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03/05/2005 | FRANCE | N°03DA00177

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation a 3 (bis), 03 mai 2005, 03DA00177


Vu la requête, enregistrée le 19 février 2003 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. et Mme Y... , demeurant ..., par Me X... ; M. et Mme demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9904502 du 19 décembre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant, d'une part, à la décharge des droits supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes qui leur ont été réclamés au titre des années 1993 à 1995 par avis de mise en recouvrement du 30 juin 1998 et, d'autre part, à la condamn

ation de l'Etat à leur verser la somme de 10 000 francs (1 524,49 euros) au t...

Vu la requête, enregistrée le 19 février 2003 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. et Mme Y... , demeurant ..., par Me X... ; M. et Mme demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9904502 du 19 décembre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant, d'une part, à la décharge des droits supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes qui leur ont été réclamés au titre des années 1993 à 1995 par avis de mise en recouvrement du 30 juin 1998 et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à leur verser la somme de 10 000 francs (1 524,49 euros) au titre des frais irrépétibles ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3°) de condamner l'Etat à leur verser une somme de 2 500 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. et Mme soutiennent que les rémunérations proportionnelles, provisionnées dans la comptabilité des sociétés Techniques Nouvelles de Fermetures (TNF) et Prestige Alu Sécurité (PAS) n'ont été, ni versées, ni portées au compte courant de

M. ; que, dès lors, en imposant entre ses mains ces sommes alors que sa rémunération, en qualité de gérant, est subordonnée à l'approbation de l'assemblée des associés, l'administration n'a pas respecté les règles prescrites par le droit des sociétés dont les dispositions sont d'ordre public ; que le Tribunal a fondé son jugement sur des éléments non débattus et dépourvus de force probante, dès lors que le redressement afférent aux frais de déplacement de l'année 1995 comporte une erreur matérielle et qu'il est nullement établi que les sommes considérées ont été perçues par le requérant ; que le redressement lié à la prise en compte de la jouissance privative du local situé ... procède d'une confusion du vérificateur, la société ayant loué l'immeuble contigu, sis au n° 42 bis de la même avenue ; que l'imposition correspondant à ces redressements est inéquitable, dès lors que les sociétés TNF et PAS étaient dans l'impossibilité financière de verser au requérant les sommes en cause ; que l'ensemble de l'imposition en litige a été appliquée en violation du principe de l'annuité de l'impôt ; que les pénalités de mauvaise foi ne sont pas conformes aux principes inscrits à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que les motifs exprimés dans la décision de rejet du directeur des services fiscaux du 17 septembre 1999 sont trop généraux pour valoir justification de la prétendue mauvaise foi du redevable et que le service ne saurait sur le fondement de la motivation de la notification de redressements justifier la mauvaise foi des requérants en matière de revenus fonciers ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 juillet 2003, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; le ministre qui oppose une fin de non-recevoir aux conclusions tendant à la décharge des pénalités de mauvaise foi portant sur les revenus fonciers, dès lors que cette contestation n'est intervenue pour la première fois qu'en appel et qu'elle est dépourvue d'objet, conclut au rejet de la requête ; il soutient que la situation de trésorerie des sociétés TNF et PAS n'interdisait nullement au gérant de prélever les sommes correspondant aux rémunérations proportionnelles provisionnées ; que M. et Mme ne sont pas fondés à soutenir que l'imposition en litige a été appliquée en violation du principe de l'annuité de l'impôt ; que M. et Mme ne sont pas davantage fondés à soutenir que le droit des sociétés n'aurait pas été respecté, dès lors que le redressement est justifié par le seul motif que les sommes inscrites dans les comptes de charges à payer devaient être regardées comme mises à la disposition de M. qui avait la qualité de dirigeant et qui ne justifie pas que des circonstances indépendantes aient rendu impossible le prélèvement des sommes en cause ; que les remboursements de frais de déplacement assortis d'aucune justification doivent être regardés comme des compléments de rémunération ; que la production d'un bail conclu par la SCI Rue de la Douane avec les sociétés PAS et TNF, ne saurait, à elle seule, suffire à remettre en cause le constat opéré par le vérificateur de la prise en charge par lesdites sociétés d'une quote-part du loyer de l'immeuble occupé par M. et Mme , lequel avantage constitue une distribution au sens des dispositions de l'article 111 du code général des impôts sur le fondement desquelles le service entend désormais se placer pour justifier ce chef de redressements ; que la mauvaise foi du redevable est démontrée par le service ; que

M. qui n'est pas fondé à se prévaloir sur ce point des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne pouvait ignorer, en raison de sa situation de gérant de la société, les irrégularités ayant pour effet de minorer considérablement les bases de l'impôt sur le revenu ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 avril 2005 à laquelle siégeaient

M. Gipoulon, président de chambre, Mme Signerin-Icre, président-assesseur et

M. Mesmin d'Estienne, premier conseiller :

- le rapport de M. Mesmin d'Estienne, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Paganel, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. et Mme font appel du jugement en date du

19 décembre 2002 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande tendant, d'une part, à la décharge des droits supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes qui leur ont été réclamés au titre des années 1993 à 1995 par avis de mise en recouvrement du 30 juin 1998 et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à leur verser la somme de 10 000 francs au titre des frais irrépétibles ;

Sur les pénalités applicables aux impositions assignées au titre des revenus fonciers :

Considérant que les conclusions de la requête de M. et Mme tendant à la décharge des pénalités exclusives de bonne foi prévues à l'article 1729 du code général des impôts qui ont été appliquées aux compléments d'imposition correspondant aux rehaussements de leurs revenus fonciers des années 1993, 1994 et 1995 sont dépourvues d'objet et par suite irrecevables, dès lors, qu'ainsi que le précise expressément la notification de redressements qui leur a été adressée le 24 décembre 1996, la bonne foi des requérants n'a pas été remise en cause par le service concernant ce chef de redressements et qu'aucune pénalité ne leur a été, en conséquence, appliquée ;

Sur le bien-fondé de l'imposition contestée :

Considérant qu'aux termes de l'article 13 du code général des impôts : Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l'excèdent du produit brut, y compris la valeur des profits et avantages en nature, sur les dépenses effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu ; qu'aux termes de l'article 83 dudit code : Le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés : ... 3° les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi lorsqu'ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales. La déduction à effectuer du chef des frais professionnels est calculée forfaitairement en fonction du revenu brut, ... elle est fixée à 10 % du montant de ce revenu... Les bénéficiaires de traitements et salaires sont également admis à justifier du montant de leurs frais réels... ; qu'aux termes de l'article 111 c du même code : Sont considérés comme revenus distribués (...) les rémunérations et avantages occultes ; qu'en application de l'article 15 dudit code, les sommes à retenir, au titre d'une année déterminée, pour l'assiette de l'impôt sur le revenu sont celles qui ont été mises à la disposition du contribuable au plus tard le 31 décembre de ladite année ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a rapporté aux revenus de M. et Mme , pour la détermination de l'assiette de l'impôt dû au titre des années 1993 à 1995, les sommes respectives de 167 250 francs,

74 467 francs et 114 299 francs correspondant aux rémunérations proportionnelles au chiffre d'affaires de M. que les sociétés Techniques Nouvelles de Fermetures (TNF) et Prestige Alu Sécurité (PAS) avaient inscrites dans les charges à payer des exercices en cause comme salaires provisionnés ; que M. ne saurait faire valoir qu'il n'a pas eu la disposition de ces sommes au seul motif qu'elles n'auraient pas été inscrites au crédit de son compte courant dans ses sociétés et qu'elles ne lui auraient pas été effectivement versées, alors qu'il n'est pas contesté qu'il était à la fois gérant des sociétés TNF et PAS et qu'il détenait avec sa famille la majorité des parts de celles-ci et qu'il n'établit pas, par ailleurs, que des circonstances indépendantes de sa volonté l'auraient empêché de prélever à son profit les sommes dont s'agit avant le 31 décembre de chaque année ou que la situation financière de ces deux entreprises interdisait, en tout état de cause, un tel prélèvement ; que, par suite et sans que le contribuable puisse invoquer la méconnaissance du droit des sociétés, c'est à bon droit que l'administration a regardé M. comme ayant laissé volontairement à la disposition des sociétés, qui les lui avaient attribuées, lesdites sommes et a, par suite, réintégré ces dernières dans ses revenus imposables au titre de chacune des années 1993 à 1995 ; que

M. et Mme ne sont pas davantage fondés à soutenir que l'imposition en litige aurait été appliquée en méconnaissance du principe d'annuité de l'impôt, alors que les redressements litigieux ont été pratiqués en raison de l'existence des écritures de charges provisionnées dans la comptabilité des exercices en cause des sociétés TNF et PAS ;

Considérant, en second lieu, que l'administration fiscale a pu, à bon droit, réintégrer dans les revenus imposables de M. et Mme , au titre des années 1993 à 1995, une partie des frais de déplacement inscrits en charges dans la comptabilité des sociétés TNF et PAS, dès lors que ces dépenses n'étaient assorties d'aucune justification quant à leur nature et leur montant et que M. en a eu la disposition ; que si les requérants font une nouvelle fois valoir que la somme de 28 419 francs, correspondant à des frais de déplacement inscrits dans les comptes de la société PAS, que l'administration a considérés comme des revenus distribués au titre de l'année 1995, incluait à tort une somme de 9 897 francs imputable selon eux à la seule année 1994, il résulte de l'instruction que ledit montant a été rapporté aux revenus de l'exercice au cours duquel M. a pu en a disposer ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'administration aurait commis une erreur matérielle dans la détermination de leurs revenus imposables ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a rapporté aux revenus de M. et Mme , pour la détermination de l'assiette de l'impôt sur le revenu dû au titre des années 1994 à 1995, les sommes respectives de

81 600 francs et de 75 600 francs correspondant à l'avantage en nature constitué par le paiement par les sociétés PAS et TNF d'une quote-part des loyers et des charges d'électricité d'un immeuble sis au n° 38 de la rue de Condé à Valenciennes dont la location, à compter de l'année 1994, servait à procurer un logement de fonction à M. et Mme et à leur famille ; qu'en se bornant à soutenir que les sociétés PAS et TNF n'auraient jamais été locataires dudit immeuble, sans contester, d'une part, la prise en charge par les sociétés des sommes concernées et sans, d'autre part, apporter le moindre élément de preuve à l'appui de leur allégation, autre que la production d'une copie d'un contrat de location d'un immeuble sis au n° 42 bis de la même rue, conclu entre la SCI de la rue de la Douane et lesdites sociétés, les requérants ne contestent pas utilement la réalité de l'avantage en nature qui leur a été consenti et dont l'administration a établi, sans être démentie, l'existence ; que c'est, par suite, à bon droit que l'administration a imposé ces sommes comme revenus distribués en application des dispositions de l'article 111 c précité du code général des impôts sur le fondement desquelles elle entend désormais se placer pour justifier ce chef de redressement ; que M. et Mme n'établissent pas davantage que les sociétés PAS et TNF étaient dans l'impossibilité financière de prendre en charge les dépenses en cause ; que le moyen tiré de l'iniquité alléguée de l'imposition qui leur a été assignée à ce titre, est, en tout état de cause, inopérant ;

Sur les pénalités de mauvaise foi :

Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 1729-1 du code général des impôts et L. 195 A du livre des procédures fiscales qu'il incombe à l'administration d'établir la mauvaise foi du contribuable lorsqu'elle lui fait application de la majoration de 40 % d'intérêts de retard prévu audit article 1729-1 du code général des impôts ; que si

M. et Mme font valoir que l'administration des impôts n'a pas apporté ladite preuve en raison du caractère trop général des motifs invoqués dans la décision de rejet de leur réclamation préalable du 17 septembre 1999, il résulte de l'instruction que la notification de redressements en date du 24 décembre 1996 comportait l'énoncé des circonstances de droit et de fait qui justifiaient l'application des pénalités de mauvaise foi et notamment le fait que

M. ne pouvait ignorer en sa qualité de gérant des sociétés PAS et TNF, les graves irrégularités qui entachaient la comptabilité en raison des distributions dont il a été le seul bénéficiaire ; que les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts qui proportionnent les pénalités selon les agissements commis par le contribuable et qui prévoient des taux de majoration différents selon la qualification qui peut être donnée au comportement de celui-ci, ne sont pas, par principe, contraires aux stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, M. et Mme qui n'indiquent pas, au demeurant, en quoi cet article ferait obstacle, selon eux, à ce que de telles pénalités leur fussent appliquées, ne sont pas fondés à se prévaloir desdites stipulations ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions de M. et Mme tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que l'article L. 761-1 du code de justice administrative dispose que : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante pour l'essentiel, soit condamné à payer à M. et Mme la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme Y... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Y... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience du 5 avril 2005, à laquelle siégeaient :

- M. Gipoulon, président de chambre,

- Mme Signerin-Icre, président-assesseur,

- M. Mesmin d'Estienne, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 3 mai 2005.

Le rapporteur,

Signé : O. MESMIN D'ESTIENNE

Le président de chambre,

Signé : J.F. GIPOULON

Le greffier,

Signé : G. VANDENBERGHE

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le Greffier

G. VANDENBERGHE

2

N°03DA00177


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation a 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 03DA00177
Date de la décision : 03/05/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Gipoulon
Rapporteur ?: M. Olivier Mesmin d'Estienne
Rapporteur public ?: M. Paganel
Avocat(s) : SCP AVOCATS DU NOUVEAU SIECLE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2005-05-03;03da00177 ?
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