La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/05/2006 | FRANCE | N°05DA00202

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation a 3 (bis), 03 mai 2006, 05DA00202


Vu la requête, enregistrée le 17 février 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Y... , demeurant ..., par Me X... ; M. demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0203304 en date du 16 décembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 1995 et 1996 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la

somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative...

Vu la requête, enregistrée le 17 février 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour M. Y... , demeurant ..., par Me X... ; M. demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 0203304 en date du 16 décembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 1995 et 1996 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- en premier lieu, que la procédure est irrégulière ; que, d'une part en effet, le service n'a pas établi de dialogue contradictoire préalablement à l'envoi des demandes de justifications en méconnaissance de la charte du contribuable ; que la première rencontre avec le service pour évoquer les discordances entre les revenus déclarés et les comptes bancaires a eu lieu le 25 septembre 1998, soit cinq mois après l'envoi de la demande de justifications, le vérificateur s'étant contenté lors de l'entretien du 28 avril d'informer l'exposant de l'envoi de la demande de justification ; qu'en outre, le vérificateur n'avait pas, préalablement à cette demande de justification, restitué les documents en sa possession et notamment les extraits bancaires ; que, d'autre part, la procédure d'imposition d'office ne trouvait pas à s'appliquer dès lors que l'exposant a produit tous les éléments en sa possession et que certains documents ayant été saisis par l'autorité judiciaire, il était dans l'impossibilité matérielle de donner à l'administration certains des justificatifs demandés ; qu'il a précisé, dans ses lettres des 5 et 28 mai 1998, la teneur de ces documents, consistant en des relevés bancaires, des bordereaux de remises de chèques et des bordereaux de vente aux enchères publiques ; que si l'administration prétend avoir exercé son droit de communication, aucune information, ni aucune pièce n'a été transmise à l'exposant en dépit de sa demande du 27 juin 1998 ; que ces documents permettaient pourtant d'expliquer de l'origine des crédits bancaires ; qu'ainsi, l'exposant justifie avoir accompli toutes les démarches utiles pour récupérer ces documents et de ce qu'il a été dans l'impossibilité matérielle de produire les justifications demandées ; que, dès lors, la procédure de redressement contradictoire aurait du être suivie ; que la commission départementale des impôts ne s'est pas prononcé sur sa compétence ;

- en second lieu, que les impositions ne sont pas fondées dès lors qu'il a justifié de l'origine des crédits et des objets vendus ; que la commission a retenu la justification de certaines ventes de toiles et de poupées anciennes ; que c'est à tort que le vérificateur a rejeté les justifications présentées ; que l'attestation produite n'étant ni un acte, ni un contrat, elle n'avait pas à être enregistrée ou établie par un officier public ou ministériel ; que c'est à tort que le vérificateur a considéré que ces cessions démontraient un bénéfice très important et non déclaré dès lors que les ventes d'oeuvres d'art bénéficient d'une exonération en deçà de 20 000 francs par objet ; que le jugement attaqué ne répond pas à ce moyen et encourt pour ce seul motif l'annulation ; que l'exposant a procédé à la vente de valeurs mobilières et immobilières ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 juillet 2005, présenté pour l'Etat, par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, représenté par le directeur départemental des impôts ; le ministre demande à la Cour de rejeter la requête ;

Le ministre soutient :

- en premier lieu, que la procédure a été régulière ; que, d'une part en effet, le service a établi un dialogue contradictoire tout au long de la procédure conformément aux prescriptions de la charte du contribuable ; que l'avis d'examen contradictoire de situation fiscale personnelle a été adressé à M. le 21 octobre 1997, le pli n'ayant pas été retiré et une copie adressée le 17 novembre suivant ; qu'un entretien s'est tenu avec le contribuable le 28 avril 1998 ; que le service a adressé copie des relevés bancaires à l'intéressé qui les a reçus le même jour que la demande de justifications ; que le requérant a été à nouveau reçu le 25 septembre 1998 ; qu'il ne peut se prévaloir de dispositions de la charte du contribuable, relatives à l'exigence d'un débat oral, qui ne sont plus applicables depuis 1996 ; que, d'autre part, le recours à la procédure d'imposition d'office est régulier ; que l'origine des biens vendus n'a pu être déterminée pour les sommes ayant fait l'objet de la mise en demeure du 28 août 1998 ; que si le requérant prétend que certains documents justificatifs, dont il ne précise pas la nature, se trouvent entre les mains de la justice, l'impossibilité pour le contribuable de fournir ces pièces, dont l'administration a pu prendre connaissance, n'a pas motivé le recours à la taxation d'office ; qu'il a été fait application à bon droit de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales et que le contribuable supporte la charge de la preuve ;

- que les impositions sont bien fondées ; que pour expliquer l'importante discordance entre les revenus déclarés et les sommes créditant ses comptes, M. s'est prévalu de ventes d'objets de sa collection personnelle et, pour justifier de l'origine d'une telle collection, a présenté des bordereaux de vente tout en déclarant ne pouvoir produire d'autres justificatifs en raison d'une saisie opérée par l'autorité judiciaire ; qu'il a produit ultérieurement un détail de remise de chèques dont l'origine n'est pas justifiée, 20 bordereaux d'achats de poupées de collection et une attestation sur papier libre relative à l'acquisition de 120 toiles, qui n'a pas date certaine, en soutenant que les ventes de ces objets correspondaient à 60 % des ventes sur la période ; qu'à l'examen des pièces en possession de la justice, le service a constaté que seules dix de ces toiles et deux de ces poupées figuraient parmi les pièces cédées, les cessions étant constituées par une multitude d'objets divers dont l'origine n'a pas été établie ; qu'en conséquence, aucun lien entre les achats et les ventes, ni l'existence d'un éventuel remploi du patrimoine des requérants n'a été démontrée ; que les revenus déclarés ne permettent pas de financer les achats d'objets d'art, qui ne peuvent qu'avoir été réglés en espèces ; que les cessions de valeurs mobilières ont des montants insuffisants pour justifier les écarts entre revenus déclarés et crédits bancaires ; qu'ainsi, l'origine des biens ayant donné lieu aux cessions n'est pas établie ; que l'imposition à l'impôt sur le revenu est indépendante de l'application de la taxe prévue par les articles 150 V bis du code général des impôts ; qu'ainsi, les requérants n'établissent pas les dispositions des objets cédés à la l'ouverture de la période vérifiée, ni leurs modalités d'acquisition ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 mars 2006, présenté pour M. Y... , concluant aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 avril 2006 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Corinne Signerin-Icre, président-assesseur et M. Olivier Mesmin d'Estienne, premier conseiller :

- le rapport de Mme Corinne Signerin-Icre, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Z... Le Goff, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'en retenant dans les motifs de son jugement, que M. n'apportait, à l'appui de ses allégations relatives à des cessions d'objets d'art et de tableaux faisant partie de son patrimoine, que des justifications insuffisantes ou des documents dépourvus de valeur probante, le tribunal administratif a suffisamment répondu au moyen tiré par l'intéressé de ce que les crédits bancaires demeurés inexpliqués auraient pour origine de telles cessions ; que si pour étayer ce moyen, le requérant avait tiré argument des dispositions de l'article 150 V bis du code général des impôts, qui exonère les ventes d'oeuvres d'art dont le montant n'excède pas 20 000 francs de la taxe sur les métaux précieux, les bijoux, les objets d'art, de collection et d'antiquité, le tribunal n'était pas tenu de répondre à chacun des arguments avancés par M. ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : « En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements (…). Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés » ; qu'aux termes de l'article L. 69 du même livre : « … sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 » ;

Considérant, en premier lieu, que le caractère contradictoire que doit revêtir l'examen de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu en vertu des articles L. 47 à L. 50 du livre des procédures fiscales interdit au vérificateur d'adresser la notification de redressement qui, selon l'article L. 48 du même livre, marquera l'achèvement de son examen, sans avoir au préalable engagé un dialogue contradictoire avec le contribuable sur les points qu'il envisage de retenir ; qu'en outre, la « charte des droits et obligations du contribuable vérifié », rendue opposable à l'administration par l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, exige que le vérificateur ait recherché un tel dialogue avant même d'avoir recours à la procédure écrite et contraignante de l'article L. 16 du même livre ; qu'il résulte en l'espèce de l'instruction que le vérificateur, qui avait préalablement obtenu des établissements bancaires communication des relevés de compte de M. , a rencontré ce dernier le 28 avril 1998 au cours d'un entretien contradictoire et qu'à la suite de cet entretien, celui-ci a demandé que lui soit remise copie de ses relevés bancaires, qui lui ont été adressés le 30 avril ; que, dans ces conditions, alors qu'il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que lors de cet entretien le vérificateur se serait simplement borné, comme le prétend le requérant, à l'informer de l'envoi d'une demande de justification, M. n'est pas fondé à soutenir qu'il n'a pas bénéficié du dialogue contradictoire exigé par les dispositions susmentionnées avant que l'administration fasse usage la procédure prévue par l'article L. 16 du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en deuxième lieu, que les justifications apportées par M. à la demande de l'administration n'étaient pas suffisantes pour établir l'origine des crédits litigieux ; que si le requérant soutient qu'il était placé dans l'impossibilité d'apporter les justifications demandées en raison d'une saisie de documents opérée par l'autorité judiciaire, il résulte de l'instruction que l'administration, après usage de son droit de communication auprès de cette autorité, a constaté que ces pièces, qui contredisaient l'allégation du requérant selon laquelle les crédits inexpliqués provenaient de ventes d'objets d'art constitués à 60 % de tableaux et de poupées de collection, n'étaient pas de nature à expliquer l'origine des crédits litigieux et ne s'est pas fondée sur l'absence de production par le contribuable desdites pièces pour considérer que celui-ci n'apportait pas les justifications qui lui avaient été demandées ; qu'elle a, dès lors, régulièrement fait usage de la procédure de taxation d'office prévue par l'article L. 69 précité du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en troisième lieu, que si M. fait à nouveau valoir qu'il n'a pas obtenu communication des pièces obtenues par l'administration auprès de l'autorité judiciaire, il n'a pas demandé une telle communication dans sa lettre du 27 juin 1998 dans laquelle il se bornait à inviter l'administration à prendre connaissance des pièces saisies auprès du juge d'instruction ;

Considérant, enfin, que la circonstance que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'aurait pas répondu à la question que lui aurait posée M. sur sa compétence est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales relatif à la charge de la preuve lorsque la commission départementale des impôts directs et de taxes sur le chiffre d'affaires a été saisie : « … la charge de la preuve… incombe également au contribuable… en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69 » ; qu'en application de cette disposition, M. supporte la charge de la preuve du caractère mal fondé des impositions qu'il conteste ;

Considérant que les différents courriers que le requérant a adressés au cours de la procédure d'imposition, auxquels il se borne à renvoyer pour étayer l'allégation selon laquelle il aurait justifié de l'origine de l'ensemble des crédits bancaires litigieux, n'apportent pas la preuve des opérations alléguées ; que, notamment M. , qui fait valoir que ces crédits sont issus de cessions d'objets d'art et de tableaux faisant partie de son patrimoine, ne fournit pas la preuve qui lui incombe de la détention et de la vente de ces objets, l'attestation relative à l'acquisition par l'intéressé le 19 mai 1993 de 120 toiles étant, ainsi que l'a considéré à bon droit le tribunal administratif, dépourvue de valeur probante suffisante et n'étant, au surplus, pas de nature à établir le montant et les dates de réalisation du produit tiré de la vente de ces toiles ; que les autres pièces produites devant l'administration, qui consistaient en un détail de remises de chèques, dont l'origine n'est pas identifiée, et des bordereaux d'achats de poupées de collection en 1978 n'étaient pas davantage de nature à établir que les crédits bancaires provenaient de la vente d'objets d'art, faute notamment qu'un lien soit établi entre les achats et les ventes auxquelles aurait procédé le requérant ; que la seule circonstance que les ventes d'objets d'art d'un montant inférieur à 20 000 francs sont exonérées de la taxe sur les métaux précieux, les bijoux, les objets d'art, de collection et d'antiquité, n'est pas de nature à exonérer les contribuables de l'obligation de justifier, au regard de l'impôt sur le revenu, de la date et du prix d'acquisition de ces objets ; que M. ne peut dès lors être regardé comme justifiant de l'origine non imposable des sommes taxées d'office en revenus d'origine indéterminée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que M. demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. Y... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Y... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie sera transmise au directeur de contrôle fiscal Nord.

6

N°05DA00202


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation a 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 05DA00202
Date de la décision : 03/05/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Helmholtz
Rapporteur ?: Mme Corinne Signerin-Icre
Rapporteur public ?: M. Le Goff
Avocat(s) : DELERUE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2006-05-03;05da00202 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award