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27/02/2024 | FRANCE | N°23BX02388

France | France, Cour administrative d'appel, 6ème chambre, 27 février 2024, 23BX02388


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



M. C... B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 1er août 2023 par lequel la préfète de la Haute-Vienne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a interdit son retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans.





Par un jugement n° 2304307 du 7 août 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.










Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 5 septembre 2023, M. C... B... A....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 1er août 2023 par lequel la préfète de la Haute-Vienne l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a interdit son retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2304307 du 7 août 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 septembre 2023, M. C... B... A..., représenté par Me Chadourne, demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 7 août 2023 ;

3°) de faire droit à sa demande de première instance ;

4°) d'ordonner la levée de son signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- il participe effectivement à l'éducation et à l'entretien de ses deux enfants de nationalité française, si bien que le 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile faisait obstacle à son éloignement du territoire ; il n'est privé d'autorité parentale que sur son fils aîné, et provisoirement pendant la durée d'interdiction d'entrer en contact avec la mère des enfants ;

- il ne représente pas une menace pour l'ordre public, laquelle ne peut être démontrée par la seule présence de signalements au fichier de traitement des antécédents judiciaires ; il n'a fait l'objet d'aucune poursuite dans les deux affaires mentionnées dans le fichier ;

- la préfète de la Haute-Vienne devait saisir les services de police nationale et le procureur de la République en application de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale ;

- ses deux condamnations pour violences conjugales ne démontrent pas une menace réelle, grave et actuelle à l'ordre public ;

- la mesure d'éloignement porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et méconnaît l'intérêt supérieur de l'enfant consacré par l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision le privant de délai de départ volontaire est privée de base légale en raison de l'illégalité de la mesure d'éloignement ;

- la préfète de la Haute-Vienne ne pouvait légalement le priver de tout délai de départ volontaire dès lors que sa présence ne représente pas une menace pour l'ordre public et qu'il dispose de garanties de représentation ;

- la décision fixant le pays de renvoi est privée de base légale en raison de l'illégalité de la mesure d'éloignement ;

- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée et l'administration n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation ;

- l'interdiction de retour est privée de base légale en raison de l'illégalité de la mesure d'éloignement ;

- la préfète de la Haute-Vienne n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation et a commis des erreurs de fait ;

- dès lors que sa présence ne constitue pas une menace à l'ordre public, l'interdiction de retour est entachée d'erreur d'appréciation ;

- l'interdiction de retour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et méconnait l'intérêt supérieur de l'enfant consacré par l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

La clôture de l'instruction a été fixée au 8 janvier 2024 par une ordonnance du 7 décembre 2023.

Vu le mémoire, présenté par le préfet de la Haute-Vienne, enregistré le 2 février 2024, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Bordeaux du 3 octobre 2023, M. B... A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapporteur public a été dispensé, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique, a été entendu le rapport de M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B... A..., ressortissant tunisien né le 25 février 1996, a été interpelé par les services de gendarmerie de Feytiat le 1er août 2023. La préfète de la Haute-Vienne, par un arrêté du même jour, a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé une interdiction de retour pendant une durée de trois ans. M. B... A..., qui a également été placé en rétention administrative, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler cet arrêté. Il relève appel du jugement du 7 août 2023 par lequel la magistrate désignée par la présidente de ce tribunal a rejeté sa demande.

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Par une décision du 3 octobre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a accordé à M. B... A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Dès lors, les conclusions de l'appelant tendant à son admission provisoire à l'aide juridictionnelle sont dépourvues d'objet. Il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; (...) / 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; (...) ". La préfète de la Haute-Vienne a décidé l'éloignement de M. B... A... sur le fondement de ces dispositions au motif que le préfet de Seine-et-Marne avait refusé de renouveler son titre de séjour par arrêté du 15 décembre 2021 et, au surplus, au motif que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public.

4. Si M. B... A... soutient que les signalements dont il fait l'objet au Traitement des Antécédents judiciaires (TAJ) mentionnés par la préfète de la Haute-Vienne, ont été consultés en méconnaissance des dispositions de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale, le requérant ne peut utilement invoquer, à l'encontre de la mesure d'éloignement en litige, cette méconnaissance dès lors que l'article R. 40-29 du code de procédure pénale vise les enquêtes prévues à l'article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 qui concerne l'instruction des demandes de délivrance et de renouvellement des titres relatifs à l'entrée et au séjour des étrangers.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... A... a été condamné le 30 octobre 2020, par le tribunal correctionnel de Fontainebleau, à quatre mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de violence en réunion commis le 21 novembre 2019, puis par la même juridiction, le 14 octobre 2021, à une peine d'emprisonnement de douze mois, dont six avec sursis, pour de nouveaux faits de violence, cette fois sur son épouse, commis le 2 juillet 2021, en présence de leur enfant. Il résulte des mentions manuscrites figurant sur ce dernier jugement que celui-ci a été confirmé pour l'essentiel en appel par un arrêt du 29 mai 2022. Il ressort également des motifs de ce jugement que le comportement violent de M. B... A... à l'égard de sa conjointe n'était pas isolé. En outre, il n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il aurait amendé son attitude, notamment en respectant l'obligation de soins imposée par le tribunal correctionnel. Alors qu'il avait également l'obligation de ne pas entrer en contact avec son épouse pendant deux ans, M. B... A... n'a manifestement pas respecté cette décision de justice assortie de l'exécution provisoire, puisque le couple a eu un deuxième enfant né le 9 novembre 2022. Dans ces conditions, la préfète de la Haute-Vienne, n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que la présence de M. B... A... sur le territoire constituait une menace pour l'ordre public.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; (...) ". Il ressort des pièces du dossier que le jugement du 14 octobre 2021 a privé M. B... A... de l'autorité parentale sur son fils aîné pendant une durée de trois ans. Les trois attestations qu'il produit, émanant de son épouse ou de proches, et insuffisamment précises, ne démontrent pas son implication dans l'éducation du plus jeune enfant, alors que l'intéressé ne réside pas avec son épouse et ses enfants, le jugement y faisant, au demeurant, obstacle. En outre, les captures d'écran de virements et les factures figurant au dossier sont insuffisamment probantes pour établir sa contribution effective à l'entretien des enfants. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". M. B... A... soutient qu'il réside en France depuis 2015, soit depuis plus de 8 ans, qu'il est père de deux enfants français auxquels il est attaché et pour lesquels il contribue à l'entretien et à l'éducation, qu'il est voué à récupérer l'exercice de l'autorité parentale à l'égard de son fils aîné à l'issue de la période de condamnation et exerce néanmoins, dans cette attente, un droit de visite à l'égard de ses fils et justifie d'une intégration professionnelle. Toutefois, si l'appelant a été titulaire d'un titre de séjour temporaire valable du 11 mars 2020 au 10 mars 2021, il ressort des pièces du dossier qu'il s'est ensuite maintenu en situation irrégulière en France, sa demande de renouvellement de son titre de séjour ayant été rejetée après un avis défavorable de la commission de titre de séjour. Il n'établit pas avoir résidé de manière habituelle en France entre 2015 et 2019. Ainsi qu'il a été dit, il a l'interdiction d'entrer en contact et de se présenter au domicile de son épouse, et n'établit pas contribuer à l'entretien et à l'éducation de ses enfants. M. B... A... n'est pas dépourvu d'attaches en Tunisie, où résident notamment ses parents. Compte tenu de la menace à l'ordre public que son comportement, décrit au point 5 du présent arrêt, représente, et nonobstant la circonstance qu'il exerce une activité professionnelle depuis le 1er août 2022 sous contrat à durée indéterminée, l'arrêté contesté ne porte pas, au regard des buts en vue desquels il a été pris, une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale, tel que garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le moyen tiré de l'erreur manifeste commise par la préfète de la Haute-Vienne dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement sur la situation personnelle de M. B... A... doit être écarté, pour les mêmes motifs.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernent. Toutefois, compte tenu de ce qui a été dit au point 5 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté.

Sur la légalité de la décision refusant d'accorder à M. B... A... un délai de départ volontaire :

9. Il résulte de ce qui précède que M. B... A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant refus de délai de départ.

10. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. (...) ". Aux termes de l'article L. 612-2 de ce code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / 2° L'étranger s'est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse ; / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Et aux termes de son article L. 612-3 : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5 ". La préfète de la Haute-Vienne a estimé que la situation de M. B... A... répondait à la fois aux exigences des 1°, 2° et 3° de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le moyen tiré de ce que son comportement ne constituerait pas une menace pour l'ordre public doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux figurant au point 5 du présent arrêt. En admettant même que le 2° de l'article L. 612-2 ne lui soit pas applicable, ou qu'il disposerait de garanties de représentation suffisantes, l'autorité administrative pouvait légalement le priver d'un délai de départ volontaire, et il résulte de l'instruction qu'elle aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur la menace de trouble à l'ordre public.

Sur la légalité de la décision fixant la Tunisie comme pays de renvoi :

11. Il résulte de ce qui précède que M. B... A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi.

12. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ". Et aux termes de l'article L. 211-5 de ce code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". L'arrêté attaqué vise puis cite les articles L. 721-3 et L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, et mentionne que M. B... A... est de nationalité tunisienne et n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment du procès-verbal de son audition du 1er août 2023, que M. B... A..., aurait fait état devant les forces de gendarmerie, contrairement à ce qu'il soutient, d'un quelconque risque en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, l'arrêté, qui comporte les considérations de fait et de droit constituant le fondement de la décision fixant la Tunisie comme pays de renvoi en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement visant M. B... A..., est suffisamment motivé et le moyen tiré de ce que la préfète de la Haute-Vienne n'aurait pas examiné sérieusement sa situation doit être écarté comme manquant en fait.

Sur la légalité de la décision interdisant le retour de M. B... A... sur le territoire pendant trois ans :

13. Il résulte de ce qui précède que M. B... A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'interdiction de retour.

14. M. B... A... reprend en appel le moyen, qu'il avait invoqué en première instance et tirés de l'insuffisante motivation de la décision interdisant son retour sur le territoire pendant une durée de trois ans. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption du motif retenu par le tribunal administratif de Bordeaux au point 24 de son jugement.

15. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ". Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour fixer la durée de l'une interdiction de retour prévue à l'article L. 612-6 du CESEDA, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les motifs qu'invoque l'autorité compétente sont de nature à justifier légalement dans sa durée la décision d'interdiction de retour.

16. Il ressort des pièces du dossier que la présence de M. B... A... sur le territoire, qui n'est pas établie antérieurement à l'année 2019, représente une menace pour l'ordre public. Il a notamment été condamné pour des violences commises sur son épouse en présence de son fils ainé. Il n'établit pas participer à l'entretien et à l'éducation de ses enfants de nationalité française. Il s'est soustrait à l'exécution d'une première mesure d'éloignement, notifiée le 17 décembre 2021. Même si M. B... A... exerce une activité professionnelle, la préfète de la Haute-Vienne n'a pas commis d'erreur d'appréciation en fixant à trois ans la durée de l'interdiction de retour sur le territoire de l'appelant, et n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

17. Il résulte de ce qui précède que M. B... A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande, et sa requête doit par suite être rejetée en toutes ses conclusions.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B... A... tendant au bénéfice de l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre mer. Copie en sera transmise à la préfète de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 5 février 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Ghislaine Markarian, présidente,

M. Frédéric Faïck, président assesseur,

M. Julien Dufour, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 février 2024.

Le rapporteur,

Julien D...

La présidente,

Ghislaine Markarian

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au ministre de l'Intérieur et des Outre mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23BX02388 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX02388
Date de la décision : 27/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MARKARIAN
Rapporteur ?: M. Julien DUFOUR
Rapporteur public ?: M. DUPLAN
Avocat(s) : CHADOURNE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-27;23bx02388 ?
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