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28/04/2005 | FRANCE | N°03DA00193

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation a 3 (bis), 28 avril 2005, 03DA00193


Vu la requête, reçue par fax et enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 19 février 2003, et son original daté du 21 février 2003, présentée pour M. Claude X, demeurant ..., par Me Ritz ; M. X demande à la cour :

1') d'annuler le jugement n° 00-1272 du 3 décembre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 143 638,70 francs (21 897,58 euros) en réparation du préjudice subi, à titre principal, du fait de la délivrance d'un certificat d'urbanisme positif er

roné concernant un terrain lui appartenant sis à ... et, à titre subsid...

Vu la requête, reçue par fax et enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai le 19 février 2003, et son original daté du 21 février 2003, présentée pour M. Claude X, demeurant ..., par Me Ritz ; M. X demande à la cour :

1') d'annuler le jugement n° 00-1272 du 3 décembre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 143 638,70 francs (21 897,58 euros) en réparation du préjudice subi, à titre principal, du fait de la délivrance d'un certificat d'urbanisme positif erroné concernant un terrain lui appartenant sis à ... et, à titre subsidiaire, en raison de l'illégalité de la décision de

non-constructibilité en date du 29 avril 1999, prise par le chef du service aménagement du territoire et environnement de la direction départementale de l'équipement ;

2') de condamner l'Etat à lui verser la somme de 23 410,85 euros, majorée des intérêts légaux et de la capitalisation de ces intérêts ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le jugement est entaché d'omission à statuer et d'insuffisance de motivation ; que la délivrance d'un certificat d'urbanisme positif concernant un terrain pour lequels les risques d'inondation étaient alors connus est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'autorité administrative ; que l'échec de la vente du terrain résulte directement des renseignements erronés fournis par l'administration sans lesquels il n'aurait pas effectué la division en deux lots de son terrain et les acquéreurs potentiels n'auraient pas signé la promesse de vente ; que la lettre du

29 avril 1999 ne peut être regardée comme une simple lettre d'information, mais s'analyse comme une véritable décision sur l'inconstructibilité du terrain ; qu'aucune part de responsabilité ne saurait être imputée aux acquéreurs potentiels, qui ont logiquement renoncé à l'achat du terrain sur la base des indications contenues dans la lettre du 29 avril 1999 et sans attendre qu'un refus de permis de construire leur soit opposé ; qu'il n'a lui-même engagé les opérations de division du terrain et signé une promesse de vente qu'après avoir obtenu un certificat d'urbanisme positif ; que les préjudices qu'il a subis sont liés à l'échec de la vente, aux frais de division du terrain, engagés en pure perte, et à divers troubles dans ses conditions d'existence ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance du président de la 1ère chambre de la Cour, portant clôture de l'instruction au 15 mars 2005 ;

Vu le mémoire en défense, reçu par fax et enregistré le 10 mars 2005, et son original daté du 14 mars 2005, présenté par le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer ; le ministre conclut au rejet de la requête ; il soutient que le jugement n'est entaché d'aucune omission de réponse aux moyens ; que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en délivrant le 17 septembre 1998 un certificat d'urbanisme positif, dès lors que, compte tenu de l'absence d'inondation du terrain lors de la crue de 1995 et des vannages supplémentaires réalisés en 1997, le risque d'inondation du terrain n'était pas établi ; que la lettre du 29 avril 1999, qui n'émane pas du service chargé de l'instruction des permis de construire, constitue une simple lettre d'information ne faisant pas grief ; que les préjudices dont

M. X demande réparation sont sans lien direct avec le certificat d'urbanisme positif qui lui a été délivré et avec la lettre d'information du 29 avril 1999 ; qu'il n'est pas établi que le terrain soit devenu inconstructible et subisse une perte de valeur vénale ;

Vu le mémoire en réplique, reçu par fax et enregistré le 27 mars 2005, et son original daté du 30 mars 2005, présenté pour M. X, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mars 2005 à laquelle siégeaient M. Merloz, président de chambre, M. Dupouy, président-assesseur et M. Stéphan, premier conseiller :

- le rapport de M. Dupouy, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Lepers, commissaire du Gouvernement ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme : Lorsque toute demande d'autorisation pourrait, du seul fait de la localisation du terrain, être refusée en fonction des dispositions d'urbanisme et, notamment, des règles générales d'urbanisme, la réponse à la demande de certificat d'urbanisme est négative ;

Considérant qu'en réponse à une demande présentée par M. X portant sur la division en deux lots d'un terrain lui appartenant situé à ... et la constructibilité du lot B de ce terrain, le préfet de l'Eure a délivré, le 17 septembre 1998, un certificat d'urbanisme positif concernant le lot B ; qu'à la suite de la délivrance de ce certificat, M. X a fait procéder aux opérations de division et de bornage du terrain et a conclu avec M. Y et

Mlle Z, le 27 mars 1999, une promesse de vente portant sur le lot B ; que, toutefois, par lettre en date du 29 avril 1999, le chef du service de l'aménagement du territoire et de l'environnement de la direction départementale de l'équipement, consulté par M. Y et Mlle Z, a fait connaître à ces derniers que le terrain en cause était situé en zone inondée à risque majeur et qu'aucun projet d'aménagement ne pourrait être autorisé sur cette parcelle ; que M. Y et

Mlle Z ont alors renoncé à leur projet d'acquérir le lot B mis en vente par M. X ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le terrain pour lequel le préfet de l'Eure a délivré un certificat d'urbanisme positif est situé en totalité dans une zone d'expansion des crues de l'Iton et en partie dans une zone d'écoulement, lesdites zones ayant d'ailleurs été affectées par les crues de référence de 1966 et 1995 ; qu'ainsi, en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, le préfet de l'Eure était tenu de délivrer un certificat d'urbanisme négatif en réponse à la demande portant sur la constructibilité de cette parcelle ; qu'en déclarant constructible ladite parcelle alors qu'elle ne l'était pas, le préfet a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat envers M. X ;

Sur le préjudice :

Considérant que l'indemnité due par l'Etat à M. X ne peut porter que sur les seuls préjudices ayant un lien direct avec la faute commise par l'administration en délivrant un certificat d'urbanisme erroné ; que le chef de préjudice invoqué par M. X lié à la non-réalisation de la vente du terrain ne résulte pas de la faute ainsi commise par le préfet, mais est la conséquence de la situation du terrain en zone inondable ; qu'en revanche, le requérant est fondé à demander l'indemnisation des frais de géomètre, d'un montant justifié de 956,04 euros, qu'il a exposés pour les opérations de division et de bornage de son terrain qu'il n'aurait pas réalisées s'il n'avait pas obtenu un certificat d'urbanisme positif ; qu'il a subi également, du fait de l'illégalité fautive commise par les services de l'Etat, divers troubles dans ses conditions d'existence ; qu'il sera fait une juste appréciation de la totalité du préjudice subi par M. X en l'évaluant à la somme de

2 000 euros ;

Sur les intérêts :

Considérant que M. X a droit aux intérêts au taux légal afférents à la somme de

2 000 euros à compter du 23 septembre 1999, date de la réception par le préfet de l'Eure de la demande d'indemnité qu'il a formée le 13 septembre 1999 ;

Sur la capitalisation des intérêts :

Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 8 octobre 2002 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande tant à cette date qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu d'annuler ce jugement et de faire droit aux conclusions indemnitaires du requérant dans les limites précisées

ci-dessus ;

Sur les conclusions de M. X tendant à l'application des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à verser à M. X une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 00-1272 du Tribunal administratif de Rouen en date du

3 décembre 2002 est annulé.

Article 2 : L'Etat versera à M. X une somme de 2 000 euros assortie des intérêts légaux à compter du 23 septembre 1999. Les intérêts échus à la date du 8 octobre 2002, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : L'Etat versera à M. X une somme de 1 500 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Claude X et au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

Copie sera transmise au préfet de l'Eure.

Délibéré après l'audience du 31 mars 2005, à laquelle siégeaient :

- M. Merloz, président de chambre,

- M. Dupouy, président-assesseur,

- M. Stéphan, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 28 avril 2005.

Le rapporteur,

Signé : A. DUPOUY

Le président de chambre,

Signé : G. MERLOZ

Le greffier,

Signé : B. ROBERT

La République mande et ordonne au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le Greffier

B. ROBERT

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation a 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 03DA00193
Date de la décision : 28/04/2005
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Merloz
Rapporteur ?: M. Alain Dupouy
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : RITZ-CAIGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2005-04-28;03da00193 ?
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