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13/07/2023 | FRANCE | N°21BX02254

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 13 juillet 2023, 21BX02254


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... E... ont demandé au tribunal administratif de La Réunion de prononcer la décharge en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012, 2013 et 2014.

Par un jugement n°1800484 du 14 avril 2021, le tribunal administratif de La Réunion a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu à hauteur de 647 euros au titre

de l'année 2012, de 8 957 euros au titre de l'année 2013 et de 3 800 euros au titre d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... E... ont demandé au tribunal administratif de La Réunion de prononcer la décharge en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012, 2013 et 2014.

Par un jugement n°1800484 du 14 avril 2021, le tribunal administratif de La Réunion a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu à hauteur de 647 euros au titre de l'année 2012, de 8 957 euros au titre de l'année 2013 et de 3 800 euros au titre de l'année 2014 et a rejeté le surplus de leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires enregistrés les 27 mai 2021 et 27 et 31 janvier 2022, M. et Mme E..., représentés par Me Michallon, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 14 avril 2021 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012, 2013 et 2014.

Ils soutiennent que :

- le tribunal ne s'est pas prononcé sur le vice de procédure relatif au défaut de communication d'informations en provenance de tiers, en l'espèce la caisse d'allocations familiales ;

- le jugement n'est pas suffisamment motivé en ce qu'il se borne à indiquer que les factures présentent des incohérences et sont dépourvues de valeur probante ;

- les juges ont statué infra petita ; le tribunal n'a pas répondu aux moyens issus des mémoires des 13 et 14 janvier 2019, du 22 février 2019 et du 7 février 2019 notamment les inégalités de procédure qui portent atteinte aux règles substantielles de leurs droits, les défauts de motivation des actes administratifs, des erreurs qui ne comportent pas l'énoncé des considérations exactes de droit et de fait pouvant constituer le fondement de la décision 3926, les erreurs de calcul du redressement qui n'a pas résulté d'une démarche logique aboutissant à des calculs imprécis sur les recettes, les dépenses et les bénéfices ;

- alors qu'ils avaient demandé par un courrier du 10 août 2017 la saisine de la commission départementale des impôts, cet organisme n'a pas été saisi par l'administration qui les a privés d'une garantie fondamentale ;

- aucun débat contradictoire n'a eu lieu, pendant le déroulement de la procédure de rectification et avant la mise en recouvrement, sur les informations reçues de la caisse d'allocations familiales et sur lesquelles l'administration s'est fondée pour procéder aux redressements contestés en méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

- le défaut de communication des pièces mentionnées dans les rubriques I à XXIII " du dossier du service ", demandées par courrier du 1er août 2018 réitérant des demandes présentées à plusieurs reprises pendant la phase administrative du contrôle, méconnaît le droit à l'accès aux actes administratifs garanti par la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;

- le montant de 3 750 euros versé par la caisse des allocations familiales a été versé directement sur le compte du locataire et non sur le compte de la société civile immobilières ; dès lors que cette somme n'a pas été encaissée par la société, elle ne peut être imposée au titre des revenus fonciers de l'année 2014.

Par deux mémoires enregistrés les 10 décembre 2021 et 22 mars 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens développés par les appelants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Nathalie Gay;

- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière D... E..., dont les parts sont détenues par le foyer fiscal de M. et Mme E..., a fait l'objet d'un contrôle sur pièces à l'issue duquel l'administration l'a informée, par une proposition de rectification du 15 décembre 2015, de la modification des revenus fonciers issus de son activité au titre des années 2012, 2013 et 2014. Par une proposition de rectification du même jour, M. et Mme E... ont été avisés des rectifications de leurs cotisations d'impôt sur le revenu résultant de ce contrôle. M. et Mme E... ont demandé au tribunal administratif de La Réunion de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012, 2013 et 2014. Le tribunal a jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les dégrèvements prononcés par l'administration fiscale en cours d'instance à concurrence de 647 euros au titre de l'année 2012, 8 957 euros au titre de l'année 2013 et 3 800 euros au titre de l'année 2014 et a rejeté le surplus de la requête. M. et Mme E..., qui relèvent appel de ce jugement, doivent être regardés comme demandant sa réformation en tant qu'il a rejeté leurs conclusions à fin de décharge.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Il ressort des termes du jugement attaqué, et notamment des points 8 et 9, que les premiers juges se sont prononcés sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales. Le tribunal indique notamment que les contribuables ont été informés de la teneur des échanges avec les services de la caisse d'allocations familiales. Par suite, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que le tribunal aurait omis de répondre à la branche du moyen tiré de ce qu'ils auraient été privés de leur droit d'information quant à la teneur des renseignements obtenus de la caisse d'allocations familiales.

4. Pour écarter le moyen tiré de ce que des charges auraient dû être déduites des revenus fonciers en application de l'article 31 du code général des impôts, le tribunal a répondu au point 13 du jugement en premier lieu, que les frais bancaires et frais de gestion divers avaient été pris en compte de manière forfaitaire, en deuxième lieu, que les factures de travaux produites présentaient des incohérences et étaient dépourvues de valeur probante, en troisième lieu, que les dépenses personnelles de M. E... réglées par la SCI D... E... n'étaient pas déductibles et en quatrième lieu, que les charges locatives non remboursées par plusieurs propriétaires n'étaient pas justifiées. Ainsi, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments avancés par les parties, ont suffisamment motivé le jugement attaqué.

5. Contrairement à ce que soutiennent les appelants, le tribunal n'a pas statué infra petita dès lors qu'il s'est prononcé sur l'ensemble des conclusions dont il était saisi. En outre, les premiers juges ont répondu au moyen tiré de l'insuffisance de la réponse aux observations du contribuable au point 5 du jugement attaqué et aux moyens tirés de la réintégration erronée de loyers perçus de deux locataires M. B... A... et Mme G... au point 12, à l'absence de caractère déductible de certaines charges au point 13 et à la prise en compte de certains crédits et réductions d'impôts au point 14. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que les requérants auraient développé en première instance un moyen relatif aux " inégalités de procédure ". Par suite, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.

Sur la régularité de la procédure :

6. Aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales : " Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis soit de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts, soit de la Commission nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 H du même code, soit du comité consultatif prévu à l'article 1653 F du même code, soit de la commission départementale de conciliation prévue à l'article 667 du même code (...) ".

7. Il résulte de l'instruction et notamment des deux propositions de rectification du 15 décembre 2015 que l'administration a rectifié les bénéfices annuels de la SCI D... E... et que les revenus fonciers de M. et Mme E..., détenteurs des parts sociales de cette société, ont été réhaussés en conséquence. Il ressort des dispositions du livre des procédures fiscales et notamment des articles L. 59 A, L. 59 B, L. 59 C et L. 76 que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'est pas compétente lorsque le différend porte sur la détermination des revenus fonciers en application des dispositions des articles 28 et suivants du code général des impôts. Ainsi, le différend opposant M. et Mme E... à l'administration, qui concerne un redressement opéré dans la catégorie des revenus fonciers, n'était pas au nombre de ceux qui pouvaient lui être soumis. Dès lors, M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que l'administration n'a pas saisi ladite commission.

8. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre et à tout moment avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers qu'elle a utilisés pour établir les impositions, avec une précision suffisante pour permettre à l'intéressé, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander, avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition.

9. Il résulte de l'instruction que les loyers perçus par la SCI D... E... ont été rectifiés au vu d'un rapport de l'agence régionale de santé à la suite d'un contrôle du 19 mai 2015 relatif à l'état d'insalubrité d'immeubles d'habitation situés chemin Agénor et de renseignements obtenus auprès de la caisse d'allocations familiales (CAF) de La réunion les 29 mars 2017 et 11 juillet 2017 à la suite de l'exercice par l'administration fiscale de son droit de communication le 12 décembre 2016 complété le 15 mai 2017. Il résulte de l'instruction que la réponse aux observations du contribuable du 24 juillet 2017 permettait à M. et Mme E... de connaitre et de comprendre l'origine et la teneur des renseignements recueillis auprès de la CAF de La Réunion. Par ailleurs, par un courrier du 31 octobre 2017, l'administratif fiscale a répondu à la demande de documents présentée par des courriers du 10 août 2017 et 4 septembre 2017 concernant notamment les renseignements obtenus auprès de la CAF de La Réunion. Enfin, l'administration n'est pas tenue d'engager un débat contradictoire avec le contribuable sur les renseignements et documents recueillis dans l'exercice de son droit de communication. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté.

10. M. et Mme E..., qui prétendent que l'administration ne leur aurait pas communiqué la totalité des pièces versées dans leur dossier fiscal, ne peuvent utilement invoquer la méconnaissance de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978, codifiée au code des relations entre le public et l'administration, qui a pour objet de faciliter, de manière générale, l'accès des personnes aux documents administratifs et non de modifier les règles particulières qui régissent la procédure d'imposition. En outre, les appelants reprennent en appel le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire notamment quant à la communication des pièces de leur dossier fiscal et ne font valoir aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation qu'ils ont développée devant le tribunal. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

11. Il appartient aux requérants, tant en première instance qu'en appel, d'assortir leurs moyens des précisions nécessaires à l'appréciation de leur bien-fondé. Il suit de là que le juge d'appel n'est pas tenu d'examiner un moyen que les appelants se bornent à déclarer reprendre en appel, sans l'assortir des précisions nécessaires. En se bornant à énoncer qu'ils entendaient se référer aux développements présentés dans leur courrier du 27 mai 2018, les appelants, qui n'ont pas non plus joint à leur requête d'appel une copie de ce courrier, n'ont pas mis la cour à même d'apprécier le bien-fondé de ces moyens.

Sur le bien-fondé des impositions :

12. Pour déterminer le montant des revenus fonciers des contribuables, l'administration fiscale a retenu les montants d'aide personnalisée au logement perçus pour l'ensemble des logements loués qui ressortaient des informations issues du droit de communication exercé auprès de la CAF de la Réunion et a tenu compte des charges incombant au propriétaire. Si les appelants font valoir, d'une part, que la somme de 3 750 euros, figurant sur le tableau de la CAF a été directement versée sur le compte de la locataire, Mme A... B... et n'a pas été encaissée par la SCI D... E... à laquelle la locataire ne l'a pas reversée et, d'autre part, que cette somme correspondrait à une période à laquelle le bail avait pris fin, ils n'apportent aucun élément à l'appui de leurs allégations permettant d'infirmer les éléments objectifs transmis par la CAF ni aucun justificatif de poursuites de la part de la SCI en vue de recouvrer, le cas échéant, les loyers dus. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a imposé cette somme dans la catégorie des revenus fonciers au titre de l'année 2014.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012, 2013 et 2014.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. et Mme E... au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par M. et Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... E... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Nathalie Gay, première conseillère,

Mme C... F..., première-conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2023.

La rapporteure,

Nathalie GayLa présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX02254 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02254
Date de la décision : 13/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : MICHALLON

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-07-13;21bx02254 ?
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