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27/01/2004 | FRANCE | N°00DA00924

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 3e chambre - formation a 3 (bis), 27 janvier 2004, 00DA00924


Vu la requête, enregistrée le 8 août 2000 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. et Mme Bernard X, demeurant ... représentés par Me Bléry, administrateur judiciaire ; M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 9601142 du 26 mai 2000 par lequel le tribunal administratif de Rouen leur a seulement accordé la décharge des pénalités de mauvaise foi dont a été assorti le complément d'impôt sur le revenu auquel ils ont été assujettis au titre de l'année 1991, et a rejeté leur demande en décharge de ce complément

d'impôt et du surplus des pénalités y afférentes ;

2°) de leur accorder la ...

Vu la requête, enregistrée le 8 août 2000 au greffe de la cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. et Mme Bernard X, demeurant ... représentés par Me Bléry, administrateur judiciaire ; M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 9601142 du 26 mai 2000 par lequel le tribunal administratif de Rouen leur a seulement accordé la décharge des pénalités de mauvaise foi dont a été assorti le complément d'impôt sur le revenu auquel ils ont été assujettis au titre de l'année 1991, et a rejeté leur demande en décharge de ce complément d'impôt et du surplus des pénalités y afférentes ;

2°) de leur accorder la décharge des impositions restant en litige ;

Code D

Ils soutiennent que la seule insuffisance de bénéfice brut, qui repose d'ailleurs sur des calculs erronés, ne permet pas d'écarter la comptabilité de la société Veules les Roses, dont ils sont associés ; que les recettes de la société sont assorties des pièces justificatives, sauf pour les bars de la salle de jeux et de la terrasse, qui ne peuvent matériellement être justifiées et pour lesquelles une comptabilisation globale en fin de journée peut être admise, comme le prévoient l'article 286-3° du CGI et l'instruction 4-G-2334 n° 6 du 30 avril 1988 ; qu'ainsi la comptabilité est probante ; que la reconstitution des recettes de la société est sommaire, voire viciée, et aboutit en tout cas à des résultats exagérés, dès lors qu'elle n'intègre pas dans le prix moyen des consommations le prix d'entrée à la discothèque, qu'elle utilise des éléments se rapportant à l'intégralité du chiffre d'affaires pour déterminer les recettes du bar de la discothèque, qu'elle ne tient pas compte des dosages réels d'alcool et de l'importance des consommations de cocktails et boissons composées ; que, s'agissant de la demande d'éclaircissements et de justifications qui leur a été adressée, l'application de la régle dite du double devait se faire sur l'ensemble de la période vérifiée et non sur la seule année 1991 ; que la somme de 40 000 francs portée au compte-courant de M. X, dans la société, et taxée d'office, ne constitue pas un revenu, mais un prêt accordé à titre personnel ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 décembre 2001, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre conclut au rejet de la requête ; il soutient qu'elle est insuffisamment motivée et par suite irrecevable ; que, s'agissant des revenus d'origine indéterminée, une demande d'éclaircissements et de justifications a pu à bon droit être adressée, dès lors que les sommes portées au crédit des comptes bancaires de M. X, pour l'année 1991, dépassaient le double des revenus déclarés ; que l'attestation produite, selon laquelle la somme de 40 000 francs taxée d'office constituerait un prêt, ne permet pas d'établir l'origine de cette somme ; que, s'agissant des bénéfices industriels et commerciaux, la comptabilité de la société Casino Veules les Roses n'est pas probante, eu égard à l'insuffisance du bénéfice brut et à la comptabilisation globale des recettes des bars sans justification du détail ; que la méthode de reconstitution n'est ni viciée, ni sommaire ; que, s'agissant des boissons offertes au personnel, la société n'entre pas dans les prévisions de la doctrine ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 13 février 2002, présenté pour M. et Mme X, qui concluent aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ; ils soutiennent, en outre, que leur requête est suffisamment motivée, même si elle reprend les moyens de première instance ; que la comptabilité étant régulière et probante pour l'activité bar-discothèque, elle est opposable à l'administration, d'autant que le manquement quant à la justification des recettes ne constitue qu'un faible pourcentage des recettes totales ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 30 mai 2002, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire, par les mêmes moyens ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 7 août 2002, présenté pour la société Casino Veules les Roses, qui conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 janvier 2004 où siégeaient Mme de Segonzac, président de chambre, M. Berthoud, président-assesseur, et Mme Brenne, premier conseiller :

- le rapport de M. Berthoud, président-assesseur,

- et les conclusions de M. Michel, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. et Mme X ont demandé la décharge du complément d'impôt sur le revenu résultant, d'une part, de la taxation d'office, au titre de l'année 1991, sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, d'un revenu d'origine indéterminée s'élevant à 40 000 francs, d'autre part, de l'imposition entre leurs mains de la part de bénéfices industriels et commerciaux leur revenant en leur qualité d'associés de la société en nom collectif Casino Veules les Roses, au titre de la même année, ainsi que des pénalités dont ce complément d'impôt a été assorti ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen s'est borné à les décharger des pénalités de mauvaise foi ;

Sur le revenu d'origine indéterminée :

En ce qui concerne la procédure d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : En vue de l'établissement de l'impôt, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements ... Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés ... ; qu'aux termes de l'article L. 69 du même livre ... sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ; qu'il appartient au juge de l'impôt de vérifier, dans le cas où l'administration s'est fondée, pour demander des justifications au contribuable, sur la constatation de discordances entre ses revenus déclarés et le total des crédits inscrits à ses comptes bancaires, que celles-ci, qui doivent s'apprécier pour chaque année d'imposition, sont suffisantes pour établir que l'intéressé a pu disposer de revenus plus importants que ceux qu'il avait déclarés ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le total des crédits portés sur les divers comptes de M. et Mme X durant l'année 1991 s'élevait à 293 582 francs, alors que le montant des revenus déclarés au titre de la même année s'établissait à 132 512 francs ; qu'une telle discordance était suffisante pour permettre à l'administration de mettre en oeuvre, s'agissant de ladite année, la procédure prévue à l'article L. 16 du livre des procédures fiscales ;

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

Considérant qu'en vertu des articles L. 193 et R. 193-1 du livre des procédures fiscales, il appartient à M. et Mme X, taxés d'office à concurrence d'un montant de 40 000 francs, d'apporter la preuve de l'exagération de cette imposition ;

Considérant que les requérants se bornent à produire une attestation établie par un particulier le 5 mars 1993, qui certifie seulement, sans autre précision, avoir prêté à M. X la somme de 40 000 francs, versée au moyen d'un chèque bancaire le 1er octobre 1991 ; que ladite attestation ne permet pas d'établir que la somme d'un montant identique dont M. X est réputé avoir disposé, dès lors qu'elle a été inscrite, avant la fin de l'année 1991, au crédit de son compte-courant d'associé au sein de la société Casino Veule les Roses, proviendrait d'un prêt et ne constituerait pas un revenu imposable ;

Sur les bénéfices industriels et commerciaux :

Considérant que M. et Mme X ont contesté, dans le délai qui leur était imparti, les redressements qui leur ont été notifiés dans le cadre de la procédure contradictoire ; que, dès lors, il appartient à l'administration d'apporter la preuve du bien-fondé des impositions complémentaires résultant de ces redressements ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Casino Veules les Roses, qui ne procédait pas à la ventilation des recettes journalières entre celles encaissées en espèces et celles encaissées par d'autres moyens de paiement, enregistrait globalement en fin de journée les recettes provenant des bars de la terrasse, de la salle de jeux et de la discothèque ; que cette méthode, en l'absence d'un relevé détaillé des opérations, qui aurait pu être constitué par des fiches de caisse ou des bandes de caisse enregistreuse, ne permettait pas de contrôler le montant exact des ventes ; que les dispositions du 3° de l'article 286 du code général des impôts, qui prévoient que les opérations au comptant peuvent être inscrites globalement en comptabilité à la fin de chaque journée lorsqu'elles sont inférieures à un certain montant pour les ventes au détail, n'exonèrent pas le contribuable de l'obligation de produire des justifications de nature à établir la consistance des recettes portées en comptabilité ; que la société requérante s'est révélée incapable de produire de telles justifications, y compris en ce qui concerne le bar de la discothèque, pour lequel elle n'a pu présenter que des tickets sur lesquels figurait seulement le total des sommes saisies sur la caisse enregistreuse dans la journée et en soirée, l'intégralité des bandes de caisse n'étant pas conservée ; que M. et Mme X ne sauraient se prévaloir à cet égard de l' instruction 4 - G - 2334 n° 6 du 30 avril 1988, qui ne dispense pas les contribuables de justifier du détail de leurs recettes ; qu'ainsi, la comptabilité de la société Casino Veules les Roses était dépourvue de caractère probant ; qu'il suit de là que c'est à bon droit que l'administration a procédé à une reconstitution extra-comptable des recettes de bar ;

Considérant que le service a déterminé les quantités de liquides de bar revendues, produit par produit, en tenant compte des dosages pratiqués dans l'établissement et des prix moyens pondérés des consommations, en neutralisant le prix de l'entrée en discothèque, et en retenant une répartition des ventes par moitié au secteur bar-discothèque, l'autre moitié étant répartie à égalité entre les ventes du bar de la salle de jeux et celles du bar de la terrasse ; que le chiffre d'affaires brut ainsi obtenu a été diminué des affectations de liquides aux autres secteurs de l'activité du casino dont les recettes n'ont pas fait l'objet d'une reconstitution ; que le montant des affectations au restaurant a été déterminé à partir de l'analyse d'un échantillon de doubles de notes du restaurant, tandis que celui des consommations offertes aux clients ou prises par le personnel était tiré de la comptabilité de l'entreprise ; qu'enfin, l'influence des affectations aux consommations gratuites liées aux entrées en discothèque a été évaluée en appliquant au nombre d'entrées le prix moyen d'une consommation tel qu'il résultait de la reconstitution ;

Considérant que si les requérants relèvent que les entrées en discothèque donnent droit à une première consommation, il résulte de l'instruction que le tarif d'entrée, sensiblement plus élevé aux soirées et heures de forte affluence, intégre non seulement le coût d'une consommation, mais aussi celui d'une prestation de service constituée par l'usage de la discothèque ; que, pour déterminer le coût d'une consommation, le service a pu se fonder sur un prix moyen déterminé par référence aux données issues de la reconstitution, mais pondéré en fonction des quantités de liquides servies au bar de la salle de jeux et de la terrasse et aux bars de la discothèque ; que, s'il a retenu pour les alcools un dosage de 6 cl alors que M. et Mme X soutiennent que les doses servies étaient de 8 cl, il ne résulte pas de l'instruction que ce dernier dosage, qui est inhabituel, correspondrait à une pratique particulière de l'entreprise ; qu'enfin, il est établi par l'administration que les simplifications opérées par le vérificateur en regardant, pour les besoins de la reconstitution, les alcools comme vendus à l'état pur, les ingrédients ajoutés pour obtenir des cocktails étant affectés d'une valeur nulle, n'ont pas entraîné une surévaluation du chiffre d'affaires reconstitué ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la méthode de reconstitution utilisée par l'administration n'est ni sommaire, ni viciée ; que, dans ces conditions, et alors que les requérants ne sauraient se prévaloir de la comptabilité de la société Casino Veules les Roses, laquelle est entachée ainsi qu'il a été dit ci-dessus de graves irrégularités, le service doit être regardé comme apportant la preuve du bien-fondé de la reconstitution de recettes à laquelle il a procédé ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, que M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté le surplus des conclusions de leur demande en décharge ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme Bernard X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Bernard X et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie sera adressée au directeur de contrôle fiscal Nord.

Délibéré à l'issue de l'audience publique du 13 janvier 2004 dans la même composition que celle visée ci-dessus.

Prononcé en audience publique le 27 janvier 2004.

Le rapporteur

Signé : J. Berthoud

Le président de chambre

Signé : M. De Segonzac

Le greffier

Signé : P. Lequien

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le Greffier

P. Lequien

7

N°00DA00924


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 3e chambre - formation a 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 00DA00924
Date de la décision : 27/01/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme de Segonzac
Rapporteur ?: M. Berthoud
Rapporteur public ?: M. Michel

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2004-01-27;00da00924 ?
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