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17/05/2005 | FRANCE | N°03DA01185

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation a 3 (ter), 17 mai 2005, 03DA01185


Vu la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés les 10 novembre et 24 décembre 2003, présentés pour Mme Evelyne X, demeurant ..., par

Me André ; Mme X demande à la Cour :

1') de réformer le jugement nos 98-874 et 98-1482 en date du 26 juin 2003 en tant qu'il a condamné le centre hospitalier du Havre à lui verser une indemnité de 26 000 euros, qu'elle juge insuffisante, en réparation des préjudices qu'elle a subis à la suite d'une intervention chirurgicale intervenue le 22 janvier 1997 ;

2°) de condamner le centre hospitalier du Havre à lui verser une

indemnité de

493 771,44 euros au titre du préjudice soumis à recours, la somme d...

Vu la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés les 10 novembre et 24 décembre 2003, présentés pour Mme Evelyne X, demeurant ..., par

Me André ; Mme X demande à la Cour :

1') de réformer le jugement nos 98-874 et 98-1482 en date du 26 juin 2003 en tant qu'il a condamné le centre hospitalier du Havre à lui verser une indemnité de 26 000 euros, qu'elle juge insuffisante, en réparation des préjudices qu'elle a subis à la suite d'une intervention chirurgicale intervenue le 22 janvier 1997 ;

2°) de condamner le centre hospitalier du Havre à lui verser une indemnité de

493 771,44 euros au titre du préjudice soumis à recours, la somme de 61 903 euros au titre de son préjudice personnel ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu'elle doit être indemnisée de l'intégralité de son préjudice et non seulement au titre de la perte de chance de refuser l'intervention pratiquée ; que si elle avait été correctement informée des risques de paralysie inhérents à ce type d'intervention, elle n'y aurait pas donné son consentement ; que le Tribunal s'est contenté de lui allouer une indemnité équivalente au montant de

la créance de la caisse primaire d'assurance maladie sans examiner chaque poste de préjudice ; que les prestations servies par l'organisme de sécurité sociale s'élèvent à 1 887,32 euros ; que s'agissant de la période d'incapacité temporaire totale, le Tribunal a fait une mauvaise lecture des pièces versées aux débats car les avis d'imposition pour les années 1994 à 1996 confirment qu'elle travaillait à plein temps avant l'intervention chirurgicale ; qu'elle a, à ce titre, droit à une indemnisation de 17 081 euros dont il conviendra de déduire les indemnités journalières ; que ses conditions d'existence se sont aggravées et que le préjudice subi s'élève à 8 715 euros ; qu'au titre de son préjudice fonctionnel évalué à un taux d'incapacité partielle permanente de 20 %, elle a droit à 30 274 euros ; que son préjudice économique est évalué à 162 065 euros ; que compte tenu de ses séquelles, elle a besoin d'une aide ménagère deux heures par jour depuis le 30 avril 1997 impliquant qu'une indemnité de 247 953 euros lui soit versée à ce titre ; qu'elle est contrainte d'utiliser un véhicule aménagé avec boîte automatique ; que l'augmentation des dépenses à ce titre s'élève aujourd'hui à 9 625 euros et dans le futur à 43 054 euros ; que le surcoût imposé par la nécessité d'habiter un logement en rez-de-chaussée s'élève à 66 333 euros ; que son préjudice personnel, incluant le pretium doloris, le préjudice esthétique d'agrément, sexuel et un préjudice matériel est évalué à 61 903 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 avril 2005, présenté pour le centre hospitalier du Havre, qui conclut au rejet de la requête, par la voie de l'appel incident, à ce que l'indemnisation de

Mme X soit limitée à la somme de 21 229 euros, et à la condamnation de Mme X à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que la requérante n'est pas fondée à réclamer la réparation intégrale de son préjudice dès lors que, compte tenu de l'invalidité importante dont souffrait Mme X avant l'intervention chirurgicale dont s'agit, elle aurait, en tout état de cause, consenti à l'intervention du

22 janvier 1997 ; que s'agissant du montant des indemnités allouées par le jugement attaqué,

Mme X commet une confusion entre le montant de l'indemnisation qui lui reste après remboursement de la caisse primaire d'assurance maladie sur le montant des préjudices soumis à recours et l'indemnisation qui a été chiffrée par le Tribunal à hauteur totale, déduction faite de la provision obtenue, de 129 866 euros ; que le montant de la réparation des préjudices sollicité par Mme X est disproportionné ; que s'agissant de l'indemnisation au titre de l'incapacité temporaire totale, l'intervention chirurgicale en cause n'est pas la cause de la diminution du temps de travail de la requérante ; que s'agissant de l'indemnisation au titre de l'incapacité partielle permanente, seule une incapacité de 12 % est imputable à l'intervention dont s'agit ; que s'agissant de l'aggravation dans les conditions d'existence, compte tenu du lourd handicap dont souffrait la patiente avant l'intervention, sa demande est excessive ; qu'elle ne peut se prévaloir d'un préjudice économique ; que s'agissant du préjudice matériel, les frais allégués n'ont pas de lien direct avec l'intervention en cause ; que s'agissant du pretium doloris, des préjudices esthétique, sexuel et d'agrément, les demandes de la requérante sont excessives ; que s'agissant de l'aide ménagère, du véhicule aménagé et des frais de logement, ces préjudices ne sont pas mentionnés par l'expert ; que s'agissant du préjudice au titre de la perte de chance, le choix de l'intervention réalisée était justifié et cette dernière a été pratiquée conformément aux règles de l'art ; que dès lors, c'est à tort que les premiers juges ont pris en compte, pour fixer le quantum de l'indemnité, l'avis du second chirurgien

consulté par la patiente avant son opération et qui prononçait des réserves sur la nécessité d'une nouvelle intervention ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mai 2005 à laquelle siégeaient

M. Gipoulon, président de chambre, Mme Signerin-Icre, président-assesseur et Mme Eliot, conseiller :

- le rapport de Mme Eliot, conseiller ;

- les observations de Me Portailler, pour Mme X ;

- et les conclusions de M. Paganel, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme X a subi une première intervention chirurgicale le 13 mai 1996, au centre hospitalier du Havre, pour une hernie discale ; qu'en raison de douleurs persistantes, et nonobstant un avis médical extérieur réservé sur le diagnostic d'instabilité rachidienne posé par le chirurgien qui suivait la patiente, celle-ci a accepté de subir une arthrodèse le 22 janvier 1997 ; que contrairement à ce que soutient Mme X, il n'est pas établi que si elle avait été informée des risques peu fréquents de paralysie inhérents à cette chirurgie, elle aurait renoncé à l'intervention en cause ; que dès lors, et en tout état de cause, c'est à bon droit que le tribunal administratif a jugé que la réparation du dommage résultant pour

Mme X de la perte de chance de se soustraire au risque de paralysie qui s'est finalement réalisé doit être fixé à une fraction du préjudice total, apprécié en tenant compte d'une part des risques inhérents à l'intervention et d'autre part, des risques d'évolution de la pathologie dont elle était initialement atteinte ;

Sur le préjudice :

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'intervention chirurgicale dont s'agit, Mme X a été victime d'un syndrome de queue de cheval à l'origine d'une paralysie des membres inférieurs qui a progressivement régressé sans que toutefois Mme X retrouve l'usage normal de ses membres ; que la date de consolidation de ses blessures a été fixée par l'expert commis par les premiers juges, le 26 mai 1998, date à laquelle, par ailleurs, l'intéressée a repris un travail à mi-temps ; que la durée d'incapacité totale de travail de l'intéressée s'est étendue du

22 janvier 1997 au 26 mai 1998 ; que contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif,

Mme X percevait, avant l'intervention chirurgicale dont s'agit, un salaire correspondant à un emploi à plein temps ; que dès lors, Mme X a droit au remboursement de ses pertes de revenus pendant la période d'incapacité temporaire totale sous déduction toutefois des indemnités journalières qui lui ont été accordées pendant cette période ; que la perte de salaire ainsi subie s'élève à la somme de 5 172, 86 euros ; qu'en revanche, Mme X n'est pas fondée à faire état d'une perte de salaire pendant la période du 26 mai 1998 au 4 mai 1999, dès lors qu'elle exerçait une activité professionnelle en mi-temps thérapeutique et qu'elle a perçu des indemnités journalières lui permettant de retrouver la rémunération de l'emploi qu'elle occupait à temps complet avant l'accident chirurgical ; qu'enfin le préjudice économique résultant des difficultés de Mme X de reprendre, à l'âge de 36 ans, une activité à plein temps peut être évalué, compte tenu du versement d'une pension d'invalidité, à la somme de 30 000 euros ;

Considérant que le taux d'incapacité résultant du syndrome de queue de cheval dont a été victime Mme X, en relation direction avec l'intervention chirurgicale du 22 janvier 1997 doit être évalué à 20 % ; que le tribunal administratif a fait une appréciation suffisante de l'indemnité due à Mme X du fait des troubles, de toute nature, apportées à ses conditions d'existence y compris la nécessité d'une aide ménagère dont l'intervention doit toutefois, aux termes de l'expertise, être limitée à 4 heures par semaine pour une période qui ne saurait, en l'état du dossier, être postérieure au présent arrêt ; que la part non physiologique de ce préjudice s'élève à

30 000 euros ; qu'en revanche, la réalité des autres frais invoqués relatifs au changement de logement et à l'achat d'un véhicule automobile adapté n'est pas établie ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, que les frais médicaux et pharmaceutiques, les frais d'hospitalisation et les frais de transports ainsi que les indemnités journalières servies par la caisse primaire d'assurance maladie du Havre se sont élevés à la somme de 57 845,62 euros ; que les arrérages de la pension d'invalidité servie par le même organisme de sécurité sociale se sont élevés à la somme de 15 780,80 euros ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préjudice corporel de Mme X s'élève à 138 799,28 euros ;

Considérant que le tribunal administratif a fait une appréciation excessive des souffrances physiques et du préjudice esthétique subis par Mme X ; qu'il y a lieu de limiter leur réparation à la somme de 6 000 euros ; que la part physiologique des troubles dans les conditions d'existence de Mme X résultant de son incapacité s'élève à 20 000 euros ;

Considérant que la réparation du dommage résultant pour Mme X de la perte d'une chance de se soustraire au risque qui s'est finalement réalisé doit être fixée à une fraction des différents chefs de préjudice subis ; que, compte tenu du rapprochement entre, d'une part, les risques inhérents à l'intervention et, d'autre part, les risques d'évolution de la pathologie dont elle était atteinte, cette fraction doit être fixée à 50 % ; qu'ainsi, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par Mme X en la fixant à 69 399,64 euros au titre du préjudice relatif à l'atteinte à l'intégrité physique et à 13 000 euros au titre des autres dommages ;

Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie du Havre :

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie justifie de débours s'élevant à

57 845,62 euros au titre des indemnités journalières et prestations en nature et à 15 780,80 euros au titre des arrérages échus au 30 septembre 2002 de la rente d'invalidité qu'elle verse à

Mme X, soit au total 73 626,42 euros ; que cette somme est supérieure à la somme de 69 399,64 euros sur laquelle peut s'exercer la créance de la caisse ; qu'il y aurait lieu, par suite, de limiter à 69 399,64 euros le montant de l'indemnité auquel a droit la caisse primaire d'assurance maladie du Havre sans que celle-ci puisse prétendre au remboursement des arrérages à échoir de la rente qu'elle verse à Mme X ; que cependant, en l'absence de conclusions incidentes présentées par le centre hospitalier du Havre à l'encontre de l'organisme de sécurité sociale, il n'y a pas lieu de réformer le jugement en ce sens ;

Sur les droits de Mme X :

Considérant que les droits de la caisse primaire d'assurances maladie ci-dessus déterminés , absorbant l'intégralité de la somme de 69 399,64 euros sur laquelle peut s'exercer la créance de la caisse, Mme X ne peut prétendre qu'au paiement de la somme de 13 000 euros correspondant, compte tenu du préjudice résultant de la perte de chance de se soustraire au risque qui s'est réalisé, à la part de l'indemnité couvrant le préjudice né des souffrances physiques, le préjudice esthétique et la réparation des troubles dans les conditions d'existence à l'exception des troubles physiologiques ; que toutefois, le centre hospitalier du Havre ayant demandé, par la voie de l'appel incident, que l'indemnité à verser à Mme X soit limitée à la somme de 21 229 euros, il y a lieu de réduire ladite indemnité accordée par les premiers juges à l'intéressée à ce montant et de réformer le jugement attaqué en ce sens ; que par suite, Mme X n'est pas fondée, à soutenir, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif a insuffisamment évalué le montant de la réparation des préjudices qu'elle a subis ;

Sur les conclusions de Mme X tendant à l'application des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier du Havre, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à Mme X la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner

Mme X à verser au centre hospitalier du Havre la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par lui, et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.

Article 2 : L'indemnité que le Tribunal administratif de Rouen, par l'article 1er du jugement en date du 26 juin 2003, a allouée à Mme X en réparation de son préjudice personnel est ramenée à la somme de 21 229 euros.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Rouen en date du 26 juin 2003 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Mme X versera au centre hospitalier du Havre la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Evelyne X, au centre hospitalier du Havre, à la caisse primaire d'assurance maladie du Havre et au ministre des solidarités, de la santé et de la famille.

Délibéré après l'audience du 3 mai 2005 à laquelle siégeaient :

- M. Gipoulon, président de chambre,

- Mme Signerin-Icre, président-assesseur,

- Mme Eliot, conseiller,

Lu en audience publique le 17 mai 2005.

Le rapporteur,

Signé : A. ELIOT

Le président de chambre,

Signé : J.F. GIPOULON

Le greffier,

Signé : G. VANDENBERGHE

La République mande et ordonne au ministre des solidarités, de la santé et de la famille en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

Le Greffier

G. VANDENBERGHE

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N°03DA01185


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation a 3 (ter)
Numéro d'arrêt : 03DA01185
Date de la décision : 17/05/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Gipoulon
Rapporteur ?: Mme Agnès Eliot
Rapporteur public ?: M. Paganel
Avocat(s) : ANDRE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2005-05-17;03da01185 ?
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