La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/05/2006 | FRANCE | N°04DA00473

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation a 3, 16 mai 2006, 04DA00473


Vu la requête, enregistrée le 4 juin 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société SOGEA NORD, dont le siège est 274 boulevard Clémenceau,

BP 3019, à Marcq-en-Baroeul (59703), par la SCP Courteaud-Pellissier ; la société SOGEA NORD demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 96-827 en date du 30 mars 2004 par lequel le Tribunal administratif de Lille a condamné la Ville de Lille à verser à la société J. M. X et M. Y la somme de 100 194,65 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 26 janvier 1996, et a condam

né l'exposante à garantir la commune à hauteur de la totalité de cette somme ;

2...

Vu la requête, enregistrée le 4 juin 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présentée pour la société SOGEA NORD, dont le siège est 274 boulevard Clémenceau,

BP 3019, à Marcq-en-Baroeul (59703), par la SCP Courteaud-Pellissier ; la société SOGEA NORD demande à la Cour :

11) d'annuler le jugement n° 96-827 en date du 30 mars 2004 par lequel le Tribunal administratif de Lille a condamné la Ville de Lille à verser à la société J. M. X et M. Y la somme de 100 194,65 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 26 janvier 1996, et a condamné l'exposante à garantir la commune à hauteur de la totalité de cette somme ;

2°) à titre principal, de rejeter la demande présentée par la société J. M. X et M. Y devant le Tribunal administratif de Lille et d'ordonner la mise hors de cause de l'exposante ;

3°) à titre subsidiaire, de rejeter, en tout ou partie, la demande de garantie présentée par la Ville de Lille devant le Tribunal administratif de Lille ;

4°) de condamner in solidum la Ville de Lille et la société J. M. X et M. Y à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- en premier lieu, que les études dont la société J. M. X et M. Y a sollicité le paiement n'étaient pas indispensables ; que, d'une part en effet, les écarts de tolérance constatés, de l'ordre de 30 %, n'étaient pas tels que cette société l'a prétendu ; que, d'autre part, ces écarts ne rendaient pas impossible la mise en oeuvre des platines par la société PMB Eiffel ; qu'enfin, et en tout état de cause, il pouvait être remédié à ces écarts de tolérance par d'autres solutions que celles préconisées par la société J. M. X et M. Y, aussi efficaces et d'un moindre coût ; qu'ainsi ces études n'étaient pas indispensables mais tout au plus utiles ; que, dès lors, dans la mesure où elles n'ont pas fait l'objet d'un ordre de service émis dans les conditions du cahier des clauses administratives générales (CCAG), la demande de la société X et Y tendant à la condamnation du maître d'ouvrage à rémunérer ces études n'était pas fondée ; que le jugement doit donc être annulé et la demande de la société X et Y rejetée ;

- en second lieu, que le coût des études ne peut lui être imputé dès lors que ces études n'ont pas été rendues nécessaires par le non respect de sa part des seuils de tolérance fixés par le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) ; qu'en effet, le lien de causalité entre l'état du gros oeuvre et les études, qui établirait ce critère de nécessité, n'est pas démontré ; que d'autres solutions d'un moindre coût et de nature à donner satisfaction au maître d'ouvrage étaient réalisables ; que le maître d'oeuvre s'est opposé à toute solution alternative à celle qu'il proposait alors que le maître d'ouvrage avait souhaité une collaboration avec l'entreprise et donné des critères d'acceptabilité afin d'éviter toute solution inopportune ; qu'en procédant de la sorte, le maître d'oeuvre a voulu en réalité remédier à d'autres non-conformités comme cela ressort de la lettre adressée par l'exposante au maître d'ouvrage le 10 avril 1995 ; que de ce fait, il s'est exposé à supporter, au moins en partie, le coût des études supplémentaires qu'il a exécutées alors qu'elles n'étaient pas indispensables ; que dans l'hypothèse où les études auraient au moins pour partie été rendues nécessaires par les propres négligences du maître d'oeuvre, il ne pourrait prétendre au paiement de leur intégralité quand bien même elles auraient été prescrites par le maître d'ouvrage ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 juin 2004, présenté pour la société SOGEA NORD, concluant aux mêmes fins que sa requête ; la société SOGEA NORD soutient, en outre, que le Tribunal n'aurait pas dû tenir compte du rapport d'expertise, à laquelle l'exposante n'a pas été partie, produit à une date qui ne lui a pas permis de faire valoir ses moyens en réplique, le Tribunal ayant refusé de faire droit à sa demande de report ; que si ce rapport fait état de ce que les travaux dont l'entreprise titulaire du lot façades a demandé le paiement ont été rendus nécessaires par suite des malfaçons affectant le support du gros oeuvre, faute pour l'entreprise SOGEA d'avoir respecté les tolérances indiquées dans le CCTP, ce rapport n'est pas opposable à l'exposante ; que les études, qui n'étaient pas indispensables, n'ont en outre pas été rendues nécessaire par le non respect par l'exposant des seuils de tolérance fixés par le CCTP ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 janvier 2005, présenté pour la SARL J. M. X et M. Y, dont le siège est ..., par Me Huet ; la SARL X et Y demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de condamner la société SOGEA NORD à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que les études supplémentaires qu'elle a exécutées ont été ordonnées par la Ville de Lille ; que de ce seul fait, elles ouvrent droit à rémunération, peu important qu'elles présentent un caractère indispensable ou utile ; qu'il ressort en effet des pièces qu'elle produit que la commune lui a demandé au cours de la réunion du 14 février 1995 de trouver des solutions adéquates pour remédier à la faute de la société SOGEA ; que cette demande a été confirmée par courrier du

15 février suivant ; que ces études ont été ensuite entérinées par la maîtrise d'ouvrage ; que la requérante ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 2-5 du CCAG travaux qui concernent les ordres de service adressés aux entreprises ; qu'en tout état de cause, un ordre de service peut être verbal ; que la commune a reconnu que le coût des études supplémentaires n'avait pas à être supporté par le maître d'oeuvre ; qu'il suit de là que le Tribunal n'a commis aucune erreur en condamnant la Ville de Lille à indemniser l'exposante du coût des études supplémentaires ;

- qu'en tout état de cause et à titre surabondant, alors que des travaux simplement utiles ouvrent droit à indemnisation dès lors que le maître d'ouvrage les a demandés, les études supplémentaires en cause revêtaient un caractère indispensable ; qu'elles avaient en effet pour objet de permettre la réalisation de l'ouvrage, le non respect par SOGEA des dispositions contractuelles ayant fait obstacle à la pose par la société PMB Eiffel des façades vitrées ; que des travaux supplémentaires indispensables sont indemnisables même s'ils ne font l'objet que d'un ordre de service verbal ; que par ailleurs, la requérante n'établit pas que des solutions alternatives moins coûteuses pouvaient être réalisées ; qu'elle n'a d'ailleurs transmis une proposition de solution que postérieurement à l'ordre de service adressé par le maître d'ouvrage à la société PMB Eiffel de réaliser les travaux conformément aux études de l'exposante, soit tardivement ; qu'en outre, elle ne proposait aucune solution valable ; que les écarts de tolérance constatés, relevés par deux fois par un cabinet de géomètres, ne rendaient pas les travaux impossibles ; qu'elle n'est pas davantage fondée à soutenir que les études n'auraient pas été rendues indispensables par les erreurs qu'elle a commises ; que le jugement n'est pas irrégulier dès lors qu'il ne se fonde pas sur le rapport d'expertise de

M. Z pour prononcer la condamnation de la commune et de SOGEA et que la demande de l'exposante était formulée contre le maître d'ouvrage ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 mars 2006, présenté pour la Ville de Lille, représentée par son maire, par Me Lemaire ; la Ville de Lille conclut au rejet de la requête ; elle soutient que les études supplémentaires dont la société X et Y a demandé la rémunération ont été rendues nécessaires par le non respect par la société SOGEA NORD des seuils de tolérance fixés par le CCTP, qui s'imposaient à l'entreprise sans que celle-ci puisse invoqué leur caractère trop restrictif ou superflu ; que son appel en garantie était dès lors bien-fondé ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mai 2006 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Corinne Signerin-Icre, président-assesseur et M. Christian Bauzerand, premier conseiller :

- le rapport de Mme Corinne Signerin-Icre, président-assesseur ;

- les observations de Me Delcourt, pour la société SOGEA NORD, et de Me Blandin, pour la SARL J. M. X et M. Y ;

- et les conclusions de M. Robert Le Goff, commissaire du gouvernement ;

Considérant que dans le cadre des travaux de rénovation du Palais des Beaux-Arts, dont la maîtrise d'oeuvre a été confiée à un groupement d'entreprises conjointes comprenant notamment la SARL J. M. X et M. Y, la Ville de Lille a chargé la société Sogea Nord Ouest, devenue SOGEA NORD, du lot n° 2 « fondations-gros oeuvre » ; que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lille a, d'une part, après avoir jugé que les études supplémentaires dont la SARL

J. M. X et M. Y demandait le paiement avaient été ordonnées par la Ville de Lille, condamné ladite commune à verser à cette société la somme de 100 194,65 euros et a, d'autre part, condamné la société SOGEA NORD à garantir la commune de cette condamnation au motif que les études en cause avaient été rendues nécessaires par le non respect par cette société des seuils de tolérance fixés par le cahier des clauses techniques particulières applicable (CCTP) au marché ; que la société SOGEA NORD demande l'annulation de ce jugement en contestant tant l'obligation de la commune à rémunérer les études que son obligation de garantie ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'il résulte de l'examen du dossier de première instance, auquel avaient été versées de nombreuses pièces établissant les manquements de la société requérante aux stipulations de l'article 1.6.7 du CCTP applicable à son marché, et du jugement attaqué, que les premiers juges ne se sont pas fondés sur les éléments du rapport de l'expert désigné dans le cadre du litige opposant la Ville de Lille au groupement d'entreprises conjointes PMB-Eiffel Constructions Métalliques pour considérer que les études supplémentaires dont le maître d'oeuvre demandait la rémunération avaient été rendues nécessaires par le non respect par la société requérante des clauses de son marché ; que, dès lors, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier faute pour le Tribunal de lui avoir laissé un délai suffisant pour produire un mémoire à la suite de la production de ce rapport par la SARL J. M. X et M. Y ;

Au fond :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du compte rendu de la réunion du 14 février 1995 tenue à la mairie de Lille, qui reprend les données collectées par un géomètre, d'une part, que des écarts importants ont été constatés entre les ouvrages réalisés par la société SOGEA NORD et les seuils de tolérance prescrits par l'article 1.6.7 du CCTP applicable au marché, d'autre part, que cette exécution défectueuse a placé les entreprises PMB-Eiffel Constructions Métalliques, qui avaient en charge le lot « façades-occultations », dans l'incapacité de poser les façades sur le bâtiment selon les plans d'exécution qui avaient été mis au point, enfin, que cette situation rendait indispensable la réalisation de nouvelles études et de nouveaux plans d'exécution ; que, dès lors, la SARL J. M. X et M. Y, qui s'est livrée à ces études supplémentaires conformément à la demande du maître d'ouvrage et sur la base desquelles il a été, le 28 mars 1995, donné ordre aux entreprises PMB-Eiffel Constructions Métalliques d'exécuter les ouvrages de façades, étaient, contrairement à ce que soutient la requérante, indispensables pour l'exécution des ouvrages dans les règles de l'art ; que même en l'absence d'un ordre de service du maître de l'ouvrage dans les conditions et formes prévues par le cahier des clauses administratives générales applicable, la société J. M. X et M. Y était fondée à en obtenir le paiement du maître de l'ouvrage ;

Considérant, en second lieu, que la société requérante n'établit pas, alors qu'il résulte de l'instruction qu'elle n'a pas présenté en temps utile une solution technique aux difficultés posées par ses manquements aux seuils de tolérance fixés pour ses ouvrages, que d'autres solutions d'un moindre coût étaient réalisables, ni que les études effectuées par la SARL J. M. X et M. Y auraient été réalisées aux fins de remédier à d'autres difficultés du chantier, auxquelles la requérante serait étrangère, ni qu'elles auraient pour partie été rendues nécessaires par les propres négligences du maître d'oeuvre ou destinées à remédier à des malfaçons dont il serait en partie responsable ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société SOGEA NORD n'est pas fondée à se plaindre de ce que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Lille l'a condamnée à garantir la Ville de Lille de la condamnation prononcée à l'encontre de cette collectivité, ni davantage, et sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité de ces conclusions, à demander l'annulation de ce jugement en tant qu'il prononce une condamnation à l'encontre de la Ville de Lille ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d'une part, qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la société SOGEA NORD une somme de

1 500 euros que la SARL J. M. X et M. Y demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant, d'autre part, que les mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SARL J. M. X et M. Y et de la Ville de Lille, qui ne sont pas, dans la présente instance, parties perdantes, la somme que demande la société SOGEA NORD au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société SOGEA NORD est rejetée.

Article 2 : La société SOGEA NORD versera à la SARL J. M. X et M. Y la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société SOGEA NORD, à la SARL J. M. X et M. Y, à la Ville de Lille et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

2

N°04DA00473


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 04DA00473
Date de la décision : 16/05/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme Helmholtz
Rapporteur ?: Mme Corinne Signerin-Icre
Rapporteur public ?: M. Le Goff
Avocat(s) : SCP COURTEAUD-PELLISSIER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2006-05-16;04da00473 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award