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07/11/2023 | FRANCE | N°23BX01025

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 07 novembre 2023, 23BX01025


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision implicite de rejet née le 16 janvier 2022 du silence gardé par la préfète de la Gironde sur sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour.

Par un jugement n° 2203387 du 16 mars 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 avril 2023, M. B..., représenté par Me Serhan, demande à la cour :

1°) d'annu

ler le jugement n° 2203387 du tribunal administratif de Bordeaux du 16 mars 2023 ;

2°) d'annuler la déc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision implicite de rejet née le 16 janvier 2022 du silence gardé par la préfète de la Gironde sur sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour.

Par un jugement n° 2203387 du 16 mars 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 avril 2023, M. B..., représenté par Me Serhan, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2203387 du tribunal administratif de Bordeaux du 16 mars 2023 ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet née le 16 janvier 2022 du silence gardé par la préfète de la Gironde sur sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- le tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que la décision contestée porte une atteinte manifestement illégale à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- la décision est insuffisamment motivée ; aucune urgence absolue, au sens et pour l'application de l'article L. 211-6 du code des relations entre le public et l'administration, ne justifiait une telle absence de motivation ;

- elle est dépourvue de base légale ;

- il est entré en France à l'âge de sept ans et est âgé de soixante-cinq ans ; il exerce une activité professionnelle en France ; ses deux parents sont de nationalité française alors que ses frères et sœurs résident sur le territoire ; il n'a plus vécu au Maroc où il est dépourvu de toute attache ; il a été marié avec une ressortissante française pendant de nombreuses années ; il remplit, ainsi, l'ensemble des conditions requises pour prétendre au bénéfice d'un titre de séjour au titre de la vie privée et familiale, sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- eu égard à sa situation familiale, professionnelle et personnelle, l'arrêté méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 août 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par une décision du 3 octobre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande de M. B... tendant à être admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus à l'audience publique :

- le rapport de M. Michaël Kauffmann,

- et les observations de Me Serhan, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant marocain né le 31 août 1957, a obtenu des cartes de séjour temporaires portant la mention " vie privée et familiale " délivrées par la préfecture de la Gironde, dont la dernière valable du 23 avril 2016 au 22 avril 2017. Au cours du mois d'octobre 2018, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Postérieurement au rejet implicite de cette demande, la préfète de la Gironde, par courrier du 3 septembre 2021, a demandé à M. B... de compléter son dossier de demande de titre de séjour. M. B... y a répondu le 16 septembre 2021 et une nouvelle décision implicite de rejet est née, le 16 janvier 2022, du silence gardé par la préfète. M. B... relève appel du jugement du 16 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la légalité de la décision implicite du 16 janvier 2022 :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., âgé de soixante-quatre ans, est entré en France en 1965, à l'âge de sept ans. Il établit, notamment par les certificats de scolarité et le relevé de carrière versés au dossier, y avoir suivi sa scolarité et vécu jusqu'à la fin de l'année 1980. Après avoir séjourné en Belgique, il justifie être revenu en France au moins au cours des années 1984 à 1988, puis à compter de l'année 2001. Il a épousé le 25 novembre 2006 une ressortissante française de laquelle il a divorcé le 3 janvier 2010. A la suite d'une injonction prononcée le 11 octobre 2011 par le jugement n° 0902377 du tribunal administratif de Bordeaux, M. B... a été mis en possession de cartes de séjour temporaires portant la mention " vie privée et familiale " régulièrement renouvelées jusqu'au 22 avril 2017 puis de récépissés de demande de titre de séjour à compter de l'année 2018. Sa mère, de nationalité française, ainsi que ses six frères et sœurs, dont trois ressortissants français et trois titulaires de cartes de résident, vivent en France alors que son père, qui était également de nationalité française, est décédé. Il n'est pas établi par le préfet de la Gironde que le requérant, père de deux enfants majeurs résidant en Belgique, disposerait d'attaches effectives au Maroc ou que sa présence sur le territoire français constituerait une menace pour l'ordre public. A cet égard, la circonstance que, le 22 avril 1986, soit il y a plus de 35 ans, M. B... a fait l'objet d'un arrêté d'expulsion, pour des motifs d'ailleurs non précisés en défense, n'est pas de nature à établir l'existence actuelle d'une telle menace. De même, le préfet se borne à affirmer, sans produire aucune pièce au soutien de cette allégation, que l'intéressé serait défavorablement connu des services de police pour des faits d'importation non autorisée de stupéfiants commis le 13 octobre 2000, d'abus de confiance commis entre les mois de janvier 2015 et janvier 2016 ou de détention de stupéfiants commis le 1er décembre 2018. Dans ces conditions, eu égard aux liens personnels et familiaux dont il dispose en France et compte tenu de la durée et des conditions de son séjour sur le territoire, M. B... est fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, la préfète de la Gironde a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise et a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement ni d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Il est dès lors fondé à demander l'annulation de ce jugement ainsi que celle de la décision implicite de rejet née le 16 janvier 2022 du silence gardé par la préfète de la Gironde sur sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

5. Eu égard au motif d'annulation retenu et en l'absence de changement dans les circonstances de droit et de fait intervenu depuis l'édiction de la décision implicite du 16 janvier 2022, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement la délivrance, au profit de M. B..., d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Dès lors, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Gironde de délivrer un tel titre de séjour à l'intéressé dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

6. M. B... n'a pas été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle, le bureau d'aide juridictionnel ayant constaté la caducité de sa demande par décision du 3 octobre 2023. Par suite, son avocat ne pouvant se prévaloir des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la demande présentée au titre de ces dispositions doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2203387 du 16 mars 2023 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.

Article 2 : La décision implicite de rejet née le 16 janvier 2022 du silence gardé par la préfète de la Gironde sur la demande de M. B... tendant à la délivrance d'un titre de séjour est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : La demande présentée par Me Serhan au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique est rejetée.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Ahmad Serhan et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2023.

Le rapporteur,

Michaël Kauffmann La présidente,

Evelyne BalzamoLe greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 23BX010252


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01025
Date de la décision : 07/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Michaël KAUFFMANN
Rapporteur public ?: Mme GAY
Avocat(s) : SERHAN

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-11-07;23bx01025 ?
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