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03/10/2023 | FRANCE | N°23BX00906

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 03 octobre 2023, 23BX00906


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 22 septembre 2022 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2202534 du 2 mars 2023, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 mars 2023, M. A..., représenté p

ar la SCP Breillat, Dieumegard, Masson, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 22 septembre 2022 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2202534 du 2 mars 2023, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 mars 2023, M. A..., représenté par la SCP Breillat, Dieumegard, Masson, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 2 mars 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 septembre 2022 du préfet de la Vienne ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à défaut de procéder au réexamen de sa demande, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur l'arrêté dans son ensemble :

- il a été pris par une autorité incompétente ;

Sur la décision de refus de séjour :

- elle est insuffisamment motivée et entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour sur laquelle elle se fonde ;

- elle méconnaît les stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la décision attaquée lui fait encourir des conséquences d'une exceptionnelle gravité au regard de son état de santé ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par une ordonnance du 25 avril 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 juin 2023 à 12h00.

Un mémoire produit par le préfet de la Vienne a été enregistré le 6 septembre 2023, postérieurement à la clôture d'instruction.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 11 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant ivoirien né le 1er août 1980, est entré en France le 17 décembre 2017, d'après ses déclarations. Il a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 20 novembre 2020, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 16 août 2021. Le 3 novembre 2021, M. A... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté du 22 septembre 2022, le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 2 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur l'arrêté pris dans son ensemble :

2. M. A... reprend en appel le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte en faisant valoir que la délégation consentie au signataire de l'arrêté est extrêmement large et ne permet pas de s'assurer qu'il était compétent pour signer ce type de décision. Toutefois, ainsi que l'a relevé le premier juge, par un arrêté du 12 juillet 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département, le préfet de la Vienne a donné à Mme Pascale Pin, secrétaire générale de la préfecture, délégation pour signer tous les actes, arrêtés, décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département, au nombre desquelles figure la police des étrangers. Contrairement à ce que soutient l'intéressé, une telle délégation n'est ni trop générale, ni trop imprécise. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté.

Sur la décision de refus de séjour :

3. En premier lieu, M. A... reprend dans des termes similaires et sans critique utile du jugement attaqué le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision de refus de séjour. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

5. En vertu des dispositions citées au point précédent, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), dont l'avis est requis préalablement à la décision du préfet relative à la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 425-9, doit émettre son avis dans les conditions fixées par l'arrêté du 27 décembre 2016, au vu notamment du rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.

6. Pour refuser la délivrance du titre de séjour sollicité, le préfet de la Vienne s'est notamment fondé sur l'avis émis le 10 janvier 2022 par le collège de médecins de l'OFII qui a considéré que l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale mais dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine, la Côte d'Ivoire.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... souffre d'une tuberculose latente nécessitant une surveillance médicale et des séquelles d'une poliomyélite pour lesquelles il bénéficie d'un suivi orthopédique spécifique en France. Il soutient que la décision attaquée méconnaît les dispositions précitées de l'article L. 425-9 dès lors qu'il ne pourrait bénéficier des soins adaptés dans son pays d'origine. Toutefois, les certificats médicaux qu'il produit, qui attestent certes de ces pathologies, ne suffisent pas à remettre en cause l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII selon lequel le défaut de prise en charge de son état de santé ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, il ne peut utilement se prévaloir de l'absence de traitement dans son pays d'origine, la Côte d'Ivoire. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. M. A... soutient que le préfet de la Vienne a porté, par la décision attaquée, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Il se prévaut à cet effet des soins dont il a pu bénéficier en France et dont il sera privé. Il invoque également, sur ce point, le droit à la vie, protégé par l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'interdiction de subir des traitements inhumains ou dégradants et des discriminations, posés par les articles 3 et 14 de cette même convention. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 7 que les éléments produits par M. A... ne suffisent pas à remettre en cause l'avis émis par l'OFII selon lequel le défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé. Dans ces conditions, ce dernier n'est pas fondé à se prévaloir du fait que l'impossibilité de bénéficier de manière effective de soins relatifs à sa pathologie en Côte d'ivoire, à la supposer établie, serait de nature à porter atteinte à ses droits tels que garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, ces moyens doivent être écartés.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision d'obligation de quitter le territoire français serait illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour sur laquelle elle se fonde.

11. En deuxième lieu, compte tenu des circonstances exposées aux points 7 et 9, le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaitrait les dispositions des articles 2, 3, 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ".

13. Compte tenu des circonstances exposées aux points 4 à 7, le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaitrait les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la décision attaquée ferait encourir au requérant des conséquences d'une exceptionnelle gravité au regard de son état de santé doit être écarté.

Sur la décision fixant le pays de destination :

14. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination serait illégale du fait de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français.

15. En deuxième lieu, la décision attaquée, qui vise les articles L. 721-3 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique que M. A... n'établit pas être exposé à des peines ou traitements inhumains en cas de retour dans son pays d'origine, comporte les considérations de droit et de fait sur laquelle elle se fonde. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.

16. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

17. M. A... n'établit pas, en l'absence de tout élément versé au dossier, qu'il encourait des risques actuels et personnels d'atteinte à sa vie ou à son intégrité physique en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, et alors qu'au demeurant sa demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA, décision confirmée par la CNDA, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne saurait être accueilli.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du l'arrêté du 22 septembre 2022 du préfet de la Vienne. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement combiné des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être écartées.

DECIDE :

Article 1er : La requête présentée par M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente de chambre,

M. Ellie, premier conseiller,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2023.

La rapporteure,

Héloïse C...

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°23BX00906


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00906
Date de la décision : 03/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Héloïse PRUCHE-MAURIN
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : SCP BREILLAT DIEUMEGARD MASSON

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-10-03;23bx00906 ?
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