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21/11/2023 | FRANCE | N°19BX00877

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 21 novembre 2023, 19BX00877


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... et Mme F... B... ont demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2015 par lequel le maire de Cayenne a accordé à M. E... un permis de construire pour la réalisation d'une maison d'habitation sur une parcelle cadastrée BM 686 située 1222 route de Bourda à Cayenne.

Par un jugement n° 1700141 du 27 décembre 2018, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par un premier arrêt du 9 mars 202

1, la cour a annulé le jugement du 27 décembre 2018 du tribunal administratif de la Guyane et, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... et Mme F... B... ont demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2015 par lequel le maire de Cayenne a accordé à M. E... un permis de construire pour la réalisation d'une maison d'habitation sur une parcelle cadastrée BM 686 située 1222 route de Bourda à Cayenne.

Par un jugement n° 1700141 du 27 décembre 2018, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par un premier arrêt du 9 mars 2021, la cour a annulé le jugement du 27 décembre 2018 du tribunal administratif de la Guyane et, après avoir écarté les autres moyens soulevés, a sursis à statuer sur la légalité du permis de construire du 8 décembre 2015 jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt pour permettre la notification à la cour, par M. E..., d'une mesure de régularisation des vices tirés de l'absence d'accord de l'architecte des bâtiments de France, de la méconnaissance des dispositions du 1 de l'article U4.7 du règlement du plan local d'urbanisme relatives à l'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives et de la méconnaissance des règles de hauteur prévues à l'article U4.10 du règlement du plan local d'urbanisme. Par un second arrêt du 31 mai 2022, la cour a, après avoir écarté les autres moyens soulevés, de nouveau sursis à statuer sur la légalité du permis de construire du 8 décembre 2015 et celle du permis de construire modificatif délivré le 13 juillet 2021 jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt pour permettre la notification à la cour, par M. E..., d'une mesure de régularisation des vices tirés de l'absence d'accord de l'architecte des bâtiments de France et de la méconnaissance des règles de hauteur prévues à l'article U4.10 du règlement du plan local d'urbanisme.

Par des mémoires enregistrés les 19 octobre 2022, 11 mai et 4 juillet 2023 M. E..., représenté par Me Bonfait, conclut au rejet de la requête dès lors que le permis de construire modificatif délivré par le maire de Cayenne le 28 juin 2023 et communiqué à l'instance régularise les vices relevés par la cour.

Par un mémoire enregistré le 10 mai 2023, le ministre de la culture a présenté ses observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du patrimoine ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G...,

- les conclusions de M. Gueguein, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 8 décembre 2015, le maire de Cayenne a accordé à M. E... un permis de construire pour la réalisation d'une maison d'habitation sur une parcelle cadastrée BM 686 située 1222 route de Bourda à Cayenne (Guyane). Saisi d'une requête de M. D... et Mme B..., voisins immédiats du terrain d'assiette du projet, tendant à l'annulation de cet arrêté, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté leur demande par un jugement du 27 décembre 2018. Par un arrêt du 9 mars 2021, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le jugement du 27 décembre 2018 du tribunal administratif de la Guyane et, après avoir écarté les autres moyens soulevés, a sursis à statuer sur la légalité du permis de construire du 8 décembre 2015 jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt pour permettre la notification à la cour, par M. E..., d'une mesure de régularisation des vices tirés de l'absence d'accord de l'architecte des bâtiments de France, de la méconnaissance des dispositions du 1 de l'article U4.7 du règlement du plan local d'urbanisme de Cayenne relatives à l'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives et de la méconnaissance des règles de hauteur prévues à l'article U4.10 du règlement du plan local d'urbanisme. Par arrêté du 13 juillet 2021, le maire de Cayenne a accordé à M. E... un permis de construire modificatif. Par un arrêt du 31 mai 2022, la cour a de nouveau sursis à statuer sur la légalité du permis de construire du 8 décembre 2015 et celle du permis de construire modificatif délivré le 13 juillet 2021 jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt pour permettre la notification à la cour, par M. E..., d'une mesure de régularisation des vices tirés de l'absence d'accord de l'architecte des bâtiments de France et de la méconnaissance des règles de hauteur prévues à l'article U4.10 du règlement du plan local d'urbanisme. Le 23 juin 2022, M. E... a déposé une nouvelle demande de permis de construire modificatif, qui a fait l'objet d'un refus de l'architecte des bâtiments de France (ABF) le 26 août 2022. M. E... a déposé une troisième demande de permis de construire modificatif le 28 avril 2023. Par un arrêté du 28 juin 2023, le maire de Cayenne lui a accordé le permis de construire modificatif sollicité.

Sur la régularisation du permis de construire initial du 8 décembre 2015 et de son modificatif du 13 juillet 2021 :

2. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ".

3. Lorsqu'une autorisation d'urbanisme est entachée d'incompétence, qu'elle a été délivrée en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance de l'autorisation, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'une autorisation modificative dès lors que celle-ci est compétemment accordée pour le projet en cause, qu'elle assure le respect des règles de fond applicables à ce projet, répond aux exigences de forme ou a été précédée de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Elle peut, de même, être régularisée par une autorisation modificative si la règle relative à l'utilisation du sol qui était méconnue par l'autorisation initiale a été entretemps modifiée ou si cette règle ne peut plus être regardée comme méconnue par l'effet d'un changement dans les circonstances de fait de l'espèce. Il en va de même dans le cas où le bénéficiaire de l'autorisation initiale notifie en temps utile au juge une décision individuelle de l'autorité administrative compétente valant mesure de régularisation à la suite d'un jugement décidant, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, de surseoir à statuer sur une demande tendant à l'annulation de l'autorisation initiale. Dès lors que cette nouvelle autorisation assure la régularisation de l'autorisation initiale, les conclusions tendant à l'annulation de l'autorisation initialement délivrée doivent être rejetées.

En ce qui concerne l'accord de l'architecte des bâtiments de France :

4. Aux termes de l'article L. 621-30 du code du patrimoine, dans sa version applicable au litige : " (...) Est considéré (...) comme étant situé dans le champ de visibilité d'un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques tout autre immeuble, nu ou bâti, visible du premier ou visible en même temps que lui et situé dans un périmètre déterminé par une distance de 500 mètres du monument (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 621-31 du même code, dans sa version applicable au litige : " Lorsqu'un immeuble est (...) situé dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit au titre des monuments historiques, il ne peut faire l'objet (...) d'aucune construction nouvelle (...) sans une autorisation préalable (...) ". Aux termes de l'article L. 621-32 du même code, dans sa version alors applicable : " I. - Le permis de construire (...) tient lieu de l'autorisation prévue au premier alinéa de l'article L. 621-31 si l'architecte des Bâtiments de France a donné son accord (...) ". Il résulte de ces dispositions combinées qu'un projet de construction situé dans le champ de visibilité d'un immeuble protégé au titre des monuments historiques ne peut être autorisé sans l'accord de l'architecte des bâtiments de France.

5. Ainsi qu'il a été jugé au point 12 de l'arrêt avant dire droit du 9 mars 2021 de la cour, le projet étant situé dans le champ de visibilité de la résidence " Chalet Bourda " protégée au titre des monuments historiques, il ne peut être autorisé sans l'accord de l'architecte des bâtiments de France. Il ressort des pièces du dossier que le maire de Cayenne a accordé à M. E... le 28 juin 2023 un permis de construire modificatif pour lequel l'architecte des bâtiments de France a donné son accord le 21 juin 2023. Par suite, le vice entachant le permis initial et le permis de construire modificatif du 13 juillet 2021 a été régularisé par le permis modificatif du 28 juin 2023.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article U4.10 du règlement du plan local d'urbanisme :

6. Aux termes de l'article U4.10 du règlement du plan local d'urbanisme, relatif à la hauteur maximale des constructions : " 1. La hauteur des constructions individuelles ne pourra excéder 7.20 m, cette hauteur étant mesurée à l'égout du toit et 12 m au faîtage (...) ". Aux termes de l'article 5 des dispositions générales du même règlement : " Définition de la hauteur maximale. La hauteur maximale fixée à l'article 10 du règlement de chaque zone, est la différence d'altitude maximale admise entre le point de référence cité dans le règlement et sa projection verticale sur le sol naturel, tel qu'il apparaît au levé altimétrique effectué avant tous les travaux d'adaptation du terrain lié au projet considéré (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que le projet modifié prévoit trois niveaux, deux niveaux en sous-sol et un niveau en rez-de-chaussée. S'il prévoit un niveau de moins que le projet de 2021, il ressort des plans joints à la demande de permis de construire modificatif que l'égout de toit du projet modifié se porte à une hauteur de 3,97 mètres contre 3,12 mètres dans le projet de 2021. Par suite, le vice retenu dans l'arrêt avant-dire droit du 31 mai 2022 ne peut être regardé comme régularisé, la différence d'altitude entre l'égout du toit et sa projection verticale sur le sol naturel s'élevant désormais à 9,31 mètres (5,34 + 3,97) et restant supérieure à la hauteur maximale de 7,20 mètres prévue pour ce point de référence.

Sur les conséquences de l'absence de régularisation de certains des vices retenus :

8. Il résulte de ce qui a été dit au point 7 que l'arrêté du 28 juin 2023 n'a pas permis de régulariser le permis de construire initial du 8 décembre 2015 tel que modifié par le permis du 13 juillet 2021. Par suite, les arrêtés des 8 décembre 2015, 13 juillet 2021 et 28 juin 2023 doivent être annulés.

Sur les frais liés au litige :

9. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a lieu de mettre à la charge d'aucune des parties à l'instance une quelconque somme au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Les arrêtés du 8 décembre 2015, du 13 juillet 2021 et du 28 juin 2023 sont annulés.

Article 2 : Les conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Mme F... B..., à la commune de Cayenne et à M. C... E....

Copie pour information en sera délivrée au préfet de la Guyane.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

M. Sébastien Ellie, premier conseiller,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023.

La rapporteure,

Héloïse G...La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au préfet de la Guyane en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°19BX00877


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX00877
Date de la décision : 21/11/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Procédure d'attribution - Instruction de la demande.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Légalité interne du permis de construire.

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles de procédure contentieuse spéciales - Introduction de l'instance - Obligation de notification du recours.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Laury MICHEL
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : SCP CHONG-SIT et DOUTRELONG

Origine de la décision
Date de l'import : 25/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-11-21;19bx00877 ?
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