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15/02/2024 | FRANCE | N°23BX00796

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 15 février 2024, 23BX00796


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 6 février 2023 par lequel le préfet de la Gironde a décidé de son transfert aux autorités espagnoles responsables de l'examen de sa demande d'asile.



Par un jugement n°2300839 du 6 mars 2023, la magistrate désignée du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



I. Par une requête enregis

trée le 20 mars 2023 sous le n°23BX00796, Mme A..., représentée par Me Hugon, demande à la cour :



1°) d'infirmer l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 6 février 2023 par lequel le préfet de la Gironde a décidé de son transfert aux autorités espagnoles responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n°2300839 du 6 mars 2023, la magistrate désignée du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 20 mars 2023 sous le n°23BX00796, Mme A..., représentée par Me Hugon, demande à la cour :

1°) d'infirmer le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 6 mars 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 février 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de lui délivrer une attestation de demande d'asile portant la mention " procédure normale " ainsi qu'un formulaire de demande d'asile pour saisine de l'Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA), injonction assortie d'une astreinte fixée à 100 euros par jour de retard à compter du délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir en application de l'article L. 911-3 du code de justice administrative ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Gironde, sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros hors taxes, soit 1 800 TTC à verser à son conseil, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- en s'abstenant de mettre en œuvre la clause discrétionnaire prévue par l'article 17 du règlement UE 604/2013, le préfet de la Gironde a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'arrêté attaqué méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision attaquée est contraire aux stipulations des articles 3-1 et 16-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors qu'elle va avoir pour effet de séparer son enfant de son père.

Par ordonnance du 17 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 3 janvier 2024.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 avril 2023.

II. Par une requête enregistrée le 5 avril 2023 sous le n°23BX00977, Mme A..., représentée par Me Hugon, demande à la cour :

1°) de lui accorder à titre provisoire, le bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) de surseoir à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 6 mars 2023 n° 2300839 sur le fondement de l'article R811-17 du code de justice administrative ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de lui délivrer une attestation de demande d'asile lui permettant de se maintenir sur le territoire français pendant l'examen de l'appel formé devant la cour et ce, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à venir, injonction assortie d'une astreinte fixée à 100 euros par jour de retard, en application de l'article L. 911-3 du code de justice administrative ;

4°) à défaut, d'enjoindre au préfet de la Gironde sur le fondement de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à venir, injonction assortie d'une astreinte fixée à 100 euros par jour de retard, en application de l'article L. 911-3 du code de justice administrative ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros hors taxes, soit 1 800 TTC à verser à son conseil, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- se demande de sursis à exécution du jugement est justifiée au regard des dispositions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative ;

- en s'abstenant de mettre en œuvre la clause discrétionnaire prévue par l'article 17 du règlement UE n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le préfet de la Gironde a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision attaquée est contraire aux stipulations des articles 3-1 et 16-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors qu'elle va avoir pour effet de séparer son enfant de son père ;

- les conséquences de l'exécution du jugement du 6 mars 2023 ne seront pas réparables, pour son jeune fils et elle.

Par un courrier enregistré le 18 septembre 2023, le préfet de la Gironde a informé le tribunal de la prolongation de 18 mois du délai de transfert de Mme A....

Par ordonnance du 17 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 3 janvier 2024.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 avril 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Les rapports de Mme Edwige Michaud ont été entendus au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., de nationalité mauritanienne, née le 11 novembre 1993, est entrée sur le territoire français le 18 août 2022 avec son fils, muni d'un visa délivré par les autorités espagnoles valable du 5 août 2022 au 2 novembre 2022. Elle s'est présentée auprès de la préfecture des Yvelines le 22 septembre 2022 afin de solliciter le bénéfice de l'asile. Les autorités espagnoles, saisies le 26 octobre 2022 d'une requête aux fins de prise en charge sur le fondement de l'article 12.2 du le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ont accepté cette demande pour elle et son enfant, par un accord explicite en date du 7 décembre 2022. Par un arrêté du 6 février 2023, le préfet de la Gironde a décidé de transférer Mme A... aux autorités espagnoles responsables de l'examen de sa demande d'asile. Par sa requête 23BX00796, Mme A... relève appel du jugement du 6 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 février 2023. Par sa requête 23BX00977, Mme A... demande à la cour de surseoir à l'exécution de ce jugement.

Sur la jonction :

2. Les requêtes enregistrées sous les numéros 23BX00796 et 23BX00977 tendent, respectivement, à l'annulation et au sursis à exécution du même jugement. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur la requête n°23BX00796 :

3. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". La faculté laissée par ces dispositions à chaque État membre de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans ce règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

4. Mme A... est entrée en France avec son fils le 18 août 2022. Elle fait valoir que le père de son fils, également de nationalité mauritanienne, qui réside en France sous couvert d'une carte de résident valable du 7 mars 2016 au 6 mars 2026, contribue à son entretien et à son éducation. Toutefois, et d'une part, en se bornant à produire des preuves de transfert de fonds du père de l'enfant à son attention et des réservations de billets de train entre Paris et Bordeaux, Mme A... n'établit pas la réalité et l'intensité des liens que son fils, né le 17 mai 2020, entretiendrait avec son père. D'autre part, si la requérante soutient que la décision attaquée va avoir pour effet de séparer son enfant de son père, ce dernier dispose de la faculté de se rendre en Espagne, au vu de la carte de résident dont il est titulaire. Enfin, la circonstance que la sœur de la requérante, titulaire d'une carte de résident, vit en France, ne suffit pas à démontrer que le centre des intérêts privés et familiaux de Mme A... se situerait désormais sur le territoire français, aucune pièce du dossier ne permettant en outre d'attester de la réalité des liens entretenus avec cette dernière. Par suite, compte tenu de ces éléments et eu égard à la durée de son séjour en France de moins de six mois à la date de la décision contestée, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation pour ne pas avoir mis en œuvre la clause discrétionnaire prévue par l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 et qu'elle méconnaitrait les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 3-1 et 16 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

5. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

6. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la requête n°23BX00977 :

7. Mme A... été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 25 avril 2023. Par suite, ses conclusions tendant à obtenir l'aide juridictionnelle à titre provisoire sont devenues sans objet. Il n'y a pas lieu d'y statuer.

8. La cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions à fin d'annulation du jugement de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Bordeaux du 6 mars 2023, les conclusions du recours n° 23BX00977 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du même jugement sont devenues sans objet.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête 23BX00977.

Article 2 : La requête n°23BX00796 de Mme A... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 25 janvier 2024 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Edwige Michaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2024.

La rapporteure,

Edwige MichaudLe président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Stéphanie Larrue

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX00796,23BX00977


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00796
Date de la décision : 15/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Edwige MICHAUD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL CERA
Avocat(s) : HUGON

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-15;23bx00796 ?
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