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09/04/2024 | FRANCE | N°23BX02368

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 09 avril 2024, 23BX02368


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler d'une part, l'arrêté du 25 avril 2023 par lequel le préfet de la Gironde l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans, d'autre part, l'arrêté du 25 avril 2023 par lequel le préfet de la Gironde l'a assigné à résidence dans le département de la Giro

nde pour une durée de 45 jours.



Par un jugement n° 2302256 du 5 mai 2023, la magist...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler d'une part, l'arrêté du 25 avril 2023 par lequel le préfet de la Gironde l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans, d'autre part, l'arrêté du 25 avril 2023 par lequel le préfet de la Gironde l'a assigné à résidence dans le département de la Gironde pour une durée de 45 jours.

Par un jugement n° 2302256 du 5 mai 2023, la magistrate désignée du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 août 2023, M. A..., représenté par Me Hugon, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 2302256 du 5 mai 2023 de la magistrate désignée du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 avril 2023 par lequel le préfet de la Gironde l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt sous peine d'astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 800 euros, toutes taxes comprises, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi :

- le préfet ne démontre avoir saisi ni le procureur de la République, ni les services de police pour s'enquérir des suites judiciaires données aux mentions du fichier TAJ, le privant ainsi d'une garantie ; il n'a pas examiné sa situation dans sa globalité ;

- les décisions méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- les décisions méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

S'agissant de la décision de refus de délai de départ volontaire :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de l'interdiction de retour d'une durée de trois ans :

- la décision est privée de base légale, en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire et de la décision refusant de fixer un délai de départ volontaire ;

- la décision méconnait l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- la décision est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur de droit au regard des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnait l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

S'agissant de l'assignation à résidence :

- la décision est privée de base légale.

La requête a été communiquée le 27 novembre 2023 au préfet de la Gironde.

Par ordonnance du 27 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 15 janvier 2024 à 12h00.

M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 20 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Martin,

- et les observations de Me Hugon, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant arménien né le 9 mai 1986, serait entré en France en 2009. Le préfet de la Gironde a pris à son encontre, par arrêté du 25 avril 2023 une obligation de quitter sans délai le territoire français à destination du pays dont il a la nationalité ou tout autre pays dans lequel il serait légalement admissible et une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. Par un arrêté du même jour, l'intéressé a été assigné à résidence pour une durée de 45 jours. M. A... relève appel du jugement par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 avril 2023 du préfet de la Gironde qui lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée de trois ans.

2. Le préfet de la Gironde a pris la décision d'obligation de quitter le territoire français aux motifs que M. A... a fait l'objet de trois refus de titre de séjour assortis de mesures d'éloignement en date des 20 décembre 2017, 29 juillet 2015 et 18 juillet 2013, que l'intéressé ne justifie pas de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France et qu'il est défavorablement connu des services de police. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé réside en France depuis plus de treize ans à la date de la décision attaquée et que les seuls faits délictueux pour lesquels il a fait l'objet d'une condamnation par le tribunal correctionnel le 5 février 2013 à huit mois d'emprisonnement dont six mois avec sursis sont anciens. Il justifie de la stabilité et de l'intensité des liens établis sur le territoire français à la suite de son mariage avec une ressortissante russe le 19 juin 2014 et de la naissance en France de leurs deux enfants le 20 mai 2015 et le 5 juin 2017, ainsi que de la présence en France de son frère et de sa sœur ainsi que de leurs familles respectives, tous titulaires de titres de séjour. Il ressort surtout des pièces du dossier que le requérant héberge ses parents, de nationalité ukrainienne, titulaires d'une autorisation de séjour en qualité de bénéficiaires de la protection temporaire du 18 novembre 2020 au 18 novembre 2030. Dans les circonstances très particulières de l'espèce, alors même que M. A... a fait l'objet de précédentes mesures d'éloignement et que son épouse est en situation irrégulière sur le territoire français, eu égard à la durée de son séjour en France, à la présence régulière en France de l'ensemble de sa famille, et alors qu'il n'est pas démontré qu'il pourra reconstituer sa vie en Arménie avec son épouse qui n'a pas la même nationalité, pays dans lequel il n'a d'ailleurs quasiment plus d'attaches, le préfet de la Gironde a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la mesure d'éloignement en litige sur la situation personnelle de l'intéressé. Par suite, M. A... est fondé à demander l'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français ainsi que, par voie de conséquence, celle des décisions, également contenues dans l'arrêté contesté, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, fixant le pays de renvoi et lui interdisant de revenir sur le territoire français pendant une durée de trois ans.

3. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Gironde du 25 avril 2023.

4. L'exécution du présent arrêt d'annulation n'implique pas qu'un titre de séjour soit délivré à M. A... mais seulement que le préfet de la Gironde, conformément aux dispositions de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, procède au réexamen de la situation de M. A... et munisse l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour. Par suite, il y a lieu, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, d'enjoindre à cette autorité de procéder au réexamen de la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui remettre, sans délai, une autorisation provisoire de séjour.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros à verser à Me Hugon au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Hugon renonce à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 3 mai 2023 et l'arrêté du préfet de la Gironde du 25 avril 2023 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de procéder au réexamen de la situation de M. A..., dans les conditions prévues ci-dessus.

Article 3 : L'État versera à Me Hugon la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans les conditions prévues ci-dessus.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Lucile Hugon et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera communiquée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 19 mars 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2024.

La rapporteure,

Bénédicte MartinLa présidente,

Evelyne Balzamo

Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX02368


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX02368
Date de la décision : 09/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Bénédicte MARTIN
Rapporteur public ?: Mme GAY
Avocat(s) : HUGON

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-09;23bx02368 ?
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