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30/04/2024 | FRANCE | N°23BX03085

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 30 avril 2024, 23BX03085


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2021 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques a décidé son expulsion et les décisions du même jour par lesquelles cette autorité a fixé le Cameroun comme pays de destination et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.



Par un jugement n° 2103022 du 13 novembre 2023, le tribunal administratif de Pau a rejeté cette demande.

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Procédure devant la cour :



I. Par une requête enregistrée le 15 décembre 2023 sous le n° 23BX0...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2021 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques a décidé son expulsion et les décisions du même jour par lesquelles cette autorité a fixé le Cameroun comme pays de destination et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2103022 du 13 novembre 2023, le tribunal administratif de Pau a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 15 décembre 2023 sous le n° 23BX03085 et un mémoire enregistré le 26 mars 2024, ce dernier non communiqué, M. C..., représenté par Me Sanchez Rodriguez, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 13 novembre 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté et les décisions du préfet des Pyrénées-Atlantiques du 17 octobre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté d'expulsion est insuffisamment motivé en ce qui concerne l'intérêt supérieur de ses enfants, l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant n'étant pas même visée, ni l'avis favorable de la commission d'expulsion ;

- cette motivation révèle également un défaut d'examen sérieux de sa situation au regard de ses liens avec ses enfants ;

- il démontre contribuer de manière effective à l'entretien et à l'éducation de ses enfants ; il a fait également la preuve de sa réinsertion socio-professionnelle ; son expulsion ne constitue pas une nécessité impérieuse pour la sécurité de l'Etat ou la sécurité publique, comme l'a admis la commission d'expulsion ; au surplus il souffre d'un glaucome ; l'arrêté est par suite entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article L. 631-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de renvoi est elle-même entachée d'une insuffisance de motivation et méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision d'assignation à résidence sera donc regardée comme dépourvue de base légale.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 mars 2024, le préfet des Pyrénées-Atlantiques conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

II. Par une requête enregistrée le 15 décembre 2023 sous le n° 23BX03088, M. C..., représenté par Me Sanchez Rodriguez, demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement n° 2103022 du 13 novembre 2023 du tribunal administratif de Pau.

Il soutient que :

- les conditions du sursis à exécution sont remplies ;

- l'arrêté d'expulsion est insuffisamment motivé en ce qui concerne l'intérêt supérieur de ses enfants, l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant n'étant pas même visée ;

- cette motivation révèle également un défaut d'examen sérieux de sa situation au regard de ses liens avec ses enfants ;

- il démontre contribuer de manière effective à l'entretien et à l'éducation de ses enfants ; il a fait également la preuve de sa réinsertion socio-professionnelle ; son expulsion ne constitue pas une nécessité impérieuse pour la sécurité de l'Etat ou la sécurité publique, comme l'a admis la commission d'expulsion ; au surplus il souffre d'un glaucome ; l'arrêté est par suite entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et méconnaît l'article L. 631-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de renvoi est elle-même entachée d'une insuffisance de motivation et méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision d'assignation à résidence sera donc regardée comme dépourvue de base légale.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 mars 2024, le préfet des Pyrénées-Atlantiques conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la requête est irrecevable et qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Par une décision du 16 janvier 2024, M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale .

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... ;

- et les observations de Me Scaillères, représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., de nationalité camerounaise, est entré en France en 1999 à l'âge de dix-huit ans, selon ses déclarations. A la suite de la naissance, en 2002, d'un enfant issu de sa relation avec une ressortissante française, il a obtenu des cartes de séjour mention " vie privée et familiale " jusqu'en 2007, date à laquelle le renouvellement de son titre de séjour lui a été refusé au constat qu'il n'établissait pas subvenir à l'entretien et à l'éducation de l'enfant. Il a fait l'objet d'une mesure d'éloignement qu'il n'a pas exécutée et, en 2017, il est devenu père d'un second enfant né de sa relation avec une autre ressortissante française. En 2019, il a redemandé la délivrance d'un titre de séjour en tant que parent d'enfant français mais, par un arrêté du 12 octobre 2021, le préfet des Pyrénées-Atlantiques a décidé son expulsion au motif qu'il constitue une menace à l'ordre public, en assortissant cet arrêté d'une mesure d'assignation à résidence et d'une décision fixant le pays de renvoi. Par une requête enregistrée sous le n° 23BX03085, M. C... relève appel du jugement du 13 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté et de ces décisions. Il en demande également le sursis à exécution par une requête enregistrée sous le n° 23BX03088.

2. Les requêtes n°s 23BX03085 et 23BX03088 présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté d'expulsion :

3. En premier lieu, M. C... reprend en appel, sans les assortir d'éléments de fait ou de droit nouveaux ou de critique utile du jugement, les moyens tirés d'une insuffisance de motivation de l'arrêté contesté et du défaut d'examen sérieux de sa situation en ce qui concerne notamment la prise en considération de ses deux enfants français. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinemment retenus par le tribunal aux points 5 et 7 du jugement attaqué.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut décider d'expulser un étranger lorsque sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public, sous réserve des conditions propres aux étrangers mentionnés aux articles L. 631-2 et L. 631-3. ". Aux termes de l'article L. 631-2 du même code : " Ne peut faire l'objet d'une décision d'expulsion que si elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique et sous réserve que l'article L. 631-3 n'y fasse pas obstacle : 1° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an ; (...) Par dérogation au présent article, l'étranger mentionné aux 1° à 4° peut faire l'objet d'une décision d'expulsion en application de l'article L. 631-1 s'il a été condamné définitivement à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans. (...) ". Lorsque l'administration se fonde sur l'existence d'une menace grave à l'ordre public pour prononcer l'expulsion d'un étranger, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les faits qu'elle invoque à cet égard sont de nature à justifier légalement sa décision.

5. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. C... a fait l'objet de condamnations le 16 juillet 2007 à une peine d'amende de 300 euros pour usage illicite de stupéfiants, le 15 janvier 2008 à une peine d'amende de 500 euros avec sursis pour recel de bien provenant d'un vol, le 27 mai 2008 à une peine d'amende de 200 euros pour conduite d'un véhicule sans permis, le 7 mai 2009, le 10 décembre 2009 et le 26 février 2013 à des peines respectives d'un an et deux mois d'emprisonnement, de deux ans et six mois d'emprisonnement et de quatre ans d'emprisonnement pour des faits d'acquisition, transport, détention et cession non autorisée de stupéfiants, le 16 décembre 2013 à une peine de quatre mois d'emprisonnement pour des faits de provocation de mineur de quinze ans à l'usage illicite de stupéfiants et soustraction d'enfant des mains de la personne chargée de sa garde, et le 28 mai 2013 à une peine de sept ans d'emprisonnement pour viol commis sur la personne d'un mineur de quinze ans. Il en résulte que M. C..., contrairement à ce qu'il prétend, peut faire l'objet d'une mesure d'expulsion sur le fondement de l'article L. 631-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors même qu'il contribuerait effectivement à l'entretien et l'éducation de son enfant français mineur.

6. D'autre part, si les derniers faits pour lesquels le requérant a été condamné remontent à 2009, celui-ci était incarcéré de mai 2013 à octobre 2018, avant d'être placé en régime de semi-liberté, puis au mois de mai 2019 en liberté conditionnelle jusqu'au 31 octobre 2020 et a enfin fait l'objet d'une mise à l'épreuve jusqu'au 31 mai 2021. Il ressort des pièces du dossier qu'il s'est néanmoins fait encore défavorablement remarquer le 6 novembre 2015 pour recel de bien provenant d'un délit alors qu'il était détenu, puis pour circulation avec un véhicule non assuré le 11 novembre 2020. Ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal, eu égard au caractère répété et à la gravité croissante des faits ayant donné lieu à condamnations, la menace grave à l'ordre public que représente le comportement de l'intéressé est caractérisée. Par suite, bien que M. C... fasse état de sa démarche d'insertion professionnelle et de ses liens familiaux et alors même que la commission d'expulsion a émis un avis défavorable à l'expulsion, le préfet des Pyrénées-Atlantiques n'a pas fait une inexacte application des dispositions rappelées au point 5.

7. Pour les mêmes motifs, l'arrêté du 12 octobre 2021 n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, quand bien même le requérant est traité depuis novembre 2021 pour un glaucome.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

8. M. C... reprend en appel, sans l'assortir d'éléments de fait ou de droit nouveaux ni de critique utile du jugement, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de la décision contestée. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinemment retenus par le tribunal au point 9 du jugement attaqué.

9. Le requérant ne peut utilement invoquer la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ce moyen étant inopérant à l'encontre de la décision fixant le Cameroun comme pays de destination.

10. Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

11. Si M. C... justifie verser depuis 2018 à la mère de sa fille mineure B... des sommes régulières aux fins de contribuer à son entretien, il n'établit pas, par la seule production d'une attestation de la mère de l'enfant qui n'est corroborée par aucune autre pièce, entretenir des liens intenses et durables avec celle-ci. Par suite, la décision fixant le pays de renvoi n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Sur la légalité de la mesure d'assignation à résidence :

12. Le présent arrêt écarte les moyens de la requête dirigés contre la décision d'expulsion. Par conséquent, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la mesure d'assignation à résidence serait dépourvue de fondement légal.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

13. Le rejet des conclusions aux fins d'annulation de M. C... n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction doivent également être rejetées

Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution :

14. Le présent arrêt statue sur les conclusions de M. C... tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Pau du 13 novembre 2023. Dès lors les conclusions de la requête n° 23BX03088 qui tendent au sursis à exécution de ce jugement sont dépourvues d'objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur les frais de l'instance :

15. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans les présentent instances, les conclusions de M. C... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins de sursis à exécution de la requête n° 23BX03088.

Article 2 : Le surplus des conclusions de M. C... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Atlantiques.

Délibéré après l'audience du 2 avril 2024 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 avril 2024.

.

La présidente-assesseure,

Marie-Pierre Beuve Dupuy

Le président-rapporteur,

Laurent A... Le greffier,

Anthony Fernandez

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°s 23BX03085, 23BX03088 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX03085
Date de la décision : 30/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: M. Laurent POUGET
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : SANCHEZ-RODRIGUEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-30;23bx03085 ?
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