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10/10/2023 | FRANCE | N°22BX02804

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 10 octobre 2023, 22BX02804


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... et M. E... B... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler les arrêtés du 2 août 2022 par lesquels le préfet de la Charente-Maritime a retiré leur attestation de demande d'asile, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils sont susceptibles d'être éloignés.

Par des jugements n°s 2202125 et 2202124 du 3 octobre 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administ

ratif de Poitiers a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I- Par une re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... et M. E... B... ont demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler les arrêtés du 2 août 2022 par lesquels le préfet de la Charente-Maritime a retiré leur attestation de demande d'asile, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils sont susceptibles d'être éloignés.

Par des jugements n°s 2202125 et 2202124 du 3 octobre 2022, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I- Par une requête, enregistrée le 2 novembre 2022 sous le n° 22BX02804, Mme A..., représentée par la SCP Breillat-Dieumegard-Masson, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2202125 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Poitiers du 3 octobre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 août 2022 du préfet de la Charente-Maritime ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Charente-Maritime, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, dans le même délai et sous la même astreinte, de procéder au réexamen de sa situation administrative et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, jusqu'à ce que l'autorité administrative ait statué sur sa situation administrative ;

4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ou, dans l'hypothèse où l'aide juridictionnelle ne lui serait pas accordée, de mettre à la charge de l'Etat la même somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne le moyen commun aux différentes décisions :

- l'arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente ; la délégation de signature produite par le préfet devant le tribunal est trop large et ne permet pas de déterminer quelles attributions ont été accordées au secrétaire général de la préfecture ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- eu égard à sa situation personnelle et familiale, aux risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine ainsi qu'à ses difficultés de santé, la décision porte une atteinte manifestement excessive au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'intérêt supérieur de ses enfants, garanti par l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

En ce qui concerne la décision octroyant un délai de départ volontaire de trente jours :

- elle est insuffisamment motivée ;

- le préfet ne pouvait fixer le délai de départ volontaire sans avoir au préalable recueilli ses observations ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'eu égard à sa situation personnelle et familiale, elle aurait dû bénéficier d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la mesure d'éloignement ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- eu égard aux risques encourus en cas de retour en Géorgie, le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet de la Charente-Maritime, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 décembre 2022.

II- Par une requête, enregistrée le 3 novembre 2022 sous le n° 22BX02805, M. B..., représenté par la SCP Breillat-Dieumegard-Masson, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2202124 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Poitiers du 3 octobre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 août 2022 du préfet de la Charente-Maritime ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Charente-Maritime, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, dans le même délai et sous la même astreinte, de procéder au réexamen de sa situation administrative et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, jusqu'à ce que l'autorité administrative ait statué sur sa situation administrative ;

4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ou, dans l'hypothèse où l'aide juridictionnelle ne lui serait pas accordée, de mettre à la charge de l'Etat la même somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne le moyen commun aux différentes décisions :

- l'arrêté attaqué a été signé par une autorité incompétente ; la délégation de signature produite par le préfet devant le tribunal est trop large et ne permet pas de déterminer quelles attributions ont été accordées au secrétaire général de la préfecture ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- eu égard à sa situation personnelle et familiale, aux risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine ainsi qu'aux difficultés de santé de son épouse, la décision porte une atteinte manifestement excessive au droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'intérêt supérieur de ses enfants, garanti par l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

En ce qui concerne la décision octroyant un délai de départ volontaire de trente jours :

- elle est insuffisamment motivée ;

- le préfet ne pouvait fixer le délai de départ volontaire sans avoir au préalable recueilli ses observations ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'eu égard à sa situation personnelle et familiale, il aurait dû bénéficier d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la mesure d'éloignement ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- eu égard aux risques encourus en cas de retour en Géorgie, le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet de la Charente-Maritime, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 décembre 2022.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... et Mme A..., ressortissants géorgiens nés respectivement le 6 mars 1987 et le 20 juillet 1986, sont entrés en France le 31 décembre 2021 accompagnés de leurs quatre enfants mineurs. Ils ont déposé des demandes d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides qui ont été rejetées par des décisions du 21 avril 2022. Par deux arrêtés du 2 août 2022, le préfet de la Charente-Maritime a retiré leur attestation de demande d'asile, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils sont susceptibles d'être éloignés. M. B... et Mme A... relèvent appel des jugements du 3 octobre 2022 par lesquels la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la jonction :

2. Les requêtes enregistrées sous les nos 22BX02804 et 22BX02805 sont relatives aux membres d'une même famille et présentent à juger des questions identiques. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les demandes d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

3. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence, (...) l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président. (...) ".

4. Postérieurement à l'enregistrement de leurs requêtes, M. B... et Mme A... ont été admis à l'aide juridictionnelle totale par des décisions du bureau d'aide juridictionnelle du 8 décembre 2022. Leurs conclusions tendant à ce qu'ils soient admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont ainsi devenues sans objet.

Sur la légalité des arrêtés attaqués :

En ce qui concerne le moyen commun aux différentes décisions :

5. M. Molager, secrétaire général de la préfecture de la Charente-Maritime, qui a signé les arrêtés attaqués, bénéficie d'une délégation de signature accordée par arrêté préfectoral du 30 mai 2022, publié au recueil des actes administratifs spécial n° 17-2022-078 de la préfecture du lendemain, à l'effet de signer tous arrêtés et décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département de la Charente-Maritime à l'exception des actes énumérés à l'article 1er dudit arrêté, au nombre desquels ne figurent pas les décisions prises en matière de police des étrangers. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, cette délégation, alors même qu'elle ne mentionne pas explicitement les décisions prises en cette matière, n'est, compte tenu des exceptions qu'elle prévoit et de la qualité du signataire, ni trop générale, ni trop imprécise. Par suite, le moyen tiré de ce que les arrêtés litigieux auraient été signés par une autorité incompétente manque en fait et doit être écarté.

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, les décisions susvisées, qui n'avaient pas à faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation de M. B... et Mme A..., visent les textes dont elles font application, mentionnent les faits relatifs à leur situation personnelle et administrative et indiquent les raisons pour lesquelles le préfet de la Charente-Maritime les a obligés à quitter le territoire français, tenant au rejet de leur demande d'asile. A cet égard, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir de ce que ces décisions ne mentionnent pas la naissance de leur cinquième enfant, le 10 août 2022, cette circonstance étant postérieure aux arrêtés contestés du 2 août 2022. Par suite, dès lors que ces indications ont permis aux requérants de comprendre et de contester les mesures d'éloignement prises à leur encontre, le moyen tiré de la motivation insuffisante de ces décisions doit être écarté.

7. Par ailleurs, il ressort des termes mêmes des arrêtés contestés que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. B... et de Mme A.... Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de leur situation personnelle doit être écarté.

8. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 3-1 de de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

9. Il ressort des pièces du dossier que M. B... et Mme A..., présents sur le territoire français depuis moins de huit mois à la date des décisions contestées, ne justifient pas de l'existence de liens sociaux d'une particulière intensité en France en se bornant à faire valoir leurs efforts pour apprendre le français. Par ailleurs, les intéressés, qui n'établissent ni même n'allèguent avoir exercé une activité professionnelle depuis leur entrée sur le territoire et disposer de ressources financières stables, ne justifient pas être dépourvus d'attaches familiales dans leur pays d'origine où ils ont respectivement vécu jusqu'à l'âge de 34 et 35 ans. Ils ne sauraient, en outre, se prévaloir de la présence sur le territoire de leurs quatre enfants mineurs dès lors qu'il n'est pas établi que la scolarité de trois d'entre eux ne pourrait se poursuivre en Géorgie en cas de reconstitution de la cellule familiale dans ce pays, ni de la naissance, le 10 août 2022, de leur cinquième enfant, qui est postérieure à la date des décisions contestées. Si les appelants se prévalent de l'état de santé de Mme A..., qui présente une pathologie urologique, le certificat médical du 19 avril 2022 qu'ils produisent, indiquant que le suivi de cette pathologie apparaît assez peu compatible avec des voyages, est insuffisamment circonstancié pour caractériser la gravité de l'état de santé de l'intéressée et les modalités du suivi médical dont elle bénéficie en France, de nature à faire obstacle à l'exécution d'une mesure d'éloignement. Enfin, si M. B... et Mme A... font valoir qu'ils seraient menacés en cas de retour dans leur pays d'origine, ils n'apportent pas d'éléments de nature à établir la réalité des risques allégués. Par suite, compte tenu des conditions et de la durée du séjour en France des requérants, le préfet de la Charente-Maritime n'a pas porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale et à l'intérêt supérieur de leurs enfants une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels les décisions portant obligation de quitter le territoire français ont été prises. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.

En ce qui concerne les décisions octroyant un délai de départ volontaire de trente jours :

10. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. (...) ". Dès lors que le délai de trente jours accordé à un étranger pour exécuter une obligation de quitter le territoire français constitue le délai de départ volontaire de droit commun prévu par les dispositions de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'absence de prolongation de ce délai n'a pas à faire l'objet d'une motivation spécifique, distincte de celle du principe même de ladite obligation, à moins que l'étranger ait expressément demandé le bénéfice d'une telle prolongation ou ait justifié d'éléments suffisamment précis sur sa situation personnelle susceptibles de rendre nécessaire une telle prolongation.

11. En premier lieu, il ressort des décisions en litige qu'elles visent l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elles mentionnent également que M. B... et Mme A... ne font état d'aucune circonstance justifiant qu'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours leur soit accordé. Par suite, ces décisions comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elles se fondent et sont ainsi suffisamment motivées.

12. En deuxième lieu, il ne ressort d'aucune disposition légale ou réglementaire, et notamment pas des dispositions du livre VI du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par lesquelles le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions portant obligation de quitter le territoire et fixation du délai de départ volontaire, que l'autorité administrative serait tenue d'organiser, préalablement à la fixation dudit délai de départ volontaire, une procédure contradictoire avec l'étranger concerné par cette mesure. Par suite, M. B... et Mme A... ne peuvent utilement soutenir que le préfet de la Charente-Maritime aurait dû procéder, de manière contradictoire, à l'examen de leur situation personnelle pour apprécier si le délai de départ volontaire de trente jours était suffisant.

13. En dernier lieu, les requérants invoquent la présence en France de leurs quatre enfants mineurs et l'état de santé de Mme A... pour soutenir que leur situation justifiait l'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. Toutefois, alors qu'ils n'apportent pas d'éléments suffisants de nature à établir que l'état de santé de Mme A... ne pouvait lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine, ces circonstances ne suffisent pas à établir qu'en leur accordant le délai de départ volontaire de trente jours prévu à l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui constitue le délai normalement accordé pour quitter volontairement le territoire, le préfet de la Charente-Maritime aurait commis une erreur manifeste d'appréciation. A cet égard, les intéressés ne peuvent utilement se prévaloir de la naissance de leur cinquième enfant, le 10 août 2022, cette circonstance étant postérieure aux arrêtés contestés du 2 août 2022.

En ce qui concerne les décisions fixant le pays de destination :

14. En premier lieu, ainsi qu'il été précédemment exposé, les décisions portant obligation de quitter le territoire français ne sont pas entachées d'illégalité. Dès lors, le moyen invoqué par la voie de l'exception, par M. B... et Mme A..., de leur illégalité ne peut qu'être écarté.

15. En second lieu, aux termes de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative fixe, par une décision distincte de la décision d'éloignement, le pays à destination duquel l'étranger peut être renvoyé en cas d'exécution d'office d'une décision portant obligation de quitter le territoire français (...) ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

16. D'une part, les arrêtés contestés du 2 août 2022 visent les dispositions de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et indiquent que M. B... et Mme A... n'établissent pas être exposés à des peines ou traitement contraires à ces stipulations en cas de retour dans leur pays d'origine. Par suite, les décisions susvisées, fixant le pays de destination, qui comportent les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, sont suffisamment motivées.

17. D'autre part, les appelants soutiennent qu'ils craignent les traitements inhumains et dégradants dont ils feraient l'objet en cas de retour dans leur pays d'origine en raison d'un accident de la route survenu en Géorgie, impliquant le père de M. B... et une femme, décédée à la suite de cet accident, dont le fils s'avèrerait menaçant envers l'ensemble des membres de la famille. Toutefois, ils ne produisent aucun élément permettant de tenir pour établis la réalité et le caractère personnel des risques allégués, dont l'Office français de protection des réfugiés n'a, au demeurant, pas reconnu l'existence, en cas de retour dans leur pays d'origine. Par suite, M. B... et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que le préfet de la Charente-Maritime a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

18. Il résulte de tout ce qui précède, que M. B... et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Poitiers a rejeté leurs demandes. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B... et Mme A... tendant à l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Article 2 : Les requêtes de M. B... et Mme A... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A..., à M. E... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Charente-Maritime.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2023.

Le rapporteur,

Michaël C... La présidente,

Evelyne BalzamoLe greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°s 22BX02804, 22BX02805

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02804
Date de la décision : 10/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Michaël KAUFFMANN
Rapporteur public ?: Mme GAY
Avocat(s) : SCP BREILLAT DIEUMEGARD MASSON

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-10-10;22bx02804 ?
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