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16/01/2024 | FRANCE | N°23BX01745

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 16 janvier 2024, 23BX01745


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 24 août 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a interdit son retour sur le territoire pendant un an.



Par un jugement n° 2204825 du 16 novembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté

sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 26 juin 202...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 24 août 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a interdit son retour sur le territoire pendant un an.

Par un jugement n° 2204825 du 16 novembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 26 juin 2023, M. C... A..., représenté par Me Da Ros, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 16 novembre 2022 ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile et, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer dans cette attente une attestation de demandeur d'asile, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de procéder à l'effacement de l'interdiction de retour ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le tribunal a omis de statuer sur ses conclusions tendant à l'annulation de la décision interdisant son retour sur le territoire pendant un an ;

- bénéficiaire de la protection subsidiaire, il ne pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français mais uniquement d'une remise aux autorités italiennes ;

- en raison des risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine, la mesure d'éloignement est entachée d'une erreur de droit, d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée ;

- sa reconduite dans son pays d'origine lui fait courir des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique ou de subir des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant interdiction de retour est insuffisamment motivée, puisqu'elle ne vise pas l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides, et ne fait pas référence aux quatre critères prévus par l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il ne pouvait faire l'objet d'une interdiction de retour puisque celle-ci s'applique dans l'ensemble de l'espace Schengen et ainsi fait obstacle à son retour dans le pays membre qui lui a octroyé la protection subsidiaire ;

- l'administration était tenue de fixer le pays de renvoi en cas d'exécution d'office de l'interdiction de retour sur le territoire français, en vertu de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet de la Gironde a commis une erreur de droit en ne prenant pas en compte les quatre critères fixés à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'interdiction de retour est entachée d'une erreur d'appréciation et méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 26 janvier 2023, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 11 décembre 2023.

- le rapport de M. B...,

- et les observations de Me Da Ros pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A..., ressortissant centrafricain né le 14 février 1994, déclare être entré en France le 4 février 2021. Sa demande d'asile a été enregistrée le 28 avril 2021. Par une décision du 28 mars 2022, l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande. La préfète de la Gironde a ensuite refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire pour une durée d'un an, par un arrêté du 24 août 2022, dont M. A... a demandé l'annulation au tribunal administratif de Bordeaux. Il relève appel du jugement du 16 novembre 2022 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, M. A... soutient que le premier juge a commis une erreur de droit en estimant qu'il pouvait faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Le requérant ne critique pas ainsi la régularité du jugement attaqué, mais son bien-fondé.

3. D'autre part, il ressort des pièces du dossier de première instance que, dans son mémoire enregistré au greffe du tribunal le 7 novembre 2022, M. A... a soulevé plusieurs moyens critiquant la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire prise à son encontre. Le tribunal ne s'est pas prononcé sur ces moyens. Par suite, le jugement doit être annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de cette décision.

4. Il y a lieu pour la Cour de se prononcer immédiatement sur ces conclusions par la voie de l'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions présentées par M. A... devant le tribunal administratif de Bordeaux.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

5. En vertu de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dans plusieurs cas, notamment lorsqu'il ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire ou qu'il s'y est irrégulièrement maintenu.

6. Une telle mesure peut également être décidée, selon l'article L. 611-2 du même code, à l'égard de l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui n'a pas respecté les conditions d'entrée prévues dans le règlement n° 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes ou qui, en provenance directe d'un Etat partie à la convention d'application de l'accord de Schengen signée le 19 juin 1990, ne justifie pas être entré sur le territoire français ou s'y être maintenu conformément aux stipulations de cette convention.

7. L'article L. 621-1 du même code dispose que : " Par dérogation au refus d'entrée à la frontière prévu à l'article L. 332-1, à la décision portant obligation de quitter le territoire français prévue à l'article L. 611-1 et à la mise en œuvre des décisions prises par un autre État prévue à l'article L. 615-1, l'étranger peut être remis, en application des conventions internationales ou du droit de l'Union européenne, aux autorités compétentes d'un autre État, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas prévus aux articles L. 621-2 à L. 621-7. ". L'étranger est informé de cette remise par décision écrite et motivée et est mis à même de présenter des observations et d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix avant l'exécution d'office de la remise.

8. L'article L. 621-2 prévoit ainsi que l'étranger qui, admis à entrer ou à séjourner sur le territoire d'un Etat membre de l'Union européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen, a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 311-1, L. 311-2 et L. 411-1 peut être remis aux autorités compétentes de cet Etat membre, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec cet État. Les articles L. 621-3 à L. 621-7 prévoient que de telles mesures de réadmission peuvent également être prises à l'encontre de l'étranger qui, en provenance du territoire d'un Etat partie à la convention d'application de l'accord de Schengen, est entré ou a séjourné sur le territoire métropolitain sans se conformer aux stipulations de cette convention, à l'encontre de l'étranger détenteur d'un titre de résident de longue durée-CE en cours de validité accordé par un autre Etat membre et qui n'a pas régularisé sa situation en France, à l'encontre de l'étranger détenteur d'une carte de séjour temporaire portant la mention "carte bleue européenne" en cours de validité accordée par un autre Etat membre de l'Union européenne lorsque lui est refusée en France la délivrance de la carte de séjour temporaire portant cette mention ou lorsque la " carte bleue européenne " qu'il détient expire ou lui est retirée durant l'examen de sa demande en France, enfin, dans certaines conditions qu'ils prévoient, à l'encontre de l'étranger admis à séjourner sur le territoire d'un Etat membre et effectuant un détachement temporaire intragroupe conformément à la directive 2014/66/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 et de l'étranger étudiant et l'étranger chercheur admis au séjour sur le territoire d'un Etat membre et bénéficiant d'une mobilité en France conformément à la directive (UE) 2016/801 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016.

9. Il ressort de ces dispositions que le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre Etat ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre. Il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application de l'article L. 621-2 à L. 621-7, elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union Européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement de ces dispositions, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 611-1. Ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce que l'administration engage l'une de ces procédures alors qu'elle avait préalablement engagée l'autre.

10. Toutefois, si l'étranger demande à être éloigné vers l'Etat membre de l'Union Européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, ou s'il est résident de longue durée dans un Etat membre, titulaire d'une " carte bleue européenne " délivrée par un tel Etat, admis à séjourner sur le territoire d'un tel Etat et effectuant un détachement temporaire intragroupe ou étudiant ou chercheur admis au séjour sur le territoire d'un tel Etat et bénéficiant d'une mobilité en France, il appartient au préfet d'examiner s'il y a lieu de reconduire en priorité l'étranger vers cet Etat ou de le réadmettre dans cet Etat.

11. En l'espèce, M. A... ne soulève aucun moyen à l'encontre de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour, et il est constant qu'il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire à la suite de la décision de l'OFPRA rejetant sa demande d'asile. S'il ressort des pièces du dossier que l'Italie lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire et qu'il était titulaire, à la date de l'arrêté contesté, d'un titre de séjour dans cet Etat, le préfet de la Gironde, tout en lui accordant un délai de 30 jours et en prévoyant de le reconduire dans tout pays de son choix, et ainsi éventuellement vers l'Italie, pouvait légalement prendre à son encontre une obligation de quitter le territoire français.

12. M. A..., invoquant l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 24 février 2021 n° C-673/19, se prévaut des dispositions de la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.

13. Aux termes de l'article 1er de cette directive : " La présente directive fixe les normes et procédures communes à appliquer dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, conformément aux droits fondamentaux en tant que principes généraux du droit communautaire ainsi qu'au droit international, y compris aux obligations en matière de protection des réfugiés et de droits de l'homme ". L'article 2 de ladite directive prévoit que : " 1. La présente directive s'applique aux ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire d'un État membre. / 2. Les États membres peuvent décider de ne pas appliquer la présente directive aux ressortissants de pays tiers : / a) faisant l'objet d'une décision de refus d'entrée conformément à l'article 13 du [code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen)], ou arrêtés ou interceptés par les autorités compétentes à l'occasion du franchissement irrégulier par voie terrestre, maritime ou aérienne de la frontière extérieure d'un État membre et qui n'ont pas obtenu par la suite l'autorisation ou le droit de séjourner dans ledit État membre ; / b) faisant l'objet d'une sanction pénale prévoyant ou ayant pour conséquence leur retour, conformément au droit national, ou faisant l'objet de procédures d'extradition. / 3. La présente directive ne s'applique pas aux personnes jouissant du droit communautaire à la libre circulation, telles que définies à l'article 2, point 5), du code frontières Schengen. " L'article 3 de la même directive dispose que : " Aux fins de la présente directive, on entend par : [...] 2) "séjour irrégulier" : la présence sur le territoire d'un État membre d'un ressortissant d'un pays tiers qui ne remplit pas, ou ne remplit plus, les conditions d'entrée énoncées à l'article 5 du code frontières Schengen, ou d'autres conditions d'entrée, de séjour ou de résidence dans cet État membre ; / 3) "retour" : le fait, pour le ressortissant d'un pays tiers, de rentrer - que ce soit par obtempération volontaire à une obligation de retour ou en y étant forcé - dans : / - son pays d'origine, ou / - un pays de transit conformément à des accords ou autres arrangements de réadmission communautaires ou bilatéraux, ou / - un autre pays tiers dans lequel le ressortissant concerné d'un pays tiers décide de retourner volontairement et sur le territoire duquel il sera admis ; / 4) "décision de retour" : une décision ou un acte de nature administrative ou judiciaire déclarant illégal le séjour d'un ressortissant d'un pays tiers et imposant ou énonçant une obligation de retour ; [...] ". Aux termes de l'article 4, paragraphe 3, de la directive : " La présente directive s'applique sans préjudice du droit des États membres d'adopter ou de maintenir des dispositions plus favorables pour les personnes auxquelles la présente directive s'applique, à condition que ces dispositions soient compatibles avec la présente directive. " L'article 5 de cette directive énonce que : " Lorsqu'ils mettent en œuvre la présente directive, les États membres (...) respectent le principe de non-refoulement ". Enfin, l'article 6 de la directive dispose que : " 1. Les États membres prennent une décision de retour à l'encontre de tout ressortissant d'un pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 à 5. / 2. Les ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire d'un État membre et titulaires d'un titre de séjour valable ou d'une autre autorisation conférant un droit de séjour délivrés par un autre État membre sont tenus de se rendre immédiatement sur le territoire de cet autre État membre. En cas de non-respect de cette obligation par le ressortissant concerné d'un pays tiers ou lorsque le départ immédiat du ressortissant d'un pays tiers est requis pour des motifs relevant de l'ordre public ou de la sécurité nationale, le paragraphe 1 s'applique ".

14. Il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que tout ressortissant d'un pays tiers qui est présent sur le territoire d'un État membre, sans remplir les conditions d'entrée, de séjour ou de résidence dans celui-ci se trouve, de ce seul fait, en séjour irrégulier même si, comme en l'occurrence, ce ressortissant dispose d'un titre de séjour, en cours de validité, dans un autre État membre au motif que ce dernier lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire. En conséquence, l'Etat membre sur le territoire duquel ce ressortissant séjourne irrégulièrement est, en principe, tenu d'adopter une décision de retour lui enjoignant de quitter le territoire de l'Union, même s'il y a lieu de permettre à ce ressortissant, qui séjourne de manière irrégulière sur le territoire d'un État membre tout en disposant d'un droit de séjour dans un autre État membre, de se rendre dans ce dernier plutôt que d'adopter, d'emblée, à son égard une décision de retour, à moins que l'ordre public ou la sécurité nationale ne l'exigent. Toutefois, ce ressortissant ne peut être renvoyé dans son pays d'origine sous peine de méconnaître le principe de non-refoulement, qui est garanti à l'article 18 et à l'article 19, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Si ce ressortissant ne peut davantage être renvoyé vers un pays de transit ou vers un pays tiers dans lequel il aurait décidé de retourner volontairement et qui l'accepterait sur son territoire, et ainsi ne peut faire l'objet d'une décision de retour, la directive " retour " n'empêche pas l'Etat membre de procéder au transfert forcé de ce ressortissant vers un autre État membre dans lequel ledit ressortissant dispose du statut de réfugié.

15. Il résulte de ce qui précède que la directive retour ne faisait pas obstacle à ce que M. A... fasse l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, afin d'être éloigné à destination de l'Italie ou d'un autre pays tiers, à l'exception de son pays d'origine.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

16. L'arrêté du 24 août 2022 vise les articles L. 721-3 à L. 721-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne que M. A... dispose d'une protection internationale en Italie valable jusqu'au 29 mars 2023, et prévoit que s'il se maintient sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, il pourra être reconduit d'office dans le pays de son choix ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible. Dès lors, la décision fixant le pays de renvoi est suffisamment motivée.

17. Cette décision n'a pas pour objet ni pour effet de permettre l'éloignement forcé de M. A... à destination de la République centrafricaine, en méconnaissance du principe de non refoulement. Dès lors, le moyen tiré des risques que celui-ci encourrait en cas de retour dans son pays d'origine doit être écarté comme inopérant.

18. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande dirigée contre la décision de refus de séjour, l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi.

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an :

19. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français ". Et aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ". Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

20. L'arrêté du 24 août 2022 vise les articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et mentionne qu'il ressort de l'examen de sa situation que M. A... est entré récemment en France et ne justifie pas de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, qu'en revanche sa présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public et il n'a pas fait l'objet d'une mesure d'éloignement. Par suite, l'interdiction de retour sur le territoire est suffisamment motivée.

21. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Gironde a pris en compte, pour prendre une interdiction de retour à l'encontre de M. A... et en fixer la durée, l'ensemble des quatre critères fixés à l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

22. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les motifs qu'invoque l'autorité compétente sont de nature à justifier légalement dans son principe et sa durée la décision d'interdiction de retour.

23. Il ressort des pièces du dossier que M. A... ne résidait en France que depuis une année à la date de la décision contestée. Il ne fait état d'aucune attache privée ou familiale sur le territoire. Ainsi, quand bien même sa présence sur le territoire ne représente pas une menace pour l'ordre public, et qu'il n'a fait l'objet précédemment d'aucune mesure d'éloignement, le préfet de la Gironde n'a pas commis d'erreur d'appréciation en interdisant son retour sur le territoire pendant une durée d'un an. Il n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard de son état de santé.

24. La décision fixant le pays de renvoi constitue, en vertu des dispositions de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une décision distincte de l'interdiction de retour sur le territoire français. La décision fixant le pays de renvoi est ainsi sans incidence sur la légalité de la décision portant interdiction de retour. L'adoption de la décision fixant le pays de renvoi conditionne, en revanche, la possibilité pour l'administration d'exécuter d'office l'interdiction de retour sur le territoire français. Dès lors, la circonstance que l'administration n'édicte pas dans un même acte l'interdiction de retour sur le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi de l'intéressé est sans incidence sur la légalité de la première, mais fait obstacle à ce qu'elle puisse être exécutée d'office.

25. Contrairement à ce que soutient M. A..., l'interdiction de retour ne fait pas obstacle à son retour en Italie.

26. Il résulte de ce qui précède que les conclusions tendant à l'annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français doivent être rejetées. Les conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 13 juillet 1991 doivent, par suite, être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 16 novembre 2022 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français.

Article 2 : Les conclusions tendant à l'annulation de l'interdiction de retour sur le territoire français et le surplus des conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera transmise pour information au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 11 décembre 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Ghislaine Markarian, présidente,

M. Frédéric Faïck, président assesseur,

M. Julien Dufour, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 janvier 2024

Le rapporteur,

Julien B...

La présidente,

Ghislaine Markarian La greffière,

Catherine JussyLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23BX01745 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01745
Date de la décision : 16/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MARKARIAN
Rapporteur ?: M. Julien DUFOUR
Rapporteur public ?: M. DUPLAN
Avocat(s) : DA ROS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-16;23bx01745 ?
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