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04/07/2023 | FRANCE | N°23BX00458

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 04 juillet 2023, 23BX00458


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 10 novembre 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a retiré son attestation de demandeur d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, et d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer le

titre de séjour sollicité.

Par un jugement n° 2206031 du 19 janvier 2023, la ma...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 10 novembre 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a retiré son attestation de demandeur d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, et d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer le titre de séjour sollicité.

Par un jugement n° 2206031 du 19 janvier 2023, la magistrate désignée du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 16 février 2023, M. B..., représenté par Me Saint-Martin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 janvier 2023 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 novembre 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a retiré son attestation de demandeur d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour ou à défaut de réexaminer sa situation dans un délai de trente jours et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de procéder à l'effacement de son inscription au fichier système d'information Schengen, et d'assortir ces injonctions d'une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne les moyens communs aux décisions attaquées :

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- la préfète de la Gironde aurait dû le convoquer à un entretien afin qu'il puisse apporter plus d'éléments sur sa situation médicale et son état de vulnérabilité avant d'adopter l'arrêté attaqué, qui a été pris en méconnaissance de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les dispositions des articles L. 425-9 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'un défaut de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle méconnaît l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation ;

- elle est entachée d'un défaut de base légale, du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle présente un caractère disproportionné.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.

M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 30 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Pauline Reynaud.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant nigérian né le 26 janvier 1999, est entré en France en 2018 selon ses déclarations. Le 28 novembre 2018, il a sollicité le bénéfice de l'asile. Ayant déjà sollicité l'asile en Italie, l'intéressé a fait l'objet d'une procédure de transfert par un arrêté du 27 mars 2019. Le recours formé contre cet arrêté a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 23 avril 2019. La procédure Dublin n'ayant pu être menée à son terme, l'instruction de sa demande d'asile a été traitée par la France, selon la procédure accélérée, en application de l'article L. 531-27 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une décision du 31 janvier 2022, notifiée le 2 mars 2022, l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté cette demande, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 25 juillet 2022, date de lecture en audience publique. Par un arrêté du 10 novembre 2022, la préfète de la Gironde a refusé de délivrer à M. B... un titre de séjour, a retiré l'attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé, à son encontre, une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. B... relève appel du jugement par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 novembre 2022.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les moyens communs aux décisions attaquées :

2. En premier lieu, M. B... reprend, dans des termes similaires et sans critique utile du jugement, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué et du défaut d'examen particulier de sa situation personnelle. Il n'apporte aucun élément de droit ou de fait nouveau à l'appui de ces moyens auxquels le premier juge a pertinemment répondu. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Bordeaux.

3. En second lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la préfète de la Gironde aurait pris l'arrêté attaqué sans avoir respecté son droit d'être entendu, par adoption de motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, selon l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

5. M. B... soutient résider en France depuis 2018, avoir bâti des liens importants sur le territoire national. Il ressort toutefois des pièces du dossier que M. B... ne produit pas d'élément permettant d'établir son insertion sur le territoire, alors qu'il n'est pas contesté qu'il est célibataire sans charge de famille, et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 19 ans et où résident, selon ses propres déclarations, notamment sa mère et sa fratrie. Si M. B... soutient également souffrir de graves problèmes de santé, il ne ressort toutefois pas des différents certificats médicaux produits qu'un défaut de prise en charge médicale des pathologies dont souffre l'intéressé serait susceptible d'entraîner pour lui, à la date de l'arrêté en litige, des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, la décision attaquée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, les moyens tirés de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 423-23 précité, doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la préfète aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. (...) ".

7. M. B... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions précitées, dès lors que la préfète de la Gironde n'a pas été saisie d'une demande de titre de séjour sur ce fondement.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 431-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".

9. Les éléments exposés au point 6 ne permettent pas de caractériser, en l'espèce, des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels justifiant l'admission exceptionnelle des requérants au séjour, contrairement à ce qu'il soutient. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 431-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, ainsi qu'il a été précédemment exposé, la décision portant refus de titre de séjour n'est pas entachée d'illégalité. Dès lors, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision invoquée à l'appui des conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français doit être écartée.

11. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de la Gironde a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en prenant la décision portant obligation de quitter le territoire français en litige.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ". Aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " Pour constater l'état de santé de l'étranger mentionné au 9° de l'article L. 611-3, l'autorité administrative tient compte d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...). ".

13. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage d'éloigner un ressortissant étranger du territoire national, de vérifier que cette décision ne peut avoir de conséquences exceptionnelles sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait une éventuelle interruption des traitements suivis en France. Par suite, et même si elle n'a pas été saisie d'une demande de titre de séjour fondée sur les dispositions du 9° de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'administration qui dispose d'éléments d'informations suffisamment précis et circonstanciés établissant qu'un étranger résidant habituellement sur le territoire français est susceptible de bénéficier des dispositions protectrices du 9° de l'article L. 611-3 doit saisir préalablement à sa décision le collège de médecins à compétence nationale de l'OFII pour avis dans les conditions prévues aux articles R. 611-1 et R. 611-2 du même code.

14. M. B... soutient souffrir de graves problèmes de santé, physiques et psychologiques qu'il impute aux évènements vécus au Nigéria, faisant ainsi obstacle à une mesure d'éloignement. Il n'est pas contesté que son état de santé a nécessité une prise en charge médicale. Ainsi, il ressort des pièces du dossier que M. B... a été opéré en raison d'une dysplasie, d'une prothèse totale de hanche en avril 2020 à droite et, en juillet 2021, à gauche, au centre hospitalier universitaire de Bordeaux. Toutefois, les nombreux certificats médicaux produits, qui, pour la plupart sont antérieurs à ces opérations, et pour les plus récents, attestent que M. B... souffre de stress post-traumatique, indiquent seulement qu'il " présente des problèmes orthopédiques avec handicap fonctionnel lourd " qui " aggravent également ses problèmes psychologiques liés aux traumatismes vécus au Nigéria ", ou encore que " son état de santé nécessite un suivi et de soins, justifiant une prise en charge adaptée en France ", sans pour autant donner de précision suffisante sur la gravité de ses pathologies, ni sur le suivi et les soins qu'elles requièrent, ni sur l'impossibilité de bénéficier d'un tel suivi dans son pays d'origine. Ainsi, M. B... ne justifie pas que son état de santé nécessite encore une prise en charge spécifique sur le territoire français dont le défaut l'exposerait à des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni au demeurant, qu'il ne pourrait en bénéficier effectivement dans son pays d'origine. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée aurait été prise en violation des dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

15. En premier lieu, ainsi qu'il a été précédemment exposé, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Dès lors, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination doit être écartée.

16. En deuxième lieu, selon l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Et selon l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".

17. Si M. B..., dont la demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA et la CNDA, soutient qu'en cas de retour dans son pays d'origine, il se verrait privé de l'accompagnement psychologique adapté dont il bénéficie ainsi que de son traitement médical, ainsi qu'il a été dit au point 15, il ne ressort pas des pièces du dossier que son état de santé nécessite encore une prise en charge spécifique sur le territoire français dont le défaut l'exposerait à des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni au demeurant, qu'il ne pourrait en bénéficier effectivement dans son pays d'origine. Par suite, M. B..., qui n'apporte aucun élément de nature à établir l'existence de craintes actuelles et personnelles en cas de retour dans son pays d'origine, n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée méconnait les dispositions précitées de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

18. En premier lieu, ainsi qu'il a été précédemment exposé, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée d'illégalité. Dès lors, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision invoquée à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination doit être écartée.

19. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".

20. D'une part, si par un jugement du 12 octobre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé un arrêté du 27 juin 2022 par lequel la préfète de la Gironde avait obligé M. B... à quitter le territoire français, il ne résulte pas des termes de l'arrêté du 10 novembre 2022 attaqué dans la présente instance, ni d'aucune autre pièce du dossier que pour décider à nouveau de lui interdire le retour sur le territoire, la préfète se soit fondée sur cette mesure d'éloignement annulée. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que M. B..., entré sur le territoire en novembre 2018, a également fait l'objet d'une procédure de transfert aux autorités italiennes, par un arrêté de la préfète de la Gironde du 27 mars 2019, et que le recours formé contre cet arrêté a été confirmé par un jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 23 avril 2019, procédure à laquelle il s'est soustrait. Par suite, la préfète de la Gironde a pu, sans entacher sa décision d'une erreur de fait ni d'appréciation, estimer que l'intéressé avait déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement.

21. D'autre part, ainsi qu'il a été dit au point 5, M. B... ne justifie pas de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, ni d'une insertion sur le territoire français. L'intéressé a fait l'objet d'une procédure de transfert aux autorités italiennes par un arrêté du 27 mars 2019, à laquelle il s'est soustrait. Par suite, et alors même qu'il ne représente pas une menace pour l'ordre public, la préfète de la Gironde n'a pas commis d'erreur d'appréciation en édictant, à son encontre, une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.

22. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à ce que l'Etat soit condamné au versement d'une somme d'argent au titre des frais de justice ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente assesseure,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2023.

La rapporteure,

Pauline Reynaud La présidente,

Evelyne Balzamo, Le greffier,

Christophe Pelletier La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX00458


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00458
Date de la décision : 04/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Pauline REYNAUD
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : SAINT-MARTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-07-04;23bx00458 ?
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