La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/01/2024 | FRANCE | N°22BX01787

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 16 janvier 2024, 22BX01787


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision du 22 juillet 2021 par laquelle le président de la communauté d'agglomération du centre littoral a prononcé son licenciement à compter du 31 août 2021 et d'enjoindre au président de la communauté d'agglomération de le réintégrer dans ses fonctions et de reconstituer sa carrière.



Par un jugement n° 2101105 du 7 avril 2022, le tribunal administratif de la Guyan

e a rejeté ses demandes.





Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision du 22 juillet 2021 par laquelle le président de la communauté d'agglomération du centre littoral a prononcé son licenciement à compter du 31 août 2021 et d'enjoindre au président de la communauté d'agglomération de le réintégrer dans ses fonctions et de reconstituer sa carrière.

Par un jugement n° 2101105 du 7 avril 2022, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 1er juillet 2022, M. B... A..., représenté par Me Marcault-Derouard, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guyane n° 2101105 du 7 avril 2022 ;

2°) d'annuler la décision en litige du 22 juillet 2021 ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du centre littoral une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision en litige est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il n'a pas bénéficié de l'entretien préalable prévu par l'article 42 du décret du 15 février 1988 relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale ; il s'est bien présenté au premier entretien prévu le 8 juillet 2021 et celui-ci n'a pu avoir lieu en raison uniquement de la carence de l'autorité territoriale ; celle-ci a organisé un second entretien le 16 juillet 2021 alors qu'il était placé en arrêt de travail pour maladie ; de plus, il a été avisé de cet entretien par courrier du 12 juillet, reçu le 13 suivant, en méconnaissance du délai de cinq jours prévu par l'article 42 du décret du 15 février 1988 ; les conditions dans lesquelles l'administration a organisé cet entretien, alors qu'il était en arrêt de travail et n'était pas en état de préparer utilement sa défense, ont méconnu les droits de la défense ;

- l'administration ne lui a pas permis de prendre connaissance de son dossier individuel ; l'article 18 de la loi du 13 juillet 1983 prévoit que cette communication puisse se faire sous forme dématérialisée ; par ailleurs, l'administration a fondé la décision en litige sur un élément qui n'était pas dans son dossier, à savoir un constat d'huissier actant sa prétendue participation à un groupe de discussion whatsapp tenant des propos hostiles au président de la communauté d'agglomération ;

- la décision en litige est insuffisamment motivée dès lors qu'elle n'indique pas précisément les motifs de la perte de confiance retenue pour fonder le licenciement ;

- la décision en litige a été prise sans que soit respecté le délai de préavis augmenté des jours de congés non pris ; en conséquence, le licenciement ne pouvait intervenir qu'à compter du 22 septembre 2021 ; la décision est ainsi illégale en tant qu'elle prévoit une date d'effet du licenciement antérieure à l'expiration du délai de congé rémunéré ;

- le licenciement ne pouvait être décidé au motif qu'il avait participé à un groupe de discussion Wattsap ayant tenu des propos hostiles au président de la communauté d'agglomération ; ce motif est insuffisamment établi par les seules attestations rédigées par le président de la communauté d'agglomération et le constat d'huissier qui n'est pas assez probant ;

- de même il n'est pas établi qu'il serait intervenu au cours de la campagne électorale ayant précédé les élections à la communauté d'agglomération pour faire modifier l'ordre des candidats figurant sur la liste électorale candidate aux élections de la collectivité territoriale de la Guyane ; il n'a jamais pris position contre le candidat soutenu par le président de la communauté d'agglomération et n'est pas un opposant politique à ce dernier qui ne s'est pas présenté aux élections territoriales ; la communauté d'agglomération du centre littoral de la Guyane est un établissement public de coopération intercommunale indépendant de la collectivité territoriale de la Guyane et il n'avait pas à consacrer une partie de son travail à soutenir un candidat aux élections prévues au sein de cette collectivité ; ainsi, son licenciement est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision en litige est entachée d'un détournement de procédure.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 juin 2023, la communauté d'agglomération du centre littoral (CACL), représentée par la SELAS Teneo Avocats agissant par Me Morandi, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. A... une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.

Par ordonnance du 19 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 4 septembre 2023 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n°87-1004 du 16 décembre 1987 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le décret n° 2011-675 du 15 juin 2011 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frédéric Faïck,

- les conclusions de M. Anthony Duplan, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. Par un contrat de travail conclu le 9 novembre 2020 et devant, aux termes de son article 1er, cesser " au plus tard en même temps que le mandat de l'autorité territoriale ", M. B... A... a été recruté pour exercer les fonctions de directeur de cabinet du président de la communauté d'agglomération du centre littoral (CACL) de Guyane. Par une décision du 22 juillet 2021, le président de la CACL a licencié M. A..., pour perte de confiance, à compter du 31 août 2021. M. A... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision du 22 juillet 2021 et d'enjoindre au président de la CACL de le réintégrer dans ses fonctions et de reconstituer sa carrière. Il relève appel du jugement rendu le 7 avril 2022 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 42 du décret du 15 février 1988 relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale : " Le licenciement ne peut intervenir qu'à l'issue d'un entretien préalable. La convocation à l'entretien préalable est effectuée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation. L'agent peut se faire accompagner par la personne de son choix. Au cours de l'entretien préalable, l'autorité territoriale indique à l'agent le ou les motifs du licenciement. (...) ". Ces dispositions sont applicables aux collaborateurs de cabinet recrutés en application de l'article 110 de la loi du 26 janvier 2004 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.

3. En application des dispositions précitées, le président de la CACL a convoqué M. A..., par une lettre du 1er juillet 2021 remise en main propre le 2 juillet suivant, à un entretien préalable prévu le 8 juillet à 9 h 00. M. A... soutient qu'il s'est rendu à ce rendez-vous, qui n'a pas eu lieu, selon lui, au motif que le président de la CACL avait un entretien avec le directeur général des services qui a duré plusieurs heures. La CACL affirme au contraire que le président était disponible à la date et à l'heure du rendez-vous, qui n'a pu être organisé en l'absence de M. A.... Au soutien de ses affirmations, la CACL produit une attestation de l'assistante de direction, attachée au cabinet du président, selon laquelle ce dernier était bien disponible le jour de l'entretien, tandis que M. A... ne se serait pas manifesté. Toutefois, cette attestation qui émane d'une personne placée sous l'autorité directe du président de la CACL n'apparaît pas, dans les circonstances de l'espèce, suffisamment probante. En revanche, M. Gaspard, conseiller municipal et communautaire, chargé d'assister M. A... pendant l'entretien, a attesté, le 29 juillet 2021, s'être rendu au siège de la CACL le 8 juillet 2021 pour participer à l'entretien, puis avoir quitté les lieux à 10h15 afin de remplir d'autres obligations après avoir constaté que le président de la CACL était toujours occupé dans son bureau par un autre rendez-vous. Quant à M. A..., il a, dès le 8 juillet 2021 à 11h41, adressé un courriel au président de la CACL lui rappelant qu'il avait patienté dans son bureau pendant plus de deux heures avant que celui-ci ne lui fasse savoir, à 11h05 par l'intermédiaire de son assistante, que l'entretien allait se tenir. M. A... a alors demandé un report de l'entretien afin de pouvoir être assisté d'un défenseur compte tenu du départ de M. Gaspard. Ainsi, l'entretien initialement prévu le 8 juillet 2021 n'a pas eu lieu.

4. Dans ces circonstances, il n'est pas établi que l'entretien initialement prévu le 8 juillet 2021 n'a pu avoir lieu du fait de M. A..., dont le défenseur a au contraire attesté que le président de la CACL n'avait pas respecté l'horaire fixé.

5. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 12 juillet 2021, remis en main propre le 13 juillet suivant, le président de la CACL a convoqué M. A... à un nouvel entretien prévu le 16 juillet 2021 à 12h00. M. A..., placé en arrêt de travail du 8 juillet au 16 juillet 2021 inclus, avec autorisation de sortie de son domicile entre 11h00 et 14h00, a, par courrier du 15 juillet 2021, demandé le report de cet entretien au motif que la date prévue coïncidait avec sa période d'arrêt de travail. Il est constant que M. A..., qui n'a reçu aucune réponse à sa demande de report, ne s'est pas présenté à l'entretien du 16 juillet 2021.

6. Alors même qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'interdit à l'autorité territoriale de convoquer à un entretien préalable un agent placé en congé de maladie, ce qui était le cas de M. A... entre le 8 juillet et le 16 juillet 2021, ce dernier a reçu la convocation le mardi 13 juillet seulement pour l'entretien prévu le vendredi 16 juillet. Pour apprécier le délai de cinq jours ouvrables prévu à l'article 42 du décret du 15 février 1988, cité au point 2, il convient de ne pas tenir compte du jour de remise de la convocation ainsi que des jours non ouvrés compris dans les cinq jours suivants, soit, au cas d'espèce, le mercredi 14 juillet 2021. Il s'ensuit que M. A... a seulement bénéficié d'un jour ouvré pour se préparer à l'entretien au lieu des cinq jours prévus à l'article 42 du décret du 15 février 1988 alors que le délai de cinq jours ouvrables a pour finalité de permettre à l'agent de préparer utilement sa défense devant l'autorité territoriale en disposant du temps nécessaire pour, notamment, rechercher un défenseur de son choix. Dans ces circonstances, M. A... a pu légitimement motiver sa demande de report du 15 juillet 2021 en faisant valoir que la remise tardive de la convocation pour l'entretien le vendredi 16 juillet ne lui permettait pas de se préparer à l'entretien. Dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif de la Guyane a jugé que les dispositions de l'article 42 du décret du 15 février 1988 n'avaient pas été méconnues.

7. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou s'il a privé les intéressés d'une garantie.

8. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'a bénéficié, du fait de la méconnaissance du délai de convocation à l'entretien, d'aucun entretien préalable à son licenciement, fondé sur la perte de confiance, et a ainsi été privé d'une garantie. Par suite, la décision 22 juillet 2021 est entachée d'irrégularité. Dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. A... est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué et de la décision du 22 juillet 2021 prononçant son licenciement.

Sur les frais d'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle aux conclusions présentées la CACL par tendant à ce que M. A..., qui n'est pas la partie perdante à l'instance, lui verse une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de faire application de ces mêmes dispositions en mettant à la charge de la CACL une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

DECIDE

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Guyane n° 2101105 du 7 avril 2022 et la décision du 22 juillet 2021 prononçant le licenciement de M. A... sont annulés.

Article 2 : La CACL versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par la CACL au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la communauté d'agglomération du centre littoral.

Délibéré après l'audience du 11 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Ghislaine Markarian, présidente,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

M. Julien Dufour, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 janvier 2024.

Le rapporteur,

Frédéric Faïck

La présidente,

Ghislaine Markarian

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au préfet de la Guyane en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 22BX01787 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX01787
Date de la décision : 16/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MARKARIAN
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: M. DUPLAN
Avocat(s) : MORANDI

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-16;22bx01787 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award