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12/03/2024 | FRANCE | N°22BX02355

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 12 mars 2024, 22BX02355


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société civile immobilière (SCI) du Fer à Cheval a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 22 octobre 2020 par lequel le maire de Chatenet l'a mise en demeure de mettre en conformité son installation d'assainissement individuel.



Par un jugement n° 2003192 du 24 juin 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enreg

istrée le 29 août 2022 complétée de pièces le 17 octobre 2022 et d'un mémoire le 2 février 2024, ce dernier non communiqué...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) du Fer à Cheval a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 22 octobre 2020 par lequel le maire de Chatenet l'a mise en demeure de mettre en conformité son installation d'assainissement individuel.

Par un jugement n° 2003192 du 24 juin 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 août 2022 complétée de pièces le 17 octobre 2022 et d'un mémoire le 2 février 2024, ce dernier non communiqué, la société du Fer à Cheval, représentée par Me Gomez, puis par Me Caparros, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 octobre 2020 par lequel le maire de Chatenet l'a mise en demeure de mettre en conformité son installation d'assainissement individuel ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Chatenet la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la compétence en matière d'assainissement a été transférée à la communauté de communes de Haute Saintonge, de sorte que l'arrêté a été pris par une autorité incompétente ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne la réalité des nuisances, alors que la société a respecté les modalités et la périodicité d'entretien du dispositif d'assainissement individuel et qu'en l'absence de rejet constaté, aucun risque pour la salubrité n'est démontré ;

- il est également entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne la prescription de travaux car elle a toujours eu l'intention d'entreprendre ces travaux et c'est l'attitude de la commune elle-même qui a conduit au blocage de sa démarche, le seul emplacement possible pour la cuve se trouvant empêché du fait de l'incertitude quant aux limites de la voie publique, alors que la commune s'est opposée à une procédure d'alignement.

Par un mémoire enregistré le 16 janvier 2024, la commune de Chatenet, représentée par son maire en exercice et ayant pour avocat Me Pricot, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Par ordonnance du 17 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 5 février 2024 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Laurent Pouget,

- les conclusions de Mme Isabelle Le Bris, rapporteure publique,

- et les observations de Me Caparros, représentant la société du Fer à Cheval.

Une note en délibéré présentée par Me Caparros a été enregistrée le 14 février 2024.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière du Fer à Cheval a fait l'acquisition le 25 août 2016 d'une maison d'habitation sur un terrain cadastré section B n° 1285 sur le territoire de la commune de Chatenet. A la suite d'un contrôle du dispositif d'assainissement individuel de la propriété réalisé en juin 2016 par le syndicat des eaux de Charente-Maritime, qui a révélé un risque pour la salubrité publique, le maire de Chatenet a accordé un an à la société, par un courrier du 13 septembre 2016, pour entreprendre des travaux de mise aux normes de ce dispositif. En l'absence de mise en conformité du dispositif en dépit de plusieurs relances, le maire de Chatenet a, par un arrêté du 22 octobre 2020, mis en demeure la société de procéder aux travaux nécessaires dans un délai de trois mois, sans quoi la commune pourrait y procéder d'office aux frais du propriétaire. La société du Fer à Cheval relève appel du jugement du 24 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté du 22 octobre 2020.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques (...) ".

3. D'autre part, selon l'article L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales : " I. - Les communes sont compétentes en matière d'assainissement des eaux usées. (...) / II. - Les communes assurent le contrôle des raccordements au réseau public de collecte, la collecte, le transport et l'épuration des eaux usées, ainsi que l'élimination des boues produites. (...) / III. - Pour les immeubles non raccordés au réseau public de collecte, la commune assure le contrôle des installations d'assainissement non collectif. (...) ". Selon l'article L. 1331-1-1 du code de la santé publique : " I. - Les immeubles non raccordés au réseau public de collecte des eaux usées sont équipés d'une installation d'assainissement non collectif dont le propriétaire assure l'entretien régulier et qu'il fait périodiquement vidanger par une personne agréée par le représentant de l'Etat dans le département, afin d'en garantir le bon fonctionnement (...) ". Aux termes de l'article L. 1331-4 du même code : " Les ouvrages nécessaires pour amener les eaux usées à la partie publique du branchement sont à la charge exclusive des propriétaires (...) / Ils doivent être maintenus en bon état de fonctionnement par les propriétaires. La commune en contrôle la qualité d'exécution et peut également contrôler leur maintien en bon état de fonctionnement. ". Et l'article L. 1331-6 du même code dispose que " Faute par le propriétaire de respecter les obligations édictées aux articles L. 1331-1 (...), la commune peut, après mise en demeure, procéder d'office et aux frais de l'intéressé aux travaux indispensables (...) ".

4. Enfin, aux termes de l'article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable au litige : " I. A. Sans préjudice de l'article L. 2212-2 du présent code et par dérogation à l'article L. 1311-2 et au deuxième alinéa de l'article L. 1331-1 du code de la santé publique, lorsqu'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre est compétent en matière d'assainissement, les maires des communes membres de celui-ci transfèrent au président de cet établissement les attributions lui permettant de réglementer cette activité (...) II. (...) A la date du transfert des pouvoirs mentionnés au I, le président de l'établissement public de coopération intercommunale est substitué aux maires concernés dans tous les actes relevant des pouvoirs transférés ". Par dérogation à ces dispositions, le III de ce même article dispose, dans sa rédaction alors en vigueur, que : " Dans un délai de six mois suivant la date à laquelle les compétences mentionnées au A du I ont été transférées à l'établissement ou au groupement, un ou plusieurs maires peuvent s'opposer, dans chacun de ces domaines, au transfert des pouvoirs de police. A cette fin, ils notifient leur opposition au président de l'établissement public de coopération intercommunale ou du groupement de collectivités territoriales. Il est alors mis fin au transfert pour les communes dont les maires ont notifié leur opposition. / (...) Dans un délai de six mois suivant la date de l'élection du président de l'établissement public de coopération intercommunale (...), si le prédécesseur de ce dernier n'exerçait pas dans une commune l'un des pouvoirs de police mentionnés au A du I, le maire de cette commune peut s'opposer au transfert de ce pouvoir. Il notifie son opposition au président de l'établissement public de coopération intercommunale (...). A défaut, le transfert devient effectif à l'expiration de ce délai ou, le cas échéant, du délai supplémentaire d'un mois prévu à la première phrase de l'avant-dernier alinéa du présent III. / Si un ou plusieurs maires des communes concernées se sont opposés au transfert de leurs pouvoirs de police, le président de l'établissement public de coopération intercommunale (...) peut, à compter de la première notification de l'opposition et jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la fin de la période pendant laquelle les maires étaient susceptibles de faire valoir leur opposition, renoncer, dans chacun des domaines mentionnés au A du I, à ce que les pouvoirs de police spéciale des maires des communes membres lui soient transférés de plein droit. Il notifie sa renonciation à chacun des maires des communes membres (...) ".

5. En premier lieu, les dispositions précitées de l'article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales ont organisé un transfert automatique aux présidents des établissement public de coopération intercommunale de l'exercice de la police spéciale en matière de contrôle des installations d'assainissement non collectif dès la date du transfert de la compétence relative à l'assainissement, sauf à ce que les maires concernés notifient leur opposition à ce transfert du pouvoir de police, soit dans les six mois suivant la date du transfert de la compétence, soit dans les six mois suivant l'élection d'un nouveau président de l'établissement public, ce dernier pouvant alors refuser le transfert à son profit du pouvoir de police spéciale dans un délai de sept mois suivant son élection.

6. Il est constant que la compétence en matière d'assainissement a été transférée à la communauté de communes de la Haute Saintonge à compter du 1er janvier 2020, conformément aux dispositions de l'article 64 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier, ni n'est d'ailleurs allégué par la commune de Chatenet, que son maire se serait opposé avant le 1er juillet 2020 au transfert au président de la communauté de communes de la Haute-Saintonge de l'exercice des pouvoirs qu'il détenait jusqu'alors en matière de police spéciale de l'assainissement en vertu des articles L. 1311-1 et suivants du code de la santé publique. Si une majorité des maires des communes membres de la communauté de communes, dont celui de Chatenet, ont en revanche fait connaître avant le 15 janvier 2021 au nouveau président de l'établissement public de coopération intercommunale élu le 15 juillet 2020 leur opposition à un tel transfert, ce n'est que par un arrêté du 25 janvier 2021 que ce dernier a renoncé à exercer la police spéciale en matière d'assainissement non collectif. Par suite, à la date de l'arrêté litigieux du 22 octobre 2020, le maire de Chatenet n'était pas compétent pour mettre en œuvre les dispositions précitées de l'article L. 1331-6 du code de la santé publique, ainsi que le relève la société requérante.

7. Toutefois, l'octroi au président de la communauté de communes de la Haute-Saintonge, entre le 1er juillet 2020 et le 25 janvier 2021, des pouvoirs de police spéciale en matière de contrôle des installations d'assainissement non collectif sur le territoire de la commune de Chatenet, n'a pas privé le maire de ladite commune des pouvoirs de police générale qu'il tient des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, notamment en vue de prévenir et faire cesser les pollutions de toute nature. Or il ressort des pièces du dossier, en particulier du compte-rendu de contrôle périodique établi le 24 mai 2016 par le syndicat des eaux de Charente-Maritime et d'un constat d'huissier dressé le 27 octobre 2020, que l'absence de dispositif d'assainissement individuel réglementaire sur le terrain appartenant à la société Le Fer à Cheval a pour conséquence des écoulements d'eaux polluées en provenance de cette propriété, qui traversent la voie communale adjacente et s'évacuent sur le terrain d'un propriétaire voisin, lequel se plaint que son puits a été souillé par des matières fécales et indique subir régulièrement de mauvaises odeurs. Dans ces conditions, le maire de la commune était compétent, au titre de ses pouvoirs de police générale, pour mettre en demeure la SCI du Fer à Cheval de mettre son installation en conformité dans un délai de trois mois.

8. En revanche, les dispositions des articles L. 2212-1 et L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ne lui permettaient pas de prévoir, à l'article 5 de l'arrêté litigieux, qu'à défaut de l'exécution des travaux de mise aux normes par la société propriétaire, il y serait procédé d'office à ses frais.

9. En deuxième lieu, la société Le Fer à Cheval reprend en appel le moyen soulevé devant le tribunal relatif à l'insuffisance de motivation de l'arrêté du 22 octobre 2020, sans l'assortir d'arguments de fait et de droit nouveaux. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges au point 4 du jugement attaqué.

10. En dernier lieu, en se bornant à faire valoir qu'elle a procédé à des vidanges de la fosse septique les 2 novembre 2016 et 11 juillet 2018 et que l'huissier mandaté le 27 octobre 2020 par le propriétaire voisin n'a pu lui-même constater aucune pollution ce jour-là, la société requérante, qui admet l'absence de conformité de son dispositif d'assainissement individuel, ne remet pas sérieusement en cause les constats mentionnés au point 7 ci-dessus, et notamment le compte-rendu de contrôle réalisé par le syndicat des eaux de Charente-Maritime, dont il résulte que les eaux usées sont évacuées directement sur une parcelle voisine avec un risque pour la santé des personnes. La société ne peut davantage se prévaloir d'une incertitude sur les limites de la voie communale longeant sa propriété, dans la mesure où, alors qu'elle dispose d'un terrain de plus de 7 000 m2, elle n'établit pas par les pièces qu'elle produit qu'elle n'aurait techniquement pas d'autre solution que de réaliser les travaux de mise en œuvre d'un nouveau dispositif d'assainissement au droit de cette voie. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux est entaché d'une erreur d'appréciation doit être écarté.

11. Il résulte de ce qui précède que la société Le Fer à Cheval est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que le jugement attaqué n'a pas annulé l'article 5 de l'arrêté du maire de Chatenet du 2 octobre 2020.

12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE

Article 1er : Le jugement n° 2003192 du 24 juin 2022 du tribunal administratif de Poitiers est annulé en tant qu'il n'a pas prononcé l'annulation de l'article 5 de l'arrêté du maire de Chatenet du 2 octobre 2020.

Article 2 : L'article 5 de l'arrêté du maire de Chatenet du 2 octobre 2020 est annulé.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière du Fer à Cheval et la commune de Chatenet.

Délibéré après l'audience du 13 février 2024 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 mars 2024.

La présidente-assesseure,

Marie-Pierre Beuve Dupuy

Le président-rapporteur,

Laurent Pouget Le greffier,

Anthony Fernandez

La République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX02355


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02355
Date de la décision : 12/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : LAVALETTE AVOCATS CONSEILS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-12;22bx02355 ?
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