signature est trop large pour permettre de déterminer les attributions qui ont été déléguées ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen approfondi de sa situation ;

- elle a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'elle n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire en méconnaissance de l'article L. 122-1 du code des relations entre l'administration et le public ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision refusant un délai de départ volontaire :

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est dépourvue de base légale ;

- elle est insuffisamment motivée ;

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article L. 612-6 du de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne l'assignation à résidence :

- elle est dépourvue de base légale ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen approfondi de sa situation :

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation s'agissant de ses modalités trop contraignantes et méconnaît son droit à mener une vie privée et familiale normale.

Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 13 octobre 2022

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., ressortissante albanaise née le 27 août 1989, est entrée régulièrement en France le 20 août 2018, avec son conjoint et leurs trois enfants. Sa demande d'asile a été rejetée définitivement par la Cour nationale du droit d'asile par une décision du 24 juin 2019. Elle a obtenu un titre de séjour en raison de son état de santé, valable du 14 octobre 2019 au 4 septembre 2020 et en a sollicité le renouvellement le 29 juin 2020. Le 9 novembre 2020, le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui délivrer le titre de séjour demandé, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours puis par un arrêté du 26 avril 2021 lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Après annulation de ce dernier arrêté par un jugement du 10 septembre 2021 du tribunal administratif de Poitiers, par un arrêté du 7 décembre 2021, le préfet de la Charente-Maritime lui a de nouveau fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire d'une durée d'un an et l'a assignée à résidence pour une durée de trois mois. Mme E... relève appel du jugement du 13 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 7 décembre 2021.

Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Par une décision du 13 octobre 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a accordé l'aide juridictionnelle totale à Mme E.... Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de statuer sur sa demande d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne l'arrêté attaqué pris dans son ensemble :

3. Ainsi que l'a relevé le tribunal, le préfet de la Charente-Maritime a, par un arrêté n° 17-2021-03-25-00009 du 25 mars 2021, régulièrement publié le 9 avril 2021 au recueil des actes administratifs spécial n°17-2021-028, librement consultable sur le site internet de la préfecture de la Charente-Maritime, donné délégation à Pierre Molager, secrétaire général de la préfecture de la Charente-Maritime à l'effet de signe tous les actes et décisions relevant du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la limite de ses attributions, au nombre desquelles figurent les arrêtés portant obligation de quitter le territoire français, les mesures portant interdiction de retour sur le territoire français, les décisions fixant le pays de renvoi ainsi que les décisions d'assignation à résidence. Contrairement à ce que fait valoir la requérante, cette délégation n'est ni trop générale, ni trop imprécise. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

4. En premier lieu, la décision contestée vise les textes dont il est fait application, notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les articles pertinents du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et mentionne avec suffisamment de précision les éléments de fait sur lesquels le préfet s'est fondé pour obliger Mme E... à quitter le territoire français. Les inexactitudes sur le risque de soustraction à la mesure d'éloignement et la circonstance que la décision portant refus de titre de séjour ne lui aurait pas été régulièrement notifiée sont sans incidence sur le caractère suffisant de la motivation qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation doit être écarté.

5. En deuxième lieu, il ne ressort ni de cette motivation ni des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen approfondi de la situation de l'intéressée. A cet égard, la requérante ne saurait utilement se prévaloir des conditions de notification de la précédente décision portant refus de titre de séjour en date 9 novembre 2020, alors au demeurant que si les conditions de la notification d'une décision portant refus de titre de séjour peuvent avoir une incidence sur l'opposabilité des voies et délais de recours, elles sont sans incidence sur sa légalité.

6. En troisième lieu, il ressort des dispositions de l'article L. 614-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Dès lors, les articles L. 121-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration ne sauraient être utilement invoqués à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait illégal en l'absence de respect de la procédure contradictoire préalable prévue par ces dispositions doit être écarté.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

8. Mme F... soutient que le centre de ses intérêts privés et familiaux se trouve désormais en France où elle réside depuis plus de trois ans avec ses enfants qui y suivent une scolarité. Toutefois, l'intéressée, qui a déclaré être séparée de son conjoint également en situation irrégulière, ne démontre pas avoir tissé des liens d'une particulière intensité sur le territoire national. Elle ne justifie d'aucun obstacle s'opposant à la reconstitution de la cellule familiale en Albanie et il ne ressort pas des pièces du dossier que ses enfants, eu égard à leur jeune âge, ne pourraient pas poursuivre leur scolarité hors de France. Il n'est pas contesté qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans. Par ailleurs, elle ne démontre pas, par la production de deux bulletins de salaires représentant une quotité de travail de quelques heures seulement et d'une attestation d'apprentissage de la langue française, l'existence d'une réelle insertion sociale ou professionnelle en France. S'il ressort des certificats médicaux produits que la requérante a bénéficié d'un titre de séjour en raison de son état de santé et qu'elle a subi une intervention chirurgicale pour une ablation de la vésicule biliaire le 31 décembre 2021 et qu'elle bénéficie depuis le 5 janvier 2021 d'un suivi psychologique en raison d'un état d'anxiété généralisé et de soins en kinésithérapie pour des lombalgies depuis mai 2022, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ne pourrait bénéficier d'un suivi adapté à son état de santé dans son pays d'origine. S'il ressort de l'attestation établie le 19 juillet 2022, postérieurement à la décision attaquée, par l'infirmière de la protection maternelle et infantile de Rochefort, que sa fille B... née le 24 septembre 2019 grand-prématuré, a bénéficié d'un suivi régulier, de consultations médicales et de visites à domicile depuis de sa naissance et qu'un accompagnement se poursuit pour les rendez-vous médicaux afin de favoriser un meilleur développement psychomoteur, il ne ressort pas des certificats médicaux produits que son état de santé nécessiterait des soins dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une extrême gravité ni qu'un suivi adapté ne serait pas disponible dans son pays d'origine. Par suite, Mme F... n'est pas fondée à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire aurait porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel que garanti par les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision refusant un délai de départ volontaire :

9. En premier lieu, l'arrêté contesté vise les dispositions de l'article L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne que Mme E... ne fournit pas de garantie de représentation suffisantes dès lors qu'elle a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à la décision portant obligation de quitter le territoire français, qu'elle est dépourvue d'une résidence affective et permanente dans un local affecté à son habitation principale et ne présente pas l'original d'un document d'identité ou de voyage en cours de validité. Ainsi, la décision contestée est suffisamment motivée.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Et selon l'article L. 612-3 de ce code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; (...) 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5. ".

11. A supposer que la requérante disposerait d'une résidence connue par le préfet, elle ne conteste pas être dépourvue de document de voyage en cours de validité. La scolarité de ses enfants ne constituant pas une circonstance particulière au sens des dispositions de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le risque qu'elle se soustraie à son obligation de quitter le territoire doit donc être regardé comme établi. Par suite, le préfet de la Charente-Maritime a pu légalement refuser à l'intéressée le bénéfice d'un délai de départ volontaire alors même qu'elle ne se serait pas soustraite, par le passé, à une mesure d'éloignement.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

12. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du défaut de base légale de la décision fixant le pays de destination en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

13. En deuxième lieu, la décision en litige comporte l'énoncé des motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement. L'arrêté vise notamment l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, précise la nationalité de Mme E..., indique qu'elle n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine et mentionne que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile. Dans ces conditions, la décision fixant le pays de renvoi est suffisamment motivée.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

14. L'article L. 612-6 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit

d'asile prévoit que : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger,

l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français

d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent

toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L.612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".

15. Il ressort de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux..

16. En premier lieu, la décision contestée rappelle les éléments propres à la situation de Mme E..., vise les dispositions législatives appliquées et indique que l'examen de la situation de l'intéressée a été réalisé au regard de ces critères en précisant qu'elle ne séjourne en France que depuis le 20 août 2018, qu'elle est dépourvue de ressources personnelles, qu'elle est dépourvue d'attaches personnelles et familiales sur le territoire français en dehors de ses enfants alors qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où résident ses parents et sa fratrie, et qu'elle a indiqué, lors de son audition, son intention de ne pas se conformer à une future mesure d'éloignement. Ainsi, elle comporte les considérations de droit et de fait qui fondent l'interdiction de retour, même si elle ne précise pas que sa présence en France constitue ou non une menace pour l'ordre public et qu'elle n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

17. En deuxième lieu, il ressort de l'interdiction de retour sur le territoire français en litige que le préfet de la Charente-Maritime a examiné préalablement l'ensemble de la situation de Mme E... notamment au regard de la durée de sa présence sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France. La requérante fait valoir que ses enfants sont scolarisés en France et qu'elle a souffert de pathologies médicales ayant nécessité son hospitalisation. Toutefois, ces éléments, dont certains ne sont pas établis, ne sauraient constituer des circonstances humanitaires au sens des dispositions citées ci-dessus faisant obstacles à son interdiction de retour. Dès lors, le préfet a pu, sans méconnaître les dispositions de l'articles L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, prononcer à son encontre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.

En ce qui concerne l'assignation à résidence :

18. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision l'assignant à résidence serait dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

19. En deuxième lieu, ainsi que la jugé le tribunal administratif, la décision en litige vise l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique, d'une part, que l'absence de document d'identité ou de voyage rend impossible l'exécution immédiate de l'obligation de quitter le territoire français faite à Mme F... et, d'autre part, qu'il existe une perspective raisonnable d'éloignement grâce à l'obtention envisagée d'un laissez-passer consulaire. Contrairement à ce que soutient la requérante, le préfet justifie à cet égard d'une demande effectuée auprès de l'ambassade de la République d'Albanie le 6 septembre 2021 en faveur de l'ensemble des membres de la famille y compris sa fille née sur le territoire français. Cette décision est ainsi suffisamment motivée en droit comme en fait.

20. En troisième lieu, la motivation de cette décision, qui est suffisante, ne révèle pas que l'autorité administrative n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de Mme E....

21. En quatrième lieu, Mme E... reprend en appel, sans invoquer d'éléments de fait ou de droit nouveaux par rapport à l'argumentation développée en première instance, et sans critiquer la réponse apportée par le tribunal administratif, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation dont serait entachée la décision contestée. Dès lors, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

22. Il résulte de ce tout qui précède que E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 décembre 2021. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire présentée par Mme E....

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme E... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Charente-Maritime.

Délibéré après l'audience du 4 mai 2023 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mai 2023.

La rapporteure,

Birsen C...Le président,

Jean-Claude PauzièsLa greffière,

Stéphanie Larrue

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22BX02211


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02211
Date de la décision : 25/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Birsen SARAC-DELEIGNE
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : SCP BREILLAT DIEUMEGARD MASSON

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-05-25;22bx02211 ?
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