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11/04/2024 | FRANCE | N°22BX00225

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 1ère chambre, 11 avril 2024, 22BX00225


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 13 août 2019 par lequel le maire de la commune de Bordeaux a accordé à Mme B... un permis de construire en vue de la transformation d'un garage en pièce d'habitation sur un terrain situé 38 allée des Peupliers, ainsi que la décision du 22 octobre 2019 rejetant son recours gracieux.



Par un jugement n°2000045 du 18 novembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rej

eté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 18...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 13 août 2019 par lequel le maire de la commune de Bordeaux a accordé à Mme B... un permis de construire en vue de la transformation d'un garage en pièce d'habitation sur un terrain situé 38 allée des Peupliers, ainsi que la décision du 22 octobre 2019 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n°2000045 du 18 novembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 janvier 2022, et un mémoire récapitulatif non communiqué, enregistré le 29 février 2024, Mme C... A... et M. F... A..., représentés par Me Ducourau, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 novembre 2021 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 août 2019 du maire de la commune de Bordeaux ainsi que la décision du 22 octobre 2019 de rejet du recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Bordeaux une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il est entaché d'erreur de droit et d'erreur manifeste dans la qualification juridique des faits en ne prenant pas en compte la circonstance que du fait de la configuration des lieux, le garage constituait un bâtiment distinct et indépendant et non l'accessoire de la maison de Mme B... et que le permis en litige portait donc sur la création d'un nouveau logement ;

- du fait de la situation distincte et indépendante dans le cadre de la copropriété horizontale du lot n°3 supportant le garage, qui est séparé et isolé du lot n°1 maison d'habitation, le permis de construire sollicité consiste en la création d'un logement nouveau ;

- de ce fait, le projet méconnaît l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme en l'absence d'information relative au raccordement aux réseaux publics et de convention de servitude pour l'aménagement de ces réseaux ;

- ce permis est entaché de fraude dès lors que le projet vise en réalité la construction d'un nouveau logement indépendant ;

- ce projet méconnaît l'article 3.2.2 du règlement de la zone UM8 du plan local d'urbanisme 3.1 de Bordeaux Métropole, en l'absence d'un accès à la voie publique de largeur suffisante ;

- il méconnaît l'article 1.4.1.2 de ce règlement en l'absence de création d'une place de stationnement.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 janvier 2024, la commune de Bordeaux, représentée par Me Berard, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme A... et M. A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Christelle Brouard-Lucas,

- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public,

- et les observations de Me Ducourau, représentant Mme et M. A..., et les observations de Me Berard, représentant la commune de Bordeaux.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 13 août 2019 par lequel le maire de Bordeaux a délivré à Mme B... un permis de construire sur un terrain situé 38 allée des peupliers, pour transformer son garage en pièce d'habitation supplémentaire, ainsi que la décision du 22 octobre 2019 rejetant son recours gracieux. Mme A... et son père M. A... relèvent appel du jugement du 18 novembre 2021 par lequel le tribunal a rejeté leur demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Les moyens tirés de ce que le jugement serait entaché d'erreur de droit et d'erreur manifeste dans la qualification juridique des faits en ne prenant pas en compte la circonstance que, du fait de la configuration des lieux, le garage constituait un bâtiment distinct et indépendant et non l'accessoire de la maison de Mme B... et que le permis en litige portait donc sur la création d'un nouveau logement ont trait au bien-fondé du jugement et non à sa régularité. Par suite, ces moyens présentés au titre de l'irrégularité du jugement ne peuvent qu'être écartés.

Sur le fond :

3. En premier lieu, l'autorité administrative saisie d'une demande de permis de construire peut relever les inexactitudes entachant les éléments du dossier de demande relatifs au terrain d'assiette du projet, notamment sa surface ou l'emplacement de ses limites séparatives, et, de façon plus générale, relatifs à l'environnement du projet de construction, pour apprécier si ce dernier respecte les règles d'urbanisme qui s'imposent à lui. En revanche, le permis de construire n'ayant d'autre objet que d'autoriser la construction conforme aux plans et indications fournis par le pétitionnaire, elle n'a à vérifier ni l'exactitude des déclarations du demandeur relatives à la consistance du projet à moins qu'elles ne soient contredites par les autres éléments du dossier joint à la demande tels que limitativement définis par les dispositions des articles R. 431-4 et suivants du code de l'urbanisme, ni l'intention du demandeur de les respecter, sauf en présence d'éléments établissant l'existence d'une fraude à la date à laquelle l'administration se prononce sur la demande d'autorisation.

4. Il ressort des pièces du dossier que le projet contesté a pour objet la transformation d'un garage existant en une annexe à la maison d'habitation par la création d'une chambre et d'une salle de bain pour une occupation personnelle par la pétitionnaire, à titre de résidence principale. Il est constant que ce garage constitue un accessoire de la maison d'habitation de la pétitionnaire et qu'il est par suite réputé avoir la même destination d'habitation en application de l'article R.151-29 du code de l'urbanisme. Il ressort en outre des pièces du dossier que si le garage, édifié en fond de parcelle, constitue un bâtiment distinct de celui abritant l'habitation de la pétitionnaire édifié en façade de la parcelle, dont il est séparé par un autre bâtiment et un jardin, Mme B... est propriétaire d'une bande d'un mètre de large longeant ce bâtiment qui permet d'accéder au garage depuis sa maison, les propriétaires du bâtiment intermédiaire ne bénéficiant d'une servitude de passage sur cette bande que dans sa partie la plus proche de la rue. Dans ce contexte, l'éloignement du garage, les circonstances que Mme B... avait bénéficié d'une première décision de non-opposition à déclaration préalable en 2018 pour un projet de changement de destination d'un garage en habitation compensé par une place de garage non close puis d'un permis de construire en avril 2019 pour la transformation d'un garage en meublé de tourisme, autorisations qui ont toutes les deux été retirées à la suite des recours de Mme A..., que ce garage pourrait faire l'objet d'une revente séparée et que le projet répondrait à la définition de logement au sens du code de la construction et de l'habitation et du règlement sanitaire départemental de la Gironde, ne sont pas de nature à le faire regarder comme un logement nouveau.

5. En deuxième lieu, ces circonstances ne sont pas davantage de nature à établir que Mme B... aurait en réalité le projet de créer un nouveau logement indépendant et qu'elle aurait tenté de tromper l'administration dans le but de se soustraire aux règles d'urbanisme applicables aux logements nouveaux. Par suite, le moyen tiré de ce que ce projet aurait été obtenu par fraude doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse (...) indique également, le cas échéant, les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages seront raccordés aux réseaux publics ou, à défaut d'équipements publics, les équipements privés prévus, notamment pour l'alimentation en eau et l'assainissement. Lorsque le terrain n'est pas directement desservi par une voie ouverte à la circulation publique, le plan de masse indique l'emplacement et les caractéristiques de la servitude de passage permettant d'y accéder (...) ".

7. Si la régularité de la procédure d'instruction d'un permis de construire requiert la production, par le pétitionnaire, de l'ensemble des informations et documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, l'absence d'un élément d'information ou le caractère insuffisant du contenu de l'un de ces documents ne constitue pas nécessairement une irrégularité de nature à entacher la légalité de l'autorisation si l'autorité compétente est en mesure, grâce aux autres pièces produites, d'apprécier l'ensemble des composantes du projet et leur conformité aux dispositions applicables.

8. Il ressort des pièces du dossier que le plan de masse joint au dossier de demande de permis de construire ne comporte aucune information relative au raccordement de cette nouvelle pièce de vie aux différents réseaux publics. Toutefois, la notice architecturale mentionne un raccordement au tout à l'égout et le projet en litige constitue l'annexe de la maison principale de Mme B..., située en zone urbaine, dont il n'est pas contesté qu'elle est elle-même raccordée à ces différents réseaux, avec laquelle elle communique par une bande de terrain d'un mètre de large. Dans ce contexte, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 431-9 en l'absence de mention des conditions de raccordement aux réseaux publics, notamment par le biais d'une éventuelle servitude, doit être écarté.

9. En quatrième lieu, l'article 3.2.1 du règlement de la zone UM8 du plan local d'urbanisme de Bordeaux Métropole prévoit que " L'accès correspond soit à la limite donnant directement sur la voie (portail, porte de garage...), soit à l'espace tel que le porche ou la portion de terrain (bande d'accès ou servitude de passage) par lequel les véhicules pénètrent sur le terrain d'assiette du projet depuis la voie de desserte. L'article 3.2.2. précise que " Tout accès doit permettre d'assurer la sécurité de ses utilisateurs ainsi que celle des usagers des voies, quel que soit leur mode de déplacement.(...) Pour les constructions à destination d'habitation qui comptent un seul logement, les accès ont une largeur comprise entre 2,40 m et 3 m (...)". Enfin, selon l'article 3.2.3. relatif aux bandes d'accès ou servitudes de passage : " La bande d'accès et la servitude de passage correspondent à la portion de terrain permettant l'accès à un ou des terrains en second rang, qui ne sont pas desservies directement par une voie ou une emprise publique. Pour rendre constructibles les terrains concernés, elles doivent être dimensionnées pour permettre d'assurer la sécurité de leurs utilisateurs compte tenu notamment de la position de l'accès sur la voie, de sa configuration, ainsi que de la nature et de l'intensité du trafic. Elles doivent permettre l'approche du matériel de lutte contre l'incendie. (...) Si ces bandes d'accès ou servitudes de passage existantes avant l'approbation du PLU 3.1 ne répondent pas à ces conditions, seules les extensions et/ou surélévations mesurées sont autorisées. (...) "

10. Il est constant que la maison d'habitation de Mme B... comporte un accès conforme à ces dispositions sur l'allée des peupliers. Dès lors que le projet en litige constitue une annexe de cette habitation et non un nouveau logement, la circonstance qu'il ne respecterait pas les dispositions de cet article s'agissant de l'existence d'un accès d'une largeur suffisante, qui ne concerne que les nouveaux logements, est sans influence sur la conformité du projet aux dispositions précités.

11. En cinquième lieu, l'article 1.4.1.2 de ce règlement prévoit que : " Modalités pour les constructions existantes avant l'approbation du PLU 3.1 et les changements de destination : (...) Toute réalisation de nouveau logement, y compris sans création de surface de plancher, engendre l'application des normes indiquées au "1.4.1.3. Normes de stationnement", à l'exception des logements locatifs sociaux faisant l'objet d'un prêt aidé de l'Etat (...) ".

12. En l'absence de création d'un nouveau logement, le moyen tiré de ce que le projet ne respecterait pas les normes de stationnement prévues en cas de réalisation d'un nouveau logement doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que les consorts A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de Mme A... dirigé contre l'arrêté 13 août 2019 et la décision du 22 octobre 2019 de rejet de son recours gracieux. Par suite leur requête doit être rejetée.

Sur les frais de l'instance :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Bordeaux qui n'est pas dans la présente instance, la partie perdante, la somme que les consorts A... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la seule Mme A..., à la suite du décès de M. A..., une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Bordeaux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête des consorts A... est rejetée.

Article 2 : Mme A... versera une somme de 1 500 euros à la commune de Bordeaux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., à la commune de Bordeaux et à Mme D... E....

Délibéré après l'audience du 14 mars 2024, à laquelle siégeaient :

M. Jean-Claude Pauziès, président,

Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,

Mme Edwige Michaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 avril 2024.

La rapporteure,

Christelle Brouard-LucasLe président,

Jean-Claude Pauziès

La greffière,

Stéphanie Larrue

La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22BX00225 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00225
Date de la décision : 11/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PAUZIÈS
Rapporteur ?: Mme Christelle BROUARD-LUCAS
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL CERA
Avocat(s) : DUCOURAU

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-11;22bx00225 ?
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