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08/06/2023 | FRANCE | N°22BX01845

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 08 juin 2023, 22BX01845


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision implicite du préfet de la Charente-Maritime de rejet de sa demande de titre de séjour, ainsi que l'arrêté du 17 décembre 2021 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2101681, 2200172 du 10 juin 2022, le tribunal administratif de

Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision implicite du préfet de la Charente-Maritime de rejet de sa demande de titre de séjour, ainsi que l'arrêté du 17 décembre 2021 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2101681, 2200172 du 10 juin 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 juillet 2022, M. A..., représenté par Me Masson, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 10 juin 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 17 décembre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Charente-Maritime de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'auteur de l'arrêté litigieux ne disposait pas d'une délégation de signature régulière ;

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- cette décision est insuffisamment motivée, ce qui révèle un défaut d'examen de sa situation personnelle ; la motivation révèle également une erreur de droit ;

- elle méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 4-42 de l'accord franco-sénégalais ; en effet, il est entré sur le territoire français au cours de sa minorité et a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance ; il a noué des liens forts avec sa famille d'accueil, qui a lancé une procédure d'adoption, et n'a plus de contacts avec son pays d'origine ; il est intégré scolairement et professionnellement ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle se fonde sur une décision de refus de titre de séjour illégale ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- cette décision n'est pas suffisamment motivée ;

- cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison de sa perception en tant que personne homosexuelle.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 15 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Charlotte Isoard a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant sénégalais né le 10 octobre 1999, entré sur le territoire français au mois de juillet 2017, a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 17 décembre 2021, le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui délivrer le titre de séjour demandé, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du 10 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 décembre 2021.

Sur l'arrêté pris dans son ensemble :

2. Par un arrêté du 25 mars 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, M. Pierre Molager, secrétaire général de la préfecture de la Charente-Maritime, a reçu délégation de signature du préfet à l'effet de signer notamment tous arrêtés entrant dans le champ d'application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Compte tenu de la qualité du signataire de secrétaire général de la préfecture, cette délégation n'est ni trop large ni trop imprécise, contrairement à ce que soutient M. A.... Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté en litige doit être écarté.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

3. L'arrêté en litige, après avoir visé les textes applicables, fait état de la situation administrative de M. A..., ainsi que des éléments liés à sa situation personnelle. En particulier, il indique quels documents ont été versés au dossier afin d'établir l'intégration professionnelle de l'intéressé, et mentionne que M. A... est célibataire et sans enfants et ne peut être regardé comme dépourvu d'attaches dans son pays d'origine. Par ailleurs, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant aurait porté à la connaissance des services préfectoraux les craintes qui avaient motivé sa demande d'asile en 2017, il ne peut être reproché à l'arrêté litigieux de ne pas en faire état. La décision de refus de titre de séjour énonce ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisante motivation de cette décision et du défaut d'examen de la situation personnelle de M. A... doivent être écartés. En outre, cette motivation ne révèle pas une erreur de droit dès lors qu'il résulte des mentions de l'arrêté que sa demande d'admission exceptionnelle au séjour a bien été examinée, en application du paragraphe 42 de l'article 4 de l'accord franco-sénégalais du 23 septembre 2006, " en application de la législation française ". Ce moyen doit par suite également être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".

5. M. A... est entré sur le territoire français au mois de juillet 2017, quelques mois avant sa majorité. Il a occupé un emploi en tant qu'" extra " en qualité de plongeur environ quatre mois au cours de l'année 2019, a obtenu un baccalauréat professionnel en spécialité " logistique ", et produit un contrat d'apprentissage conclu pour une durée d'un an entre le 13 octobre 2020 et le 12 octobre 2021 qui n'a toutefois pas été validé par l'organisme en charge de dépôt du contrat et n'est pas accompagné d'une inscription dans une formation en alternance. Ces seuls éléments ne caractérisent pas à eux seuls des motifs exceptionnels ou des considérations humanitaires justifiant l'octroi d'un titre de séjour portant la mention " salarié ". A cet égard, les différents justificatifs versés au dossier concernant des emplois occupés à compter du mois de février 2022, soit postérieurement à l'arrêté en litige, dont la légalité s'apprécie à la date à laquelle il a été pris, ne peuvent être pris en compte concernant l'intégration professionnelle de M. A.... Par ailleurs, l'intéressé est célibataire et sans enfant sur le territoire français. Si M. A... soutient avoir créé des liens fort avec une famille d'accueil qui l'aurait recueilli, il ne verse au dossier qu'un acte notarié, établi le 3 février 2022, soit postérieurement à la décision litigieuse, de recueil de consentement à l'adoption, qui ne constitue qu'une phase préparatoire à la procédure judiciaire d'adoption simple. Ainsi, il ne peut être regardé comme ayant fixé le centre de ses intérêts personnels et familiaux sur le territoire national, en l'absence de liens suffisamment stables et anciens, et alors qu'il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier qu'il serait dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de dix-sept ans. Enfin, son bénévolat auprès de la bibliothèque diocésaine de Saintes, à raison de deux après-midis par semaine, ne peut être regardé à lui seul comme caractérisant des motifs exceptionnels ou des considérations humanitaires justifiant que lui soit accordé un titre de séjour au regard de sa vie privée et familiale. Au regard de l'ensemble de ces éléments, le préfet de la Charente-Maritime n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer à M. A... un titre de séjour.

6. Enfin, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits de libertés d'autrui ".

7. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, la décision de refus de titre de séjour ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A... au regard des buts poursuivis. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soulever, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

9. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 5 et 7, alors que M. A... ne peut être regardé comme ayant fixé le centre de ses intérêts personnels et familiaux sur le territoire français, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

10. En premier lieu, le préfet de la Charente-Maritime a notamment indiqué dans l'arrêté litigieux que M. A... n'établissait pas être exposé à des peines et traitements inhumains contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Ainsi, le préfet, qui ne s'est pas borné à viser l'article 3 de cette convention, a suffisamment motivé la décision fixant le pays de renvoi. Par suite, ce moyen doit être écarté.

11. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

12. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... encourrait un risque réel, actuel et personnel d'être exposé à des peines ou traitements inhumains ou dégradants au sens des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que l'intéressé se borne à faire valoir que ses parents et sa grand-mère sont décédés, et que l'homosexualité est punie d'une peine de prison au Sénégal.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Sa requête doit ainsi être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Charente-Maritime.

Délibéré après l'audience du 17 mai 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 juin 2023.

La rapporteure,

Charlotte IsoardLa présidente,

Christelle Brouard-Lucas

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 22BX01845 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01845
Date de la décision : 08/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROUARD-LUCAS
Rapporteur ?: Mme Charlotte ISOARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : SCP BREILLAT DIEUMEGARD MASSON

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-06-08;22bx01845 ?
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