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28/06/2023 | FRANCE | N°21BX01861

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 28 juin 2023, 21BX01861


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers, par requêtes distinctes, d'une part, d'annuler la décision du 25 mai 2019 par laquelle la directrice de l'Institut départemental pour la protection de l'enfance et l'accompagnement des familles (A...) E... l'a radié des cadres pour abandon de poste, d'autre part, de condamner A... E... à lui verser la somme de 19 941 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de l'illégalité de cette décision.

Par un jugement

n° 1901631,1902795 du 30 mars 2021, le tribunal administratif de Poitiers a re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers, par requêtes distinctes, d'une part, d'annuler la décision du 25 mai 2019 par laquelle la directrice de l'Institut départemental pour la protection de l'enfance et l'accompagnement des familles (A...) E... l'a radié des cadres pour abandon de poste, d'autre part, de condamner A... E... à lui verser la somme de 19 941 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de l'illégalité de cette décision.

Par un jugement n° 1901631,1902795 du 30 mars 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 mai 2021 et 9 novembre 2022, M. B... D..., représenté par Me Rodier, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 30 mars 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 25 mai 2019 par laquelle la directrice de A... E... l'a radié des cadres pour abandon de poste ;

3°) de condamner A... E... à lui verser la somme de 19 941 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de l'illégalité de cette décision ;

4°) de mettre à la charge de A... E... la somme de 3 000 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

M. D... soutient que :

- sa requête est recevable ;

- la décision du 25 mai 2019 portant radiation des cadres pour abandon de poste est insuffisamment motivée ;

- son employeur n'a pas tenté d'aménager ses conditions de travail, en méconnaissance des dispositions de l'article 72 de la loi du 9 janvier 1986 ;

- il n'a pas non plus tenté de l'affecter dans un poste de travail correspondant à son grade et à son statut, contrairement à ce que prévoit l'article 1er du décret du 8 juin 1989 ;

- la décision attaquée est entachée d'une erreur d'appréciation ;

- l'illégalité de la décision du 25 mai 2019 et les manœuvres de son employeur lui ont causé un préjudice matériel et moral qui doit être réparé à hauteur de 19 941 euros correspondant à douze mois de salaire but.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 juillet 2021 et 14 novembre 2022, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, l'Institut départemental pour la protection de l'enfance et l'accompagnement des familles (A...), représenté par Me Clément, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge du requérant la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- à titre principal, la requête de M. D... qui se borne à reprendre les moyens de première instance sans la moindre critique du jugement attaqué est irrecevable ;

- à titre subsidiaire, les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés ;

- à titre très subsidiaire, le préjudice allégué par le requérant n'est justifié ni dans son principe, ni dans son quantum.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2021/013692 du 10 juin 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 89-376 du 8 juin 1989 ;

- le décret n° 97-487 du 12 mai 1997 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique, ont été entendus :

- le rapport de M. C...,

- et les conclusions de Mme Madelaigue, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... a été recruté par l'Institut départemental pour la protection de l'enfance et l'accompagnement des Familles (A...) E..., le 1er août 2011, sur un poste d'ouvrier professionnel qualifié en qualité d'agent contractuel avant d'être nommé, à compter du 1er juillet 2013, en qualité de fonctionnaire stagiaire. Le 12 août 2013, il a été victime d'un accident de travail, reconnu imputable au service par une décision du 19 août 2013. Il a ensuite été placé en congé de longue maladie à compter du 10 mars 2015 puis en congés de longue durée. Il a repris ses fonctions le 1er juin 2018, puis a été placé en congé de maladie ordinaire à compter du 3 juin suivant. Par une décision du 16 avril 2019, il a été réintégré par A... à compter du 29 avril 2019. M. D... ne s'étant pas présenté à cette date, il a été mis en demeure, par un courrier du 6 mai 2019, de reprendre ses fonctions le 24 mai 2019. L'agent n'ayant pas déféré à cette mise en demeure, la directrice de l'institut a, par une décision du 25 mai 2019, radié M. D... des cadres pour abandon de poste. M. D... a, par des requêtes distinctes, demandé au tribunal administratif de Poitiers, d'une part, d'annuler cette décision, d'autre part, de condamner A... E... à lui verser la somme de 19 941 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de l'illégalité de cette décision. Il relève appel du jugement du 30 mars 2021 par lequel le tribunal, après avoir joint les requêtes, a rejeté ses demandes.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, la décision attaquée du 25 mai 2019 portant radiation des cadres pour abandon de poste vise notamment les dispositions applicables de la loi du 9 janvier 1986 et l'avis du comité médical du 3 avril 2019 préconisant la reprise à temps complet de M. D... dans les meilleurs délais. Elle rappelle en outre que, malgré la mise en demeure de reprendre ses fonctions le 24 mai 2019 qui lui a été adressée le 6 mai 2019, l'intéressé ne s'est pas présenté à cette date pour reprendre son poste et qu'il a transmis de nouveaux arrêts de maladie ordinaire n'apportant pas d'éléments nouveaux permettant de ne pas suivre l'avis du comité médical. Elle précise enfin que M. D... a rompu le lien avec l'administration, a refusé de reprendre son poste dans le délai imparti et se trouve ainsi en situation d'abandon de poste. Cette décision qui comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est, dès lors, suffisamment motivée.

3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. D..., après avoir été placé en congé de longue maladie à compter du 10 mars 2015 puis en congés de longue durée à la suite d'un accident de travail de travail dont il avait été victime le 12 août 2013 et qui a été reconnu imputable au service, a repris ses fonctions, le 1er juin 2018, avant d'être à nouveau placé en congé de maladie ordinaire à compter du 3 juin 2018. A la suite de l'avis émis en dernier lieu le 4 avril 2019 par le comité médical préconisant une reprise des fonctions de l'intéressé " à temps complet et dans les meilleurs délais ", la directrice de A... E... a, par une décision du 16 avril 2019, prononcé la réintégration de M. D... à compter du 29 avril 2019 puis l'a mis en demeure, par un courrier du 6 mai 2019, de reprendre ses fonctions le 24 mai suivant. L'agent n'ayant pas repris ses fonctions, la directrice de l'institut a, par une décision du 25 mai 2019, radié M. D... des cadres pour abandon de poste.

4. Il ne ressort pas des pièces du dossier, en particulier de l'avis de la commission de réforme hospitalière du 5 octobre 2017, que M. D... aurait été reconnu inapte totalement et définitivement à l'exercice de ses fonctions. Dès lors, l'appelant ne peut, pour contester la décision en litige le radiant des cadres pour abandon de poste, ni se prévaloir des dispositions de l'article 71 de la loi du 9 janvier 1986 et de l'article 1er du décret du 8 juin 1989, lesquelles ne sont au demeurant pas applicables aux fonctionnaires stagiaires, ni soutenir que la directrice de A... E... aurait commis une erreur d'appréciation faute pour elle d'avoir cherché à aménager ses conditions de travail et en lui proposant, par courrier du 30 juin 2016, un reclassement sur un emploi d'agent d'entretien qualifié, dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée, ne correspondant ni à son grade ni à son statut. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit donc être écarté comme inopérant.

5. En troisième lieu, une mesure de radiation de cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il court d'une radiation de cadres sans procédure disciplinaire préalable. Lorsque l'agent ne s'est ni présenté ni n'a fait connaître à l'administration aucune intention avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical, présentée par l'agent, de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester une telle intention, cette administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a été reconnu apte à reprendre ses fonctions d'ouvrier professionnel à temps complet par un avis du comité médical du 3 avril 2019 et a, par un arrêté du 16 avril 2019, été réintégré à la date du 29 avril suivant. Il est constant qu'il ne s'est présenté à son poste ni à cette date ni à la date fixée par la mise en demeure, reçue le 6 mai 2019, l'invitant à reprendre ses fonctions le 24 mai 2019 et lui précisant qu'à défaut d'une telle reprise, il s'exposait à une mesure de radiation des cadres. Le requérant s'est borné à adresser à son employeur de nouveaux certificats de prolongation de son arrêt de travail établis par son médecin traitant dont il ne conteste pas qu'ils n'apportaient pas d'éléments nouveaux sur son état de santé par rapport aux constatations sur la base desquelles avait été rendu l'avis du comité médical. Dans ces conditions, M. D... ne justifie pas s'être trouvé dans l'impossibilité de reprendre son travail et doit être regardé, par suite, comme ayant rompu le lieu qui l'unissait à son employeur. La circonstance que l'appelant avait repris ses fonctions le 1er juin 2018 avant d'être placé, deux jours plus tard, en congés de maladie ordinaire est, à cet égard, sans incidence sur cette situation. Il s'ensuit que c'est à bon droit que la directrice de A... E... a prononcé la radiation des cadres de M. D... pour abandon de poste.

7. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par A... E..., que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 25 mai 2019 ainsi que, par voie de conséquence, sa demande tendant à l'indemnisation de son préjudice financier en l'absence d'illégalité fautive de son employeur.

Sur les frais d'instance :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de A... E..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. D... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par A... E... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de A... E... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et à l'Institut départemental pour la protection de l'enfance et l'accompagnement des familles (A...) E....

Délibéré après l'audience du 15 juin 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Florence Demurger, présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

M. Anthony Duplan, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 juin 2023.

Le rapporteur,

Anthony C...

La présidente,

Florence DemurgerLa greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne à la préfète E... en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21BX01861


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01861
Date de la décision : 28/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DEMURGER
Rapporteur ?: M. Anthony DUPLAN
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : RODIER

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-06-28;21bx01861 ?
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