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13/07/2023 | FRANCE | N°22BX02666

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 13 juillet 2023, 22BX02666


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2106483 du 16 juin 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 13 octobre et 15 décembre 2022, Mme C..., représentée par Me Jouteau, demande à la cour :

1°) d'annu

ler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 16 juin 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préf...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour.

Par un jugement n° 2106483 du 16 juin 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 13 octobre et 15 décembre 2022, Mme C..., représentée par Me Jouteau, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 16 juin 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 18 juillet 2021 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer le titre de séjour qu'elle a sollicité ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration dès lors qu'il appartenait à l'autorité préfectorale de lui demander les justificatifs dont elle estimait avoir besoin ;

- elle méconnaît également les dispositions des articles L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que les pères de ses enfants français participent à leur entretien et à leur éducation ;

- sont encore méconnues les dispositions de l'article L. 435-1 du même code, qui ont été appliquées de façon manifestement erronée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 décembre 2022, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens invoqués par Mme C... ne sont pas fondés.

Par une décision du 15 septembre 2022, Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Claire Chauvet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... C..., ressortissante marocaine née le 2 décembre 1991, est entrée en France le 7 août 2012 sous couvert d'un visa de long séjour valable jusqu'au 25 juillet 2013. Après avoir fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire le 19 février 2015 qu'elle n'a pas exécutée, elle s'est vu délivrer le 22 mars 2016 un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français, régulièrement renouvelé jusqu'au 18 avril 2019. Par un arrêté du 18 juillet 2021, la préfète de la Gironde a refusé le renouvellement de ce titre de séjour. Mme C... relève appel du jugement du 16 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur. Elle fixe un délai pour la réception de ces pièces et informations. (...) ". Ces dispositions imposent à l'administration, à peine d'illégalité de sa décision, d'indiquer au demandeur, lorsque la demande de ce dernier est incomplète, les pièces ou les informations manquantes dont la production est requise par un texte pour permettre l'instruction de cette demande. En revanche, elles n'ont pas pour objet d'imposer à l'administration d'inviter le demandeur à produire les justifications de nature à établir le bien-fondé de cette demande.

3. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande adressée par Mme C... à la préfète de la Gironde aurait été incomplète. La préfète n'était ainsi pas tenue de lui demander de lui fournir des pièces complémentaires avant de se prononcer sur sa demande de titre de séjour. Il appartenait, en revanche, à l'intéressée, si elle l'estimait nécessaire, de présenter des justificatifs qui lui auraient permis de se voir délivrer un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français. Par suite, Mme C... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration citées au point précédent.

4. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Aux termes de l'article L. 423-8 du même code : " Pour la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 423-7, lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, doit justifier que celui-ci contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil, ou produire une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. / Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ". Aux termes de l'article 371-2 du code civil : " Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. (...) ".

5. D'autre part, aux termes de l'article 22-1 de ce code : " L'enfant mineur dont l'un des deux parents acquiert la nationalité française, devient français de plein droit s'il a la même résidence habituelle que ce parent ou s'il réside alternativement avec ce parent dans le cas de séparation ou divorce. Les dispositions du présent article ne sont applicables à l'enfant d'une personne qui acquiert la nationalité française par décision de l'autorité publique ou par déclaration de nationalité que si son nom est mentionné dans le décret de naturalisation ou dans la déclaration ". Aux termes de son article 27-1 : " Les décrets portant acquisition, naturalisation ou réintégration, autorisation de perdre la nationalité française (...) n'ont point d'effet rétroactif. "

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... est mère de trois enfants, F..., né le 17 mars 2015, reconnu par M. B... E..., de nationalité française le 3 octobre 2014, G..., né le 31 juillet 2018, non reconnu par son père, et A..., née le 12 mars 2020, reconnue le 7 octobre 2022 par M. H..., devenu français par décret du 4 novembre 2021 publié au Journal officiel de la République française le 6 novembre 2021. Mme C... se prévaut de sa qualité de mère d'enfants français et de ce que le père de l'enfant F... et, pour la première fois en appel, le père de l'enfant A... participeraient à leur entretien et à leur éducation pour soutenir que la décision attaquée a été prise en méconnaissance des dispositions des articles L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. D'une part, la jeune A..., dont il est constant qu'elle ne réside pas, même de façon alternative, avec son père et dont le nom ne figure pas sur le décret de naturalisation, n'est pas devenue française par effet collectif attaché au décret de naturalisation de ce dernier.

8. D'autre part, pour justifier de la contribution de M. E... à l'entretien et à l'éducation de l'enfant F..., Mme C... produit deux attestations de l'intéressé, l'une datée du 14 janvier 2019, par laquelle il reconnait, ainsi que l'a justement relevé le tribunal, ne pas disposer du temps nécessaire pour s'occuper de son enfant, et l'autre, établie le 1er septembre 2019 en qualité de parent d'enfant français, par laquelle il déclare être en bons termes avec la requérante et donner son aval aux démarches qu'elle a entreprises en vue de bénéficier d'un titre de séjour. Eu égard à leur contenu, ces deux attestations ne permettent pas à Mme C... d'établir qu'à la date de la décision attaquée, M. E... contribuerait effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant F.... La requérante ne justifie de cette contribution ni par les deux avis de versements, qu'elle produit pour la première fois devant la cour, établis tous deux le 8 juin 2020, pour des montants respectifs de 714 euros et de 258 euros et dont il n'apparaît ni qu'ils auraient été effectués par M. E..., ni que Mme C... en aurait été la bénéficiaire, ni par la fiche sanitaire d'urgence établie le 3 septembre 2021 pour l'année scolaire 2021-2022 indiquant comme personnes à prévenir les deux parents de l'enfant F.... Dans ces conditions, en application des dispositions de l'article L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le droit au séjour de Mme C... doit s'apprécier au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant.

9. Il ressort des pièces du dossier, ainsi que rappelé au point 1, que si la requérante justifie, à la date de la décision attaquée, de neuf années de présence en France et a bénéficié d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français, elle y a séjourné de façon irrégulière plus de trois années et n'a pas exécuté l'obligation de quitter le territoire prise à son encontre. L'intéressée ne justifie pas non plus d'une intégration particulière en France, ni être isolée dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 21 ans et où résident ses parents et ses frères et sœur. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision en litige porterait atteinte à l'intérêt supérieur du jeune F..., alors même qu'il est né sur le territoire français, dès lors qu'elle n'a ni pour objet ni pour effet de séparer ce dernier de sa mère et qu'il n'est pas établi que cet enfant, compte tenu des facultés d'adaptation propre à son âge, serait dans l'impossibilité d'être scolarisé ou pris en charge dans des conditions équivalentes au Maroc. Il en va de même des enfants G... et A.... Par suite, la décision attaquée n'a pas été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

10. En troisième lieu, aux termes de l'articles L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".

11. Lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. Si les dispositions de l'article L. 435-1 du même code permettent à l'administration de délivrer une carte de séjour "vie privée et familiale" à un étranger pour des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels, il ressort des termes mêmes de cet article qu'il appartient à l'étranger de faire valoir les motifs exceptionnels justifiant que lui soit octroyé un titre de séjour. Le législateur n'a ainsi pas entendu déroger à cette règle en imposant à l'administration saisie d'une demande d'une carte de séjour, quel qu'en soit le fondement, d'examiner d'office si l'étranger remplit les conditions prévues par cet article. Il en résulte qu'un étranger ne peut pas utilement invoquer le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre d'un refus opposé à une demande de titre de séjour qui n'a pas été présentée sur le fondement de cet article. Par suite, Mme C..., n'ayant pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1, ne saurait utilement soutenir que la préfète les aurait appliquées de façon manifestement erronée.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, par suite, être accueillies.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 10 mai 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Claire Chauvet, présidente-assesseure,

Mme Nathalie Gay, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2023.

La rapporteure,

Claire Chauvet

La présidente,

Elisabeth JayatLa greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt

2

N°22BX02666


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02666
Date de la décision : 13/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Claire CHAUVET
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : JOUTEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-07-13;22bx02666 ?
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