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07/11/2023 | FRANCE | N°23BX00674

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 07 novembre 2023, 23BX00674


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 9 août 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n°2204761 du 16 novembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 mars 2023, Mme A..., représentée pa

r Me Hugon, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 9 août 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n°2204761 du 16 novembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 mars 2023, Mme A..., représentée par Me Hugon, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 16 novembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 9 août 2022 ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer une carte de séjour temporaire avec autorisation de travail, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, injonction assortie d'une astreinte fixée à 100 euros par jour de retard à compter du délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir en application de l'article L. 911-3 du code de justice administrative ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Gironde de réexaminer, sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour, l'autorisant à travailler, injonction assortie d'une astreinte fixée à 100 euros par jour de retard, en application de l'article L. 911-3 du code de justice administrative ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros hors taxes, soit 1 800 euros toutes taxes comprises, à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de la décision d'obligation de quitter le territoire français au regard de la gravité de ses conséquences sur sa situation ;

- le refus d'admission au séjour au titre de l'asile est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la gravité de ses conséquences sur sa situation ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 avril 2023, le préfet de la Gironde confirme les termes de son mémoire produit en première instance.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 12 avril 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 12 juin 2023.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante congolaise, née le 23 septembre 1989, est entrée en France le 31 décembre 2017. Elle a présenté le 24 octobre 2018 auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) une demande d'admission au bénéfice de l'asile. Cette demande a été rejetée par une décision de l'OFPRA du 18 octobre 2021, confirmée par un arrêt de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 18 mai 2022. Estimant que Mme A... ne bénéficiait plus du droit de se maintenir sur le territoire français, la préfète de la Gironde, par arrêté du 9 août 2022, a rejeté sa demande d'admission au séjour en qualité de réfugié, lui a fait obligation de quitter le territoire français un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination. Mme A... relève appel du jugement du 16 novembre 2022, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ne ressort pas des termes du jugement attaqué que ce dernier ait statué sur le moyen, qui n'était pas inopérant, soulevé à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français et tiré de ce qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la gravité de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme A.... Par suite, le jugement est irrégulier en tant qu'il statue sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français et doit être annulé dans cette mesure.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français présentées par Mme A... devant le tribunal administratif de Bordeaux et de statuer sur les autres conclusions par la voie de l'effet dévolutif de l'appel.

Sur le fond :

En ce qui concerne la légalité du refus d'admission au séjour au titre de l'asile :

4. Aux termes de l'article L. 542-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 542-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français. ".

5. L'arrêté préfectoral attaqué évoque la circonstance que Mme A... a pour conjoint M. D..., qui a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le 3 juin 2022 assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Mme A... conteste fermement avoir été la compagne de cet homme, alors même qu'elle a eu avec ce dernier une petite fille née le 4 février 2021 en France. Le préfet de la Gironde ne verse aucune pièce au dossier permettant de retenir que Mme A... et M. D... entretenaient une vie maritale à la date de l'arrêté préfectoral attaqué. Pour autant, cette seule circonstance ne révèle pas un défaut d'examen particulier de la situation de la requérante dès lors que le préfet de la Gironde pouvait légitimement estimer, eu égard au caractère récent de la naissance de leur fille et en l'absence d'éléments contraires, que Mme A... avait comme compagnon le père de leur fille. Par ailleurs, le préfet de la Gironde n'a pas pris sa décision au regard du seul séjour irrégulier de M. D... puisqu'il a également examiné d'autres éléments de la situation personnelle et familiale de Mme A..., et notamment, le rejet définitif de sa demande d'asile, la naissance de deux de ses enfants en France le 10 décembre 2017 et le 24 février 2020, l'absence de justification par la requérante de la présence en France de ses autres enfants nés le 5 juin 2005, le 2 septembre 2008 et le 20 avril 2010, son entrée en France à l'âge de 28 ans et son absence d'insertion durable dans la société française. Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen de la situation personnelle de Mme A... doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, il résulte du point précédent que la décision refusant l'admission au séjour au titre de l'asile de Mme A... n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de ce que l'illégalité de cette décision entache d'illégalité, par voie d'exception, l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ".

8. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... ne conteste pas que trois de ses enfants résident hors de France. Si elle se prévaut de son homosexualité et soutient avoir une compagne de nationalité congolaise qui dispose d'une carte de résident en sa qualité de réfugié, cette relation est récente et la requérante n'apporte aucun élément de nature à établir une vie commune. Malgré ses efforts d'insertion en France, Mme A... n'apporte pas d'élément permettant de considérer qu'elle y a tissé des liens personnels d'une particulière intensité ni qu'elle serait dépourvue de toute attache familiale en République démocratique du Congo, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 28 ans. Au vu de l'ensemble de ces circonstances, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français dont elle fait l'objet porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. En troisième lieu, dès lors que l'obligation de quitter le territoire français, par elle-même, ne fixe pas le pays de renvoi, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que cette mesure serait entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle du fait des risques encourus dans le pays d'origine. Par ailleurs, compte tenu des circonstances exposées au point précédent, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette mesure d'éloignement serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard d'autres circonstances tenant à la situation personnelle de Mme A....

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :

10. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. "

11. Mme A... soutient qu'elle présente un syndrome de stress post-traumatique en lien avec des agressions qu'elle aurait subies à Kinhasa en 2017 en raison de sa relation amoureuse avec la femme d'un général de l'armée. Toutefois, tant l'OFPRA que la CNDA ont estimé que Mme A... décrivait de manière évasive et non circonstanciée les persécutions dont elle indique avoir été victime dans son pays d'origine. L'attestation du 12 avril 2022 de l'association Le Girofard, qui n'accompagne la requérante que depuis le 9 août 2021, se borne à faire état des positions du gouvernement, des ancrages culturels d'ordre général sur les persécutions et violences subies par les homosexuels en République démocratique du Congo et du sentiment de danger légitime ressenti par l'intéressée du fait de son orientation sexuelle et ne permet donc pas de corroborer les allégations de Mme A.... Enfin, si cette dernière produit deux certificats médicaux du même psychiatre, établis les 25 octobre 2021 et 8 juillet 2022, indiquant qu'elle présente un trouble de stress post-traumatique en lien avec les agressions qu'elle a subies à Kinshasa en 2017 en raison de sa relation amoureuse avec la femme d'un général de l'armée, ces certificats médicaux, qui ne précisent pas les éléments étayant ces affirmations, et qui ne sont corroborés par aucun autre élément, ne permettent pas de retenir que le stress post-traumatique dont elle souffre trouve son origine dans des agressions subies dans son pays d'origine. Il s'ensuit que la requérante n'établit pas la réalité et l'importance des risques qu'elle encourrait personnellement en cas de retour dans ce pays. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

12. Il résulte de ce tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté préfectoral du 9 août 2022 en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français ni à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des autres décisions contenues dans ce même arrêté. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte de la requête de Mme A... doivent être également rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse la somme réclamée au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2204761 du 16 novembre 2022 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions de la demande de Mme A... dirigées contre la mesure portant obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 9 août 2022.

Article 2 : Les conclusions de Mme A... présentées devant le tribunal administratif de Bordeaux dirigées contre la décision du 9 août 2022 portant obligation de quitter le territoire français ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 10 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

M. Sébastien Ellie, premier conseiller,

Mme Edwige Michaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023.

La rapporteure,

Edwige B...

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX00674


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00674
Date de la décision : 07/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Edwige MICHAUD
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : HUGON

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-11-07;23bx00674 ?
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