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27/06/2023 | FRANCE | N°22BX03017

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 27 juin 2023, 22BX03017


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2022 par lequel le préfet de la Charente-Maritime lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai, a fixé l'Albanie comme pays de renvoi, a prononcé une interdiction complémentaire de retour sur le territoire français de deux ans et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2202756 du 10 novembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté

sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 décembre 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2022 par lequel le préfet de la Charente-Maritime lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai, a fixé l'Albanie comme pays de renvoi, a prononcé une interdiction complémentaire de retour sur le territoire français de deux ans et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2202756 du 10 novembre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 décembre 2022, M. A..., représenté par Me Masson, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 10 novembre 2022 du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 6 novembre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Charente-Maritime de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; à titre subsidiaire, conformément aux dispositions de l'article L.614-16 et L.614-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; à titre infiniment subsidiaire de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en l'absence de réponse au moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté ;

- la compétence du signataire de cet arrêté n'est pas établie ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français sans délai :

- cette décision est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration dès lors qu'il n'a pas été mis à même de faire valoir ses observations avant son édiction ;

- cette décision a été prise en méconnaissance de l'article L. 611-1 1° dès lors qu'en tant que citoyen albanais il n'est pas soumis à l'obligation de visa de court séjour et que son séjour était inférieur à 90 jours ; l'interdiction de retour ne le soumettait pas à une obligation de visa ;

- la décision de refus de délai de départ volontaire a été prise en méconnaissance des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'absence de risque de fuite ;

- cette décision a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au regard de la présence de sa famille en France, de la durée de son séjour et de son intégration ;

- cette décision a été également prise en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant en le séparant de ses enfants ;

En ce qui concerne la décision complémentaire d'interdiction de retour sur le territoire :

- elle est insuffisamment motivée ;

- au regard de sa situation elle a été prise en méconnaissance de l'article L.612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français

- elle est insuffisamment motivée

- elle a été prise en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen ;

- elle est entachée d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation ;

- elle comporte des contraintes disproportionnées par rapport aux finalités qu'elle poursuit.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Christelle Brouard-Lucas a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant albanais né le 19 février 1983, déclare être entré pour la dernière fois en France le 24 ou le 25 septembre 2022 après l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement le 20 septembre précédent. Par un arrêté en date du 6 novembre 2022, le préfet de la Charente-Maritime lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination, a prononcé une interdiction complémentaire de retour sur le territoire français de deux ans et l'a assigné à résidence pour une durée de 45 jours. M. A... demande l'annulation du jugement du 10 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que le premier juge n'a pas répondu au moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer et donc irrégulier et doit, pour ce motif, être annulé.

3. Il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Poitiers.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'arrêté pris dans son ensemble :

4. Par un arrêté du 28 avril 2022 régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département de la Charente-Maritime du même jour, consultable sur le site de la préfecture, le préfet de la Charente-Maritime a donné délégation de signature à Mme B... C..., sous-préfète de Jonzac dans le cadre des permanences qu'elle est amenée à assurer notamment pour les obligations de quitter le territoire français prises en application de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les décisions refusant un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et d'interdiction de retour ainsi que les décisions d'assignation à résidence. Ainsi, alors que la décision en litige a été édictée le dimanche 6 novembre 2022 dans le cadre d'une permanence, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté en litige doit être écarté.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

5. En premier lieu, après avoir visé les textes applicables à la situation de M. A..., la décision attaquée précise qu'il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en date du 28 janvier 2020, d'une interdiction de retour d'un an édicté par le préfet de la Charente-Maritime le 31 janvier 2022, que la décision d'éloignement a été exécuté le 20 septembre 2022, qu'il est revenu en France dès le 24 ou 25 septembre 2022 et qu'il ne peut justifier être entré de manière régulière sur le territoire. Elle mentionne également les éléments relatifs à sa situation personnelle et familiale. Ainsi, elle comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré d'un défaut de motivation doit être écarté.

6. En deuxième lieu, il ne ressort pas de cette motivation ni des pièces du dossier que le préfet de la Charente-Maritime n'aurait pas, avant de prendre la décision contestée, procédé à un examen particulier et suffisamment approfondi de la situation de M. A.... Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen particulier de la situation de l'intéressé doit être écarté.

7. En troisième lieu, il ressort des dispositions du livre VI du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment de son article L. 614-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Dès lors, l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de l'article L. 211-2 du même code, en prévoyant que ces décisions " n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (...) ", ne saurait être utilement invoqué à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français litigieuse.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 311-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne satisfait pas aux conditions d'entrée sur le territoire français lorsqu'il se trouve dans les situations suivantes :(...) 3° Il fait l'objet (...) d'une interdiction de retour sur le territoire français (...) ". Aux termes de l'article L. 611-1 de ce code : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ". Enfin l'article L. 612-7 de ce code prévoit que " Lorsque l'étranger s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative édicte une interdiction de retour. (...) Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. "

9. Il ressort de pièces du dossier que M. A... a fait l'objet d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français du préfet de la Marne le 9 juin 2021 et d'un arrêté portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an édicté par le préfet de la Charente-Maritime le 31 janvier 2022 sur le fondement de l'article L. 612-7 précité. Cette obligation de quitter le territoire français a été exécutée le 20 septembre 2022. Ainsi, à la date de son retour sur le territoire français quelques jours plus tard, M. A... se trouvait toujours sous l'effet de cette interdiction de retour. Dès lors, en application de l'article L. 311-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne justifie pas être entré régulièrement sur le territoire français. Par suite, le préfet n'a pas fait une inexacte application de ses dispositions en prononçant une obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, quand bien même les citoyens albanais ne sont pas soumis à l'obligation de détention d'un visa pour les séjours inférieurs à 90 jours.

10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".

11. M. A... se prévaut de la durée de son séjour en France depuis 2014, de la présence de sa compagne, de leurs deux enfants et des deux enfants de celle-ci dont il s'occupe ainsi que de ses trois sœurs. Toutefois, d'une part, il n'apporte aucun élément de nature à justifier du caractère habituel de son séjour en France depuis cette date, d'autre part il ne ressort pas des pièces du dossier que sa compagne serait titulaire d'un titre de séjour. En outre l'intéressé ne fait état d'aucun élément d'intégration particulière sur le territoire alors qu'il a vécu la majorité de son existence dans son pays d'origine où réside son père. Ainsi, compte tenu du jeune âge des enfants du couple et de ceux de sa compagne, la cellule familiale du requérant peut se reconstituer en Albanie, alors au demeurant qu'il n'établit pas la réalité de la vie commune. Le préfet de la Charente-Maritime n'a donc pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et par suite n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

12. Enfin, pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point précédent, la décision en litige ne méconnaît pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne la décision de refus d'accorder un délai de départ volontaire :

13. Aux termes des dispositions de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. (...) ". Aux termes des dispositions de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes des dispositions de l'article L. 612-3 de ce même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : 1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour / (...) 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) ".

14. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré irrégulièrement sur le territoire français et qu'il s'est soustrait à l'exécution de précédentes mesures d'éloignement. Par suite, en refusant de lui accorder le délai de départ prévu par l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Charente-Maritime n'a pas méconnu les dispositions précitées des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile quand bien même M. A... était détenteur d'une carte d'identité et sans qu'il puisse utilement se prévaloir de ses attaches familiales en France et de ce qu'il ne constituerait pas une menace à l'ordre public.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

15. Il ressort de ce qui a été dit aux points précédents que la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le requérant ne saurait se prévaloir d'une telle illégalité pour demander l'annulation de la décision fixant le pays de destination par voie de conséquence de l'annulation de cette décision.

16. La décision fixant le pays à destination duquel le requérant pourra être reconduit vise notamment les articles L. 612-12 et L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne, après avoir relevé sa nationalité qu'il n'apporte pas la preuve d'être exposé à des peines ou des traitements contraires à la convention européenne des droits de l'homme en cas de retour dans son pays d'origine. Cette décision précise ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Par suite le moyen tiré de l'insuffisance de motivation devra être écarté.

17. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". En se bornant à affirmer qu'il fait l'objet de menaces de mort de la part de l'ex-mari de sa sœur et de celui de sa compagne, M. A... n'établit pas la réalité des risques pour sa vie ou son intégrité physique qu'il encourrait en cas de retour en Albanie. Sa demande d'asile a d'ailleurs été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Ce moyen doit, par suite, être écarté.

En ce qui concerne la décision complémentaire d'interdiction de retour sur le territoire :

18. Aux termes de l'article L. 612-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut prolonger l'interdiction de retour pour une durée maximale de deux ans dans les cas suivants : (...) 3° L'étranger est revenu sur le territoire français après avoir déféré à l'obligation de quitter le territoire français, alors que l'interdiction de retour poursuivait ses effets. Compte tenu des prolongations éventuellement décidées, la durée totale de l'interdiction de retour ne peut excéder cinq ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, sauf menace grave pour l'ordre public. " Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français./ Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. "

19. Il incombe à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit, par ailleurs, faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifient sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de chacun de ces critères, cette autorité ne retient pas certains éléments correspondant à l'un ou certains d'entre eux au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

20. Il ressort de la décision attaquée que, si elle vise l'article L. 612-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle ne comporte dans ses motifs aucun élément de fait de nature à justifier de l'édiction d'une mesure complémentaire d'interdiction de retour sur le territoire français. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que cette décision est insuffisamment motivée.

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

21. Il ressort de ce qui précède que la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le requérant ne saurait se prévaloir d'une telle illégalité pour demander l'annulation de la décision portant assignation à résidence par voie de conséquence de l'annulation de cette décision.

22. Aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants :1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé (...) ".

23. L'arrêté en litige vise les textes dont il est fait application, notamment l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et précise que M. A... fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, ne dispose pas de documents de voyage en cours de validité et que la mise en œuvre de son éloignement ne peut intervenir immédiatement en l'absence de laissez-passer consulaire et de vol à destination de l'Albanie comporte les considérations de fait qui en constituent le fondement. Dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision l'assignant à résidence manque en fait et doit être écarté.

24. La seule circonstance que cette décision mentionne, à la suite d'une erreur de plume un laissez-passer consulaire tunisien n'est pas de nature à faire regarder la décision comme entachée d'un défaut d'examen de la situation personnelle de M. A....

25. Aucun élément du dossier ne permet de considérer que l'éloignement de M. A..., qui avait déjà eu lieu en septembre 2022, ne demeurait pas une perspective raisonnable. Ainsi, alors que les décisions d'assignation à résidence concernent les personnes qui présentent des garanties de représentation suffisantes, et dès lors que sa situation entrait dans les cas où en application du 3° de l'article L. 731-1, le préfet peut prendre une décision d'assignation à résidence, M. A... ne saurait utilement se prévaloir de sa situation personnelle et familiale ou de la circonstance qu'il présente des garanties de représentation.

26. Enfin, la décision contestée assigne à résidence M. A... dans le département de la Charente-Maritime pour une durée de quarante-cinq jours et prévoit une obligation de présentation de l'intéressée les lundis, mardis mercredis et jeudis à 9h00, hors jours fériés, à la brigade de gendarmerie de Surgères. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les modalités de pointage et les limites géographiques fixées dans cette décision seraient pas adaptées, nécessaires et proportionnées aux finalités qu'elle poursuit dans la mesure où M. A... réside à Surgères et n'invoque aucune difficulté particulière pour se rendre à la gendarmerie.

27. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 6 novembre 2022 en ce qu'il a prononcé une interdiction complémentaire de retour sur le territoire de deux ans.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

28. La seule annulation par le présent arrêt de la mesure complémentaire d'interdiction de retour sur le territoire n'implique pas qu'il soit enjoint au préfet de délivrer à M. A... un titre de séjour, ni le réexamen de sa situation. Par suite les conclusions à fin d'injonction du requérant doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

29. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. A... présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2202756 du tribunal administratif de Poitiers du 10 novembre 2022 est annulé.

Article 2 : La décision du 6 novembre 2022 du préfet de la Charente-Maritime portant complément d'interdiction de retour sur le territoire pour une durée de deux ans est annulée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Poitiers est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Charente-Maritime.

Délibéré après l'audience du 1er juin 2023, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 juin 2023.

La rapporteure,

Christelle Brouard-LucasLe président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX03017


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22BX03017
Date de la décision : 27/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Christelle BROUARD-LUCAS
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : SCP BREILLAT DIEUMEGARD MASSON

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-06-27;22bx03017 ?
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