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11/07/2023 | FRANCE | N°21BX03698

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 11 juillet 2023, 21BX03698


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler la décision implicite par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a refusé de modifier l'appréciation générale figurant sur le compte-rendu de son entretien professionnel de l'année 2017 et d'enjoindre à la même autorité de modifier cette appréciation conformément à l'avis émis par la commission administrative paritaire.

Par un jugement n° 1901283 du 1er juillet 2021, le tribunal administratif de Mayotte a reje

té sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 sept...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'annuler la décision implicite par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a refusé de modifier l'appréciation générale figurant sur le compte-rendu de son entretien professionnel de l'année 2017 et d'enjoindre à la même autorité de modifier cette appréciation conformément à l'avis émis par la commission administrative paritaire.

Par un jugement n° 1901283 du 1er juillet 2021, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 septembre 2021, M. B..., représenté par Me Mattoir, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Mayotte du 1er juillet 2021 ;

2°) d'annuler la décision implicite née le 6 avril 2019 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a refusé de modifier l'appréciation générale figurant sur le compte-rendu de son entretien professionnel de l'année 2017 ;

3°) d'enjoindre à la même autorité de modifier cette appréciation globale conformément à l'avis rendu par la commission administrative paritaire dans un délai de huit jours suivant la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision contestée est entachée d'un défaut de motivation ;

- la procédure de révision de son appréciation globale n'a pas été respectée ; il n'a pas été mis à même de consulter son dossier et l'avis de la commission administrative paritaire ne lui a pas été communiqué ;

- l'appréciation globale figurant dans son évaluation professionnelle au titre de l'année 2017 est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 janvier 2023, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête, en s'en remettant expressément à ses écritures de première instance.

Il fait valoir que :

- la requête d'appel est irrecevable dès lors qu'elle ne contient aucun moyen d'appel ;

- les moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi de finances du 22 avril 1905 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Agnès Bourjol,

- et les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., éducateur de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) au sein du quartier pour mineurs du centre pénitentiaire de Majicavo (Mayotte) depuis le 1er septembre 2016, a fait l'objet, le 7 décembre 2017, d'un entretien d'évaluation professionnelle au titre de l'année 2017. Le compte-rendu de cette évaluation lui a été notifié le 13 mars 2018 et M. B... a fait part de ses observations écrites. Après que la directrice territoriale de la PJJ a écarté ses observations, M. B... a sollicité le 4 avril 2018 la révision de son compte rendu d'évaluation professionnelle (CREP). Par un avis du 15 novembre 2018, la commission administrative paritaire a préconisé de modifier l'appréciation de l'item " appréciation globale de la réalisation des objectifs de l'année écoulée ", qui avait été évalué " partiellement atteint ". Un nouveau CREP au titre de l'année 2017 a été adressé à M. B..., modifié s'agissant de l'appréciation de l'item susmentionné, désormais évalué " atteint ". M. B... a contesté le 4 février 2019 son appréciation générale, estimant que le niveau " très bon " ne reflétait pas sa valeur professionnelle, et sollicitant que son niveau d'appréciation générale soit évalué " excellent ". Une décision implicite de rejet est née du silence gardé pendant plus de deux mois par l'administration. M. B... relève appel du jugement du 1er juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision implicite.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 17 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Les notes et appréciations générales attribuées aux fonctionnaires et exprimant leur valeur professionnelle leur sont communiquées. (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 55 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Par dérogation à l'article 17 du titre Ier du statut général, l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires se fonde sur un entretien professionnel annuel conduit par le supérieur hiérarchique direct. ".

3. Aux termes de l'article 4 du décret du 28 juillet 2010 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'Etat : " Le compte rendu de l'entretien professionnel est établi et signé par le supérieur hiérarchique direct du fonctionnaire. Il comporte une appréciation générale exprimant la valeur professionnelle de ce dernier. / Il est communiqué au fonctionnaire qui le complète, le cas échéant, de ses observations. / Il est visé par l'autorité hiérarchique qui peut formuler, si elle l'estime utile, ses propres observations. / Le compte rendu est notifié au fonctionnaire qui le signe pour attester qu'il en a pris connaissance puis le retourne à l'autorité hiérarchique qui le verse à son dossier ". Aux terme de l'article 6 du même décret : " L'autorité hiérarchique peut être saisie par le fonctionnaire d'une demande de révision du compte rendu de l'entretien professionnel. / Ce recours hiérarchique est exercé dans un délai de quinze jours francs à compter de la date de notification à l'agent du compte rendu de l'entretien. L'autorité hiérarchique notifie sa réponse dans un délai de quinze jours francs à compter de la date de réception de la demande de révision du compte rendu de l'entretien professionnel. / Les commissions administratives paritaires peuvent, à la requête de l'intéressé, sous réserve qu'il ait au préalable exercé le recours mentionné à l'alinéa précédent, demander à l'autorité hiérarchique la révision du compte rendu de l'entretien professionnel. Dans ce cas, communication doit être faite aux commissions de tous éléments utiles d'information. Les commissions administratives paritaires doivent être saisies dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de la réponse formulée par l'autorité hiérarchique dans le cadre du recours. /L'autorité hiérarchique communique au fonctionnaire, qui en accuse réception, le compte rendu définitif de l'entretien professionnel ".

4. En premier lieu, la décision de rejet du recours administratif contre une évaluation professionnelle n'est pas au nombre des décisions défavorables dont l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration impose la motivation. Aucune autre disposition législative ou réglementaire ne prévoit que la décision rejetant le recours administratif formé par un fonctionnaire à l'encontre CREP doive être motivée. Dans ces conditions, et dès lors en outre que M. B... n'a pas sollicité la communication des motifs de la décision implicite de rejet de son recours administratif contre son compte rendu révisé définitif, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision en litige ne peut être accueilli.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice 1905 : " Tous les fonctionnaires civils et militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardé dans leur avancement à l'ancienneté. ". La décision refusant de modifier une notation n'est pas au nombre des mesures qui ne peuvent être prises sans que, préalablement, l'intéressé ait été mis à même de consulter son dossier en application de ces dispositions. Ainsi, le requérant, qui ne soutient ni même n'allègue que la décision de rejet de sa demande de révision de sa notation serait constitutive d'une sanction déguisée, n'est pas fondé à soutenir que cette décision serait intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière faute d'avoir été précédée de la communication de son dossier.

6. En troisième lieu, si M. B... persiste en appel à soutenir avoir demandé sans succès la communication du procès-verbal de la séance de la commission administrative paritaire qui a examiné sa demande de révision de son évaluation professionnelle, les dispositions précitées du décret du 28 juillet 2010 ne prévoient pas que l'agent qui a exercé un recours en révision de son compte-rendu d'évaluation devant la commission administrative paritaire devrait être rendu destinataire du procès-verbal de la séance de cette commission. Par suite, M. B..., qui reconnaît au demeurant dans ses écritures en avoir obtenu copie en avril 2019, n'est pas fondé à se prévaloir d'une irrégularité sur ce point.

7. Enfin, le CREP définitif établi au titre de l'année 2017, à la suite de l'avis émis par la commission administrative paritaire, souligne les points forts de M. B... tels que l'autonomie, la très bonne qualité de ses écrits professionnels, ses capacités d'argumentation des propositions aux magistrats et les bonnes relations entretenues avec ces derniers, mais indique aussi que " ses points à améliorer résident dans son implication dans le collectif, notamment la mise en œuvre des projets d'activité pour les jeunes " et que " l'autonomie dont il fait preuve dans son travail peut l'amener à ne pas suffisamment prendre en compte et rendre compte à sa hiérarchie ". Devant la cour, M. B... n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause la pertinence des éléments d'appréciation ci-dessus rappelés. Dans ces conditions, et alors même que ce CREP définitif indique que " globalement, les objectifs sont atteints ", l'appréciation du " niveau de l'appréciation générale ", évaluée " très bon " et non pas " excellent ", ne repose pas sur une appréciation manifestement erronée de la valeur professionnelle du requérant.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Mayotte a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

9. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation du requérant, n'appelle aucune mesure d'exécution. Dès lors, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. B... ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais d'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont M. B... demande le versement au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,

Mme Agnès Bourjol, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juillet 2023.

La rapporteure,

Agnès BOURJOLLa présidente,

Marie Pierre BEUVE DUPUY

La greffière,

Sylvie HAYET

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 21BX03698


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03698
Date de la décision : 11/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BEUVE-DUPUY
Rapporteur ?: Mme Agnès BOURJOL
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : MATTOIR

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-07-11;21bx03698 ?
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