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24/05/2006 | FRANCE | N°05DA00656

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 1re chambre - formation a 3 (bis), 24 mai 2006, 05DA00656


Vu le recours, enregistré le 3 juin 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ; le ministre demande à la Cour :

11) d'annuler l'ordonnance n° 0407364 en date du 25 avril 2005 du vice-président du Tribunal administratif de Lille en tant qu'il a, à la demande de M. Stéphane X, annulé sa décision en date du 4 novembre 2004 retirant deux points au permis de conduire de M. X, l'informant des divers retraits de points précédents et de la perte de validité de son permis de conduire ;

2°) de rejeter la demande de M. X devant le Tribunal administratif de Li...

Vu le recours, enregistré le 3 juin 2005 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai, présenté par le MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ; le ministre demande à la Cour :

11) d'annuler l'ordonnance n° 0407364 en date du 25 avril 2005 du vice-président du Tribunal administratif de Lille en tant qu'il a, à la demande de M. Stéphane X, annulé sa décision en date du 4 novembre 2004 retirant deux points au permis de conduire de M. X, l'informant des divers retraits de points précédents et de la perte de validité de son permis de conduire ;

2°) de rejeter la demande de M. X devant le Tribunal administratif de Lille en tant qu'elle porte sur les décisions de retrait de points consécutives aux infractions commises les

28 novembre 2002, 25 février 2003, 6 juin 2003 et 16 mars 2004 ;

Il soutient que si l'intéressé n'a pas reçu, pour des raisons contingentes, les lettres simples qui notifient les retraits de points précédents, ces derniers conservent, toutefois, un caractère exécutoire ; qu'en l'espèce, les divers retraits de points ont été notifiés à M. X par la décision attaquée et ont ainsi acquis un caractère d'opposabilité à son encontre ; que, pour les infractions commises par

M. X les 24 septembre 2001 et 13 août 2003, les points retirés lui ont été restitués ; que, pour les infractions commises par l'intéressé les 28 novembre 2002, 25 février 2003, 6 juin 2003 et

16 mars 2004, l'intéressé a été dûment et régulièrement informé des retraits de points qu'il était susceptible d'encourir sur son permis de conduire ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 mai 2006 par télécopie et son original enregistré le 4 mai 2006, présenté pour M. Stéphane X, demeurant ..., par Me Gollain, qui conclut au rejet du recours et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; M. X fait valoir, à titre liminaire, que l'ordonnance ne pouvait faire l'objet d'un appel dès lors que celle-ci a été prise en se fondant sur un jugement « tête de série » passé en force de chose jugée ; qu'il n'a reçu ni l'information préalable ni les décisions du ministre l'informant du nombre de points affectés à son permis ; qu'en application des dispositions combinées de l'article R. 155 du code de procédure pénale et de l'article 6-3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le procès-verbal peut et doit être consulté par le prévenu ; que le ministre ne produit aucun document permettant de s'assurer qu'il l'a informé, par lettre simple, de chaque retrait de points et respecté ainsi les dispositions du 3° de l'article R. 223-3 du code de la route ; que la notification globale n'a aucune valeur juridique ; que les décisions ministérielles et préfectorales ne font apparaître aucune motivation suffisante au regard de la loi du 11 juillet 1979 ; qu'il n'est pas justifié que ces deux décisions ont été signées par des autorités disposant d'une délégation en bonne et due forme ; que c'est à bon droit que le Tribunal administratif a contraint le ministre à rétablir les douze points de son permis de conduire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 79-387 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu le code de la route, ensemble l'ordonnance n° 2000-930 du 22 septembre 2000 modifiée, le décret n° 2001-250 du 22 mars 2001, la loi n° 2003-495 du 12 juin 2003 et le décret n° 2003-642 du 11 juillet 2003 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience,

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 mai 2006 à laquelle siégeaient Mme Christiane Tricot, président de chambre, M. Olivier Yeznikian, président-assesseur et

Mme Agnès Eliot, conseiller :

- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président-assesseur ;

- et les conclusions de M. Jacques Lepers, commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité de l'appel :

Considérant que, contrairement à ce que soutient M. X, la circonstance que le

vice-président du Tribunal administratif de Lille se soit fondé, en application de l'article R. 222-1 6° du code de justice administrative, sur un jugement passé en force de chose jugée, pour prendre son ordonnance, ne fait pas obstacle à ce qu'un appel soit formé à l'encontre de ladite ordonnance ;

Sur la légalité de la décision ministérielle du 4 novembre 2004 :

Considérant que, par décision du 4 novembre 2004 notifiée par lettre recommandée, le ministre a prononcé le retrait de deux points correspondant à l'infraction commise par M. X le 16 mars 2004 et a informé ce dernier de la perte de validité de son titre de conduite ; que le ministre relève appel de l'ordonnance du vice-président du Tribunal administratif de Lille en date du

25 avril 2005 en tant qu'elle a annulé ses décisions de retraits de points correspondant aux infractions commises les 28 novembre 2002, 25 février 2003, 6 juin 2003 et 16 mars 2004 ;

Considérant qu'il résulte des dispositions, insérées au chapitre 3 du titre 2 du livre 2 du code de la route relatives au permis à points, que l'administration ne peut légalement prendre une décision retirant des points affectés à un permis de conduire, à la suite d'une infraction dont la réalité a été établie, que si l'auteur de l'infraction s'est vu préalablement délivrer par elle un document contenant les informations prévues aux articles L. 223-3 et R. 223-3 du code de la route, qui constituent une garantie essentielle lui permettant de contester la réalité de l'infraction et d'en mesurer les conséquences sur la validité de son permis ; qu'il appartient à l'administration d'apporter la preuve, par tous moyens, qu'elle a satisfait à cette obligation préalable d'information ; que les dispositions de l'article 537 du code de procédure pénale, selon lesquelles les procès-verbaux établis par les officiers ou agents de police judiciaire font foi jusqu'à preuve contraire, ne trouvent à s'appliquer qu'en ce qui concerne la constatation des faits constitutifs des infractions ; qu'elles ne s'appliquent pas à la mention portée sur ces procès-verbaux selon laquelle le contrevenant a reçu l'information prévue par les articles précités du code de la route ;

Sur les retraits de points correspondant aux infractions commises les 28 novembre 2002 et

25 février 2003 :

Considérant qu'il ressort des documents produits par l'administration que M. X a signé, les procès-verbaux des infractions commises les 28 novembre 2002 et du 25 février 2003, qui mentionnent non seulement que le contrevenant est susceptible de perdre respectivement deux et trois points de son permis de conduire mais également que : « le contrevenant reconnaît avoir reçu la carte de paiement et l'avis de contravention » ; que les avis de contravention remis à l'intéressé contenant l'ensemble des informations prévues par les dispositions précitées, l'administration doit être regardée comme établissant que l'intéressé en a reçu communication, lors de la constatation des infractions ;

Sur le retrait de points correspondant à l'infraction commise le 6 juin 2003 :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier d'appel que le procès-verbal de contravention non signé par M. X correspondant à l'infraction commise le 6 juin 2003 fait seulement état de la perte de deux points ; qu'un tel procès-verbal ne suffit pas à établir que M. X se serait vu délivrer l'ensemble des informations prévues par les dispositions précitées du code de la route ;

Sur le retrait de points correspondant à l'infraction commise le 16 mars 2004 :

Considérant qu'il ressort des documents produits par l'administration que M. X a signé le procès-verbal de l'infraction commise le 16 mars 2004, qui mentionne non seulement que le contrevenant est susceptible de perdre deux points de son permis de conduire mais également que : « le contrevenant reconnaît avoir reçu la carte de paiement et l'avis de contravention » ; que, si les dispositions des articles L. 323-3 et R. 323-3 du code de la route ont reçu une nouvelle rédaction issue respectivement de la loi n° 2003-495 du 12 juin 2003 et du décret n° 2003-642 du

11 juillet 2003, une telle modification n'a pas rendu obsolètes les mentions figurant sur les imprimés Cerfa de contravention ; que l'avis de contravention contenant l'ensemble des informations prévues par les dispositions précitées, l'administration doit être regardée comme établissant que l'intéressé en a reçu communication lors de la constatation de l'infraction ;

Considérant que, s'agissant des retraits de points correspondant aux infractions susmentionnées commises les 28 novembre 2002, 25 février 2003 et 16 mars 2004, il résulte de ce qui vient d'être dit, que M. X a signé les procès-verbaux correspondant auxdites infractions ; qu'il a, ainsi, contrairement à ce qu'il soutient, pu consulter lesdits documents ; que, par suite, les décisions de retrait en litige ne méconnaissent pas le principe du droit à l'information garanti par l'article 6-3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que les modalités de notification au conducteur des retraits de points de son permis de conduire prévue par les dispositions précitées de l'article L. 223-3 ne conditionnent pas la régularité de la procédure suivie et partant la légalité de ces retraits ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le vice-président du Tribunal administratif de Lille s'est fondé sur le défaut d'information préalable et de notification pour annuler la décision du 4 novembre 2004 du ministre de l'intérieur en tant qu'elle porte sur les trois retraits de points du permis de conduire de M. X consécutivement aux infractions commises les

28 novembre 2002, 25 février 2003 et 16 mars 2004 ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le Tribunal administratif de Lille et la Cour administrative d'appel de Douai à l'encontre de ces trois décisions de retrait de points ;

Considérant, d'une part, que M. Y, sous-directeur de la circulation et de la sécurité routière, a reçu délégation du ministre de l'intérieur, par arrêté en date du 2 avril 2004, publié au Journal officiel du 3 avril 2004, pour signer tous actes, arrêtés et décisions, dans la limite des attributions de la sous-direction dont il relève ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision contestée du 4 novembre 2004 ne peut qu'être rejeté ;

Considérant, d'autre part, que, contrairement à ce que soutient M. X, la décision contestée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, conformément aux exigences de la loi du 11 juillet 1979 susvisée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la décision du 4 novembre 2004 du ministre de l'intérieur est illégale en tant qu'elle procède au retrait de deux points consécutivement à l'infraction commise par M. X le 6 juin 2003 ; que, par suite, le ministre est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le vice-président du Tribunal administratif de Lille a annulé sa décision du 4 novembre 2004 en tant qu'elle retire sept points du capital des points affectés au permis de conduire de M. X consécutivement aux infractions qu'il a commises les 28 novembre 2002, 25 février 2003 et 16 mars 2004, et lui a enjoint de rétablir ces sept points au capital de points du titre de conduite de l'intéressé ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à M. X la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 0407364 en date du 25 avril 2005 du vice-président du Tribunal administratif de Lille est annulée en tant qu'elle annule la décision du 4 novembre 2004 du MINISTRE DE L'INTERIEUR, DE LA SECURITE INTERIEURE et DES LIBERTES LOCALES retirant sept points du capital des points affectés au permis de conduire de M. X consécutivement aux infractions commises par l'intéressé les 28 novembre 2002, 25 février 2003 et 16 mars 2004 et en tant qu'il lui a enjoint de rétablir ces sept points au capital des points de son titre de conduite.

Article 2 : La demande de M. X, dans la mesure où elle tendait, devant le Tribunal administratif de Lille, à l'annulation de la décision ministérielle du 4 novembre 2004 prononçant les retraits de sept points à la suite des infractions commises par l'intéressé respectivement les

28 novembre 2002, 25 février 2003 et 16 mars 2004 et au rétablissement de ces sept points à son capital de points est rejetée.

Article 3 : Le surplus du recours du MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. X au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE et à M. Stéphane X.

Copie sera transmise au préfet du Nord.

N°05DA00656 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 1re chambre - formation a 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 05DA00656
Date de la décision : 24/05/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme Tricot
Rapporteur ?: M. Olivier (AC) Yeznikian
Rapporteur public ?: M. Lepers
Avocat(s) : SELARL VIVALDI-AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2006-05-24;05da00656 ?
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