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29/06/2004 | FRANCE | N°03DA00116

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 5, 29 juin 2004, 03DA00116


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le

7 février 2003, présentée pour la société Bertele SNC, dont le siège est Via A. Manzoni, 23, 22040 Lugaro d'Erba, par la S.C.P. d'avocats Sur-Mauvenu et associés ; elle demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 01-2511 en date du 4 décembre 2002 par lequel le tribunal administratif de Lille a condamné la commune de Lens à lui verser la somme de

5 530,87 euros, qu'elle estime insuffisante, en réparation du préjudice qu'elle a subi suite à son éviction illégal

e de l'appel d'offres concernant le lot n° 19 du marché de rénovation et de réhabilita...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Douai le

7 février 2003, présentée pour la société Bertele SNC, dont le siège est Via A. Manzoni, 23, 22040 Lugaro d'Erba, par la S.C.P. d'avocats Sur-Mauvenu et associés ; elle demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 01-2511 en date du 4 décembre 2002 par lequel le tribunal administratif de Lille a condamné la commune de Lens à lui verser la somme de

5 530,87 euros, qu'elle estime insuffisante, en réparation du préjudice qu'elle a subi suite à son éviction illégale de l'appel d'offres concernant le lot n° 19 du marché de rénovation et de réhabilitation du stade Bollaert à Lens ;

2°) de condamner la commune de Lens à lui verser la somme de 292 843,89 euros hors taxes augmentée des intérêts au taux légal capitalisés à compter du 19 février 2001, date de sa demande préalable ;

3°) de condamner la commune de Lens à lui verser la somme de 9 000 euros majorée de la taxe sur la valeur ajoutée au taux applicable au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Code C Classement CNIJ : 39-02-02-03

Elle soutient que toute illégalité est fautive et engage la responsabilité de l'administration dès lors que le demandeur apporte la preuve de l'existence d'un ou plusieurs préjudices causés directement par l'illégalité commise ; qu'une société illégalement évincée d'un appel d'offres a droit à l'obtention d'une indemnisation, du manque à gagner subi du fait de la non attribution du marché à son profit dès lors qu'elle peut établir qu'elle avait des chances sérieuses de voir son offre retenue ; que les juges du fond ont commis une erreur d'appréciation en considérant que la société était dépourvue de chance d'obtenir le marché si la procédure s'était déroulée normalement ; que le juge a déjà reconnu dans cette affaire que l'offre de la société appelante était conforme aux normes règlementaires en vigueur ; que la société était la seule à avoir proposé un nombre de places de gradins conforme aux plans du dossier de consultation des entreprises ; que le moyen tiré de la trop grande fragilité des sièges proposés n'est pas fondé ; qu'en tout état de cause, ce critère ainsi que ceux relatifs au coût d'entretien et des références nécessaires sur le type de sièges proposés ne figurent pas au nombre de ceux énoncés par le règlement de consultation ; qu'elle proposait le plus bas prix de toutes les offres ; que dès lors, la société disposait de très grandes chances d'obtenir le marché ; que le manque à gagner est apprécié en fonction des bénéfices qui pouvaient être normalement escomptés de l'exécution du marché ; qu'il est constant que l'éviction illégale du marché, passé en vue de l'organisation de la coupe du monde de football en 1998, a porté atteinte à son image commerciale ; qu'elle entend réclamer, en outre, le remboursement des charges afférentes aux frais de déplacement et d'interprètes engagés en 1ère instance ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 avril 2003, présenté pour la commune de Lens, par la S.C.P. d'avocats Savoye et associés, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société Bertele SNC à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient qu'il est établi que l'ensemble des offres, y compris celle de la société appelante, a été examiné par la commission d'appel d'offres ; que si la société n'a pu produire dans les délais requis, les documents complémentaires sollicités par la commission, il est constant que l'examen des matériels présentés a mis en évidence la fragilité des produits de l'offre de la société Bertele SNC ; qu'il est nécessaire de distinguer la conformité d'un produit aux normes et sa qualité ; que le rejet de la candidature de la société appelante est fondé sur la seule fragilité avérée des sièges proposés ; que la circonstance que la société Bertele SNC était la moins disante ne peut remettre en cause le principe de libre choix des candidats dont dispose la collectivité dans un appel d'offres et ne constitue pas le seul critère sur lequel la collectivité doit se fonder pour retenir un candidat ; qu'en principe les frais exposés pour soumissionner ne sont pas indemnisés dès lors qu'ils sont considérés comme rentrant dans les risques normaux pris par tout candidat ; qu'en tout état de cause, la société n'établit ni qu'elle avait une chance sérieuse d'emporter le marché, ni la réalité de son préjudice ;

Vu le mémoire, enregistré le 4 mars 2004, présenté pour la société Bertele SNC, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; elle demande, en outre, la capitalisation des intérêts échus à compter de la présente demande sur les sommes de

292 843,89 euros hors taxes et de 5 530 euros ;

Vu le mémoire, enregistré le 9 juin 2004, présenté pour la société Bertele SNC, qui conclut aux mêmes fins que son mémoire par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 juin 2004 où siégeaient

M. Daël, président de la Cour, M. Gipoulon, président de chambre, Mme Brin,

président-assesseur, M. Quinette, premier conseiller et Mme Eliot, conseiller :

- le rapport de Mme Eliot, conseiller,

- les observations de Me Chanteloup, avocat, pour la société Bertele SNC et de Me Savoye, avocat, pour la commune de Lens,

- et les conclusions de M. Paganel, commissaire du gouvernement ;

Sur la demande indemnitaire au titre du manque à gagner :

Considérant qu'aux termes de l'article 38 bis du code des marchés publics, alors applicable au marché litigieux : « Les marchés passés sur adjudication ou sur appel d'offres font l'objet d'un règlement de consultation qui mentionne au moins ; …10° en cas d'appel d'offres, les critères énumérés aux articles 95, 97 bis, 297 et 299 bis et éventuellement les critères additionnels pris en compte lors de l'attribution du marché, classés par ordre décroissant d'importance …. » ; qu'aux termes de l'article 297-II du même code : « ….Elle (la commission) élimine les offres non conformes à l'objet du marché et choisit librement l'offre qu'elle juge la plus intéressante en tenant compte notamment du prix des prestations, de leur coût d'utilisation, de leur valeur technique et du délai d'exécution… » ;

Considérant que la commission d'appel d'offre, dans le cadre de l'examen de la qualification professionnelle des entreprises candidates, qui constituait le premier critère de sélection mentionné dans le règlement de consultation des entreprises, aurait pu, à bon droit dans le cadre d'une procédure régulière, se fonder notamment sur les références obtenues par les dites entreprises auprès d'autres maîtres d'ouvrages pour des travaux identiques, documents expressément demandés par l'article 3.2 du règlement de consultation ; qu'il n'est pas sérieusement contesté que la société Bertele SNC n'avait produit, lors de la présentation de son offre, que la référence d'un marché obtenu auprès de la ville de Marseille pour la fourniture de sièges fessiers alors que d'autres entreprises candidates avaient fourni plusieurs références de pose de mobilier de gradins dans d'autres grands stades ; qu'ainsi, la société Bertele SNC, qui ne saurait utilement se prévaloir d'autres références professionnelles non communiquées à la commission d'appel d'offres, n'avait pas mis cette dernière en mesure d'apprécier de manière satisfaisante la qualité et l'expérience professionnelle de son entreprise ; que dès lors, la société Bertele SNC n'est pas, en tout état de cause, fondée à se plaindre que le tribunal administratif, par le jugement attaqué, en l'absence de chances sérieuses d'être retenue par la commune de Lens, n'ait fait droit qu'à sa demande d'indemnité correspondant aux frais exposés pour l'établissement de sa soumission à l'appel d'offres litigieux d'un montant non contesté de

5 530,87 euros ;

Sur les autres demandes indemnitaires :

Considérant que le tribunal administratif a rejeté à bon droit la demande de la société Bertele SNC tendant à la réparation des préjudices, non établis, qui résulteraient de l'atteinte à son image et de la perte du bénéfice tiré des références et de l'argument publicitaire qu'elle aurait obtenus si son offre avait été retenue ; qu'il en est de même s'agissant du rejet de la demande tendant au remboursement de frais de déplacement et d'interprètes qui ont été engagés au titre de l'instance tendant à l'annulation de la décision par laquelle la commission d'appel d'offres a rejeté sa candidature, et qui est distincte de celle faisant l'objet du présent arrêt relatif à la demande de réparation du préjudice subi du fait de l'éviction illégale de l'appel d'offres de la société requérante ;

Sur les intérêts des intérêts :

Considérant que la société Bertele SNC a demandé le 4 mars 2004 la capitalisation des intérêts afférents à l'indemnité que le tribunal administratif de Lille lui a accordée au titre des frais exposés pour l'établissement de sa soumission à l'appel d'offres litigieux ; qu'à cette date, au cas où l'article 1er du jugement n'aurait pas encore été exécuté, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande à cette date ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Lens, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à payer à la société Bertele SNC la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner la société Bertele SNC à verser à la commune de Lens la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Bertele SNC est rejetée.

Article 2 : Les intérêts afférents à la somme de 5 530,87 euros que la commune de Lens a été condamnée à verser à la société Bertele SNC par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Lille en date du 4 décembre 2002 et échus le

4 mars 2004 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts si le jugement précité n'était pas encore exécuté à cette date.

Article 3 : La société Bertele SNC versera à la commune de Lens la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bertele SNC, à la commune de Lens et au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

Délibéré à l'issue de l'audience publique du 15 juin 2004 dans la même composition que celle visée ci-dessus.

Prononcé en audience publique le 29 juin 2004.

Le rapporteur

Signé : A. Eliot

Le président de la Cour

Signé : S. Daël

Le greffier

Signé : G. Vandenberghe

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le greffier

Guillaume Vandenberghe

6

N°03DA00116


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 5
Numéro d'arrêt : 03DA00116
Date de la décision : 29/06/2004
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Prés Daël
Rapporteur ?: Mme Agnès Eliot
Rapporteur public ?: M. Paganel
Avocat(s) : SCP SUR-MAUVENU ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2004-06-29;03da00116 ?
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