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31/05/2023 | FRANCE | N°22BX00245

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 31 mai 2023, 22BX00245


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 22 mars 2018 par lequel le maire de Seignosse a délivré à la société La station un permis de construire en vue de la création d'une annexe de bar et d'une terrasse et de l'extension d'une terrasse existante et la décision implicite de rejet de son recours gracieux, ainsi que les arrêtés des 9 juin 2020 et 10 mars 2021 par lesquels le maire de Seignosse a délivré à la société Malt 40 un permis de construire et un permis de cons

truire modificatif.

Par un jugement n°1801721 du 4 février 2020, le tribunal ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 22 mars 2018 par lequel le maire de Seignosse a délivré à la société La station un permis de construire en vue de la création d'une annexe de bar et d'une terrasse et de l'extension d'une terrasse existante et la décision implicite de rejet de son recours gracieux, ainsi que les arrêtés des 9 juin 2020 et 10 mars 2021 par lesquels le maire de Seignosse a délivré à la société Malt 40 un permis de construire et un permis de construire modificatif.

Par un jugement n°1801721 du 4 février 2020, le tribunal administratif de Pau a transmis le dossier de l'affaire au Conseil d'Etat sur le fondement de l'article L. 113-1 du code de justice administrative et a sursis à statuer sur la légalité de l'arrêté du 22 mars 2018 et sur la décision implicite de rejet du recours gracieux. Par un jugement n°1801721 du 17 novembre 2020, le tribunal administratif de Pau, après avoir constaté que les autres moyens n'étaient pas fondés, a sursis à statuer sur les conclusions en annulation de l'arrêté du 22 mars 2018 et de la décision implicite de rejet du recours gracieux, dans l'attente d'une régularisation. Par un jugement n° 1801721 du 26 novembre 2021, le tribunal administratif de Pau a rejeté comme irrecevables les conclusions aux fins d'annulation des arrêtés des 9 juin 2020 et 10 mars 2021, car relevant d'un litige distinct, et a, après avoir constaté l'absence de régularisation, annulé l'arrêté du 22 mars 2018 ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 24 janvier, 8 septembre, 9 et 30 novembre 2022, M. B..., représenté par Me Achou-Lepage, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1801721 du 26 novembre 2021 du tribunal administratif de Pau en tant qu'il a rejeté comme irrecevables les conclusions aux fins d'annulation des arrêtés des 9 juin 2020 et 10 mars 2021 ;

2°) de statuer par la voie de l'évocation et d'annuler les arrêtés des 9 juin 2020 et 10 mars 2021 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Seignosse la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que c'est à tort que le tribunal de Pau a rejeté comme irrecevables ses conclusions à fin d'annulation des arrêtés des 9 juin 2020 et 10 mars 2021 :

- ces arrêtés sont des mesures de régularisation de l'arrêté du 22 mars 2018, dès lors qu'ils portent sur le même projet, le seul changement de pétitionnaire n'ayant aucune influence ; leur légalité devait, en application de l'article L. 600-5-2 du code de l'urbanisme, être contestée dans l'instance initiale visant l'arrêté du 22 mars 2018 ;

- à supposer même qu'ils relèvent d'un litige distinct, les premiers juges auraient dû l'inviter à régulariser son recours par la présentation de requêtes distinctes avant de rejeter ses conclusions comme irrecevables ;

- sa demande d'annulation des arrêtés des 9 juin 2020 et 10 mars 2021 n'est pas tardive dès lors que ces autorisations n'ont pas été affichées sur le terrain d'assiette du projet et ne lui ont pas été notifiées ;

- les travaux autorisés par les arrêtés des 9 juin 2020 et 10 mars 2021 étaient achevés depuis le mois d'août 2017 ; dès lors, le permis du 10 mars 2021 ne pouvait avoir pour effet de régulariser les vices constatés ; la pétitionnaire aurait dû déposer un nouveau permis de construire portant sur l'ensemble de la construction ;

- les arrêtés des 9 juin 2020 et 10 mars 2021 méconnaissent l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme dès lors que les dossiers de permis de construire ne comportent toujours pas l'accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public maritime ; le vice affectant l'arrêté du 22 mars 2018 relevé dans le jugement avant dire droit du 17 novembre 2020 n'est donc pas régularisé ;

- les arrêtés des 9 juin 2020 et 10 mars 2021 méconnaissent l'article 3.1 du règlement de la zone U du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) de la communauté de communes (CDC) Maremme Adour Côte-Sud (MACS) approuvé le 28 février 2020 dès lors que le projet autorisé ne respecte pas une distance minimum de cinq mètres par rapport à la limite du domaine public maritime ; le vice affectant l'arrêté du 22 mars 2018 relatif à la méconnaissance de l'article Uhb6 du règlement du plan local d'urbanisme de Seignosse alors en vigueur relevé dans le jugement avant dire droit du 17 novembre 2020 n'est donc pas régularisé ;

- les arrêtés des 9 juin 2020 et 10 mars 2021 méconnaissent l'article 23 du règlement applicable à toutes les zones du PLUi de la CDC MACS qui reprend les dispositions de l'article L. 212-16 du code de l'urbanisme, dès lors que le projet, qui se situe dans la bande littorale des cent mètres, ne peut être regardé comme situé dans un espace urbanisé ;

- les arrêtés des 9 juin 2020 et 10 mars 2021 méconnaissent l'article 22 du règlement applicable à toutes les zones du PLUi de la CDC MACS dès lors que le projet se situe dans un secteur identifié en sensibilité très forte au phénomène d'inondation par remontée de nappe et ne respecte pas la prescription relative à la surélévation du plancher des constructions à 0,30 mètres par rapport à la côte du terrain naturel ; en outre le projet est situé dans un secteur classé par le plan de prévention des risques littoraux (PPRL) du secteur Bourret-Boudigau en cours d'élaboration en zone d'aléa fort du risque de submersion marine ;

- pour les motifs exposés aux deux points précédents, les arrêtés des 9 juin 2020 et 10 mars 2021 ne permettent pas de régulariser le vice affectant l'arrêté du 22 mars 2018 relatif à la méconnaissance de l'article Uhb6 du règlement du plan local d'urbanisme de Seignosse alors en vigueur relevé dans le jugement avant dire droit du 17 novembre 2020 ;

- les arrêtés des 9 juin 2020 et 10 mars 2021 méconnaissent les articles R. 431-9, R. 431-10 du code de l'urbanisme dès lors que le plan de masse est insuffisant, que les dossiers de demande ne comportent pas de plan de coupe illustrant la terrasse existante et son agrandissement projetée par rapport au profil du terrain ;

- les arrêtés des 9 juin 2020 et 10 mars 2021 méconnaissent l'article 1 du règlement de la zone U du PLUi de la CDC MACS dès lors que le projet ne correspond pas à la destination générale de la zone à vocation résidentielle exclusive et est incompatible avec la sécurité, la tranquillité, la commodité ou la bonne tenue du voisinage.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 juin 2022, la commune de Seignosse, représentée par la SCP Bouyssou et associés, conclut à titre principal au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'appelant de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et demande à titre subsidiaire, par la voie de l'appel incident, la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a annulé l'arrêté du 22 mars 2018 et qu'il l'a condamnée au versement de la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et le rejet du surplus des conclusions présentées par M. B... à l'encontre des arrêtés des 22 mars 2018, 9 juin 2020 et 10 mars 2021.

Elle soutient que :

- à titre principal, les arrêtés des 9 juin 2020 et 10 mars 2021 ne pouvaient être juridiquement qualifiés de mesures de régularisation du permis de construire du 22 mars 2018 dès lors que l'arrêté du 9 juin 2020, juridiquement lié à son modificatif du 10 mars 2021, est intervenu antérieurement au jugement avant dire-droit du 17 novembre 2020 ordonnant la régularisation ; les premiers juges ont donc à bon droit rejeté comme étant irrecevables les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B... à l'encontre de ces deux arrêtés ;

- à titre subsidiaire, si les arrêtés des 9 juin 2020 et 10 mars 2021 devaient être qualifiés juridiquement par la cour de mesures de régularisation, elle devra constater qu'ils régularisent l'arrêté du 22 mars 2018 :

- la circonstance que la construction soit achevée ne peut s'opposer à la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;

- le vice tiré de la méconnaissance de l'article R. 431-13 du code de l'urbanisme n'est pas constitué dès lors que le projet s'implante sur le domaine public communal et non maritime, l'estran de l'étang d'Hossegor ne constituant pas une dépendance du domaine public maritime naturel de l'Etat ; au demeurant les arrêtés des 9 juin 2020 et 10 mars 2021 sont délivrés sous réserve du droit des tiers et le renouvellement d'autorisation d'occuper le domaine public maritime a bien été délivré par la communauté de communes ;

- les arrêtés des 9 juin 2020 et 10 mars 2021 sont conformes à l'article 3.1 du règlement de la zone U du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) de la communauté de communes (CDC) Maremme Adour Côte-Sud (MACS) approuvé le 28 février 2020 ; le projet est conforme aux nouvelles dispositions du PLUi et donc régularisé en ce qui concerne son absence de recul par rapport au domaine public maritime ;

- les arrêtés contestés sont conformes à la loi littorale dès lors que le projet se situe dans un espace urbanisé de la commune ;

- si la cour devait estimer que les arrêtés des 9 juin 2020 et 10 mars 2021 sont contraires à l'article 22 du règlement applicable à toutes les zones du PLUi de la CDC MACS, elle pourra prononcer une annulation partielle en tant que le plancher de l'annexe bar se situe en dessous de la hauteur prescrite par le PLUi ;

- le PPRL dont se prévaut l'appelant n'est pas opposable aux arrêtés contestés dès lors qu'il n'est pas encore adopté ; au surplus, il n'est pas démontré que le terrain d'assiette du projet se situe en zone d'aléa fort ;

- le dossier de demande de permis de construire n'est pas insuffisant.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 octobre 2022, la société Malt 40, société par actions simplifiée représentée par Me Bonnet-Lambert, conclut à titre principal au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'appelant de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et demande à titre subsidiaire, par la voie de l'appel incident, la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a annulé l'arrêté du 22 mars 2018 et le rejet des conclusions d'annulation présentées par M. B... à l'encontre des arrêtés des 22 mars 2018, 9 juin 2020 et 10 mars 2021, et à titre infiniment subsidiaire, à ce qu'il soit fait application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

Elle soutient que :

- c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté comme irrecevables car relevant d'un litige distinct les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B... et visant les arrêtés des 9 juin 2020 et 10 mars 2021 ;

- si la cour devait considérer le contraire, elle devra constater que ces arrêtés régularisent l'arrêté du 22 mars 2018 dès lors que les vices retenus par le tribunal dans son jugement avant dire droit sont régularisés et les moyens soulevés par M. B... à l'encontre de la légalité des arrêtés des 9 juin 2020 et 10 mars 2021 ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G...,

- les conclusions de M. Gueguein, rapporteur public,

- les observations de Me Bonnet-Lambert représentant la SA Malt 40.

Considérant ce qui suit :

1. La société La Station a déposé le 30 mars 2017 une déclaration préalable pour la construction d'une annexe à usage de bar et d'une terrasse ainsi que pour l'extension de la terrasse existante de son établissement de restauration situé 9001 avenue du 8 mai 1945. Par un jugement n° 1701203 du 19 novembre 2019, devenu définitif, le tribunal administratif de Pau a annulé la décision implicite par laquelle le maire de Seignosse ne s'est pas opposé à cette déclaration préalable, considérant que les travaux autorisés nécessitaient la délivrance d'un permis de construire. Le 30 janvier 2018, la société La Station a déposé une demande de permis de construire portant sur la construction d'une annexe à usage de bar et de sa terrasse couverte pour une surface de plancher de 13,86 m². Par arrêté du 22 mars 2018, le maire de Seignosse a accordé l'autorisation sollicitée. Par un jugement avant dire droit du 17 novembre 2010, le tribunal administratif de Pau a sursis à statuer sur les conclusions présentées par M. B... à fin d'annulation de l'arrêté du 22 mars 2018 dans l'attente de sa régularisation. Les premiers juges ont retenu cinq vices affectant la légalité de l'autorisation relatifs à la méconnaissance de l'article R. 425-30 du code de l'urbanisme du fait de l'irrégularité de la consultation de l'architecte des bâtiments de France, à la méconnaissance de l'article R. 431-13 du même code en l'absence de pièce exprimant l'accord du gestionnaire du domaine pour engager la procédure d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public, à la méconnaissance de l'article R. 431-10 du même code en l'absence de document photographique permettant de situer le terrain dans son environnement proche, et enfin à la méconnaissance des articles UhB6 et UhB7 du règlement du plan local d'urbanisme de Seignosse du fait d'une implantation non conforme à ces dispositions. Par un jugement mettant fin à l'instance du 26 novembre 2021, le tribunal administratif de Pau, après avoir estimé que les arrêtés des 9 juin 2020 et 10 mars 2021 par lesquels le maire de Seignosse a délivré un permis de construire et un permis de construire modificatif à la société Malt 40, concernaient un projet distinct et n'étaient donc pas susceptibles de régulariser l'arrêté du 22 mars 2018, a rejeté comme irrecevables les conclusions à fin d'annulation des arrêtés des 9 juin 2020 et 10 mars 2021 présentées par M. B... dans la même instance et a annulé l'arrêté du 22 mars 2018, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté comme irrecevables ses conclusions à fin d'annulation des arrêtés des 9 juin 2020 et 10 mars 2021. Par la voie de l'appel incident, la commune de Seignosse et la société Malt 40 demandent la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a annulé l'arrêté du 22 mars 2018.

Sur l'appel principal :

2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment du formulaire CERFA de demande, que la société Malt 40, représentée par M. D... C..., a déposé le 16 janvier 2020 une demande de permis de construire, enregistrée sous le numéro PC 040 296 20 D0003, portant sur la construction d'une annexe à usage de bar et de sa terrasse couverte d'une pergola bâchée, pour l'extension de la terrasse existante attenante au restaurant existant, pour la modification du garde-corps et pour le changement des bâches jaunes existantes en bâches couleur champagne, entrainant la création d'une surface de plancher de 13,86 m² portant la surface totale de l'établissement à 129,86 m². Par arrêté du 9 juin 2020, le maire de Seignosse a accordé l'autorisation sollicitée sur le fondement du plan local d'urbanisme intercommunal approuvé le 27 février 2020 et au terme d'une instruction complète qui a donné lieu à divers avis des services compétents émis les 27 février, 16 avril et 5 mai 2020. Cette même société a déposé le 25 février 2021, sous le numéro PC 040 296 20 D0003 M1, une demande de modification de permis de construire portant sur la modification de la longueur de la construction en limite, portée à 10 mètres, et sur l'ajout d'une vue lointaine au dossier de demande. Par arrêté du 10 mars 2021, le maire de Seignosse a accordé le permis de construire modificatif sollicité sous réserve du respect des prescriptions émises par le permis initial du 9 juin 2020.

3. Ainsi, et comme l'ont estimé à juste titre les premiers juges, ces deux arrêtés apparaissent totalement distincts juridiquement du permis de construire accordé le 22 mars 2018 sous le numéro PC 040 296 18 D0007 par le maire de Seignosse à la société La station, représentée par Mme A... F..., qui a fait l'objet d'une instruction distincte ayant donné lieu à des avis émis en février et mars 2018. Il est constant que ce permis n'a fait l'objet d'aucun transfert et le lien de connexité entre les représentants des sociétés pétitionnaires, dont se prévaut le requérant en appel, ne peut seul permettre de considérer que l'arrêté du 9 juin 2020 et son modificatif du 10 mars 2021, qui ne comportent aucune mention relative à un précédent permis auxquels ils s'agrégeraient, avaient pour objet de modifier l'étendue du droit à construire acquis par la société La Station par l'arrêté du 22 mars 2018. Il ressort d'ailleurs des pièces du dossier que ni la commune de Seignosse, ni la société pétitionnaire n'a produit l'arrêté du 9 juin 2020, ni revendiqué une telle qualification lors de l'audiencement par le tribunal administratif de Pau de l'affaire le 3 novembre 2020. Ce n'est que dans son mémoire enregistré le 23 avril 2021 que la commune a produit cet arrêté et son modificatif du 10 mars 2021 pour justifier de la régularisation de l'arrêté du 22 mars 2018 ordonnée par le tribunal administratif dans son jugement avant dire droit du 17 novembre 2020. Dans ces conditions, il ressort des pièces du dossier que, même s'ils portent sur un même projet, le droit de construire accordé à la société Malt 40 le 9 juin 2020, et modifié le 10 mars 2021, est juridiquement distinct du droit de construire accordé à la société La Station le 22 mars 2018. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Pau a estimé que les conclusions aux fins d'annulation des arrêtés des 9 juin 2020 et 10 mars 2021 présentées par M. B... relevaient d'un litige distinct.

4. En second lieu, aux termes de l'article R. 612-1 du code de justice administrative : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. Toutefois, la juridiction d'appel ou de cassation peut rejeter de telles conclusions sans demande de régularisation préalable pour les cas d'irrecevabilité tirés de la méconnaissance d'une obligation mentionnée dans la notification de la décision attaquée conformément à l'article R. 751-5. La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours. La demande de régularisation tient lieu de l'information prévue à l'article R. 611-7. ". Aux termes de l'article R. 611-7 de ce code : " Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou, au Conseil d'Etat, la sous-section chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué ".

5. Il ressort des pièces du dossier de première instance que par courrier du 9 novembre 2021, le tribunal administratif de Pau a informé les parties, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce qu'il était susceptible de fonder sa décision sur le moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre les arrêtés des 9 juin 2020 et 10 mars 2021 dès lors qu'elles soulevaient un litige distinct. Toutefois et alors même que M. B... et la commune de Seignosse ont présenté des observations en réponse à ce courrier par des mémoires enregistrés les 11 novembre et 15 novembre 2021, une telle lettre, qui ne mentionne ni la possibilité de régulariser la requête ni ne fixe un délai à cette fin, ne saurait tenir lieu de l'invitation à régulariser prévue par les dispositions de l'article R. 612-1 du code de justice administrative. Ainsi, le requérant est fondé à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors que les premiers juges ne l'ont pas invité à régulariser son recours par la présentation de requêtes distinctes avant de rejeter ses conclusions à fin d'annulation des arrêtés des 9 juin 2020 et 10 mars 2021 comme étant irrecevables.

6. Par suite, le jugement du 26 novembre 2021 du tribunal administratif de Pau doit être annulé en tant qu'il a rejeté comme irrecevables les conclusions aux fins d'annulation des arrêtés des 9 juin 2020 et 10 mars 2021. Il y a lieu de renvoyer M. B... devant le tribunal administratif de Pau pour y être à nouveau statué sur sa demande tendant à l'annulation de ces deux arrêtés, en prenant en compte la date de l'enregistrement initial de cette demande.

Sur les appels incidents :

7. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, (...), estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par un permis modificatif peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si un tel permis modificatif est notifié dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. ".

8. Il résulte de ce qui précède que les arrêtés des 9 juin 2020 et 10 mars 2021, relatifs à un nouveau permis, n'étaient pas susceptibles de régulariser les vices entachant l'arrêté du 22 mars 2018 tels qu'identifiés par le tribunal dans son jugement avant dire droit du 17 novembre 2020.

9. Par suite, et alors qu'il est constant qu'aucune autre mesure de régularisation n'a été produite par le pétitionnaire, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté du 22 mars 2018, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Les conclusions à fin de réformation du jugement attaqué présentées par la voie de l'appel incident par la commune de Seignosse et la société Malt 40 doivent, en conséquence, être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. Dans les circonstances de l'espèce il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n°1801721 du 26 novembre 2021 du tribunal administratif de Pau est annulé en tant qu'il a rejeté comme irrecevables les conclusions aux fins d'annulation des arrêtés des 9 juin 2020 et 10 mars 2021.

Article 2 : M. B... est renvoyé devant le tribunal administratif de Pau pour qu'il soit statué sur sa demande d'annulation des arrêtés des 9 juin 2020 et 10 mars 2021.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Seignosse présentées par la voie de l'appel incident et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions de la société Malt 40 présentées par la voie de l'appel incident et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Les conclusions de M. B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., à la commune de Seignosse, à la société par actions simplifiée La Station et à la société par actions simplifiée Malt 40.

Délibéré après l'audience du 10 mai 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Nathalie Gay, première conseillère,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mai 2023.

La rapporteure,

Héloïse G...

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au préfet des Landes en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°22BX00245


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00245
Date de la décision : 31/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Héloïse PRUCHE-MAURIN
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : ACHOU-LEPAGE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-05-31;22bx00245 ?
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